Notre Programme commun: le Secrétaire général publiera onze notes d’orientation « concrètes » pour se préparer au Sommet de l’avenir
On trouvera, ci-après, le texte de l’allocution du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, prononcée à l’occasion de la consultation de l’Assemblée générale sur Notre Programme commun et le Sommet de l’avenir, à New York, aujourd’hui:
Au cours des dix-huit mois qui se sont écoulés depuis la publication du rapport intitulé « Notre Programme commun », nous avons réalisé d’importants progrès. Vous y êtes pour beaucoup.
L’avancée décisive sur les pertes et les préjudices, la reconnaissance du droit à un environnement propre, sain et durable, le Sommet sur la transformation de l’éducation, l’Accélérateur mondial pour l’emploi et la protection sociale et la création d’un Bureau des Nations Unies pour la jeunesse sont autant de jalons qui doivent nous mener vers les transformations dont nous avons besoin. Ce n’est évidemment qu’un début. Il nous faut continuer sur cette voie et aller plus loin encore.
Qu’il s’agisse du climat, des conflits, des inégalités, de l’insécurité alimentaire ou des armes nucléaires, nous sommes plus que jamais au bord du précipice. Or, nos mécanismes collectifs de résolution des problèmes ne peuvent rivaliser avec le rythme ou l’ampleur des défis.
Les formes actuelles de gouvernance multilatérale, conçues à une époque révolue pour une époque révolue, ne sont visiblement pas adaptées à notre monde complexe, interconnecté et dangereux sans cesse en mouvement. La fragmentation de notre riposte globale et la fragmentation de notre monde forment un cercle vicieux.
Il nous appartient désormais de faire passer les recommandations formulées dans Notre Programme commun, de l’idée à la réalité, de l’abstrait au concret.
D’emblée, je tiens à souligner que Notre Programme commun vise à accélérer la mise en œuvre du Programme 2030 et à concrétiser les objectifs de développement durable dans la vie des populations du monde entier. À mi-chemin de l’horizon 2030, nous sommes loin du compte.
Nous ne rattraperons le temps perdu qu’en comblant les lacunes et en surmontant les obstacles qui se dressent depuis 2015 – notamment en matière de coopération intergouvernementale. Le Sommet sur les objectifs de développement durable prévu en septembre sera l’acmé des efforts déployés cette année et il nous faudra afficher de nets progrès.
Les États Membres doivent s’engager sans ambages à sauver les objectifs de développement durable, en exposant leur vision de la transformation au niveau national, qui doit être sous-tendue par des plans, des critères de référence et des engagements concrets.
Une déclaration politique ambitieuse doit reconnaître les changements profonds à opérer aux niveaux national et mondial. Il faudra en priorité mobiliser les investissements et prendre des mesures dans les domaines ciblés à réformer afin de réaliser les objectifs.
Le Sommet sur les objectifs de développement durable doit faire de l’engagement que nous avons pris de ne laisser personne de côté une réalité juridique et politique. Et il faut prévoir des mesures afin que les systèmes internationaux relatifs à la finance, au commerce, à la dette et à la technologie soient bien au service des pays en développement, et qu’ils ne leur soient pas défavorables.
Je réitère mon appel aux pays du G20 pour qu’ils conviennent, d’ici au Sommet sur les objectifs de développement durable, d’un plan de relance des objectifs à l’appui des pays du Sud, qui soit financé à hauteur d’au moins 500 milliards de dollars par an.
Notre Programme commun doit faire fond sur le Sommet sur les objectifs de développement durable. J’énumère de nombreuses propositions dans le rapport; nous devons maintenant les examiner en détail et en extraire la substance. Tout au long de l’année, le Secrétariat publiera une série de onze notes d’orientation dans lesquelles vous pourrez puiser des idées concrètes. Les propositions que vous y trouverez seront étroitement liées aux objectifs de développement durable, compte tenu de vos observations lors des cinq consultations thématiques de l’année dernière.
