Assemblée générale: à l’heure des tensions géopolitiques, les délégations saluent le rôle impartial de la CIJ et soutiennent son appel pour des fonds supplémentaires
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Le Président de la Cour internationale de Justice (CIJ) a présenté, ce matin, devant l’Assemblée générale, le rapport annuel sur les activités de cette juridiction internationale pour la période allant du 1er août 2023 au 31 juillet 2024, marquée par de multiples saisines de la part des États Membres. Ils ont été nombreux aujourd’hui à renouveler leur confiance dans ce qui a été reconnu par plusieurs délégations comme le principal organe judiciaire du système des Nations Unies, le « plus efficace ». D’ailleurs, ont-ils été plusieurs à faire valoir, le Pacte pour l’avenir, adopté en septembre dernier, reconnaît pleinement la valeur intrinsèque de la Cour et a décidé de prendre des mesures appropriées pour qu’elle puisse s’acquitter de son mandat efficacement.
Lors de cette réunion qui s’est tenue au niveau ministériel, où près de 30 délégations se sont succédé aujourd’hui à la tribune, le Président de l’Assemblée générale, M. Philemon Yang, a mis en avant le rôle « indispensable » de la Cour, saluant ses avis consultatifs qui permettent « d’éclaircir et d’améliorer » le droit international. L’occasion pour M. Salam de plaider pour une hausse « modeste mais vitale » des ressources mises à sa disposition pour 2025, d’un montant de 1,1 million de dollars supplémentaires, soit 3,4% de plus que les crédits approuvés pour 2024.
Sans ce coup de pouce budgétaire, la Cour et le Greffe verraient leur fonctionnement entravé et ce sont les États Membres qui en « paieront les conséquences », a-t-il mis en garde. Une requête entendue par la majorité des délégations, à l’instar du groupe CANZ –Canada, Australie et Nouvelle-Zélande– qui a reconnu que les moyens dont dispose la CIJ sont insuffisants face à une charge de travail sans précédent.
La CIJ a prouvé que l’argent qui lui est alloué est un bon investissement, a argué le Groupe de Visegrad, formé de la Tchécoslovaquie, de la Hongrie, de la Slovaquie et de la Pologne, alors que la Chine a promis de continuer à jouer un rôle constructif pour permettre à la Cour d’honorer ses responsabilités. La Fédération de Russie a reconnu que le budget de la CIJ est insuffisant, sans commune mesure avec celui de la Cour pénale internationale (CPI), qui s’élève à 200 millions de dollars.
Dressant un bilan de la période examinée, le Président de la CIJ a fait état de 23 affaires pendantes devant la Cour, dont 5 nouveaux cas, 21 affaires contentieuses et 2 demandes d’avis consultatifs, dont l’une relative aux questions posées à la Cour par l’Assemblée. Pendant cette année-là, la Cour a rendu 2 arrêts, 1 avis consultatif et 27 ordonnances, a détaillé le magistrat. Les trois ordonnances rendues dans l’affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza, opposant l’Afrique du Sud à Israël, ont été aujourd’hui les plus commentées.
Les délégations se sont aussi appesanties sur l’avis consultatif rendu en juillet dernier sur les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, la présence de ce pays ayant été jugée illicite. Cet avis témoigne de la coopération entre deux organes principaux des Nations unies, la Cour et l’Assemblée générale, qui l’avait saisie à propos de cette question, a relevé M. Yang. L’Assemblée générale appelle donc tous les États à respecter les obligations qui leur incombent en vertu du droit international, comme le stipule cet avis consultatif, a insisté son Président.
En attendant, a fait observer la Chine, le conflit à Gaza continue de remuer la conscience de l’humanité tout en mettant au défi le droit international: « mettre fin à l’occupation n’est pas une option, c’est une obligation », a tranché cette délégation, tandis que le Luxembourg a affirmé qu’Israël doit donner effet à l’avis consultatif de la Cour. En revanche, les États-Unis ont rappelé qu’en vertu de ce que le Conseil de sécurité a souligné à plusieurs reprises, la résolution du conflit israélo-palestinien ne peut être obtenue que par le biais de négociations entre les deux parties.
