Assemblée générale: au cinquième jour du débat général, l’Ukraine, le Moyen-Orient et la réforme du système international continuent d’irriguer les discours
Au cinquième jour du débat général de l’Assemblée générale des Nations Unies, une trentaine d’orateurs, essentiellement des ministres des affaires étrangères, ont pris la parole pour s’exprimer sur des thèmes déjà largement explorés les jours précédents par les Chefs d’État ou de gouvernement d’autres États Membres, qu’il s’agisse de la sécurité internationale, du développement, des changements climatiques ou encore de la réforme du système de Nations Unies et des institutions financières internationales.
Pour nombre d’intervenants, la recherche de la paix souffrirait du manque d’un « réel engagement », comme en témoignent l’augmentation continue des dépenses militaires partout dans le monde et la persistance du recours à une rhétorique accusatrice. Ces dépenses détournent des ressources qui pourraient permettre de faire face à la multiplication des menaces non traditionnelles, a ainsi déploré le Vice-Premier Ministre du Cambodge, pour qui tout faux pas dans les différents points chauds peut déclencher une guerre régionale, voire mondiale, pouvant impliquer des armes nucléaires. Le Secrétaire d’État du Saint-Siège a dénoncé une « troisième guerre mondiale fragmentaire », déplorant que l’engagement militaire reste la voie privilégiée, en lieu et place des gestes de bonne volonté et des espaces de dialogue direct.
La situation au Moyen-Orient est restée au centre des inquiétudes et des indignations. Le Ministre des affaires étrangères de la Chine a dénoncé dans la question de la Palestine « le plus grand affront à la conscience internationale », tandis que son homologue égyptien voyait dans « l’agression israélienne brutale » de Gaza et de la Cisjordanie une « tache sur la conscience de la communauté internationale et de ses institutions ». Le Conseil de sécurité prendra-t-il des mesures uniquement pour mettre fin aux atrocités d’Israël quand tous les Palestiniens seront déplacés, quand 100 000 Palestiniens seront tués, ou quand un conflit armé régional éclatera, s’est demandé le Ministre des affaires étrangères de l’Indonésie.
« Nous sommes en train de provoquer des générations de haine pour les 20 ou 30 prochaines années, de détruire l’espérance et de créer une future génération de membres du Hamas, du Hezbollah », s’est aussi emporté le Ministre des affaires étrangère du Luxembourg face à ceux qui demandent de choisir entre Israël et la Palestine: « On peut être pour la paix, pour les populations civiles, sans devoir choisir si on est pour une partie ou pour l’autre ». Rien ne justifie en effet l’immense souffrance et la punition collective imposée à la population de Gaza, tout comme est « dangereuse » la vision selon laquelle tout est noir ou tout est blanc, a abondé le Ministre des affaires étrangères de la Norvège, pays garant du processus d’Oslo sur le conflit israélo-palestinien.
La guerre en Ukraine a permis à plusieurs orateurs d’accuser la Fédération de Russie d’agression et de violation de la Charte, mais aussi à d’autres de s’afficher plus constructifs. La Chine a ainsi exposé son action « constructive », qui vise à éviter toute extension et toute escalade des combats, refuser la provocation des tensions et œuvrer à un apaisement rapide sans jeter de l’huile sur le feu, ni tirer profit du conflit. La Norvège, qui a, elle, rappelé qu’elle apportait aux Ukrainiens une aide conséquente, militaire et civile, prône également une « paix juste » pour l’Ukraine.
Le Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, qui a jugé « insensées » les « incantations » des maîtres occidentaux de Kiev sur l’absence d’alternative aux négociations basées sur la « formule de paix » du Président ukrainien, assimilée à un « ultimatum voué à l’échec », a rappelé que la Charte des Nations Unies ne pose pas seulement comme principe l’intégrité territoriale mais aussi l’obligation de respecter le principe de l'égalité souveraine de tous les États et le Droit des peuples à l’autodétermination.
Mais pour la Russie, la « minorité occidentale » est incapable de renoncer à ses pratiques néocoloniales consistant à siphonner les richesses naturelles et culturelles des pays du Sud. « Vivre selon le droit international équivaut pour un certain nombre de pays à une lente extinction », a abondé le Ministre des affaires étrangères du Bélarus. Le Ministre chinois a rappelé sa participation, avec le Brésil et d’autres États du Sud global, au Groupe des amis pour la paix, créé en marge des travaux de cette session afin de poursuivre les buts et principes de la Charte et fédérer les esprits en ce sens.
La nécessaire transformation de l’ordre international, du fait de l’échec du système actuel, a été de nouveau réclamée par de nombreux intervenants. Pour la Ministre des affaires étrangères du Mexique, « l’hégémonie néolibérale fait face à l’échec patent de son modèle de développement extractiviste, qui socialise les pertes, privatise les profits, appauvrit les peuples et dévaste la planète ». Son homologue de l’Inde a dénoncé « l’évasion des responsabilités » des pays développés en matière d’action climatique, qui compromet les perspectives de croissance des pays en développement, puisque la pénurie de ressources a pour effet de limiter la poursuite des objectifs de développement durable.
Plusieurs pays, comme Singapour, Cuba, l’Indonésie ou le Kazakhstan, ont appelé à d’amples consultations afin de réaliser la démocratisation des relations internationales et faire évoluer la gouvernance mondiale dans un sens juste et équitable. Si cette position était surtout celles de pays du « Sud global », un pays occidental tel que Saint-Marin souhaite lui aussi qu’on atteigne un « leadership sans hégémonie » par un dialogue continu entre les États et « la conscience que le dépassement des positions initiales respectives est essentiel pour négocier l’accord le plus vaste possible ».
Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est un monde sans blocus, ni sanctions unilatérales, basé sur le multilatéralisme, dans le plein respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, a affirmé le Ministre des affaires étrangères de Cuba, soumis depuis 60 ans à des sanctions unilatérales de la part des États-Unis, dont plusieurs États, notamment la Grenade, ont une fois encore réclamé la levée.
Ce qui est acquis, c’est qu’avec l’émergence des pays du Sud global, l’époque où une puissance ou deux dictaient la loi est « à jamais révolue », a résumé la Chine.
SUITE DU DÉBAT GÉNÉRAL
Déclarations
M. DICKON MITCHELL, Premier Ministre, Ministre des infrastructures et du développement physique, des services publics, de l’aviation civile et des transports et Ministre de la sécurité nationale, des affaires intérieures, de l’administration publique, de l’information et de la gestion des catastrophes de la Grenade, a attiré l’attention de l’Assemble générale sur deux « problèmes hémisphériques »: Cuba et Haïti.
Si la Grenade et la Communauté des Caraïbes (CARICOM) saluent la décision des États-Unis de retirer Cuba de leur liste des États qui « ne coopèrent pas pleinement » dans la lutte contre le terrorisme, elle reste sur la liste américaine des États qui parrainent le terrorisme et le blocus américain est maintenu. Pour le Premier Ministre, ce fait est troublant et le peuple cubain est contraint de subir cette imposition qui dure depuis 60 ans et qui n’a aucun objectif positif. Il a donc appelé à la levée du blocus qui pèse sur l’île.
S’agissant d’Haïti, M. Mitchell a souligné la crise humanitaire urgente, l’insécurité alimentaire aiguë et une situation sécuritaire difficile. Il a dit sa reconnaissance au Belize et à la Jamaïque d’avoir envoyé du personnel de sécurité pour soutenir les troupes kényanes, mais a rappelé que la question du financement de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMAS) reste essentielle. Il s’est dit en ce sens profondément intéressé par la proposition des États-Unis de transformer cette mission en une opération officielle de maintien de la paix des Nations Unies. Quelle que soit l’approche, la Grenade appelle la communauté internationale à faire sa part pour soutenir la Mission et pour atténuer la crise humanitaire.
Désireux d’adresser à l’Assemblée générale un message simple que résume la « résilience », le Premier Ministre a convenu qu’il s’agit d’un « terme à la mode, j’en suis conscient », pour ajouter aussitôt que « pour 16 millions de personnes dans la Communauté des Caraïbes, la résilience est la définition de la vie quotidienne ».
La résilience est aussi un itinéraire personnel, a affirmé M. Mitchell, qui a décrit le sien, celui d’un enfant né en 1977 dans un village sans eau ni électricité et devenu aujourd’hui Premier Ministre de son pays. Il a ainsi expliqué que, parmi ses principales priorités en tant que Chef de gouvernement, figure celle de veiller à ce que les enfants de la Grenade aient la possibilité d’apprendre, d’étudier et de réaliser leur plein potentiel.
M. Mitchell a également relaté la résilience dont son pays a fait preuve, lorsque notamment en 2004, l’ouragan Ivan a dévasté l’île, et que, moins d’un an plus tard, elle a été frappée par l’ouragan Emily. Il y a trois mois, ce sont les îles de Carriacou et Petite Martinique qui ont été frappées par l’ouragan Beryl, provoquant des destructions inimaginables, a-t-il rappelé.
La leçon apprise alors dans la CARICOM est que nous ne pouvons pas continuer à reconstruire après chaque tempête sans rechercher des solutions durables et que nous ne pouvons pas le faire seuls, que nous ne pouvons pas financer ces projets seuls, a insisté M. Mitchell. Pour lui, des pays comme la Grenade font leur part, mais ont besoin que la communauté internationale se mobilise et soutienne leurs efforts. Nous demandons plus qu’une simple aide financière; nous recherchons des partenariats avec lesquels nous pouvons travailler ensemble sur l’adaptation aux changements climatiques, a-t-il expliqué. Parce que nous pensons que la résilience que nous construisons aujourd’hui, grâce à la technologie, à l’innovation et aux partenariats, peut servir de modèle à d’autres, a-t-il conclu.
M. AMADOU OURY BAH, Premier Ministre de la Guinée, a évoqué trois « 28 septembre » ayant marqué l’histoire de son pays, « trois événements, trois moments qui incarnent l’esprit de résilience et de liberté de notre peuple ». Il a cité le 28 septembre 1958, voilà exactement 66 ans, lorsque le peuple de Guinée a choisi de voter massivement pour le « Non » au référendum proposé par le Général De Gaule, optant ainsi pour l’indépendance immédiate. Puis le 28 septembre 2009, quand ce même peuple a réclamé au prix d’un très lourd tribut sa pleine jouissance de la liberté, de la démocratie et de la dignité. Et enfin ce jour, 28 septembre 2024, lors duquel « nous renouvelons notre engagement en toute liberté envers ces dynamiques et forger un avenir fondé sur la paix, la justice et la dignité pour tous ».
M. Oury Bah a jugé impératif qu’en cette heure de grande turbulence mondiale, marquée par des conflits, des inégalités grandissantes et une crise climatique qui menace notre existence même, les États soient audacieux dans leurs actions et unis autour d’une vision commune. Estimant que l’esprit de solidarité et de coopération qui a guidé l’ONU depuis sa création est plus nécessaire que jamais, il a appelé les pays à la soutenir en s’inspirant notamment du relèvement de la Guinée amorcé en 2009 de manière responsable et transparente.
Le Premier Ministre a ensuite présenté le programme « Simandou 2040 », qualifié de projet emblématique qui incarne une véritable vision de l’avenir et placé au cœur de la transformation nationale de son pays. Ce programme, a-t-il expliqué, incarne bien plus qu’un simple projet minier, puisqu’il ambitionne de bâtir « un véritable programme sociétal et environnemental, où l’homme et son environnement coexistent en harmonie ». En allouant 20% des revenus générés au développement du capital humain, nous affirmons notre volonté de garantir que les retombées économiques de Simandou profitent directement à nos populations, a-t-il expliqué. M. Oury Bah a précisé que le projet repose sur une coopération internationale inédite, où les intérêts de grandes puissances comme la Chine et les États-Unis, habituellement rivales ailleurs, se combinent en Guinée dans un climat constructif.
Après avoir souligné que les valeurs de justice, de paix et de solidarité sont réaffirmées dans la nouvelle Constitution de la République de Guinée en préparation, le Premier Ministre a reconnu que le chemin vers la refondation ne peut être parcouru seul. La Guinée en appelle donc à un soutien international sincère et renforcé, fondé sur le respect mutuel, l’écoute, et l’accompagnement dans la poursuite de nos objectifs communs. La Guinée, a insisté M. Oury Bah, ne sollicite pas la compassion, elle propose un partenariat, une alliance active et dynamique, pour construire ensemble un monde où la paix, la justice, et la dignité sont des droits universels.
Par ailleurs, le Premier Ministre guinéen a déclaré que la lutte contre le terrorisme et les conflits armés ne peut être gagnée qu’en adoptant une approche elle aussi holistique, qui place la justice sociale, le développement équitable, et la solidarité régionale au cœur des efforts engagés. À cette aune, il estime qu’il est temps que le Conseil de sécurité des Nations Unies reflète véritablement la diversité et les aspirations du monde d’aujourd’hui, y compris celles de l’Afrique.
Concernant les changements climatiques, M. Oury Bah a indiqué qu’en réaffirmant l’engagement de son gouvernement à faire inscrire le massif du Fouta Djallon, « véritable château d’eau de l’Afrique de l’Ouest », sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, la Guinée envoie un signal fort en faveur de la préservation des écosystèmes, tout en prévenant d’éventuels conflits liés à la gestion des ressources en eau. Parce que garantir l’équilibre écologique de la région, c’est aussi garantir la paix pour les générations futures, il a demandé à la communauté internationale de renforcer ses engagements pour les objectifs de développement durable, en particulier pour les pays les moins avancés. « Il est urgent de garantir un financement climatique juste et d’adopter des politiques de transition énergétique qui ne laissent personne de côté », a-t-il insisté.