Une note sur le Nouvel Agenda pour la paix fournira des propositions visant à répondre aux menaces quelle que soit la forme qu’elles revêtent et dans tous les domaines où elles s’exercent et donnera un aperçu de l’action que nous menons en faveur de la paix et de la sécurité dans un monde en transition et dans une nouvelle ère de concurrence géopolitique.
Y sera définie une vision intégrée du continuum de la paix: de la prévention et du règlement des conflits au développement durable à long terme, en passant par le maintien de la paix et la consolidation de la paix.
Nous y présenterons une approche globale de la prévention et de la consolidation de la paix qui fait le lien entre la paix, le développement durable, l’action climatique et les droits humains, et qui sera fondée sur la perspective et l’expérience des femmes et des jeunes.
Les propositions auront pour objet de résoudre les difficultés liées au maintien de la paix et de reconnaître la nécessité d’une nouvelle génération de missions d’imposition de la paix et d’opérations antiterroristes, dirigées par des forces régionales et bénéficiant d’un financement garanti et prévisible. L’Union africaine est un partenaire incontournable dans cette entreprise.
Nous proposerons de remettre le désarmement et la maîtrise des armements au centre du débat sur la paix et la sécurité et de répondre aux menaces que représentent les technologies émergentes, notamment l’intelligence artificielle et la cyberguerre.
Deux notes d’orientation consacrées à la finance viseront à faire avancer le débat actuel crucial sur une économie mondiale plus équitable et plus efficace. Dans la première, nous présenterons nos travaux relatifs à des indicateurs ne se limitant pas au produit intérieur brut, afin que les décisions relatives à l’allégement de la dette, au financement à des conditions concessionnelles et à la coopération internationale tiennent compte de la vulnérabilité, du bien-être, de la durabilité et d’autres mesures essentielles du progrès.
Nos critères actuels font tout simplement abstraction de nombreuses contributions importantes à la société, comme l’économie des services à la personne, tout en présentant comme bénéfiques des pratiques néfastes comme la déforestation et la surpêche.
Dans la seconde, nous proposerons une refonte de l’architecture financière mondiale pour rendre celle-ci efficace et équitable pour tous, en particulier pour les pays du Sud. La note portera sur la transformation radicale qui sera la condition d’une mondialisation profitant à tous.
Nos propositions consisteront notamment: à mieux faire entendre la voix des pays du Sud dans la gouvernance financière; à créer un filet de sécurité financière mondial et une architecture de la dette permettant aux pays à revenu intermédiaire vulnérables de bénéficier d’un allégement et d’une restructuration de leur dette; à aligner les objectifs du système financier sur les objectifs de développement durable.
Nous y proposerons des moyens de modifier le modèle économique des banques multilatérales de développement afin qu’elles assument davantage de risques et puissent mobiliser massivement des fonds privés pour aider les pays en développement à accélérer la transition vers les énergies renouvelables et à investir dans les objectifs de développement durable.
Le Pacte de Bridgetown, né d’une collaboration entre l’ONU et le Gouvernement de la Barbade, témoigne des progrès importants dans ce domaine. L’objectif est de mettre la finance au service des personnes, de la planète et de la prospérité, conformément au Programme 2030.
Dans la note d’orientation sur notre engagement envers les besoins des générations futures, nous proposerons de nommer un ou une envoyé(e) qui sera leur porte-parole à l’échelle mondiale. Nous suggérerons des idées pour alimenter une déclaration politique définissant nos devoirs envers l’avenir, ainsi qu’un forum intergouvernemental dédié pour mettre en commun les expériences et faire progresser la mise en œuvre. Nous y présenterons des idées pour exploiter pleinement la capacité sans précédent que nous avons de prédire et de comprendre l’impact des politiques et des activités menées actuellement.
Dans la note d’orientation sur l’amélioration de la riposte internationale face aux chocs mondiaux complexes, nous formulerons des propositions visant à réunir et à coordonner rapidement les acteurs clés en cas d’urgence, par la mise à disposition des données, de l’expérience, des ressources et des capacités appropriées.
