La Commission du développement social achève ses travaux en demandant aux États Membres de favoriser un travail décent et l’égalité des chances
La Commission du développement social a terminé, ce matin, les travaux de sa soixantième-et-unième session, entamée le 6 février, en adoptant par consensus sept projets de résolution, dont un texte qui demande aux États Membres de favoriser un travail décent, la croissance de l’emploi, et l’égalité des chances, et de réduire les inégalités et la discrimination sur le marché du travail.
Ce texte avait pour intitulé le thème prioritaire de cette session: « plein emploi productif et travail décent pour toutes et tous: surmonter les inégalités pour accélérer le relèvement après la pandémie de COVID-19 et la mise en œuvre intégrale du Programme de développement durable à l’horizon 2030. »
Aux termes de ce projet, qui sera soumis au Conseil économique et social (ECOSOC), la Commission demande aux États Membres de supprimer les obstacles qui empêchent les femmes d’accéder au marché du travail, d’y rester et d’y progresser. Les gouvernements sont également invités à mettre en place des programmes bien conçus visant à assurer l’égalité des chances et de traitement dans le monde du travail et à faciliter et soutenir l’inclusion sur le marché du travail des personnes en situation de vulnérabilité.
La Commission encourage en outre les États Membres à accélérer les efforts visant à promouvoir la transition du travail informel au travail formel dans tous les secteurs, notamment en tirant parti des politiques de formalisation et en aidant les secteurs nouveaux ou en expansion, comme le secteur des services à la personne, l’économie durable et l’économie numérique.
Elle les exhorterait enfin à renforcer la coopération internationale afin d’améliorer la protection, le bien-être, le retour volontaire et en toute sécurité et la réintégration effective sur les marchés de l’emploi des travailleurs migrants.
En vertu d’un autre texte relatif aux Aspects sociaux du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique, la Commission encourage les pays d’Afrique à accélérer l’action menée pour éliminer l’extrême pauvreté, offrir des emplois décents et faire face à l’urgence climatique en investissant dans une transition durable, inclusive et juste.
Par un texte portant sur les politiques et programmes mobilisant les jeunes, et présenté par le Kazakhstan, la Commission exhorte les États Membres à veiller à ce que les questions relatives à la jeunesse soient dûment prises en compte dans le cadre de la mise en œuvre, du suivi et de l’examen du Programme de développement durable à l’horizon 2030, et à promouvoir la participation pleine et effective des jeunes et des organisations de jeunes et d’aide à la jeunesse aux décisions qui les concernent à tous les niveaux.
En rapport au texte sur le quatrième cycle d’examen et d’évaluation du Plan d’action international de Madrid de 2002 sur le vieillissement, la Commission du développement social engage les États Membres à renforcer l’application dudit Plan d’action et à l’utiliser comme moyen d’édifier une société inclusive, caractérisée par la solidarité intergénérationnelle.
La Commission a par ailleurs adopté l’ordre du jour provisoire et documentation de sa soixante-deuxième session dont le thème prioritaire sera: « Promouvoir le développement social et la justice sociale au moyen de politiques sociales, afin de faire progresser plus rapidement la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et d’atteindre l’objectif primordial de l’élimination de la pauvreté ». La Commission a ensuite adopté le rapport provisoire que lui a présenté sa rapporteuse, Mme Hellen M. Chifwaila (Zambie).
En faisant le bilan de cette soixante et unième session, sa présidente, Mme Alya Ahmed Saif Al-Thani (Qatar) a salué le succès des travaux qui auront permis de mettre l’accent sur la promotion des économies du soin et des économies numériques pour aboutir à des emplois décents. Elle a également souligné la nécessité de réformer l’architecture financière internationale afin de financer le développement durable et la protection sociale.
La Commission a ensuite brièvement ouvert sa soixantième-deuxième session pour élire à sa présidence Mme Ruchira Kamboj (Inde). Mme Carla María Carlson (République dominicaine), M. Jon Ivanovski (Macédoine du Nord), M. Thomas Lammar (Luxembourg) assureront pour leur part la Vice-Présidence. L’élection du représentant du Groupe des États d’Afrique au Bureau de la Commission se fera ultérieurement. La nouvelle Présidente a déclaré que c’est la coopération internationale qui permettra de réaliser les ODD, notamment leur dimension sociale.
Tous les projets de résolution entérinés aujourd’hui seront ensuite transmis à l’ECOSOC pour adoption finale.
