SOIXANTE-DIX-HUITIÈME SESSION,
68E & 69E SÉANCES - MATIN & APRÈS-MIDI
AG/12592

Devant l’Assemblée générale, la Russie défend son veto qui a empêché le Groupe d’experts du Comité des sanctions contre la RPDC de continuer son travail

L’Assemblée générale a débattu aujourd’hui, en application de la résolution 76/262 d’avril 2022, de l’exercice par la Fédération de Russie de son droit de veto au Conseil de sécurité le 28 mars dernier.  Ce veto avait empêché l’adoption d’un projet de résolution présenté par les États-Unis qui proposait de proroger jusqu’au 30 avril 2025 le mandat du Groupe d’experts chargé d’assister le Comité des sanctions contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC).  Devant les 193 États Membres, la Russie a expliqué son veto en disant que proroger le mandat du Groupe d’experts n’aurait contribué en rien à normaliser la situation sur la péninsule coréenne.  Les efforts de ces experts pour lutter contre la non-prolifération des armes nucléaires ont toutefois été soutenus et salués par de nombreuses délégations ainsi que par le Président de l’Assemblée générale. 

Ce dernier a regretté que l’Assemblée soit amenée à tenir une nouvelle séance en réponse à un autre veto de la Fédération de Russie.  « Ces veto, qui illustrent les divisions au sein du Conseil, sapent nos efforts en faveur de la paix et de la sécurité », s’est désolé M. Dennis Francis.  Il a vu ce débat comme une occasion de renforcer la transparence et la responsabilité envers l’ensemble des membres de l’ONU en vue de garantir une « utilisation responsable du droit de veto ». 

La situation dans la péninsule coréenne exige une désescalade des tensions, un dialogue et une coopération authentiques, a-t-il rappelé.  Il a jugé essentiel que la RPDC entame immédiatement un dialogue sans conditions préalables et respecte ses obligations internationales, y compris l’arrêt immédiat des tirs de missiles balistiques.  Ces lancements récurrents constituent une violation flagrante des résolutions du Conseil de sécurité et mettent en péril la paix et la sécurité régionales et internationales. 

La Russie a expliqué que sans son veto contre le projet de résolution des États-Unis, le mandat du Groupe d’experts du Comité du Conseil de sécurité sur les sanctions visant la RPDC aurait été prolongé alors que ce comité s’est lui-même compromis en tirant « des conclusions insensées dans ses rapports ». Proroger son mandat ne contribuera en rien à normaliser la situation sur la péninsule coréenne, a-t-il assuré en dénigrant son travail « basé sur des informations biaisées » qui ont entraîné l’escalade dans la région.  De l’avis de la Russie, le Groupe n’avait ni les ressources ni la volonté d’analyser réellement les problèmes de la péninsule coréenne. 

Dans la foulée, le délégué russe a dénoncé « les sanctions unilatérales, les propagandes agressives et la diabolisation permanente des pays occidentaux visant à renverser le Gouvernement légitime de la RPDC ».  S’agissant du nouveau Coordonnateur résident des Nations Unies nommé en RPDC, les chances de voir cette personne travailler conformément à son mandat sont quasi nulles, a estimé le délégué.  Il a noté en effet qu’il n’y a plus aucune confiance entre l’ONU et la RPDC « à cause des sanctions ».  Les restrictions visant Pyongyang sont le seul régime de sanctions se prolongeant « indéfiniment », a-t-il dénoncé. 

La Russie a aussi justifié son veto en expliquant qu’il répondait au refus des membres occidentaux de sa proposition de mettre le régime de sanctions visant la RPDC en phase avec la pratique visant d’autres pays, pour que les sanctions puissent être révisées chaque année.  Il a réitéré, à cette occasion, sa demande de lancer un véritable processus pour mettre à jour le régime de sanctions vis-à-vis de la RPDC avant d’annoncer un projet de résolution proposant d’examiner chaque année la prolongation du mandat du Groupe d’experts.  Ce sera peut-être la dernière possibilité qu’aura le Conseil de trouver une solution équilibrée sur cette question, a-t-il commenté. 

Le représentant de la RPDC a salué le veto de la Fédération de Russie contre un projet de résolution « illégal » sur le renouvellement du mandat du Groupe d’experts.  La RPDC ne reconnaît d’ailleurs pas les sanctions et les résolutions du Conseil qui vont à l’encontre des principes de souveraineté, d’égalité et de non-ingérence dans nos affaires intérieures. 

« Si la possession par la RPDC d’armes nucléaires d’autodéfense constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales, comme le prétendent les États-Unis et leurs partisans, nous devrions dûment discuter d’abord des raisons pour lesquelles les États-Unis ne sont pas considérés comme une menace pour la paix et la sécurité internationales, a contre-attaqué le délégué. 

Il existe un certain nombre d’États dotés d’armes nucléaires à travers le monde, mais seule la RPDC est soumise aux sanctions les plus cruelles, a-t-il continué avant de dire que même si les États-Unis et leurs partisans imposent des sanctions pendant des milliers d’années, ils ne feront jamais obstacle au développement indépendant et au renforcement de la dissuasion de la RPDC. 

« Aucune partie ne peut assurer sa sécurité au détriment de celle des autres », est intervenue la Chine pour qui il faut laisser de côté la mentalité d’affrontements de la guerre froide.  « Tant que les parties sont prêtes au dialogue, le processus politique peut avancer. Mais quand les parties n’ont pas respecté les principes du dialogue, alors les tensions sont vives », a-t-il poursuivi proposant que le Conseil de sécurité joue un rôle positif d’apaisement.  La Chine a également dénoncé les sanctions, en rappelant qu’elles ne sont pas une fin en soi et qu’elles ont eu de graves conséquences humanitaires en RPDC ces dernières années. 