M.PETRO PAROLIN, Secrétaire d’État du Saint-Siège, s’est inquiété de l’augmentation du nombre et de l’intensité des conflits, insistant sur la nécessité de respecter un droit international humanitaire de plus en plus mis à mal par le ciblage des lieux de culte, des écoles et des hôpitaux. Il a le pointé le rôle déstabilisateur joué par des acteurs non étatiques violents dans de nombreuses crises à travers le monde, les appelant à renoncer à la violence et aux actes de terrorisme. Regrettant l’absence de « réel engagement » en faveur de la paix, il a jugé impératif de se départir de la tendance à utiliser une rhétorique accusatrice. Dans cette optique, il ne suffit pas d’éliminer les instruments de la guerre, il faut aussi en éradiquer les causes profondes, la première d’entre-elle étant la faim. Face à l’augmentation continue des dépenses militaires, il a souligné que le pape appelait les pays riches à « reconnaître la gravité de leurs choix passés et à se décider à annuler les dettes des pays qui ne pourront jamais les rembourser ».
Citant à nouveau le Saint-Père, M. Parolin a réaffirmé que « le chemin de la paix passe par le respect de la vie, de toute vie humaine, à commencer par la vie de l’enfant à naître dans le sein de sa mère, qui ne peut être ni supprimée ni transformée en objet de trafic ». Il a également dénoncé la gestation pour autrui comme une « grave violation de la dignité de la femme et de l’enfant, fondée sur l’exploitation de la situation matérielle des mères porteuses ». Il a appelé la communauté internationale à interdire cette pratique de manière universelle. Défendant ensuite la dignité des migrants, il a déclaré que les personnes en quête de refuge ne devaient pas être rejetées, mais accueillies avec respect et humanité. « Aucune machine ne devrait jamais pouvoir choisir de prendre la vie d’un être humain », a-t-il par ailleurs déclaré. Il est donc urgent de reconsidérer le développement des systèmes d’armes létales autonomes et, à terme, d’en interdire l’usage. Il a appelé à définir un cadre réglementaire éthique juridiquement contraignant, dans le domaine militaire que civil.
Le Secrétaire d’État a fait un vaste tour d’horizon mondial des crises, rappelant là encore la parole du pape qui évoque « une troisième guerre mondiale fragmentaire ». S’il est évident que l’engagement militaire reste la voie privilégiée dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine, il est toutefois essentiel d’encourager « les gestes de bonne volonté et les espaces de dialogue direct entre les parties concernées ». Il s’est dit préoccupé par l’instabilité qui déchire le Moyen-Orient, en particulier après l’attaque terroriste du 7 octobre 2023 menée par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens. Cependant, la réponse militaire d’Israël, compte tenu du nombre élevé de victimes civiles, soulève de nombreuses questions quant à sa proportionnalité, a-t-il considéré, avant d’appeler à un cessez-le-feu immédiat à Gaza et en Cisjordanie, ainsi qu’à la libération de tous les otages israéliens, et à un accès à l’aide humanitaire pour la population palestinienne. Il a réaffirmé le soutien du Saint-Siège à la solution des deux États, avec un statut spécial pour Jérusalem, exprimant sa vive préoccupation quant à la situation dans la Ville sainte, où le harcèlement et la discrimination ruinent la coexistence pacifique des chrétiens, des juifs et des musulmans. Il a condamné les actes antichrétiens perpétrés il y a plusieurs mois par une minorité de personnes juives et appelé les autorités à continuer à s’opposer fermement à cette dérive idéologique. L’intensification continue du conflit entre le Hezbollah et l’armée israélienne met en danger l’ensemble de la région, a-t-il averti, exigeant que toutes les parties respectent les principes du droit international humanitaire et concluent un cessez-le-feu sans délai.
M. WANG YI, Représentant spécial du Président Xi Jinping, membre du Bureau politique du Comité central du Parti communiste chinois et Ministre des affaires étrangères de la Chine, a décrit l’humanité comme étant à un « carrefour historique » et le monde comme étant soumis à des turbulences, mais aussi à des transformations. L’aspiration des pays du Sud global à la modernisation n’a jamais été aussi forte, et leur démarche en ce sens jamais été aussi ferme. Réaliser la modernité est un droit inaliénable de tous et non un privilège de certains. Aucune civilisation n’est supérieure aux autres; elles sont différentes. Il faut dès lors renoncer à la diplomatie des valeurs et refuser la confrontation idéologique, car dans le monde d’aujourd’hui, tous les pays sont égaux et souverains.
Avec l’émergence des pays du Sud mondial, l’époque où une puissance ou deux dictaient la loi est « à jamais révolue », a assené le Ministre chinois. Ce qu’il faut maintenant, c’est promouvoir un monde multipolaire, réaliser un véritable multilatéralisme, poursuivre le principe d’amples consultations, réaliser la démocratisation des relations internationales et faire évoluer la gouvernance mondiale dans un sens juste et équitable.
M. Wang a ensuite plaidé pour la paix, notamment en Ukraine. L’urgence, a-t-il dit, est de veiller à la non-extension et non-escalade des combats, la non-provocation des tensions et œuvrer à un apaisement rapide de la situation. La Chine poursuit son rôle constructif et ses navettes diplomatiques pour favoriser des pourparlers de paix. Elle ne souhaite pas jeter de l’huile sur le feu, ni tirer profit du conflit. En marge de cette session de l’Assemble générale, la Chine, avec le Brésil et d’autres pays du Sud mondial, a créé le Groupe des Amis pour la paix, dont le but est de poursuivre les buts et principes de la Charte relatifs à la paix et de fédérer les esprits en ce sens, a-t-il indiqué.
Pour M. Wang, la question de la Palestine est « le plus grand affront à la conscience internationale ». Le conflit persiste à Gaza, avec son lot quotidien de victimes innocentes. Au Liban, la force pourrait remplacer la justice. Un cessez-le-feu complet est la priorité absolue, de même que la solution des deux États est la voie fondamentale à suivre, a martelé le Ministre, insistant sur les efforts de son pays pour favoriser la réconciliation interpalestinienne et l’admission comme membre de plein exercice de l’État de Palestine à l’ONU. Il a également cité le cas de l’Afghanistan, disant qu’il faut aider ses autorités à adopter des politiques modérées, lutter contre le terrorisme et relancer l’économie.
Quant à la péninsule de Corée, elle ne doit plus retomber dans les conflits. Il faut inlassablement régler les différends par le dialogue et passer des mécanismes de cessation des hostilités à des mécanismes de paix. De la même manière, la Chine « s’oppose fermement à l’immixtion en Asie, de pays extérieurs à la région et aux agissements de forces visant à semer le trouble et à inciter à la confrontation dans la région », a-t-il averti. M. Wang a également abordé la question des mesures coercitives unilatérales prises. La répression et l’encerclement d’autrui ne résout pas les problèmes à domicile, a-t-il déclaré, appelant les États-Unis à lever l’embargo imposé à Cuba et à le retirer de la liste des pays soutenant le terrorisme.
M. MURAT NURTLEU, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Kazakhstan, a souligné combien le processus décisionnel du Conseil de sécurité de l’ONU est paralysé, le Secrétaire général lui-même considérant que cet état de fait porte atteinte à la crédibilité, à la légitimité et à l’efficacité de l’Organisation dans son ensemble. Pour M. Nurtleu, il est temps de mettre en œuvre le changement dont le monde a besoin. Il a à cet égard rappelé que l’année dernière, depuis la tribune de l’Assemblée générale, le Président kazakh avait présenté une initiative intitulée « Unité mondiale pour une paix juste et pour l’harmonie », ce cadre « visionnaire » visant à instaurer une culture de la paix, de la stabilité et de la sécurité grâce à une participation équitable du Sud et du Nord aux processus globaux de décision. Les voix des puissances moyennes et des pays en développement sont essentielles pour surmonter les divisions et favoriser une architecture de sécurité internationale plus efficace, a-t-il renchéri. C’est dans cet esprit qu’il a invité toutes les nations à adhérer à l’initiative de son pays, avançant que ce n’est qu’ensemble que les États peuvent ouvrir la voie à un monde plus harmonieux et plus uni.
Sur les questions proprement dites de sécurité internationale, le Ministre a affirmé que le risque accru d’une nouvelle course aux armements nucléaires exacerbe la polarisation géopolitique, rappelant que, pendant plus de quatre décennies, le peuple et le territoire du Kazakhstan ont subi les effets dévastateurs de 456 essais nucléaires. Le désarmement et la non-prolifération nucléaires sont des piliers essentiels de la politique étrangère de mon pays, a-t-il martelé. Après avoir appelé tous les États dotés d’armes nucléaires à adhérer au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et au Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), il a exhorté les pays qui ne l’ont pas encore fait à adhérer au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) dès que possible, « pour la sécurité, la stabilité et la survie de notre monde ». Il a annoncé à l’Assemblée générale qu’en tant que Président de la prochaine réunion des Parties au TIAN, son pays proposera la création d’un fonds international d’aide aux victimes des essais nucléaires. Par ailleurs, a-t-il fait savoir, le Kazakhstan accueillera un sommet régional sur le climat en 2026 et mettra l’accent sur la nécessité de renforcer la coopération entre les membres de l’ONU en matière de résilience climatique et de transition verte. De plus, c’est comme Président actuel du Fonds international pour le sauvetage de la mer d’Aral que le Kazakhstan travaille avec des partenaires régionaux sur un mécanisme de coopération durable et à long terme pour l’utilisation efficace des ressources en eau et en énergie en Asie centrale, a-t-il dit. Enfin, M. Nurtleu a annoncé que son pays, expert dans le secteur de l’action humanitaire au Moyen-Orient, organisera en 2025, à Astana, une conférence internationale sur les meilleures pratiques en matière de rapatriement et de réintégration des femmes et des enfants après les conflits.
M. CHENDA SOPHEA SOK, Vice-Premier Ministre du Cambodge, a constaté que « le tableau du monde actuel est bien sombre ». Il a regretté que les conflits violents en Ukraine, à Gaza, au Soudan, au Myanmar et dans de nombreuses autres régions du monde fassent rage malgré les efforts de désescalade. « Tout faux pas dans les différents points chauds peut déclencher une guerre régionale, voire mondiale, pouvant impliquer des armes nucléaires », a-t-il averti. Constatant l’augmentation des dépenses militaires dans le monde entier, il a affirmé qu’elles détournent des ressources qui pourraient permettre de faire face à la multiplication des menaces non traditionnelles, qu’aucun pays ne peut affronter seul.
Espérant une fin rapide de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, par la diplomatie et le dialogue, le Vice-Premier Ministre a salué tous les efforts de désescalade et toutes les initiatives politiques qui engagent en faveur d’une paix durable. Évoquant le conflit israélo-palestinien, il a réaffirmé le soutien de longue date de son pays à la solution des deux États, rappelant qu’il appuyait à la fois la création de l’État de Palestine et sa candidature à un statut de membre à part entière des Nations Unies. Le Cambodge, qui condamne tous les actes de terrorisme, appelle à mettre fin à la guerre en cours à Gaza. Se disant en outre « vivement préoccupé par la perspective d’une guerre totale au Moyen-Orient » liée à l’intensification des combats au Liban, M. Sok a affirmé que l’escalade dans la région devait cesser et appelé la communauté internationale à se mobiliser à cette fin.
En tant que membre de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), le Cambodge réaffirme son attachement au plan en cinq points de l’organisation comme base d’une solution pacifique et inclusive à la crise au Myanmar. Il juge nécessaire de mettre en place un processus politique contrôlé par le Myanmar en vue d’une paix durable, ainsi qu’apporter une assistance humanitaire. Le Vice-Premier Ministre a salué la nomination de l’Envoyée spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour le Myanmar et dit espérer qu’elle travaillera en étroite collaboration avec l’Envoyé spécial de la présidence de l’ASEAN pour le Myanmar.
Compte tenu du passé sombre du Cambodge, nous pensons que la paix est une condition sine qua non du développement, a expliqué le Vice-Premier Ministre, ajoutant que l’actuelle stratégie de développement à long terme du Cambodge, appelée Stratégie pentagonale, visait à en faire une société dynamique et juste, politiquement stable, bien gouvernée et respectueuse de l’état de droit. Il a indiqué qu’avec une croissance économique qui devrait atteindre 6% en 2024, le Cambodge était en passe de réduire le taux de pauvreté à moins de 10% d’ici à 2028, d’obtenir le statut de pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure d’ici à 2030, et le statut de pays à revenu élevé d’ici à 2050. Pour ce faire, le Cambodge accordera une priorité absolue au développement de son capital humain, en vue de répondre aux exigences de l’ère numérique, a-t-il indiqué. Expliquant que le deuxième pilier du développement s’appuyait sur des secteurs clefs tels que les transports et l’énergie, il a salué comme un tournant majeur la construction du canal Funan Techo, qui relie Phnom Penh au golfe de Thaïlande. Il s’est aussi félicité du développement de l’accès aux services publics en ligne, ainsi que de l’introduction d’un système de paiement numérique par la Banque centrale utilisant la technologie de la chaîne de blocs.
« Il est temps que les États Membres réaffirment leur attachement envers le système mondial et rétablissent la confiance en celui-ci », a affirmé le Vice-Premier Ministre, pour qui le Conseil de sécurité devrait être plus représentatif et mieux adapté aux besoins du XXIe siècle. Rappelant que son pays avait envoyé plus de 9 000 Cambodgiens servir dans 11 missions de paix des Nations Unies, il a demandé le soutien des États Membres à sa candidature au Comité d’organisation de la Commission de consolidation de la paix pour la période 2025-2026. Enfin, il a rappelé que son pays accueillerait en novembre la cinquième Conférence d’examen de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel, dite Convention d’Ottawa.