PRÉSENTATION ET DÉCISION SUR LE PROJET DE RÉSOLUTION E/CN.5/2023/L.3
Organisation des travaux et méthodes de travail futures de la Commission du développement social
Selon les termes de ce projet, soumis par le Vice-Président de la Commission, M. Or Shaked (Israël) et adopté par consensus, l’ECOSOC déciderait notamment que la soixantième-deuxième session de la Commission aura pour thème prioritaire: « Promouvoir le développement social et la justice sociale au moyen de politiques sociales, afin de faire progresser plus rapidement la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et d’atteindre l’objectif primordial de l’élimination de la pauvreté ».
Explications de position
Après l’adoption du texte, la représentante du Mexique a regretté que cette résolution préjuge des questions prioritaires qui seront traitées lors de la soixante-deuxième session de la Commission, alors que l’on ignore encore quelle sera la question centrale traitée au cours du forum politique de haut niveau pour le développement durable. Affirmant que, selon ses informations, cette question devrait porter sur l’éradication de la pauvreté, elle s’est étonnée de l’absence de consultation des membres de la Commission à cet égard, estimant en outre que les travaux de la Commission devraient s’aligner sur ceux dudit forum.
La représentante de la République islamique d’Iran s’est dissociée des éléments de la résolution qui vont à l’encontre des normes et des valeurs sociales en vigueur dans son pays. Faisant valoir que les principes de gouvernance et d’appropriation nationale doivent s’appliquer, elle a estimé que la question des indicateurs de protection sociale relève de la compétence nationale. Sur cette base, elle a émis des réserves sur les paragraphes 26, 34 et 7 bis de la résolution.
PRÉSENTATION ET DÉCISION SUR LE PROJET DE RÉSOLUTION E/CN.5/2023/L.5
Aspects sociaux du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique
Selon les termes de ce projet de résolution, présenté par Cuba au nom du Groupe des 77 et la Chine, et adopté par consensus, l’ECOSOC encouragerait les pays d’Afrique à renforcer et à développer, au moyen d’investissements nationaux ou étrangers, les infrastructures locales et régionales et les infrastructures matérielles et immatérielles résilientes face aux changements climatiques.
De même, il encouragerait les pays d’Afrique à accélérer l’action menée pour éliminer l’extrême pauvreté, offrir des emplois décents et faire face à l’urgence climatique en investissant dans une transition durable, inclusive et juste.
Le texte souligne en outre qu’il importe d’accélérer les stratégies visant à combler le fossé entre les genres en ce qui concerne l’accès à l’éducation, aux soins de santé, à un travail décent, aux technologies numériques, y compris Internet, et aux services alimentaires et agricoles.
Explications de position
Le représentant des États-Unis s’est réjoui de la place accordée dans le texte au rôle de la société civile. Il a cependant exprimé des réserves sur la portée du Programme 2030, estimant que celui-ci n’interprète ni ne modifie les décisions prises dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et n’a donc aucun impact sur la politique commerciale des États-Unis. Il a ensuite souhaité que des approches adaptées soit adoptées sur les transferts de technologie et de connaissances, avant d’exprimer sa préoccupation quant à l’absence de définition agréée sur les flux financiers illicites. De même, tout en reconnaissant l’importance de la récupération d’actifs, il a noté que la Convention des Nations Unies contre la corruption n’utilise pas le terme de pays d’origine. Quant à la notion de droit au développement identifiée dans le texte, elle tend à protéger les États plutôt que les individus, a-t-il relevé, formant le vœu que des consensus se dégageront sur ces questions lors des prochaines sessions de la Commission.
Le représentant du Sénégal s’est dissocié de la référence faite au Plan d’action de Maputo pour la mise en œuvre du Cadre d’orientation continental pour la promotion des droits et de la santé en matière de sexualité et de reproduction.
PRÉSENTATION ET DÉCISION SUR LE PROJET DE RÉSOLUTION E/CN.5/2023/L.7
Plein emploi productif et travail décent pour toutes et tous: surmonter les inégalités pour accélérer le relèvement après la pandémie de COVID-19 et la mise en œuvre intégrale du Programme de développement durable à l’horizon 2030
Selon les termes de ce projet de résolution adopté par consensus, l’ECOSOC inviterait les gouvernements à s’employer à adapter selon qu’il convient les politiques et règlements afin de favoriser un travail décent et la croissance de l’emploi, à favoriser l’égalité des chances et à réduire les inégalités et la discrimination sur le marché du travail.
