En attendant l’« heure africaine », l’Assemblée générale achève son débat sur les progrès du développement durable en Afrique
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L’Assemblée générale a évalué, ce matin, les progrès accomplis dans la réalisation du développement durable en Afrique, dans le cadre du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique et l’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA). Elle était saisie, entre autres, d’un rapport du Secrétaire général sur l’analyse de la dette africaine qui dit qu’après avoir accédé à l’indépendance, le continent a dû financer par l’emprunt la refondation de ses économies à partir de zéro. Toutefois, les emprunts réalisés n’ont pas conduit à des investissements efficaces dans des secteurs stratégiques propres à stimuler la croissance économique.
Les conditions dont étaient assortis les prêts octroyés par les institutions financières internationales n’ont pas permis de modifier fondamentalement la structure des économies africaines, mais ont plutôt aggravé leur dépendance en les enfermant dans un cycle de dettes et de dépendance vis-à-vis de l’aide extérieure. Dans les décennies qui ont suivi, le montant total de la dette extérieure a continué d’augmenter, pour atteindre 237,5 milliards de dollars en 2000, puis a presque encore triplé pour s’établir à 655,8 milliards de dollars en 2022.
Face à tous ces problèmes et défis à relever, le Cameroun a appelé le Président de l’Assemblée générale à faire sonner, au cours de son mandat, « l’heure africaine » qui verrait toutes les forces bilatérales et multilatérales former une coalition avec celles de l’Afrique, résolument tournées vers l’action et non plus les déclarations, pour qu’émerge enfin une véritable renaissance africaine.
Réformer l’architecture financière et restructurer la dette
Avec une architecture financière internationale représentant mieux les besoins de l’Afrique, le continent serait positionné pour exploiter son énorme potentiel, a relevé le Président de l’Assemblée générale, M. Philémon Yang. Comme le dit le rapport sur l’analyse de la dette, les pays africains dépensent en moyenne deux fois plus au titre du service de la dette que pour la santé. Des ressources qui pourraient être utilisées pour investir dans les objectifs de développement durable le sont pour rembourser la dette. Dans le même temps, indique le rapport, le continent perd entre 500 et 600 milliards de dollars, par an, en raison des flux financiers illicites, de l’inefficacité des dépenses publiques, de la détermination peu judicieuse des prix de transfert, des niches fiscales et d’une passivité face aux possibilités offertes par le marché de droits d’émission de carbone.
Tout cela peut être vrai mais ce que l’Afrique veut, ce n’est pas la charité mais un accès aux financements avec des taux d’intérêt justes et compétitifs, a plaidé le Zimbabwe qui a aussi reproché aux agences de notation d’effectuer une évaluation « biaisée » des risques. Avec des conditions d’emprunt plus équitables et la suppression des étiquettes « injustes » sur les risques, l’Afrique pourrait renforcer sa résilience économique, réduire sa dépendance à l’aide extérieure et exploiter son potentiel de croissance et de développement.
Au nom du Groupe des États d’Afrique, le Tchad a ajouté qu’il faut réformer le cadre actuel du traitement de la dette au-delà de l’Initiative d’expansion du service de la dette. Il est important d’avoir une approche différenciée de l’allègement de la dette. La quatrième Conférence sur le financement du développement, prévue en 2025, doit être l’occasion de lancer les réformes nécessaires mais aussi de traiter de la question des flux financiers illicites et de l’évasion fiscale, a voulu le Zimbabwe.
D’autres délégations ont également souligné que le système financier international actuel ne répond en rien aux besoins de l’Afrique, d’où les appels à sa réforme dont celui de la Lettonie, en particulier pour lutter contre les flux financiers illicites. Le Nigéria en a profité pour réclamer une convention-cadre des Nations Unies sur la coopération fiscale internationale.
La Thaïlande a rappelé aux pays développés leur promesse de consacrer 0,7% de leur revenu national brut à l’aide publique au développement (APD). En plus de l’APD officiel, les États-Unis ont relevé que le secteur privé américain a investi quatre fois plus dans les économies africaines, citant l’exemple du projet du corridor de Lobito entre les océans Atlantique et Indien, pour lequel 3 milliards de dollars ont été consacrés en moins de 18 mois.