M. XAVIER BETTEL, Vice-Premier Ministre, Ministre des affaires étrangères et du commerce extérieur, Ministre de la coopération et de l’action humanitaire du Luxembourg, a évoqué la multitude de conflits autour du globe et a voulu s’attarder sur l’Ukraine. « Pourquoi cette guerre? » a-t-il demandé, en remarquant la présence de représentants de la Fédération de Russie dans la salle. Critiquant quelques arguments avancés pour justifier cette agression, il a ajouté: « Commencer la guerre est facile, la terminer est ce qui demande de la grandeur. » Pour trouver une solution pérenne, tous les partenaires doivent pouvoir être réunis autour de la table, a martelé M. Bettel.
S’agissant du conflit entre le Hamas et Israël, il faut être conscient qu’il n’y aura pas de vainqueur dans cette guerre. Comment expliquer à un jeune Israélien que la Palestine est un pays ami alors que son frère ou sa sœur sont peut-être encore otages du Hamas? Comment expliquer à un jeune Palestinien qu’Israël est un pays voisin ami alors qu’il a enterré ses parents la veille? s’est encore demandé M. Bettel. Selon lui, « nous sommes en train de provoquer des générations de haine pour les 20 ou 30 prochaines années ». Évoquant la mort du chef du Hezbollah, il a dit que les organisations terroristes sont comme des pieuvres: lorsqu’on leur coupe un bras, il y en a un autre qui repousse. « Le meilleur rempart contre le fanatisme est d’avoir une espérance en tant que jeune, et nous sommes en train de détruire l’espérance et de créer une future génération de membres du Hamas, du Hezbollah », a mis en garde le Vice-Premier Ministre.
Il a également rendu hommage au personnel de l’UNRWA qui continue de travailler dans des conditions extrêmement difficiles. « Il n’y a pas d’alternative à l’UNRWA » sur le terrain, a-t-il lancé à Israël qui veut l’inscrire sur une liste d’organisations terroristes. Il a dit comprendre qu’Israël a le droit de se défendre, « mais il y a des limites ». Par ailleurs, M. Bettel s’est énervé contre ceux qui demandent de choisir entre Israël et la Palestine: « on peut être pour la paix, pour les populations civiles, sans devoir choisir si on est pour une partie ou pour l’autre ». Estimant qu’une paix durable ne peut être établie qu’en respectant les droits fondamentaux de tous, le Luxembourg a réitéré son soutien à la solution des deux États.
M. Bettel s’est ensuite inquiété de la situation au Sahel, région affectée par des coups d’État et par l’instabilité. En tant que Ministre de la coopération du Luxembourg, M. Bettel a indiqué avoir imposé de nouveaux critères pour les partenariats en demandant que les droits des uns et des autres soient respectés et de ne pas revenir en arrière, notamment en ce qui concerne les droits des femmes, des minorités, des personnes LGBT, et le droit de pratiquer une religion, quelle qu’elle soit. La diversité fait la richesse d’un pays, a-t-il assené. « Sans vouloir donner de leçons à qui que ce soit », il a insisté sur le maintien de l’état de droit.
Au sujet de l’environnement, il a regretté que le sujet soit un peu passé « à la trappe », demandant de ne pas oublier que certains pays risquent de disparaître, en particulier des petites îles. Selon lui, la COP 29 qui aura lieu à Bakou prochainement sera un moment très important. Il a appelé l’Azerbaïdjan et l’Arménie à faire la paix. Enfin, M. Bettel a plaidé pour une réforme du Conseil de sécurité. Il a dit ne pas s’opposer à ce que l’Afrique soit représentée parmi les membres permanents mais a souligné que « ce n’est pas en élargissant le cercle des privilégiés qu’on sera plus efficace ». En revanche, il s’est opposé à ce qu’un membre permanent puisse bloquer un processus. Il a proposé d’établir de nouvelles règles afin de rendre le veto ineffectif dans certains cas. « Être un membre permanent de cette Organisation n’est pas un privilège mais une responsabilité. »
M. ABDOULAYE MAIGA, Vice-Premier Ministre, Ministre d’État et Ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation du Mali, a décrit son pays comme un pays ayant connu, depuis 2012, une crise multidimensionnelle complexe qui a entraîné la perte de plus de la moitié de son territoire et de nombreuses victimes innocentes. Il en a attribué la cause à l’association « à la fois incestueuse et opportuniste » de groupes terroristes et de groupes armés, mais aussi à l’intervention militaire « hasardeuse » de l’OTAN en Libye, qui a aggravé l’insécurité dans les pays du Sahel. M. Maiga a cité comme conséquences le terrorisme, les trafics en tout genre, le blanchiment de capitaux et des conflits communautaires manipulés par « les terroristes et leurs sponsors étatiques étrangers ».
Constatant « l’échec des forces internationales présentes au Mali depuis 2013 », le Mali a décidé de « reprendre son destin en main » en réorganisant de fond en comble ses Forces de défense et de sécurité, a expliqué le Ministre. « Violenté, humilié, pillé et torpillé, abandonné en plein vol, poignardé dans le dos », le Mali s’est vu contraint d’élaborer une vision réaliste de la géopolitique en suivant un adage populaire bambara: « la succulence de la sauce des uns dépend du pillage des bovins des autres ». Ne souhaitant ni devenir des prédateurs –« barbares sans foi ni loi à la recherche des bovins d’autrui »– ni demeurer d’éternelles victimes, les Maliens ont choisi une voie médiane, veillant au respect de leur souveraineté tout en respectant celle des autres, a exposé le Ministre. Des principes et valeurs caractérisant, mutatis mutandis, les peuples frères burkinabé et nigérien, a-t-il ajouté.
Le peuple malien a choisi de mener des réformes politiques avant d’organiser les élections, en vue d’ancrer profondément une gouvernance vertueuse, a poursuivi M. Maiga: mise en place d’une autorité indépendante de gestion des élections; adoption d’une nouvelle Constitution le 22 juillet 2023, par suite d’un référendum bien organisé; réorganisation territoriale et administrative; renforcement de la lutte contre la corruption; refonte du code minier, favorisant le « contenu local ». Un dialogue intermalien a aussi permis aux Maliens « de laver leur linge sale en famille » sans interférence extérieure, contrairement à l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger qui, a-t-il rappelé, « a pris fin » le 25 janvier 2024.
Toutes les régions ont été reprises aux groupes terroristes, a assuré le Ministre. Aujourd’hui « sérieusement affaiblis », ceux-ci gardent toute de même une certaine capacité de nuisance, a-t-il concédé, avant d’en trouver la raison dans le « soutien de sponsors étatiques étrangers », notamment de nationalité « ukrainienne », que le Ministre a condamnés dans les termes les plus fermes pour avoir participé à une « lâche attaque terroriste » ayant visé une patrouille malienne, du 24 au 26 juillet 2024, à Tinzawatène, dans la région de Kidal.
L’Alliance des États du Sahel formée en septembre 2023 avec la signature de la Charte du Liptako-Gourma par le Mali, le Niger et le Burkina Faso a été transformée en confédération et deviendra à terme une « fédération », a en outre affirmé M. Maiga. Selon lui, l’entité a déjà obtenu des résultats rapides et édifiants dans la lutte contre le terrorisme. Dans ce cadre, la Confédération a d’ailleurs demandé en août dernier au Conseil de sécurité de prendre des mesures appropriées contre les autorités ukrainiennes. S’étonnant de « l’hostilité farouche » envers la Confédération, notamment de la part de certains responsables de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest « aux ordres d’entités impérialistes et néocoloniales », le Ministre a annoncé que la Confédération était ouverte à tous les investisseurs, à condition que le partenariat profite aux populations sahéliennes et respecte la souveraineté des États.
Mme RETNO LESTARI PRIANSARI MARSUDI, Ministre des affaires étrangères de l’Indonésie, a déclaré que son pays ne peut rester les bras croisés et se détendre en voyant l’injustice qui continue d’être commise contre le peuple palestinien. Au moment où je parle, plus de 41 000 personnes ont été tuées à Gaza et la situation en Cisjordanie et au Liban se détériore, s’est-elle désolée. « Le Conseil de sécurité prendra-t-il des mesures pour mettre fin aux atrocités d’Israël seulement quand tous les Palestiniens seront déplacés, quand 100 000 Palestiniens seront tués ou quand un conflit armé régional éclatera? » Si c’est le cas, il sera trop tard, a-t-elle prévenu. Elle a ensuite rappelé que pendant que le Premier Ministre Netanyahou déclarait hier à cette tribune qu’Israël cherche et aspire à la paix, il ordonnait des attaques aériennes massives sans précédent sur Beyrouth. M. Netanyahou veut que la guerre continue, a-t-elle accusé, demandant de faire pression sur Israël pour qu’il revienne à une solution politique.
La Ministre a aussi rappelé que l’écrasante majorité des membres de l’ONU soutiennent fermement la solution des deux États. « C’est le bon moment pour joindre le geste à la parole. » Reconnaître l’État de Palestine est le moins que nous puissions faire maintenant, pour donner à la Palestine un pied d’égalité sur la scène internationale et pour exercer une pression sur Israël afin qu’il cesse ses atrocités, a-t-elle fait valoir. « Par conséquent, j’exhorte les pays qui n’ont pas encore reconnu l’État de Palestine à le faire maintenant. » La Ministre a vu la reconnaissance de la Palestine, aujourd’hui, comme « un investissement » qui permettrait d’avoir un monde plus pacifique, plus juste et plus humain. Pour sa part, le rôle du Conseil de sécurité est de maintenir la paix, de créer la paix, et non de maintenir et de prolonger les guerres, ou pire encore de soutenir les auteurs d’atrocités, a déclaré la Ministre en prévenant que « l’inaction est synonyme de complicité ».
La Ministre a aussi déclaré que son pays porte la voix du Sud mondial et ce, depuis 1955 lorsque l’Indonésie a accueilli la Conférence Asie-Afrique à Bandung. L’esprit d’égalité, de coopération et de solidarité de Bandung sera toujours vivant pour inspirer le Sud mondial à obtenir ses droits, y compris son droit au développement, a-t-elle assuré. Elle a recommandé de faire preuve de ce même esprit pour avoir un leadership mondial où les vertus morales sont la boussole des toutes les activités. « N’enterrons pas les principes de la Charte des Nations Unies et du droit international » sous les décombres du « deux poids, deux mesures », du déficit de confiance et du jeu à somme nulle, a-t-elle prié. La Ministre a mis en garde que le leadership mondial ne sera jamais atteint par la domination de la force et la peur. Ce leadership doit plutôt guider les actions collectives en écoutant, en favorisant la collaboration et en insufflant l’espoir. C’est un « leadership sans hégémonie » qu’il nous faut, a plaidé la Ministre.
Elle a donc prôné un leadership inclusif, notamment par la réforme du système multilatéral et en particulier du Conseil de sécurité. Il faut ensuite assurer un avenir résilient pour une prospérité partagée, a-t-elle ajouté en misant sur le potentiel du Pacte pour l’avenir pour arriver à réaliser les ODD. Elle a encore recommandé de favoriser la collaboration mondiale, arguant que la mentalité du « gagnant rafle tout », « à prendre ou à laisser », ne devrait plus exister.
M. SERGEY LAVROV, Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, s’en est d’emblée pris aux États-Unis et à leurs alliés par divers exemples historiques. Rappelant que ce pays s’était engagé, lors du « Sommet mondial » des Nations Unies de 2005, à « établir un monde juste conformément aux principes et aux objectifs de la Charte des Nations Unies », il a affirmé que cela n’avait pas empêché les États-Unis de pousser le dirigeant géorgien de l’époque, M. Saakachvili, à déclencher une agression armée contre le peuple d’Ossétie du Sud et les soldats de maintien de la paix russes, en 2008. De même, « trois ans plus tard, l’OTAN a organisé l’intervention militaire en Libye, détruisant son État et déstabilisant les pays voisins », a-t-il poursuivi.
M. Lavrov a également reproché au camp occidental d’être incapable de renoncer à des pratiques néocoloniales consistant à siphonner les richesses naturelles et culturelles des pays du Sud, malgré les promesses faites lors du Sommet de 2015 sur le développement durable. Qualifiant ces dernières de « déclarations creuses », il a invité l’assistance à regarder « les statistiques sur la réalisation des promesses pour financer le développement des pays du Sud et y transférer des technologies respectueuses de l’environnement ». Il a également accusé les États-Unis et leurs alliés de poursuivre, contre l’écrasante majorité des États Membres, des velléités d’hégémonie mondiale tous azimuts, en voyant une preuve dans le maintien de l’embargo commercial contre Cuba depuis plus de 60 ans et les bâtons que Washington n’a de cesse de mettre dans les roues de l’Organisation mondiale du commerce.
M. Lavrov a encore vu la main de la « minorité occidentale » dans le fait que les changements attendus dans la réforme de l’ONU sont notamment freinés par l’octroi de l’essentiel des postes occupés au Secrétariat à des représentants de cette « minorité ».