Dans chacune de ses ordonnances, la Cour s’est dite gravement préoccupée par le sort des personnes enlevées pendant l’attaque commise en Israël le 7 octobre 2023 et détenues depuis lors par le Hamas et d’autres groupes armés, et a demandé la libération immédiate et inconditionnelle des otages, a tenu à rappeler M. Salam. Exerçant son droit de réponse, le représentant d’Israël a rétorqué qu’après avoir connu la « pire attaque de son histoire », son pays avait été forcé d’entrer en guerre, tout en étant confronté à une mobilisation vicieuse sur les scènes politique et juridique. Il n’y a pas de génocide à Gaza, a-t-il insisté. De plus, la Cour n’a pas encore commencé à examiner la recevabilité de cette requête « outrancière », a soutenu le délégué.
Sur les manquements allégués à certaines obligations internationales relativement au Territoire palestinien occupé, dans l’affaire opposant le Nicaragua à l’Allemagne, cette dernière a dit faire « tout ce qui est en son pouvoir pour assumer sa responsabilité » vis-à-vis des peuples israélien et palestinien, se disant prête à expliquer sa position avec tous les détails nécessaires.
S’agissant des affaires opposant l’Ukraine à la Fédération de Russie et inversement, les deux parties ont évalué positivement le travail de la CIJ.
La Russie a voulu détourner de manière cynique la Convention sur les crimes de génocide, a dénoncé l’Ukraine, convaincue que la Cour jouera un rôle essentiel pour appliquer comme il se doit cet instrument historique. Nous voulons une paix véritable, pas celle qui permettrait d’apaiser l’agresseur, a spécifié cette délégation. Quant à l’arrêt relatif aux exceptions préliminaires dans une autre affaire d’allégations de génocide, la Russie s’est félicitée que la Cour reste un îlot de stabilité juridique « dans l’océan sans fin » de l’instabilité politique et sur fond de nombreux processus internationaux chaotiques.
Au-delà, ont estimé plusieurs intervenants, il s’agit de respecter de bonne foi les obligations internationales découlant des décisions de la Cour, lesquelles sont impératives pour les parties l’ayant saisie, a rappelé le Chili, inquiet du nombre croissant de mesures conservatoires de la Cour qui ne sont pas mises en œuvre.
La lutte contre les changements climatiques a également été débattue aujourd’hui, les intervenants, dont le Président de l’Assemblée générale, ayant dit attendre avec impatience l’avis de la Cour sur les obligations qui incombent aux États à propos du réchauffement planétaire. Une procédure orale est d’ailleurs prévue en décembre prochain à ce sujet, a-t-il précisé. Sur ce point, la Chine a souhaité que soit maintenu le rôle indispensable de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, comme plateforme principale de négociation.
À noter que l’Assemblée générale était également saisie d’un rapport sur le Fonds d’affectation spéciale du Secrétaire général destiné à aider les États à porter leurs différends devant la CIJ.
L’Assemblée a également procédé à l’adoption sans vote d’une résolution présentée par le Turkménistan, qui consacre une « zone de paix, de confiance et de coopération de l’Asie centrale ». La délégation a salué le soutien interrégional vigoureux à ce texte, qui souligne la contribution de la sous-région au désarmement et à la non-prolifération à l’échelle mondiale. S’ils ont salué le consensus autour de ce document, les États-Unis ont souligné son caractère non contraignant, qui ne crée ni droit, ni obligation ou de mandat universel au regard du droit international.
Aux termes de cette résolution, l’Assemblée engage également tous les États d’Asie centrale à promouvoir une plus grande coopération régionale, notamment pour le développement économique et social et prie le Président de l’Assemblée générale d’envisager d’organiser à New York, durant l’actuelle session une réunion de haut niveau visant à promouvoir les zones de paix régionales existantes.
L’Assemblée générale conclura ce débat le mardi 29 octobre, à partir de 15 heures.
RAPPORT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE (A/79/4); RAPPORT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL (A/79/314)
Exposé
M. NAWAF SALAM, Président de la Cour internationale de Justice (CIJ), a présenté le dernier rapport de la CIJ, pour la période allant du 1er août 2023 au 31 juillet 2024, se réjouissant que le calendrier de la Cour soit resté chargé, le témoignage, selon lui, de la confiance que la communauté internationale a dans le principal organe judiciaire des Nations Unies.