Il soulignerait qu’il importe d’élaborer des politiques visant à élargir les possibilités de travail et à accroître la productivité dans les secteurs tant ruraux qu’urbains et inviterait par ailleurs les États Membres à envisager d’adopter des politiques de marché du travail propres à renforcer les institutions et à fournir une protection adéquate à l’ensemble des travailleurs.
De même, les États Membres se verraient encouragés à accélérer les efforts visant à promouvoir la transition du travail informel au travail formel dans tous les secteurs au moyen de stratégies intégrées comprenant des mesures nuancées et différenciées axées sur un travail décent et une protection sociale fiable.
Ce projet invite en outre les États Membres à mettre en place des programmes bien conçus visant à assurer l’égalité des chances et de traitement dans le monde du travail et à faciliter et soutenir l’inclusion sur le marché du travail des personnes en situation de vulnérabilité.
De plus, il exhorte les États Membres à mettre en place des programmes spécifiques et à mobiliser des ressources financières et des technologies pour aider les femmes à reprendre une activité économique.
Les États Membres seraient également exhortés à renforcer la coopération internationale afin d’améliorer la protection, le bien-être, le retour volontaire et en toute sécurité et la réintégration effective sur les marchés de l’emploi des travailleurs migrants.
La Commission demande enfin aux États Membres d’adopter des politiques, des programmes et des mesures pour reconnaître, réduire et redistribuer la part disproportionnée de soins et de travail domestique non rémunérés assumés par les femmes et les filles.
Explications de position
Le Mexique s’est dissocié du paragraphe 33 du préambule et a regretté le manque de précision sur la diversité des familles.
La Malaisie a dit être préoccupée par la remise en question de l’importance de la famille notamment pour ce qui est de la protection sociale. En outre, les intérêts des pays en développement continuent d’être minimisés alors que le projet de résolution devrait refléter la réalité du monde entier et non pas d’un seul hémisphère. La délégation a relevé que le texte contient des termes controversés défendus seulement par certains groupes et s’est dissocié des paragraphes 26 et 34 du dispositif. Les prochaines résolutions sur le thème principal de la Commission devront refléter les préoccupations légitimes des États Membres afin de dégager un véritable consensus, a-t-elle estimé.
Le Sénégal s’est désolidarisé des termes « formes multiples et croisées de discrimination » et des références à la famille qui ne correspondent pas à la définition consacrée par la Déclaration universelle des droits de l’homme. Pour l’orateur, le terme genre et tous les termes qui pourraient lui être associés gardent leur sens originel à travers la conception reprise par le droit national sénégalais.
La Hongrie s’est dissociée du paragraphe 19 du préambule, notant que la référence à certaines minorités, y compris les migrants, en exclut d’autres qui sont tout aussi vulnérables et méritent elles aussi l’attention de la communauté internationale.
Le Saint-Siège a regretté que le libellé portant sur la famille, source essentielle et importante de protection sociale pour la moitié de la population dans ce monde, n’ait pas été inclus dans le texte définitif. Une fois encore, la Commission n’a pas été à même de réaffirmer les principes fondamentaux de la Déclaration de Copenhague sur le développement social à savoir que c’est la famille qui est l’unité centrale de la société, a déploré la délégation qui a par ailleurs regretté l’inclusion de terminologie polémique concernant la discrimination. L’expression « formes multiples et croisées de discrimination » n’est pas assortie d’une définition agréée par les gouvernements, laissant la porte ouverte à la création de catégories de personnes sur la base de critères tout à fait subjectifs, mettant à mal le caractère universel des droits humains. La délégation a également émis des réserves sur l’emploi du terme « genre ».
Le Royaume-Uni a indiqué qu’il s’efforce de combler les disparités dont pâtissent les personnes handicapées en matière d’accès à l’emploi. Le Gouvernement a également pris des mesures pour réduire les écarts salariaux entre hommes et femmes, en particulier pour les personnes qui n’ont pas bénéficié de formations. L’emploi et la protection sociale doivent être accessibles pour tous et toutes indépendamment de leur genre, leur orientation sexuelle, de leur âge, ou de leur handicap, entre autres. La délégation a également estimé que les familles doivent bénéficier du travail décent et de la couverture sociale notamment lorsqu’elles sont séparées à cause de la migration, des catastrophes naturelles, ou des conflits.