Pour la Russie, réanimer l’ONU nécessite d’en finir avec les sommets et les déclarations déconnectés de la réalité: ce qu’il faut, a affirmé le Ministre, c’est restaurer une confiance fondée sur le principe constitutionnel de l’égalité souveraine de tous les États Membres. Ainsi faut-il faire le contraire de ce qui a conduit à l’adoption du Pacte pour l’avenir, un document « adopté sans qu’il y ait eu la moindre séance plénière » et rédigé pendant 18 mois sous le contrôle des « manipulateurs occidentaux ». « Résultat: le Pacte, avant même d’exister réellement, a déjà rejoint le panthéon des déclarations d’intention écrites dans un anglais magnifiquement formulé mais qui ne fonctionnent pas », a affirmé M. Lavrov.
Il a également vivement critiqué le fonctionnent du Conseil de sécurité, dénonçant le sabotage par les Occidentaux des processus relatifs au Kosovo, à la Bosnie-Herzégovine et à la création d’un État palestinien indépendant vivant dans la paix et la sécurité aux côtés d’Israël. Jugeant sévèrement tous ceux qui exigent que le reste du monde suive leurs « règles », le Ministre a soutenu que c’est la présence d’une « célèbre coalition » qui, en envahissant l’Afghanistan, a provoqué la formation d’Al-Qaida, que l’invasion de l’Iraq eut pour conséquence directe la création de l’État islamique, que le déclenchement de la guerre en Syrie a donné naissance au Front el-Nosra et que la destruction de la Libye a ouvert les vannes de la pénétration du terrorisme dans la région saharo-sahélienne et de l’afflux de millions de migrants illégaux vers l’Europe.
À ceux qu’il a appelés les « stratèges anglo-saxons », le Ministre a souligné que leurs projets n’échappaient à personne: « vaincre la Russie avec les mains du régime néonazi illégitime de Kiev ». Il a jugé insensé de vouloir préparer l’Europe à se lancer dans une aventure suicidaire, à savoir lutter jusqu’à la victoire avec une puissance nucléaire comme la Russie.
Non moins insensées sont les incantations des maîtres occidentaux de Kiev sur l’absence d’alternative aux négociations basées sur la fameuse « formule de paix », a ajouté M. Lavrov, qui a comparé cette formule à une ultimatum voué à l’échec. Il a rappelé que la Charte des Nations Unies ne pose pas seulement comme principe l’intégrité territoriale, ainsi que son Article premier proclame aussi l’obligation de respecter les principes d’égalité et d’autodétermination des peuples, base juridique internationale au processus de décolonisation.
Pour M. Lavrov, il n’est pas nécessaire de prouver que les « néonazis ukrainiens », qui ont pris le pouvoir à Kiev à la suite d’un « coup d’État sanglant soutenu par les États-Unis et leurs alliés » en février 2014, « ne représentaient pas et ne représentent pas la population russe de Crimée et du Donbass ». Le Ministre a, une fois encore, justifié « l’opération militaire spéciale que mène la Russie » par l’unique souci de protéger les populations russes vivant sous le joug de Kiev, restaurer les droits que leur confère la Charte et assurer leur avenir sur leur terre ancestrale. Ce sont les violations flagrantes des droits des « Russes » et les menaces contre la sécurité de la Russie, et de toute l’Europe, du régime de Kiev et de l’OTAN qui sont les causes profondes de la crise ukrainienne actuelle, a-t-il martelé.
Le Chef de la diplomatie russe, qui a rappelé que mai prochain marquera le quatre-vingtième anniversaire de la victoire contre le Troisième Reich, a appelé à ne trouver aucune justification morale à ceux qui tentent de blanchir les bourreaux nazis, leurs collaborateurs et leurs partisans actuels, y compris ceux sévissant à Kiev. Il a assuré que la Russie sera toujours du côté de la vérité et du droit, de la paix et de la coopération, qualifiant de pleinement pertinents à cet égard les travaux du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, créé à l’initiative du Venezuela.
C’est en trouvant le juste équilibre entre les intérêts nationaux légitimes de tous les pays qu’il sera possible de réaliser l’objectif de l’ONU, inscrit dans l’Article premier de la Charte: être un centre où s’harmonisent les efforts des nations vers des fins communes, a conclu M. Lavrov.
« Nous sommes face à un changement d’époque », a estimé Mme ALICIA BÁRCENA IBARRA, Ministre des affaires étrangères du Mexique, « l’hégémonie néolibérale fait face à l’échec patent de son modèle de développement extractiviste, qui socialise les pertes, privatise les profits, appauvrit les peuples et dévaste la planète ». Elle a dressé un sombre bilan de la situation internationale: les guerres sont redevenues le cœur de la géopolitique mondiale, la destruction de l’environnement s’accélère, la frustration et le mécontentement se manifestent par un extrémisme niant les valeurs démocratiques, et les institutions régissant le système international perdent leur légitimité. Citant le Secrétaire général, elle a évoqué des phénomènes traduisant l’avènement d’un « purgatoire de polarités et d’instabilités », symptômes de crises civilisationnelles au cours desquelles « l’ancien n’en finit pas de mourir et le nouveau n’en finit pas de naître ».
Les similitudes entre notre époque et l’entre-deux-guerres du siècle dernier, sont de plus en plus évidentes, a-t-elle estimé, ajoutant que, a contrario, cette période avait marqué un d’âge d’or de la politique étrangère du Mexique. Le pays, a-t-elle expliqué, s’était efforcé de défendre les valeurs de la Société des Nations: la justice, l’autodétermination, l’intégrité territoriale, l’indépendance et l’égalité de ses membres.
« Hier comme aujourd’hui le Mexique s’emploie à construire des alternatives émancipatrices », a affirmé la Ministre, ajoutant que son pays s’emploie à construire une société juste, égalitaire et fraternelle, s’appuyant sur une « économie morale » garantissant une distribution équitable des revenus et le respect de l’environnement. Se félicitant de l’augmentation de 135% du salaire minimum, sans induire de spirale inflationniste prédite par « les tenants du statu quo », elle a présenté les résultats obtenus: 9,5 millions de Mexicains sont sortis de la pauvreté en cinq ans et le pays a maintenant un coefficient de Gini d’un niveau historiquement bas.
La Ministre a ensuite détaillé le modèle de politique migratoire du Mexique, encourageant notamment les États-Unis à la régularisation des sans-papiers. « Nous le disons haut et fort: la migration n’est pas un problème, c’est un phénomène. Ce n’est pas un crime et les migrants ne sont pas des criminels. » Pour elle, le problème réside dans les facteurs qui poussent ces personnes à quitter leurs foyers pour un périlleux voyage, dans les dangers auxquels elles s’exposent du fait de l’absence de voies légales et dans les pratiques qui les placent sous le droit pénal. La Ministre a indiqué que son pays avait réuni à Palenque les dirigeants des pays d’origine et conclu des accords stratégiques qui ont permis de réduire de 66% les rencontres à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.
S’inquiétant des risques croissants de guerre nucléaire, « pire, des menaces pour l’humanité », elle a soutenu l’intégrité territoriale des nations, en Palestine comme en Ukraine. Elle a salué l’initiative du Brésil et de la Chine pour la création d’un groupe de paix entre la Russie et l’Ukraine à New York. Dénonçant l’inaction de la communauté internationale, elle a rappelé que plus de 70% des victimes de la guerre à Gaza sont des femmes et des enfants, et que plus de 85% des civils ont dû fuir leur foyer. Une situation qui a poussé son pays à intervenir dans l’affaire portée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de Justice (CIJ) sur l’application de la Convention de Ljubljana-La Haye contre le génocide. Elle a également indiqué que son pays et le Chili avaient saisi la Cour pénale internationale (CPI) sur la situation en Palestine et présenté un mémoire appuyant la juridiction de la Cour.
« Nous rejetons le faux dilemme entre la violence stérile du terrorisme et le châtiment disproportionné de gouvernements pratiquant le deux poids, deux mesures », a-t-elle martelé. Afin de réaliser la solution des deux États, elle a appelé à respecter les résolutions des Nations Unies et l’avis de la CIJ relatif aux pratiques d’Israël dans les territoires palestiniens occupés.
Enfin, Mme Bárcena Ibarra a « fermement condamné » les violations flagrantes du droit international commises par le Gouvernement actuel de l’Équateur, suite à l’assaut illégal contre l’ambassade du Mexique et ses diplomates à Quito le 5 avril 2024. Concernant la réforme du Conseil de sécurité, elle a proposé l’élimination du droit de veto ou, à défaut, la limitation de son usage en cas de génocide, de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre.
M. ESPEN BARTH EIDE, Ministre des affaires étrangères de la Norvège, a rappelé les principes du droit international et de la Charte, tel que l’interdiction de l’usage de la force si ce n’est dans un but d’autodéfense. Néanmoins, a-t-il noté, le Secrétaire général a raison quand il dit que les fondements même de la Charte sont menacés en raison de l’impunité qui règne actuellement. Le Ministre a dénoncé la Russie en ce qu’elle viole éhontément les principes de souveraineté, d’inaliénabilité des frontières et d’intégrité territoriale d’un autre État Membre, rappelant que ces principes sont cruciaux pour la sécurité des États. « Mon pays, qui fournit une aide militaire et civile conséquente aux Ukrainiens, prône une paix juste pour l’Ukraine. »
Le droit international humanitaire s’applique également aux parties belligérantes, a poursuivi le Ministre, appelant à rester cohérent dans son application, sans distinction entre les États Membres. C’est ainsi que nous pourrons démontrer que ces règles sont universelles, a-t-il insisté. M. Eide a rappelé à ce propos que, si Israël a bel et bien le droit de se défendre à la suite des attaques terroristes du 7 octobre 2023, il se doit aussi de respecter le droit international humanitaire. « Rien ne justifie l’immense souffrance et la punition collective imposée à la population de Gaza », a-t-il déploré, condamnant les limitations à l’accès humanitaire et réaffirmant le soutien de son pays à un cessez-le-feu et à l’UNRWA. Il a également attiré l’attention sur les récentes attaques au Liban et sur les colonies illégales en Cisjordanie, alertant sur le risque imminent d’une potentielle guerre régionale.
Se remémorant les attaques terroristes du 11 septembre, M. Eide a estimé dangereuse la vision selon laquelle tout est noir ou tout est blanc, sans nuance complexe ou impartialité et avec une confiance excessive en la force militaire. « Il faut apprendre des erreurs du passé », a-t-il affirmé. Selon lui, il n’y a pas d’autre solution crédible que celle des deux États. Néanmoins, a-t-il ajouté, il ne faut pas confondre la fin des hostilités avec la mise en place de solutions durables, attirant l’attention sur l’Alliance globale lancée, il y a deux jours, par l’Arabie saoudite, l’Union européenne et la Norvège afin de mettre en place la solution des deux États. Il a appelé la communauté internationale à aider à l’édification des institutions palestiniennes et à reconnaître la Palestine comme État Membre de l’ONU.
Concédant que les institutions établies en 1945 comportent des points faibles, il a salué l’adoption du Pacte pour l’avenir et a prôné un Conseil de sécurité réformé et plus représentatif afin de remédier aux inégalités historiques. Lors de la rédaction de la Charte, la Norvège avait soutenu le principe entériné à l’Article 27, paragraphe 3, qu’une « partie à un différend s’abstient de voter », a-t-il rappelé, déplorant que ce principe obligatoire soit pourtant continuellement ignoré par le Conseil de sécurité.
M. Eide a ensuite estimé nécessaire de réformer l’architecture financière internationale et a réitéré son engagement envers la coopération fiscale internationale. Il a par ailleurs plaidé pour que soient promus l’égalité des genres et le droit des femmes, afin de parvenir à des sociétés équitables. « Nous devons adapter nos économies pour les rendre renouvelables et circulaires », a-t-il également relevé, estimant que le multilatéralisme permet de parvenir à des résultats, comme on l’a vu récemment avec les différents accords pour la transition énergétique, la fin de la pollution plastique ou encore la protection des océans. « Nous devons agir maintenant », a-t-il conclu, assurant du soutien de la Norvège dans les processus de réforme.
M. SUBRAHMANYAM JAISHANKAR, Ministre des affaires étrangères de l’Inde, s’est inquiété des pratiques commerciales déloyales et des projets non viables qui menacent l’emploi et augmentent les niveaux d’endettement, faisant dérailler les efforts de développement. La fréquence et l’intensité des événements climatiques affectent la sécurité alimentaire et sanitaire. À ces maux s’ajoute la polarisation du monde, s’agissant notamment des conflits en cours en Ukraine et à Gaza, lesquels acquièrent aujourd’hui des « ramifications plus vastes ». « Le monde est divisé, polarisé et frustré », a constaté le Ministre, qui a critiqué les pays qui ont « tiré davantage du système international qu’ils n’y ont versé », à tel point que la réforme du multilatéralisme est devenue à ses yeux « impérative ».
Paralysée face aux divisions, aux conflits et au terrorisme, l’ONU ne saurait, pour le Ministre, être à la hauteur de cette tâche. « L’évasion des responsabilités » des pays développés en matière d’action climatique compromet en outre les perspectives de croissance des pays en développement, a-t-il accusé, la pénurie de ressources ayant pour effet de limiter la poursuite des objectifs de développement durable. « Ce ne sont pas seulement les économies qui sont en danger, mais la dignité humaine elle-même », a-t-il averti.
Devant un tel constat, l’Inde concentre son action sur les défis particuliers des personnes vulnérables telles que les femmes, les agriculteurs et les jeunes, au moyen d’initiatives ciblées, a assuré M. Jaishankar. « L’accès assuré à l’eau courante, à l’électricité, au gaz de cuisine et à de nouveaux logements change des millions de vies », à tel point que l’écart entre les sexes a commencé à se réduire. En assurant une infrastructure numérique publique, l’Inde propose une vision alternative dans laquelle « la technologie est utilisée pour donner du pouvoir, et non pour dominer », a estimé le Ministre. Une démarche qui, a-t-il fait observer, s’étend aux autres pays du Sud, qui se sont rassemblés à l’occasion de trois sommets afin de partager leurs préoccupations communes.