Au regard des activités croissantes de la Cour, M. Salam a demandé une augmentation « modeste mais vitale » des ressources mises à sa disposition pour 2025, d’un montant de 1,1 million de dollars supplémentaires. Il s’agit d’une augmentation de 3,4% par rapport aux crédits approuvés pour 2024, a précisé le juge.
Dressant ensuite un bilan de la période examinée, M. Salam a fait état de 23 affaires en cours, dont 5 nouveaux cas, 21 affaires contentieuses et 2 demandes d’avis consultatifs, dont l’une relative aux questions posées à la Cour par l’Assemblée.
Au cours de la période examinée, la Cour a rendu 2 arrêts, 1 avis consultatif et 27 ordonnances.
Le premier arrêt, a commenté le Président, concerne l’affaire opposant l’Ukraine à la Fédération de Russie relative à l’application de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. La Cour a considéré qu’il n’avait pas été établi par le requérant que la Fédération de Russie avait violé ses obligations au titre de la Convention. En revanche, elle a constaté que la Russie avait violé ses obligations d’enquêter sur les allégations liées au financement du terrorisme par des délinquants présumés présents sur son territoire, a observé M. Salam. La CIJ a, par ailleurs, rendu un arrêt sur les exceptions préliminaires soulevées par la Fédération de Russie dans une autre affaire relative à des allégations de génocide entre l’Ukraine et la Fédération de Russie.
Quant à l’avis consultatif rendu en juillet, il porte sur les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
Abordant ensuite les ordonnances, le Président de la Cour s’est longuement attardé sur les trois rendues dans l’affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza, opposant l’Afrique du Sud à Israël. La dernière en date, rendue en mai dernier, demandait à Israël d’arrêter immédiatement son offensive militaire dans Rafah, et l’a exhorté, en outre, à prendre des mesures pour garantir l’accès sans entrave à la bande de Gaza à toute commission d’enquête, mission d’établissement des faits ou autre organisme chargé par les organes compétents de l’ONU d’enquêter sur des allégations de génocide. Enfin, elle demandait à Israël de lui soumettre, dans un délai d’un mois à compter de la date de l’ordonnance, un rapport sur l’ensemble des mesures prises pour donner effet à celle-ci.
Dans chacune de ces ordonnances, la Cour s’est dite gravement préoccupée par le sort des personnes enlevées lors de l’attaque en Israël le 7 octobre 2023 et détenues depuis lors par le Hamas et d’autres groupes armés, et a demandé leur libération immédiate et inconditionnelle, a tenu à rappeler M. Salam.
Au cours l’année de référence, une requête a été introduite par le Nicaragua demandant des mesures conservatoires de toute urgence pour obtenir que l’Allemagne suspende son assistance militaire à Israël. La Cour a estimé que les circonstances n’étaient pas, à l’heure actuelle, de nature à exiger l’exercice de son pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires.
Le magistrat a également évoqué l’affaire opposant le Mexique à l’Équateur à la suite de la violation par ce dernier des locaux de la mission diplomatique pour emmener de force l’ancien Vice-Président de l’Équateur, M. Glas Espinel, qui bénéficiait de l’asile politique. Là aussi, la Cour a jugé que les mesures conservatoires n’étaient pas nécessaires.
La Cour a entamé son délibéré sur le fond de l’affaire de la Délimitation terrestre et maritime et souveraineté sur des îles (Gabon/Guinée équatoriale), après avoir tenu des audiences publiques en septembre et octobre 2024, a poursuivi le juge.
Le Président a abordé, ensuite, deux affaires relatives à l’application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la première introduite par l’Arménie contre l’Azerbaïdjan, et la seconde, par l’Azerbaïdjan contre l’Arménie.
Abordant pour finir, la question liée à l’amiante au Palais de la Paix, et à la modernisation des locaux du siège de la Cour, vieux de plus de 100 ans, le magistrat a indiqué que les juges et les membres du personnel souhaitent travailler dans un environnement sûr et que ses activités ne soient pas entravées à un moment où sa charge de travail s’est alourdie.
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