Le Nigéria a regretté que la famille ait été utilisée comme monnaie d’échange lors des négociations. Les dispositions des instruments internationaux sur la famille ne doivent pas être remises en cause, a souligné la délégation qui a dénoncé l’obstruction à l’adoption du libellé concernant la famille. Pour ce qui est « des formes multiples et croisées de discrimination », elle a regretté les désaccords laissant la porte ouverte à de nombreuses interprétations. Le terme « genre » se réfère aussi bien aux hommes qu’aux femmes, a-t-elle ajouté.
Djibouti a déploré la « dilution » des libellés agréés portant sur la famille. La délégation a relevé que les mesures favorables à la famille ont fait une réelle différence durant et après la COVID-19. Elles ont même redonné à la famille ses lettres de noblesse. Le représentant a par ailleurs souhaité que les créneaux horaires de négociation prennent en compte les différentes contraintes des délégations.
La République islamique d’Iran a regretté que la Commission ait choisi un libellé sur la famille qui n’est pas conforme à la loi iranienne et a émis des réserves aux paragraphes 26 et 34 du dispositif.
Les États-Unis se sont dissociés du paragraphe 30 du préambule et de l’expression « droit à la vie » qui prêterait à confusion. La Libye, en a fait de même pour les paragraphes 42 et 44. Même son de cloche pour la Mauritanie qui s’est dissociée de libellés liés au genre, étant donné que sa législation ne reconnaît que deux genres qui sont les femmes et les hommes.
PRÉSENTATION ET DÉCISION SUR LE PROJET DE RÉSOLUTION E/CN.5/2023/L.4
Politiques et programmes mobilisant les jeunes
Ce texte présenté par le Kazakhstan et adopté par consensus, exhorte notamment les États Membres à veiller à ce que les questions relatives à la jeunesse soient dûment prises en compte dans le cadre de la mise en œuvre, du suivi et de l’examen du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il souligne aussi qu’il importe de consulter étroitement les jeunes ainsi que les organisations de jeunes et d’aide à la jeunesse et de les associer activement à la mise en œuvre du Programme 2030.
De même, il exhorte les États Membres à promouvoir la participation pleine et effective des jeunes et des organisations de jeunes et d’aide à la jeunesse aux décisions qui les concernent à tous les niveaux, y compris en lien avec le Programme d’action mondial pour la jeunesse et le Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Il engage en outre les États Membres à envisager d’inclure des représentants des jeunes dans leurs délégations à tous les débats de l’Assemblée générale, de l’ECOSOC et de ses organes subsidiaires sur les questions les concernant, et aux conférences des Nations Unies les intéressant.
Explications de position
Après l’adoption, les États-Unis ont rappelé que les questions d’éducation sont réglées par les autorités locales dans le pays. La Fédération de Russie a déploré les nombreuses lacunes du texte, comme le fait d’élaborer sur le Bureau des Nations Unies sur la jeunesse dont on ne connaît même pas encore le mandat. La Hongrie aurait souhaité que le texte aille plus loin en affirmant davantage les droits des jeunes. Sur la mention des migrations, la délégation aurait souhaité que l’on mette l’accent sur l’encadrement des jeunes dans leur pays d’origine. La Malaisie a indiqué pour sa part que le programme mondial sur l’éducation n’est pas compatible avec sa législation nationale, tandis que la République islamique d’Iran s’est dissociée des paragraphes 2 et 5 du dispositif.
PRÉSENTATION ET DÉCISION SUR LE PROJET DE RÉSOLUTION E/CN.5/2023/L.6
Quatrième cycle d’examen et d’évaluation du Plan d’action international de Madrid de 2002 sur le vieillissement
Adopté par consensus, ce projet de résolution engage notamment les États Membres à renforcer l’application du Plan d’action de Madrid et à l’utiliser comme moyen d’édifier une société inclusive caractérisée par la solidarité intergénérationnelle, dans laquelle les personnes âgées participent pleinement et sans aucune forme de discrimination et sur la base de l’égalité à la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et à la réalisation des objectifs de développement durable.
Explications de position
La Fédération de Russie a dénoncé l’utilisation du concept de « genre » au lieu de sexe traditionnel usité dans l’expression consacrée « discrimination sur la base du sexe ». Le Sénégal s’est aussi dissocié de l’acception du terme genre utilisé dans ce texte.