Pour le Ministre, l’une des principales causes du retard de plusieurs pays réside dans l’injustice du modèle de mondialisation actuel, axé sur la « surconcentration de la production ». Il a opposé à ce modèle celui d’une démocratisation de la production mondiale, de la mise en place de chaînes d’approvisionnement résilientes et des services numériques fiables, qui favorise une prospérité généralisée.
Si de nombreux pays sont laissés pour compte du fait de circonstances indépendantes de leur volonté, d’autres, comme le Pakistan, font hélas « des choix conscients aux conséquences désastreuses », a poursuivi M. Jaishankar. Le Ministre a dénoncé les « méfaits » de son voisin dont le « PIB ne peut être mesuré qu’en termes de radicalisation et ses exportations sous la forme du terrorisme ». Alors que « les maux qu’il a cherché à infliger aux autres consument aujourd’hui sa propre société », le Ministre y a vu les effets du karma: « une nation dysfonctionnelle qui convoite les terres des autres doit être dénoncée et combattue ».
Pour l’Inde, l’ONU ne peut demeurer la plateforme centrale pour trouver un terrain d’entente en restant aussi anachronique. Une Organisation efficace, plus représentative et mieux adaptée à son rôle dans l’ère contemporaine lui paraît donc essentielle.
M. VIVIAN BALAKRISHNAN, Ministre des affaires étrangères de Singapour, a jugé nécessaire de renforcer le rôle fondamental de l’ONU dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Nous ne pouvons laisser les violations récentes du droit international, comme la guerre en cours en Ukraine, devenir la norme, a-t-il exhorté, en rejetant l’argument des « griefs historiques », sous peine de voir le monde devenir très dangereux pour les petits États comme le sien. Le Ministre a annoncé que, la semaine dernière, Singapour, en collaboration avec l’Institut international pour la paix, avait rendu public un rapport sur les petits États et la transformation de la gouvernance mondiale. Ce document, préparé par l’Institut et la Rajaratnam School of International Studies de Singapour, met en lumière leurs priorités et perspectives. Nous espérons que ce rapport catalysera de nouvelles discussions sur le renforcement et la transformation de l’ONU et du système multilatéral, a-t-il déclaré.
Il a ensuite souligné la nécessité de redoubler d’efforts pour mettre en œuvre les ODD, à moins de 10 ans de l’échéance, et pour lutter contre les changements climatiques. Comme tous les petits États insulaires, Singapour est particulièrement vulnérable aux effets du réchauffement planétaire, en particulier à l’élévation du niveau de la mer. Bien que sa part des émissions mondiales soit très faible, son gouvernement reste déterminé à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, a assuré M. Balakrishnan. Et lors de la quatrième Conférence internationale sur les petits États insulaires en développement (PEID), qui s’est tenue en mai dernier, sa délégation a lancé un nouveau programme d’assistance technique, « SIDS of Change », qui couvre leurs domaines prioritaires, notamment le carbone bleu. Singapour a également l’intention de renouveler son programme de renforcement des capacités pour le Forum des petits États, qui proposera des programmes axés sur le numérique, notamment sur le leadership et la gouvernance à l’ère des technologies numériques et de l’intelligence artificielle.
Pour le Ministre, il est urgent de donner à l’ONU les moyens de répondre aux nouveaux défis mondiaux. Pour y parvenir, nous devons offrir davantage d’opportunités aux jeunes de s’engager dans les travaux de l’Organisation et de servir d’agents du changement pour revitaliser la coopération internationale. Raison pour laquelle il a salué l’adoption de la Déclaration sur les générations futures. M. Balakrishnan a ensuite plaidé pour que soit pleinement exploité le pouvoir des technologies numériques, l’adoption du Pacte numérique mondial représentant une avancée significative à cet égard.
Enfin, a noté le Ministre, nous devons transformer les institutions de gouvernance mondiale en les rendant plus représentatives et réactives, en particulier aux besoins des petits États et des pays en développement. Nous avons besoin d’un système multilatéral plus agile, dans lequel l’architecture financière internationale et l’ONU travaillent en synergie.
M. BRUNO EDUARDO RODRÍGUEZ PARRILLA, Ministre des affaires étrangères de Cuba, a dénoncé un monde militarisé et inégalitaire, reprochant notamment aux pays développés une aide publique au développement très insuffisante: « le chiffre égoïste, promis avec vantardise en 2023 et vite oublié, représente moins de 0,37% des revenus nationaux ». Selon lui, l’humanité en danger ne peut être sauvée définitivement qu’en surmontant l’impérialisme et le capitalisme. Il a ainsi prôné un nouvel équilibre mondial, juste et démocratique, qui garantirait la paix ainsi que l’exercice du droit au développement par tous les États, sur la base de l’égalité souveraine, sans aucune ingérence ni imposition étrangère. « Un monde sans blocus, ni sanctions unilatérales, basé sur le multilatéralisme, dans le plein respect de la Charte des Nations Unies et du droit international. »
Le Gouvernement des États-Unis persiste à tenter de contrôler le destin de Cuba, a poursuivi le Ministre. Cette ambition ancienne, ancrée dans la « doctrine Monroe », définit le caractère impérialiste et hégémonique de leur politique envers son pays et toute sa région. Le blocus économique, commercial et financier que Cuba subit est aussi un blocus politique et technologique, « conçu pour détruire l’économie cubaine », s’est-il plaint. Ce blocus a un impact sur la vie de tous les Cubains. Il s’accompagne de « la plus féroce campagne de désinformation et de diffamation » et de la tolérance complice de groupes qui, depuis les États-Unis, commettent des actes violents et terroristes contre Cuba. Toutes ces actions violent le droit international, a dénoncé M. Rodríguez Parrilla. De même, l’inclusion de Cuba dans la liste du Département d’État des États-Unis des pays soutenant le terrorisme est « frauduleuse ». Quels que soient les résultats des élections présidentielles américaines, les politiciens anti-Cubains -« qui ont transformé leurs attaques en un commerce lucratif »-continueront à causer, et Cuba continuera à défendre son droit souverain à construire le socialisme comme elle l’entend, a-t-il assuré.
Réitérant son ferme soutien au Gouvernement du Venezuela, M. Rodríguez Parrilla a jugé les appels à ne pas reconnaître les résultats des élections dans ce pays « irresponsables » et « irrespectueux » envers la volonté du peuple et des institutions. De même, les actions déstabilisatrices contre le Gouvernement de réconciliation et d'unité nationale du Nicaragua doivent cesser, et Porto Rico a droit à son autodétermination et à son indépendance, a-t-il fait valoir. D’une manière générale, les pays des Caraïbes méritent un traitement « juste, spécial et différencié ». Cuba soutient également la juste demande d’Haïti pour des réparations relatives aux dommages et à la cruauté du colonialisme et de l’esclavage dont elle a été victime. « La communauté internationale a une dette historique » envers elle, a-t-il rappelé.
M. ENRIQUE AUSTRIA MANALO, Secrétaire aux affaires étrangères des Philippines, a observé que le monde change plus rapidement qu’à n’importe quelle période de l’histoire récente. Dans ce contexte, l’ONU doit s’attacher à renforcer l’égalité, la justice, la paix et la sécurité internationales, ainsi que le développement, et adopter des processus inclusifs, transparents, réactifs et efficaces. L’un des moyens d’y parvenir consiste à réformer le Conseil de sécurité, via son élargissement et une amélioration de ses méthodes de travail, afin de renforcer sa transparence et sa responsabilité vis-à-vis des États Membres de l’Assemblée générale. Il a également prôné la revitalisation de l’Assemblée et la transformation de l’architecture financière internationale.
S’agissant du système des Nations Unies pour le développement, il nécessite davantage de cohérence et d’efficacité, dans le plein respect des priorités des États. Quant au système d'action humanitaire, le Ministre l’a qualifié de « sentinelle silencieuse d’espoir et d’humanité » pour les populations souffrant de la guerre, de la famine, de maladies et du déplacement. Il a appelé la communauté internationale à le soutenir davantage pour répondre aux souffrances des populations à Gaza, en Ukraine, au Yémen, au Soudan, au Myanmar et en République démocratique du Congo. Face au nombre croissant de personnes déplacées de force, il a appelé au sens de la responsabilité collective.
En venant au sujet des changements climatiques, le Secrétaire aux affaires étrangère a rappelé que les Philippines sont très vulnérables, et l’un des plus ardents défenseurs du renforcement de la résilience face aux risques de catastrophe. À cet égard, le pays est honoré d’accueillir le conseil d’administration du Fonds pour les pertes et les préjudices, qui fournira une assistance essentielle aux nations concernées. Le mois prochain, les Philippines accueilleront une conférence ministérielle Asie-Pacifique consacrée à la réduction des risques de catastrophe afin de mettre en avant les meilleures pratiques et les solutions pour la région la plus exposée aux catastrophes. Une fois de plus, il a appelé les pays développés à respecter leurs engagements pris en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et de l’Accord de Paris.
Au sujet du Programme de développement durable à l’horizon 2030, les Philippines visent à faire baisser le taux de pauvreté à un seul chiffre d’ici à 2028. Grâce à des programmes de protection sociale novateurs, le Gouvernement a réussi à faire baisser la pauvreté de 2% entre 2021 et 2023, a fait savoir le Ministre. Bientôt dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire supérieur, les Philippines pensent que les Nations Unies et les institutions financières internationales doivent revoir leurs cadres afin de soutenir les pays à revenu intermédiaire qui représentent 75% de la population mondiale. Le pays accueillera d’ailleurs une conférence en début d’année prochaine pour faire avancer les discussions à ce sujet.
Le Groupe des 77 continue de plaider pour un ordre économique mondial plus juste et plus inclusif. Les Philippines espèrent donc que le Deuxième Sommet mondial pour le développement social et la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement déboucheront sur une stratégie visant à réduire les inégalités dans le monde. La solidarité internationale et intergénérationnelle rend nos sociétés plus humaines, a dit M. Manalo. Enfin, s’il a mentionné des actions « irresponsables et dangereuses » contre les activités légitimes des Philippines dans leurs eaux territoriales et leur zone économique exclusive, il a affirmé que le pays reste attaché à la diplomatie. Il se conformera à la Charte des Nations Unies et à la Déclaration de Manille sur le règlement pacifique des différends internationaux pour faire valoir sa souveraineté, ses droits souverains et sa juridiction en mer de Chine méridionale.
M. LUCA BECCARI, Ministre des affaires étrangères, des affaires politiques, de la coopération économique internationale et de la transition numérique de Saint-Marin, a réaffirmé la centralité du Programme 2030, de l’égalité entre les sexes, ainsi que des actions urgentes à entreprendre contre les changements climatiques. Il a également souligné le rôle primordial joué par les technologies numériques dans la réalisation des 17 ODD et la nécessité de s’entendre sur un cyberespace qui reflète les normes mondiales en matière de paix et de sécurité, de droits humains et de développement durable. Le Chef de la diplomatie s’est ensuite livré à un réquisitoire contre la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, réitérant son soutien à l’indépendance politique, la souveraineté et l’intégrité territoriale de ce pays, dans ses frontières internationalement reconnues.
Saint-Marin, a poursuivi le Ministre, est favorable à des initiatives telles que le Code de conduite du Groupe ACT concernant l’action du Conseil de sécurité contre le génocide, les crimes de guerre ou les crimes contre l’humanité et la proposition franco-mexicaine sur la limitation volontaire du recours au droit de veto par les membres permanents du Conseil de sécurité. Pour son Gouvernement, la protection des civils contre les effets dévastateurs des guerres doit être une priorité. II a appelé tous les États Membres qui ne l’ont pas encore fait à ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication de mineurs dans les conflits armés et à soutenir d’autres outils juridiques importants, tels que les Principes et engagements de Paris et les Principes de Vancouver.
L’ONU est le seul organisme intergouvernemental universel fondé sur l’égalité souveraine de tous ses membres, a relevé M. Beccari. C’est pourquoi, après avoir plaidé pour une architecture financière internationale plus inclusive, il a apporté son soutien à une réforme du Conseil de sécurité pour le rendre plus démocratique, transparent, efficace et responsable. Un objectif, a-t-il prévenu, qui ne pourra être atteint que par un dialogue continu entre les États et « la conscience que le dépassement des positions initiales respectives est essentiel pour négocier l’accord le plus vaste possible ».
M. MOHAMAD HASAN, Ministre des affaires étrangères de la Malaisie, a déclaré que ce monde, que l’on a voulu plus sûr après la Seconde Guerre mondiale, est en réalité plus meurtrier pour bien des États. Un monde dans lequel la guerre peut être faite à distance et en toute impunité, a-t-il remarqué, rappelant que des lois existent contre ces pratiques mais qu’elles sont constamment ignorées. « Nous sommes à la croisée des chemins alors que la gouvernance mondiale échoue encore une fois et que le génocide des Palestiniens se poursuit. » Estimant qu’il n’y a pas d’excuses pour éviter un cessez-le-feu, M. Hasan a rappelé que de nombreux États ont essayé de rendre justice au peuple de Gaza, en dépit des mécanismes du Conseil de sécurité qui font l’objet « de véritables abus pour autoriser des atrocités de masse ». Le veto ne devrait pas être exercé impunément, et la paralysie du Conseil est « humiliante ». La réforme du Conseil est « une question de vie ou de mort pour de nombreux individus », a-t-il affirmé, appelant à reconnaître la Palestine comme État Membre de l’ONU. Rappelant que le délégué israélien a déchiré la Charte devant l’Assemblée il y a quelques semaines, il a été d’avis que le respect du droit international et le dialogue sont compromis par Israël qui fait fi de l’ONU. « Ce que fait Israël s’apparente à un système de discrimination institutionnalisé, un génocide, un apartheid devant lequel l’ONU ne peut rester de marbre », a-t-il martelé.
