Le patrimoine de la RDC, qui appartient au peuple congolais, doit être une source de développement, et non de conflit et d’exploitation non viable, souligne M. Guterres
On trouvera, ci-après, les remarques du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, à l’occasion de la onzième Réunion de haut niveau du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région, à Bujumbura, aujourd’hui:
Avant de commencer mon intervention, permettez-moi d’exprimer toute ma solidarité et de présenter mes condoléances aux peuples et aux gouvernements de la République Démocratique du Congo et du Rwanda, victimes d’inondations catastrophiques ces derniers jours. C’est une nouvelle illustration de l’accélération du changement climatique et de son impact désastreux sur des pays qui n’ont en rien contribué au réchauffement de la planète.
La région des Grands Lacs recèle d’énormes richesses: richesses naturelles –grâce à ses vastes ressources- et richesses culturelles – émanant de ses populations. Mais année après année, cette incroyable richesse est minée par les vols, les conflits et les crises. Pendant des décennies, les peuples de la région ont été victimes de pillages et de violences.
La signature –il y a maintenant 10 ans– de l’Accord-cadre a suscité beaucoup d’espoirs. Elle a marqué un tournant, lors duquel les pays de la région ont pris des engagements concrets afin de mettre fin aux cycles récurrents de violence –notamment dans l’est de la RDC– et de construire une paix et une sécurité durables. Je félicite les pays signataires ainsi que les institutions garantes pour le travail accompli pour mettre en œuvre l’Accord-cadre.
Malheureusement, la crise actuelle souligne tout le chemin qu’il reste à parcourir.
Malgré nos efforts collectifs, plus d’une centaine de groupes armés – congolais et étrangers – opèrent aujourd’hui encore dans le pays et menacent ainsi la stabilité de l’ensemble de la région des Grands Lacs. La présence de ces groupes armés –le M23, les ADF, les FDLR, la CODECO, le RED-Tabara et d’autres– entraîne des drames humanitaires et des abus graves des droits humains, y compris des violences sexuelles. Elle alimente également la méfiance et les tensions récentes entre pays de la région.
En RDC, depuis la résurgence du M23 en novembre 2021, plus de 500 000 personnes ont dû fuir. La situation dans la province d’Ituri reste extrêmement préoccupante.
Il est temps que cesse la violence. Je réitère mon appel envers tous les groupes armés: Déposez les armes –immédiatement– et rejoignez le processus de démobilisation, de désarmement et de réintégration. J’exhorte également les responsables politiques et communautaires à en finir avec les discours de haine et d’incitation à la violence, qui ne font qu’exacerber les tensions et nous éloigner de la paix. Toutes les parties doivent mettre en œuvre les décisions prises dans le cadre des processus de Luanda et de Nairobi sans délais et sans exception. Seul le dialogue –un dialogue constant et sincère– permettra de trouver des compromis durables.
Je salue les efforts récents des dirigeants de la région afin d’éviter une escalade des tensions. L’Organisation des Nations unies et la MONUSCO continueront d’appuyer les initiatives régionales, -y compris la Force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est– et j’appelle tous les partenaires internationaux à en faire de même.
Je salue le consensus des acteurs de la région autour des mesures non-militaires visant au désarmement, au retour et à la réinsertion des groupes armés étrangers dans leur pays d’origine. La lutte contre l’impunité représente une autre étape importante. Les auteurs de crimes transfrontaliers et internationaux doivent être traduits en justice.
La RDC et la région regorgent de ressources naturelles. Le Bassin du Congo abrite ainsi la deuxième plus grande forêt tropicale au monde – représentant à lui seul 10 pour cent de la biodiversité mondiale. Il accueille des milliers d’espèces animales et végétales uniques et de nombreux minéraux précieux. Le patrimoine de la RDC appartient au peuple congolais.
Nous devons veiller à ce qu’il devienne une source de prospérité et de développement – et non de conflit, de rivalités et d’exploitation non viable. La paix et le développement doivent aller de pair –l’un ne va pas sans l’autre– et, pour que la paix soit durable, il faut que les voix des femmes, des jeunes et des personnes déplacées soient pleinement entendues dans tous les processus – politiques, sécuritaires et judiciaires. Ne les oublions pas.
J’encourage donc les pays signataires, l’Union africaine, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs ainsi que la Communauté de développement de l’Afrique australe, à redoubler d’efforts pour relever ces défis. Dans ce contexte, je salue l’initiative prise par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine en février visant à revitaliser l’Accord-cadre. Les Nations Unies resteront pleinement engagées à vos côtés. Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons parvenir aux objectifs communs de paix, de sécurité et de coopération contenus dans l’Accord-cadre d’Addis-Abeba. Les peuples de la région comptent sur nous.