« La Chine aurait pu défendre le Groupe d’experts par sa position géographique et son rôle dans la dénucléarisation de la péninsule coréenne », a réagi la République de Corée.  « Malgré le veto russe, le régime de sanctions de l’ONU lui-même restera en place, tout comme la résolution 1718 », a promis l’Union européenne qui a exprimé son intention de continuer à tout mettre en œuvre pour l’application des sanctions contre la RPDC, en étroite coopération avec la communauté internationale. 

« Sans sanctions, la RPDC aurait renforcé ses capacités nucléaires au-delà de ce qu’elles sont aujourd’hui », a fait observer le Japon en souhaitant que le Conseil fasse tout son possible pour préserver le travail du Groupe d’experts, au moment où nous sommes à la croisée des chemins pour le régime mondial de non-prolifération.  La communauté internationale ne saurait en aucun cas tolérer la poursuite du programme de missiles balistiques de la RPDC, a insisté le délégué japonais. 

« Par ce veto, nous perdons un canal d’informations précieux et il a terni l’image du Conseil de sécurité », a relancé la République de Corée.  Le représentant sud-coréen et de nombreuses autres délégations ont rappelé que le Groupe d’experts avait mentionné, au cours de son dernier rapport, qu’il enquêtait sur un contrat d’armement entre la Russie et la RPDC, pour des armes qui sont utilisées par la Russie contre l’Ukraine.  Le veto envoie un mauvais message aux proliférateurs et c’est un signal négatif pour les autres groupes d’experts, s’est désolé le délégué. Conscient de ses effets néfastes, le Kenya a souhaité que cet usage du droit de veto conduise à réévaluer son utilisation. 

« La Russie a voulu se débarrasser du Groupe d’experts parce qu’elle faisait l’objet d’enquête pour ses achats d’armes et munitions à la RPDC dans la guerre contre l’Ukraine », a à son tour accusé la France.  Elle a regretté que ce veto prive les États Membres d’une source d’informations fiable, arguant que le Groupe d’experts fournissait des éléments d’analyse que le Comité exploitait « librement ». Le réexamen du régime de sanctions pouvait se faire sans sursoir au travail du Groupe d’experts, contrairement à ce qu’a voulu faire croire la Russie, a expliqué le représentant qui s’est réjoui que le régime de sanctions reste en vigueur. 

Malte a confirmé que le Groupe d’experts travaille de manière « indépendante » et que son mandat est utile pour tous.  Le Royaume-Uni a fait remarquer que le veto russe empêche de recevoir des informations sur les pratiques de contournement des sanctions de la Russie et de la RPDC, qui risquent de ne plus être signalées.  Le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale savent que la Russie a acquis des dizaines de missiles et des millions d’obus en RPDC, qui sont utilisés contre l’Ukraine, a insisté le Royaume-Uni dénonçant la Russie qui abuse de sa position de membre permanent du Conseil de sécurité afin de saper le régime de sanctions, la paix et la sécurité internationales. 

Même son de cloche du côté de l’Union européenne pour qui ce veto ne mine pas seulement 14 années d’informations crédibles, fondées sur des faits et informations indépendantes, mais est aussi une tentative de dissimuler des transferts illégaux d’armes qui sont ensuite utilisées dans la guerre non provoquée et injustifiée de la Russie contre l’Ukraine.  « Des aménagements substantiels avaient pourtant été apportés à la position russe lors des négociations », a fait savoir l’Union européenne.  Le délégué de l’Ukraine a exprimé à son tour son opposition au veto russe en disant qu’il soutenait l’enquête du Groupe d’experts sur les violations des sanctions imposées à la RDPC qui conduisent à armer la Russie dans la guerre contre son pays, en violation flagrante des résolutions du Conseil de sécurité.  La Russie doit rendre des comptes pour ces violations flagrantes du droit international, a souhaité l’Ukraine. 

Les États-Unis ont salué la tenue de ce débat « afin de promouvoir la transparence et l’application du principe de responsabilité pour tous les membres du Conseil de sécurité ».  Il est « absurde » de suggérer d’éliminer le régime de sanctions alors que les provocations de la RPDC se multiplient, a fait valoir le délégué.  Le double objectif de la Russie était d’abord de faire taire le Groupe d’experts qui s’apprêtait à prouver qu’elle violait les sanctions et qu’elle tentait d’obtenir des armes auprès de la RPDC pour les utiliser dans sa guerre d’agression contre l’Ukraine, a encore martelé le délégué pour qui le deuxième objectif de la Russie est de se débarrasser de toutes les sanctions imposées à la RPDC avec la complicité de la Chine. 

Il est possible que ce ne soient pas les derniers veto de la Russie, a conclu le délégué des États-Unis en rappelant que la Russie a déjà menacé de mettre un terme à plusieurs mandats de groupes qui permettent au Conseil de sécurité de dissuader certains acteurs d’imposer des menaces à la paix et à la sécurité.  Il a donc appelé les États Membres à travailler pour que les régimes de sanctions puissent être appliqués de manière à défendre et faire avancer la paix. 

Enfin, l’Assemblée générale a décidé par consensus que la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement se tiendra en Espagne du 30 juin au 3 juillet 2025 dont l’organisation aura une incidence budgétaire de 392 600 dollars.

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

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