Poursuivant sur les petits pays en développement, le Ministre a espéré davantage de moyens afin de répondre aux inégalités en matière de développement et à la crise climatique. En Asie, nous franchissons tous les obstacles grâce à l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) depuis des décennies, a-t-il affirmé, estimant néanmoins que ses normes et ses mécanismes doivent prévaloir afin d’assurer sa résilience. Au cours de notre présidence à venir de l’ASEAN, nous insisterons sur les politiques inclusives, le renforcement de son rôle central dans la région et le règlement des problèmes en mer de Chine méridionale, a informé M. Hasan. La mer de Chine méridionale est au cœur de tensions géopolitiques croissantes, a-t-il précisé, mettant en garde contre une escalade des conflits qui ne ferait que saper le commerce mondial. Il a prôné la diplomatie et le dialogue et appelé les pays de la région à se conformer à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. « La diversité de notre région n’est pas un obstacle mais notre force. »
Les mécanismes internationaux n’ont pas pu répondre aux besoins des pays en développement, les culpabilisant et méprisant leurs besoins, a-t-il encore regretté. Mon pays a une vision plus large du développement qui inclut le Sud global, a expliqué le Ministre, car le progrès doit être accessible à tous. Par ailleurs, il a déploré l’augmentation des discours de haine et des actes d’intolérance envers les minorités, spécifiquement envers les musulmans. C’est à nous de faire en sorte que la paix triomphe et de nourrir le dialogue entre les communautés, a-t-il insisté, réaffirmant l’appui de son pays aux efforts de l’ONU. « En 80 ans, l’histoire de l’ONU est une histoire de succès et de réussites », a-t-il conclu, citant l’éradication de maladies et les mesures contre l’apartheid. « Faisons en sorte que notre engagement envers la justice n’échoue jamais. »
M. BADR AHMED MOHAMED ABDELATTY, Ministre des affaires étrangères, de l’émigration et des Égyptiens de l’étranger de l’Égypte, s’est inquiété de l’érosion du système international du fait de son manque d’efficacité, des inégalités et de politiques de deux poids, deux mesures. La revitalisation du système onusien doit se fonder sur la reconnaissance qu’il n’existe aucune alternative au système multilatéral des Nations Unies, et que les défis interdépendants et transfrontaliers de notre monde dépassent les capacités de tout État ou un groupe d’États de les surmonter, a-t-il plaidé.
« L’agression » israélienne brutale de Gaza et de la Cisjordanie, qui perdure depuis près d’un an, constitue une tache sur la conscience de la communauté internationale et ses institutions, lesquelles sont incapables de déployer un minimum d’efforts pour y mettre fin et l’empêcher d’entraîner toute la région dans l’abîme, affirmé M. Abdelatty.
Le Ministre a en outre condamné fermement l’agression lancée par Israël contre le Liban qui pousse ce pays au bord du gouffre, en violation flagrante de sa souveraineté. Il s’est opposé à toute tentative de « liquider » la question palestinienne par des déplacements forcés ou des politiques de remplacement de la population. Pour sa part, l’Égypte a déployé des efforts de médiation en coopération avec le Qatar et les États-Unis, efforts qu’Israël a fait échouer, a dénoncé le Ministre. Il a néanmoins salué les positions courageuses du Secrétaire général et d’autres entités de l’Organisation, en particulier l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), rappelant que plusieurs membres de son personnel étaient tombés sous les balles de l’occupant israélien.
Afin de réparer une « injustice historique » envers le continent africain et assurer une juste représentation de l’Afrique au Conseil de sécurité, M. Abdelatty a réaffirmé l’attachement de son pays au consensus d’Ezulwini. Mais, a-t-il ajouté, il sera impossible de parler de participation réelle du continent au système de Nations Unies sans une réforme « radicale » de l’architecture financière mondiale et des institutions financières internationales, y compris les banques multilatérales de développement.
Face aux défis communs des de la gouvernance et des changements climatiques, le Ministre a prôné le principe de responsabilité commune mais différenciée. Il a rejeté toute approche unilatérale sur les questions relatives à la gestion des ressources mondiales et au règlement des différends qui en découlent, en particulier dans le cas de la gestion des cours d’eau transfrontaliers internationaux. Le principe de coopération avec les pays frères du bassin du Nil constitue le pilier de l’approche égyptienne sur cette question, a-t-il affirmé. Il a néanmoins ajouté qu’en dépit de tels efforts, l’Éthiopie poursuit sa politique « d’atermoiements et d’intransigeance » en s’efforçant d’imposer un fait accompli concernant l’exploitation du Grand barrage de la Renaissance éthiopienne, en violation du droit international et sans égard à son impact sur la vie de millions de personnes.
« Aucune région du monde n’est plus touchée par le déséquilibre croissant du système de sécurité collective que l’Afrique et le Moyen-Orient », a encore dit le Ministre. Il a regretté la multiplication des opérations de maintien de la paix par le Conseil de sécurité alors que cet organe est incapable d’arrêter la « maladie des conflits » et se contente d’en « traiter les symptômes ». Il a estimé que toute solution doit d’abord s’appuyer sur un processus politique global, que ce soit au Soudan ou en Libye. Dans ce dernier pays, il a souligné l’importance de surmonter la période de transition en organisant simultanément des élections présidentielle et législatives dans les meilleurs délais.
M. FAISAL BIN FARHAN AL-SAUD, Ministre des affaires étrangères de l’Arabie saoudite, a reproché un usage trop sélectif du droit international, où certaines causes sont privilégiées, et d’autres laissées de côté. À cet égard, les crimes perpétrés par Israël contre le peuple palestinien sont « barbares » et ont engendré une catastrophe humanitaire: il est nécessaire d’y mettre un terme. Pour ce faire, le royaume saoudien a tenu un sommet arabo-islamique conjoint extraordinaire le 11 novembre 2023. Des résolutions et décisions reflétant la volonté des peuples arabo-musulmans y ont été adoptées, dont l’acheminement d’une aide humanitaire sans entrave et la réalisation d’un État de Palestine indépendant. Le Ministre s’est félicité de la récente résolution adoptée par l’Assemblée générale prévoyant que la Palestine remplit toutes les conditions pour devenir un Membre à part entière des Nations Unies. Depuis le début de la crise, le Royaume a fourni plus de 5 milliards de dollars au peuple palestinien et conclu des accords avec des agences internationales onusiennes, dont l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). M. Al-Saud s’est aussi réjoui de la récente décision de la Cour internationale de Justice (CIJ) relative aux politiques et pratiques israéliennes dans les territoires palestiniens occupés. La solution des deux États basée sur l’instauration d’un État de Palestine indépendant, selon le tracé des frontières d’avant 1967 et avec Jérusalem-Est pour capitale, demeure une pierre angulaire de la diplomatie saoudienne. De même, le Ministre a demandé à Israël de respecter la souveraineté du Liban et de stopper son escalade mortifère.
Le Royaume a aussi pris des mesures d’apaisement à l’échelon régional, dont une reprise des relations diplomatiques avec la République islamique d’Iran ainsi qu’avec la République arabe syrienne. Au Yémen, le royaume saoudien soutient les efforts pour mettre fin à la crise et aux souffrances du peuple yéménite. Au Soudan, la position saoudienne est de soutenir fermement les autorités pour éviter l’effondrement du pays et d’encourager des pourparlers de paix entre parties, comme cela est régulièrement fait à Djedda. Le Ministre a aussi appelé à la fin de l’isolement de l’Afghanistan, qui avantage les groupes et milices terroristes dans la poursuite de leurs activités.
Abordant la question de l’approvisionnement énergétique, le Ministre a indiqué que son pays veille à garantir un accès à une énergie à un bon prix, pour garantir une économie internationale prospère, tout en luttant contre les changements climatiques et en se préparant à la transition énergétique dans le respect de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et de l’Accord de Paris, grâce à des techniques innovantes et prometteuses, telles que « la séquestration de carbone », et à des programmes encourageant à la sobriété en carbone.
M. MULAMBO HAMAKUNI HAIMBE, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la Zambie, s’est inquiété des tensions géopolitiques croissantes et persistantes à travers le monde. L’impact d’un certain nombre de conflits se fait ressentir dans toute l’Afrique, avec notamment la flambée des prix des matières premières. La Zambie, comme de nombreux autres pays en développement qui dépendent principalement des importations, n’a pas été épargnée, a fait observer le Ministre, pour qui, il est crucial de s’attaquer aux causes profondes et aux facteurs structurels des conflits. Au niveau régional, son pays a assuré la présidence de l’Organe de coopération en matière de politique, défense et sécurité de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) pour la période d’août 2023 à août 2024, jouant donc un rôle crucial dans la région à ce titre. Si dans l’ensemble, la situation sécuritaire et politique de la région reste stable, il existe encore des zones à problèmes dans certains de nos États membres, a poursuivi le Chef de la diplomatie, comme c’est le cas dans les provinces orientales de la République démocratique du Congo (RDC) et dans celle de Cabo Delgado au Mozambique, situations dont la SADC reste saisie. Aussi a-t-il exhorté la communauté internationale à soutenir les divers efforts de consolidation de la paix en RDC et le Gouvernement du Mozambique afin de garantir que le retrait de la Mission de la SADC dans ce pays n’entraîne pas un recul des acquis obtenus jusqu’à présent.
Le Ministre a par ailleurs souligné la nécessité de pleinement concrétiser le fonds pour les pertes et les préjudices afin d’aider les pays en développement à faire face aux catastrophes climatiques et aux phénomènes météorologiques extrêmes. Il s’est également joint aux appels en faveur d’investissements massifs et d’actions renforcées afin de combler le déficit de financement des ODD, actuellement estimé à environ 4 000 milliards de dollars. Il est en outre nécessaire de mettre en place un mécanisme efficace de restructuration de la dette et de conclure les négociations sur le projet de convention-cadre des Nations Unies sur la cooperation internationale en matière fiscale. La Zambie, a encore relevé M. Haimbe, continue de progresser dans la campagne visant à mettre fin au mariage des enfants d’ici à 2030 et à protéger les droits des filles en promulguant une législation pertinente pour lutter contre cette pratique néfaste. En conclusion, il a apporté son soutien à une réforme du Conseil de sécurité sur la base de du consensus d’Ezulwini et de la Déclaration de Syrte. À cet égard, le Ministre s’est félicité que le Comité des dix de l’Union africaine et les cinq pays membres permanents du Conseil se soient réunis au cours de cette session de l’Assemblée générale.
M. MAXIM RYZHENKOV, Ministre des affaires étrangères du Bélarus, a dénoncé les pays qui selon lui ne respectent pas -et n’ont « pas l’intention » de respecter- les principes de la Charte des Nations Unies, même s’ils les invoquent à cette tribune « lorsqu’il s’agit de maintenir leur domination sur la planète et d’assurer le bien-être de leurs élites ». De fait, tous les principes de l’ONU sont relégués au second plan lorsqu’il s’agit des prétendus « intérêts vitaux » des États-Unis et de leurs satellites les plus proches, a-t-il argué. Mais si un État ose poursuivre une politique dans l’intérêt de son peuple ou tente de se rebeller contre le joug de l’exploitation de ses ressources, l’Occident se souvient de toutes les conventions, paragraphes et notes de bas de page les plus insignifiantes, a-t-il déploré. « Aussitôt toute la gamme de sanctions et de pressions illégales s’abattent sur le pays jugé apostat. »
Aujourd’hui, environ 40 pays, avec une population de 2,5 milliards d’habitants, sont soumis à des sanctions unilatérales illégales de la part des États-Unis et de l’Union européenne, a fait observer le Ministre. De telles sanctions affectent négativement le développement durable, compromettent la sécurité alimentaire et énergétique, limitent l’accès aux marchés mondiaux et violent le droit à la liberté de circulation, a-t-il dit. De plus, elles ont un effet boomerang sur les citoyens ordinaires des pays initiateurs, avec la hausse constante des prix de l’énergie et des denrées alimentaires. « L’Occident collectif a-t-il réussi pour autant à forcer la communauté mondiale à vivre selon ses modèles? » a-t-il demandé. Rien n’est moins sûr au vu du rejet, par les pays libres du Sud de l’ingérence dans leurs affaires intérieures et de la « démocratisation » imposée. Ces pays veulent se développer sur la base de leurs traditions historiques et de leur compréhension du monde. Illustrant son propos, le Ministre a évoqué différences initiatives -« exclusivement pacifiques »- lancées dans l’intérêt de la communauté internationale tout entière, notamment l’initiative « Une ceinture et une Route » de la Chine ou l’idée d’une charte sur la multipolarité et la diversité au XXIe siècle promue par le Bélarus.