Les droits humains, paix et sécurité comme fondation du développement
Selon l’Indice Ibrahim de la gouvernance en Afrique de 2022, 70% de la population africaine subit la dégradation de la sécurité et de l’état, une tendance qui s’est accélérée ces cinq dernières années dans plus de la moitié des pays. Du continent, comme l’indique le rapport du Secrétaire général sur la promotion d’une paix durable par la voie du développement durable en Afrique.
Fort de ce constat, le Président de l’Assemblée générale a estimé que la paix durable nécessite le règlement urgent des conflits qu’il s’agisse du Sahel, du Soudan, de la République démocratique du Congo ou de la Somalie. Il faut aussi triompher du terrorisme et de l’extrémisme violent. La promotion de la paix et de l’état de droit en Afrique exige une stratégie globale qui englobe des réformes juridiques et de grandes transformations sociétales.
Au nom du Groupe des États d’Afrique, le Tchad a confirmé la nécessité d’une stratégie globale qui doit comprendre à un éventail de services adaptés aux différents besoins des sociétés africaines, dont des systèmes informels fondés sur le droit coutumier. L’accès à la justice, a prescrit le Président de l’Assemblée générale, signifie que l’on abatte les barrières systémiques qui perpétuent les cycles de pauvreté et barrent l’accès à l’éducation, à l’emploi et aux services sociaux.
La priorité doit être donnée aux communautés vulnérables et aux femmes qui doivent pouvoir libérer tout leur potentiel. En tant que Président de l’Assemblée générale, je m’engage à maintenir l’accent sur la promesse de l’Afrique, en restant focalisé sur l’Agenda 2063. Avec un juge pour 100 000 habitants, le Nigéria a souligné le rôle que peut jouer la coopération internationale.
Sur le plan sécuritaire, l’Ukraine a dénoncé l’action déstabilisatrice des mercenaires étrangers, principalement russes, dans certains pays africains. La Fédération de Russie s’est défendue en invoquant « l’histoire d’un partenariat étroit et mutuellement bénéfique ». Elle a fait le lien entre les conflits et le passé colonial qui a privé les États africains d’une vraie souveraineté politique et économique. L’Algérie n’a pas dit autre lorsqu’elle a dénoncé l’ingérence étrangère.
Des raisons d’espérer
Comme l’a relevé le Président de l’Assemblée générale, l’Afrique subsaharienne montre des signes de ténacité. Sa croissance économique devrait atteindre 3,4% en 2024 et 3,8% en 2025 et servir à sortir de la pauvreté 462 millions de personnes. Nous devons, a-t-il dit, faire notre part pour exploiter l’ingéniosité des Africains et jeter les bases d’une croissance inclusive et d’une prospérité partagée.
Avec de bons investissements dans l’éducation, les systèmes de santé, la technologie et l’entrepreneuriat, le potentiel des jeunes africains est sans limite. De même, avec une gestion financière plus efficace, une mobilisation plus forte des ressources nationales et une meilleure utilisation de la dette comme outil de développement, les économies africaines peuvent soutenir et augmenter leur taux de croissance. Avec un soutien financier international accru et des investissements sans risque, ces économies peuvent attirer encore plus d’investissements, réduire les coûts et mettre en lumière la perception exagérée des risques.
En 2025, l’Afrique du Sud assumera la présidence du G20 et mettra l’Afrique au centre de l’agenda, a annoncé la délégation sud-africaine qui a promis de mettre l’accent sur la question de la dette. Plusieurs orateurs ont dit placer beaucoup d’espoir sur la zone de libre-échange continentale. En attendant, l’Algérie a rappelé être à l’initiative, avec d’autres, d’une zone de libre-échange, de l’autoroute transsaharienne, du projet lié à la fibre optique et du système de gazoduc qui transporte du gaz de l’Afrique à l’Europe en passant par le territoire algérien.
Satisfait du Programme de communication sur le génocide des Tutsis en 1994, le Rwanda a indiqué qu’avec le soutien de l’ONU, il a installé le mémorial de la Flamme de l’espoir de Kwibuka dans les jardins de l’Organisation, le 11 septembre dernier.
L’Assemblée générale a prévu une autre séance publique demain mardi 15 octobre à partir de 10 heures pour examiner le rapport annuel de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).