Au paquet de sanctions illégales qui lui ont été imposées, le Bélarus a répondu par la levée du régime des visas pour les citoyens des pays de l’Union européenne, a poursuivi le Ministre. « Si tout le monde, comme son pays, avait compris et voulait vraiment mettre fin à la confrontation sanglante entre deux peuples frères, alors l’Ukraine aurait été depuis longtemps avec la Russie non pas sur le champ de bataille, mais à la table des négociations. » S’il a salué l’approche sino-brésilienne à cet égard, il a prévenu en revanche que toute initiative sans la participation de la Russie ne pourra déboucher sur un succès. Pour finir, il a plaidé pour que l’ONU se libère du diktat de quelque États, rappelant que l’année dernière, les pays occidentaux ont mené une « sale campagne » pour empêcher son pays d’être élu au Conseil de sécurité. Or la voix du Bélarus ne sera pas muselée, « nous nous exprimerons », a-t-il promis.
Mme THÓRDÍS KOLBRÚN REYKFJÖRD GYLFADÓTTIR, Ministre des affaires étrangères de l’Islande, a rappelé que l’ONU est issue d’un désastre, mais porteuse d’un avenir meilleur où les différends se règlent pacifiquement. Pour son pays, devenu une république indépendante pendant la même période, il est primordial de préserver ce système multilatéral, a-t-elle déclaré. Cependant, citant le Secrétaire général, elle a ajouté que l’on ne peut construire l’avenir de nos petits-enfants avec des systèmes conçus pour nos grands-parents. Nous vivons une ère de changements profonds, a-t-elle poursuivi, notant que les technologies changent la manière dont les gens vivent la réalité. À travers elles se livre une bataille pour l’attention, les convictions et les croyances des personnes. Cette bataille, a-t-elle averti, ne sera pas nécessairement gagnée par ceux qui partagent la croyance en la paix et la prospérité, ou qui ont foi dans les droits humains et dans l’égalité des nations. S’alarmant de la perte de confiance dont souffrent les institutions démocratiques du monde entier, la Ministre a dénoncé « les acteurs malveillants qui sapent l’ordre social à travers le monde, en répandant la suspicion, la peur et la colère ». Selon elle, le danger ne vient pas d’individus isolés, mais de vastes réseaux d’agents, rémunérés ou non.
Dénonçant l’agression russe à grande échelle contre l’Ukraine, Mme Gylfadóttir, a considéré que la Russie a dérogé à ses obligations en tant que membre permanent du Conseil de sécurité. Elle a qualifié d’imprudent et dangereux son usage répété de la menace nucléaire. Rappelant ensuite que l’Islande a condamné les attaques du 7 octobre contre Israël et continue de demander la libération inconditionnelle de tous les otages, elle a rappelé que « le droit du peuple palestinien à l’autodétermination est lui aussi au-dessus de tout débat ». Condamnant toutes les violations du droit international, elle a lancé un appel à un cessez-le-feu immédiat et à l’arrêt de toutes les activités de colonisation. Les craintes d’escalade ont été confirmées, s’est-elle alarmée, mentionnant les récents développements au Liban.
La Ministre a rappelé que son pays est candidat aux prochaines élections au Conseil des droits de l’homme pour la période 2025-2027. Si elle est élue, l’Islande inclura les droits LGBTI+ dans sa liste de priorités, a-t-elle informé. Déplorant que seules 19 femmes s’expriment à l’Assemblée générale cette semaine, soit moins de 10% des intervenants, elle a jugé incompréhensible qu’il existe aujourd’hui encore des sociétés où les femmes et les petites filles n’ont pas le droit d’aller à l’école, de rire en public ou de prendre part à des conversations en dehors du foyer. Citant la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, elle a demandé que les Taliban soient obligés de rendre des comptes.
Préoccupée par les conséquences des changements climatiques, elle a souligné leur rôle sur la santé des océans, dont son pays dépend tout particulièrement. Toutefois, a-t-elle voulu croire, l’action climatique est à même d’atténuer l’élévation du niveau de la mer. Saluant en outre l’action de l’ONU dans le domaine de la protection de la mer, notamment avec la Convention du Droit de la mer, elle a partagé sa préoccupation face à la remise en cause de ces principes en mer de Chine méridionale.
M. SAYYID BADR BIN HAMAD BIN HAMOOD ALBUSALDI, Ministre des affaires étrangères du Sultanat d’Oman, a d’abord appelé à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, au Liban et dans la mer Rouge, insistant sur la nécessité de mettre fin à l’occupation israélienne des territoires palestiniens occupés et de garantir la justice pour le peuple palestinien. Il a souligné l’importance d’accorder à la Palestine le statut de membre à part entière de l’ONU et de mettre fin aux politiques qualifiées de « génocidaires » menées contre les Palestiniens par les forces israéliennes. De façon générale, il a exhorté la communauté internationale à intensifier ses efforts pour désamorcer les tensions et résoudre les conflits par le dialogue et le respect du droit international.
Le Ministre a présenté les avancées du Sultanat en matière de développement social, mentionnant les programmes qui visent à soutenir les femmes, les enfants, les personnes âgées et les personnes en situation de handicap. Il a aussi mis en avant les initiatives de son pays pour la sécurité sociale, l’emploi, l’accès universel à l’éducation et à la santé, reflétant les progrès d’Oman dans le développement durable. Qualifiant les jeunes de « pierre angulaire du futur », il s’est dit déterminé à créer des opportunités pour leur permettre d’appliquer leurs compétences et de contribuer à un avenir prospère.
Le Ministre a ensuite abordé l’importance de la coexistence pacifique et du respect mutuel entre les peuples, dénonçant toutes formes de discrimination, de racisme et de violence. Concernant les changements climatiques, il a vanté l’engagement de son pays dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et son ambition d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Cette stratégie repose sur des projets d’énergie renouvelable, en particulier l’hydrogène vert, et des solutions fondées sur la nature, illustrant l’engagement du pays à préserver l’environnement pour les générations futures. Dans le cadre du plan « Oman Vision 2040 », a précisé le Ministre, le Sultanat poursuit une trajectoire de développement économique et social alignée avec les objectifs globaux de développement durable.
M. LARS LØKKE RASMUSSEN, Ministre des affaires étrangères du Danemark, a jugé totalement inacceptable qu’un membre permanent du Conseil de sécurité continue de violer l’un des principes les plus fondamentaux de la Charte des Nations Unies. Les guerres d’agression et les tentatives visant à modifier les frontières doivent appartenir au passé, a-t-il tranché. « Le Danemark n’aura de cesse de soutenir l’Ukraine. » S’il a exhorté à faire avancer la cause de la paix, il a prévenu cependant qu’il ne fallait pas récompenser l’agresseur au risque d’établir un « très mauvais précédent » et de saper les principes mêmes de l’ONU.
Passant à la situation au Moyen-Orient, près d’un an après les attaques « barbares » du Hamas contre Israël, le Ministre a évoqué le choc et le traumatisme que cette journée a provoqués en Israël et qui symboliseront à jamais le chapitre le plus sombre de l’histoire de ce pays. De fait, a-t-il poursuivi, le terrorisme du Hamas a déclenché une spirale de souffrances humaines insupportables. La situation humanitaire à Gaza est catastrophique et le risque d’une guerre régionale totale est bien réel. « Elle nous affecterait tous. Il faut que cela cesse maintenant », a-t-il martelé. Un cessez-le-feu est nécessaire de toute urgence. Ensuite, nous devons commencer à penser à l’avenir, a-t-il dit, « pas demain ou la semaine prochaine, mais dès maintenant ». Et il faut travailler ensemble pour créer les conditions de la matérialisation de la solution des deux États.
Souvent, les débats au sein de l’Organisation évoquent l’Ukraine et Gaza, mais malheureusement des personnes meurent et souffrent ailleurs à cause des conflits, a-t-il déploré, citant le Soudan, où plus de 10 millions de personnes ont été déplacées, le Yémen, Haïti, la Syrie, l’Afghanistan, le Myanmar ou encore la République démocratique du Congo. La liste est tragiquement longue, s’est-il inquiété, et notre « incapacité collective » à mettre fin aux guerres met à mal le respect du droit international.
En tant que petit pays, le Danemark est conscient que sa sécurité et sa sûreté dépendent de l’état de droit. Sans respect du droit international, le monde s’achemine vers un monde dangereux où règne « la loi du plus fort », a-t-il averti.
En matière de développement, le Ministre a reconnu que le système actuel a permis aux nations de sortir des millions de personnes de la pauvreté, d’éradiquer les maladies et de faire progresser l’éducation. Ce sont de grandes réalisations, a-t-il concédé, mais après presque huit décennies, l’heure est à la modernisation et à la mise en place d’une architecture plus représentative et efficace. Il a défendu une représentation accrue des pays africains au sein des institutions de Bretton Woods et plaidé pour des solutions durables à la dette. Poursuivant, il a salué l’initiative de la Barbade qui propose des mesures concrètes pour « verdir » le financement international. Le Danemark est membre d’un club « bien trop exclusif », celui qui consiste à consacrer 0,7% de son revenu national brut à l’aide publique au développement, a-t-il reconnu, appelant davantage de pays nantis à rejoindre ce cercle. M. Rasmussen a promis d’augmenter sa contribution à l’Association internationale de développement (IDA) de la Banque mondiale à hauteur de 479 millions de dollars. Pour finir, il a remercié les États Membres qui ont soutenu la candidature de son pays pour siéger au sein du Conseil de sécurité pour la période 2025-2026.
M. MARIS SANGIAMPONGSA, Ministre des affaires étrangères de la Thaïlande, a rappelé qu’à la création de l’ONU, personne n’avait imaginé les problèmes que posent aujourd’hui la technologie, les pandémies ou la crise climatique. Ce sont autant de facteurs qui doivent inciter l’Organisation à évoluer pour rester pertinente, a-t-il estimé, lançant un appel à l’agilité et à la capacité d’adaptation face aux menaces émergentes. À ce titre, il a plaidé en faveur d’une réforme globale de l’ONU, notamment du Conseil de sécurité, afin qu’elle défende « les aspirations et les intérêts de toutes les nations, et pas seulement des plus puissantes ». En vue de renforcer la paix et la sécurité internationales, il a exhorté les États Membres à respecter leurs obligations en matière de désarmement et de nonprolifération. Il a estimé que la crédibilité des Nations Unies est mise à mal par plusieurs conflits dans le monde, dont l’Ukraine et Gaza.
Son pays, a poursuivi le Ministre, doit faire face aux événements qui frappent le Myanmar, avec qui il partage sa plus longue frontière terrestre. Il a réitéré l’engagement de la Thaïlande à travailler avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) et la communauté internationale pour faciliter le dialogue entre les différentes parties au Myanmar. Estimant que la paix, la sécurité et le développement durable sont étroitement liés, il a rappelé l’approche de son pays afin de faire progresser les objectifs de développement durable (ODD), intitulée Philosophie d’économie de suffisance et axée sur les populations locales. Préoccupé par la lenteur de la réalisation des ODD, il a recommandé de s’assurer que tous les pays disposent des moyens et ressources requises. Dans ce cadre, il s’est félicité de la tenue prochaine de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement qui représente une occasion cruciale de combler le déficit de fonds dont souffrent les ODD. À cette fin, il a également préconisé de renforcer la coopération SudSud et Nord-Sud, mentionnant à ce titre l’intention de son pays de rejoindre le groupe BRICS et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
La Thaïlande fait partie des 10 pays les plus affectés par les changements climatiques, a indiqué le Ministre, évoquant les inondations destructrices qui ont récemment touché sa région, dans le sillage du typhon Yagi. Lançant un appel à l’accroissement des financements climatiques, il s’est réjoui de la tenue prochaine de la COP29 à Bakou, et notamment de l’adoption du nouvel objectif chiffré collectif, fondé sur un principe de responsabilités communes mais différenciées. Enfin, il a considéré que la promotion des droits humains ne se limite pas à garantir une dignité humaine fondamentale, mais aussi des opportunités pour tous. À ce titre, il s’est félicité que son pays ait assuré l’égalité des droits à tous ses résidents, indépendamment de leur origine, de leurs croyances, de leur sexe ou de leur genre. Enfin, il a rappelé que la Thaïlande présente sa candidature au Conseil des droits de l’homme pour la période 2025-2027, où il a estimé qu’elle pourrait jouer le rôle de passerelle entre les diverses parties prenantes.
M. JEYHUN AZIZ OGLU BAYRAMOV, Ministre des affaires étrangères de l’Azerbaïdjan, a insisté sur la nécessité d’une réforme du Conseil de sécurité pour renforcer sa légitimité et son efficacité. À cette fin, il s’est réjoui de l’adoption du Pacte pour l’avenir, lors du récent Sommet de l’avenir. En ce qui concerne les changements climatiques, il a regretté l’insuffisance des efforts mondiaux pour limiter le réchauffement à 1,5 °C et a mis en avant le rôle central de l’Azerbaïdjan en tant que pays hôte de la vingt-neuvième Conférence des Parties (COP29) en novembre 2024. Il a souligné que la présidence de la COP29 attend avant tout de parvenir à un accord sur un nouvel objectif chiffré collectif, « juste et ambitieux », en matière de financement climatique. L’adoption de cet objectif, adapté à l’urgence et à l’ampleur du problème et prenant en compte les besoins et les priorités des pays en développement, constitue le test ultime de l’engagement des parties envers l’Accord de Paris et l’action climatique dans les années à venir. Il s’agira, a-t-il dit, du premier objectif majeur en matière de financement climatique après l’adoption de l’Accord de Paris.
Le Ministre a aussi évoqué les efforts visant à établir des marchés du carbone pleinement fonctionnels, à même de favoriser une réduction des émissions de manière rentable. Il a en outre mentionné la création d’un fonds d’action pour le financement climatique, soutenu volontairement par les pays producteurs de combustibles fossiles. Il a ensuite détaillé plusieurs des 14 initiatives à venir dans le cadre de la COP29, incluant: les zones et corridors d’énergie verte, le stockage de l’énergie, l’harmonie pour la résilience climatique, l’agriculture, l’hydrogène propre et l’action numérique verte. Enfin, il a mis en avant l’initiative de la « Trêve COP29 », appelant à une pause dans les conflits pendant la Conférence.
Sur le plan économique, le Ministre s’est félicité qu’en moins de deux décennies, le PIB de l’Azerbaïdjan a quadruplé, tandis que la pauvreté est passée de 49% à 5%. Quant à la dette publique extérieure, elle devrait représenter environ 7% du PIB en 2024, l’un des taux les plus bas au monde. Le développement durable et la croissance verte sont des priorités nationales, a-t-il ajouté, et d’ici à 2030, les énergies renouvelables représenteront 30% de la capacité électrique installée, permettant au pays d’exporter de l’électricité verte vers l’Europe via le projet du câble sous-marin transrégional de la mer Noire.
Concernant la situation dans le Caucase du Sud, le Ministre a affirmé que la fin du conflit armé avec l’Arménie et la restauration de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan ont créé une nouvelle stabilité dans la région. Bien que des progrès significatifs aient été réalisés dans le processus de normalisation entre les deux pays, il a cependant noté qu’il reste des obstacles à surmonter, notamment l’abandon par l’Arménie de toute revendication territoriale sur l’Azerbaïdjan. Le Ministre a insisté sur l’importance de la justice pour les crimes de guerre, notamment en ce qui concerne le sort de quelque 4 000 Azerbaïdjanais portés disparus à cause du conflit. Il a en outre dénoncé le refus par l’Arménie de permettre le retour des 300 000 Azerbaïdjanais expulsés de force de leurs terres ancestrales.
Il a mis en avant les efforts considérables de reconstruction menés par son pays pour réhabiliter les territoires ravagés par l’occupation, s’inquiétant néanmoins de la contamination de certaines terres par des mines. Depuis la fin du conflit en 2020, ce sont ainsi 377 personnes qui en ont été victimes, a-t-il déploré, appelant à un soutien international accru pour renforcer la capacité de déminage de son pays.
M. AMERY BROWNE, Ministre des affaires étrangères et des affaires de la Communauté des Caraïbes de Trinité-et-Tobago, a passé en revue les différents conflits qui frappent le monde, citant notamment la guerre en Ukraine et le conflit en cours à Gaza. « Seul quelqu’un d’absolument dénué d’humanité pourrait penser qu’il est légal et juste, et même divin, de répondre aux atrocités commises lors d’une journée de terreur atroce, en commettant à son tour atrocités sur atrocités », a-t-il dénoncé. Le monde entier regarde, et les pays du Sud en particulier sont consternés, a-t-il dit.
Le deux poids, deux mesures envoie un message effrayant au Sud mondial, et ce message est le suivant: il y a des gens puissants dans ce monde qui pensent qu’un enfant palestinien mérite moins de défense, de protection, de nourriture, d’eau et de vie qu’un autre enfant. Il s’est dit convaincu que les gens honnêtes du monde entier, y compris en Israël, ne partagent pas cet avis.
À cet égard, il a appelé à un cessez-le-feu immédiat, total et complet, et à la libération inconditionnelle de tous les otages.
Il a rappelé la décision de son pays de reconnaître l’État de Palestine, en guise de contribution à la solution des deux États et annoncé, qu’il y a six jours à peine, les deux parties ont officiellement établi des relations diplomatiques.
Le Ministre a ensuite abordé le problème du trafic illicite d’armes légères et de petit calibre qui constitue une menace intolérable pour la région, de même que la sécurité nationale et la vie des citoyens. En plus des efforts menés au niveau national, le pays continue de travailler avec des partenaires régionaux et internationaux pour libérer les citoyens du coût humain colossal lié à l’accès facile à ces armes. Le Ministre a évoqué les stratégies innovantes lancées récemment au Guyana par les dirigeants de la CARICOM sur cette problématique. Il a également salué les efforts renouvelés des partenaires, notamment les États-Unis, pour aider à régler ce problème qui ne connaît pas de frontière.
Préoccupé par la situation en Haïti, il a salué le soutien de la CARICOM à cet égard et félicité le Kenya pour le déploiement de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS).
Évoquant le passé colonial dont les stigmates « nous affectent encore aujourd’hui », M. Brown a rappelé la campagne régionale au sein de la CARICOM exigeant l’octroi de réparations.
Enfin, il a fait part de sa fierté du succès de la quatrième Conférence internationale sur les petits États insulaires en développement tenue à Antigua-et-Barbuda cette année. Il a espéré que la mise en œuvre rigoureuse du Programme d’Antigua-et-Barbuda pour les PEID « nous rapprochera du développement durable, avec les moyens de soutien nécessaires de la part de la communauté internationale ».
M. FRANCIS FONSECA, Ministre des affaires étrangères et du commerce extérieur du Bélize, a commencé son allocution en rappelant le caractère sacrosaint du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. C’est grâce à lui que chaque nation a le privilège de siéger dans cette salle, a-t-il déclaré. Évoquant la situation du peuple du Bélize, il s’est demandé dans quelle mesure ce droit est vraiment garanti. Parmi les 39 pays les plus affectés par les changements climatiques, le Bélize subit de plein fouet une crise provoquée par les nations industrialisées, alors qu’il dépend de secteurs comme l’agriculture, la pêche et le tourisme, qui sont exposés aux changements climatiques. Estimant que son pays a fait plus que sa part pour protéger l’environnement, il a déploré que son peuple soit parfois contraint à quitter ses terres. Toutefois, a-t-il poursuivi, quels que soient les bouleversements que la crise climatique induit sur le territoire du Bélize, « notre souveraineté et notre droit à l’autodétermination demeurent intacts ».
Évoquant la crise en Haïti, il a lancé un appel à une réponse durable de la communauté internationale pour rétablir la paix et la sécurité. Il s’est dit préoccupé que la communauté internationale n’ait pas pleinement tenu ses engagements au titre de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), pas plus qu’au titre du Plan de réponse humanitaire pour Haïti.
Il a aussi demandé que les États-Unis retirent Cuba de la liste des États soutiens au terrorisme et cessent de lui imposer un embargo « illégal et injuste ». Cette mesure, a-t-il considéré, représente un obstacle inutile à la coopération mondiale et à la promotion de la paix et de la stabilité dans la région. De même, il a rejeté le « déni continu de l’autodétermination » infligé aux Palestiniens, appelant à l’éradication d’un « système de domination coloniale et d’apartheid ».
Enfin, il a souligné que la déclaration sur l’élévation du niveau de la mer et la souveraineté de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS) statue que la souveraineté des PEID ne saurait être remise en cause en raison de la montée des eaux. Il a invité tous les États Membres de l’ONU à en soutenir la mise en œuvre et à s’en servir comme base de coopération internationale. Il a de même demandé que le nouvel objectif chiffré collectif pour le financement de l’action climatique qui devrait être formalisé lors de la COP29 à Bakou, recommande des allocations de financement minimales aux PEID pour l’adaptation et les pertes et les préjudices. Il a également exhorté l’ONU à mettre en œuvre le Programme d’Antigua-et-Barbuda pour les PEID exigeant que ces derniers soient présents à la table des négociations au sein des institutions financières internationales.
M. OLUSHEGUN ADJADI BAKARI, Ministre des affaires étrangères du Bénin, a rappelé que, bien qu’elle soit souvent éloignée de l’origine des crises mondiales, l’Afrique en subit profondément les conséquences. Il a cité l’exemple du Sahel, « théâtre de tensions grandissantes, exacerbées par des décisions prises sans le consentement des Africains », et qui « compromet gravement » le développement durable de la région. Condamnant fermement toute tentative d’utiliser la région comme un « nouvel épicentre de luttes géopolitiques », ce qui ne fait que nourrir « le terreau du terrorisme », il a réaffirmé l’engagement du Bénin envers l’unité africaine. En particulier en Afrique de l’Ouest, où il a appelé à une action commune contre le terrorisme.
Le Ministre a rappelé que son pays avait condamné la guerre en Ukraine et les attaques terroristes du 7 octobre 2023 au Moyen-Orient, ainsi que toutes les violences qui endeuillent chaque jour les peuples du Sahel. Il a réaffirmé son soutien à la solution des deux États pour résoudre le conflit israélo-palestinien, avant d’évoquer les crises au Soudan, en Libye et en Haïti, soulignant que la communauté internationale doit redoubler d’efforts pour y ramener la stabilité.
Il a ensuite mis l’accent sur la lutte contre la pauvreté sous toutes ses formes, défi majeur qui menace l’avenir. À cinq ans de l’échéance de 2030, il a regretté que les objectifs de développement durable (ODD) ne soient pas atteints, mais a insisté sur la nécessité de poursuivre la lutte. « Sans ce combat, il n’y aura ni paix véritable, ni stabilité durable », a-t-il averti. Le Ministre a fait observer l’importance stratégique de l’Afrique, soulignant que le continent sera, dans quelques décennies, le foyer d’un quart de l’humanité, et mettant l’accent sur l’importance des jeunes, « porteurs d’une créativité immense », et sur les ressources naturelles. Il a enfin rappelé les réformes initiées par le Bénin depuis 2016 sous la présidence de Patrice Talon, qui ont placé le pays sur « la voie du progrès », notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé et des infrastructures.
Poursuivant, le Ministre a mis en avant la nécessité pour l’Afrique de « se réconcilier avec son histoire et son identité profonde ». Il a évoqué l’initiative du Bénin pour corriger les perceptions négatives sur la culture vaudou et mettre en lumière la richesse de la civilisation africaine. Faisant l’éloge d’un panafricanisme moderne, il a défendu des actions concrètes telles que la suppression par le Bénin des visas pour tous les ressortissants africains, afin qu’ils puissent « se sentir chez [eux], partout sur le continent ». Il a également souligné l’importance de reconnaître la diaspora africaine et de guérir les blessures de la traite transatlantique, affirmant que les Afrodescendants, bien que physiquement éloignés, font toujours partie intégrante de la communauté africaine. En adoptant une loi permettant à tous les Afrodescendants qui le souhaitent d’obtenir la nationalité béninoise, le Bénin a ainsi lancé un appel vibrant à l’unité et à la solidarité entre Africains du continent et de la diaspora.
M. YAMAZAKI KAZUYUKI (Japon) a placé son intervention sous le sceau d’une « gouvernance inclusive » et d’une « responsabilité partagée », visant à promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité, en particulier face aux menaces pour l’ordre international que représentent l’agression russe contre l’Ukraine ou les tensions en Corée du Nord, à Gaza et en Afrique. Il a plaidé pour une réforme du Conseil de sécurité afin de le rendre plus représentatif et efficace. Il a également souhaité une coopération internationale centrée sur l’être humain, en particulier pour accélérer la réalisation des objectifs de développement durable à travers une approche intégrée humanitaire-développement-paix. Au niveau régional, il a évoqué l’initiative japonaise pour une zone indopacifique libre et ouverte.
Le représentant a ensuite détaillé les efforts du Japon pour intégrer les perspectives des femmes, des jeunes et des zones rurales dans ses initiatives de gouvernance. Il a notamment souligné l’importance du programme pour les femmes et la paix et la sécurité. Le Japon prévoit en outre de lancer un programme pour former la prochaine génération de leaders dans le domaine du genre. En parallèle, il s’engage à promouvoir les jeunes talents, à soutenir la recherche et à organiser des forums pour les jeunes chercheurs.
Sur la question du désarmement nucléaire, un sujet central pour le Japon dans un contexte de risque de prolifération croissant, le délégué a mis en avant les efforts continus de son pays. Il a ainsi évoqué le plan d’action d’Hiroshima, une initiative visant à renforcer des actions concrètes et réalistes pour un monde sans armes nucléaires. Il a aussi souligné l’importance de la dénucléarisation de la Corée du Nord, appelant à une mise en œuvre complète des résolutions du Conseil de sécurité et à la normalisation des relations entre les deux pays. Il a ensuite mis en garde contre les nouveaux défis posés par les technologies émergentes, notamment les systèmes d’armes autonomes. Le Japon participera activement à l’élaboration de règles internationales afin de concilier les perspectives humanitaires et sécuritaires. Il a également souligné l’importance croissante de la coopération numérique internationale, en particulier sur l’intelligence artificielle (IA). L’initiative japonaise Hiroshima AI Processvise ainsi à établir une IA sûre et digne de confiance.
Le délégué a insisté sur la nécessité d’une gouvernance internationale renforcée face aux enjeux climatiques. Le Japon s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 et a souligné l’importance de l’initiative asiatique pour la décarbonation, Asia Zero Emission Community, qui vise à concilier croissance économique et sécurité énergétique dans la région. Selon lui, le Japon met ainsi en œuvre une « nouvelle forme de capitalisme » pour répondre à la crise climatique. Enfin, il a évoqué les efforts de son pays pour appuyer les systèmes de gouvernance inclusifs dans les pays en développement, en particulier en Afrique, afin de favoriser la stabilité et le développement durable. Le Japon continuera de soutenir les infrastructures économiques et sociales de ces pays, notamment par des projets de gestion fiscale, de facilitation du commerce et de renforcement des capacités administratives et judiciaires. Le délégué a conclu en évoquant la neuvième édition de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique, qui se tiendra à Yokohama en 2025.
Le droit de réponse a été exercé par l’Équateur, la Chine, le Pakistan, l’Éthiopie, l’Arménie, les Philippines et l’Azerbaïdjan; les délégations chinoise et philippine en ayant fait usage à deux reprises.