Le but n’est pas de créer de nouvelles institutions ou d’empiéter sur les mandats des organismes existants. Nous y présenterons des lignes directrices pour mobiliser une riposte mondiale cohérente grâce à une plateforme d’urgence. Cela devrait favoriser un leadership politique de haut niveau pour coordonner une action multilatérale efficace, une mobilisation et une responsabilité effective.
Dans une note sur la coopération numérique mondiale, nous proposerons des idées pour maximiser et mettre en commun les avantages de la technologie numérique tout en se protégeant contre les inconvénients qui peuvent en découler. Les idées présentées seront inspirées de ma précédente feuille de route et axées sur un avenir numérique inclusif, ouvert, libre et sûr pour toutes et tous, fondé sur un internet mondial unique.
Le Pacte numérique mondial aura pour objectif de faire envisager la technologie comme un moteur du progrès humain, qu’il n’est possible d’exploiter pleinement qu’à condition de lutter contre le tort qu’elle peut causer. Dans ce sillage, nous publierons une note sur l’intégrité de l’information.
L’avènement d’un nouveau contrat social passe par le rétablissement de la confiance mutuelle et de la fiabilité des faits qui sous-tendent nos décisions. Il nous faut un écosystème de l’information qui soit inclusif et sûr pour toutes et tous. Dans cette note, nous nous pencherons également sur l’impact que la mésinformation et la désinformation ont sur de grandes questions d’ordre mondial, notamment la crise climatique.
Dans une note sur l’utilisation pacifique, sûre et durable des biens spatiaux et sur les activités spatiales, nous examinerons les possibilités offertes par les outils spatiaux aux fins de la réalisation des objectifs de développement durable et de l’Accord de Paris ainsi que de la lutte contre les menaces et les risques émergents.
Dans cette note, nous formulerons des propositions visant à donner encore plus de poids aux États Membres dans la gouvernance de l’espace, tout en suggérant des moyens de renforcer la collaboration avec les parties prenantes non gouvernementales. Nous y formulerons en outre des recommandations concernant la paix et la sécurité, la coordination du trafic spatial, les débris spatiaux, les ressources spatiales et les efforts que nous continuons de déployer dans l’exploration de l’espace lointain.
Ces propositions seront axées sur six points: la finalité de l’éducation, les conditions d’apprentissage, l’enseignement en tant que profession, la mise à profit de la transformation numérique, l’investissement dans l’éducation et l’appui multilatéral en faveur d’une éducation de qualité pour toutes et pour tous, qui correspond à l’objectif de développement durable no 4.
Dans une autre note d’orientation, nous définirons les étapes à suivre pour faire participer plus systématiquement les jeunes à la prise de décision à l’échelle mondiale. La création du Bureau des Nations Unies pour la jeunesse a été une avancée importante. Nous devons maintenant en tirer parti.
Dans cette note, nous insisterons sur des domaines d’action clefs, allant de la protection des jeunes aux efforts visant à leur garantir une forte présence dans les instances de décision nationales et mondiales. Cela vaut également pour le système des Nations Unies, notamment s’agissant des travaux préparatoires aux décisions de l’Assemblée générale, du Conseil économique et social et du Conseil de sécurité.
Enfin, nous étudierons les moyens de renforcer les capacités de l’ONU pour le XXIe siècle – et bâtir une ONU 2.0. L’ONU ne peut se contenter d’élaborer le programme idoine. Il lui faut aussi toute une expertise technique pour œuvrer aux côtés des États Membres à la mise en œuvre du programme. Tout comme les États Membres, il lui faut de nouvelles compétences, de nouveaux savoir-faire, de nouvelles stratégies et de nouveaux projets.
Dans la note sur l’ONU 2.0, nous nous pencherons sur la manière de renforcer notre expertise pour ce qui est des données, du numérique, de l’innovation, de la prospective et des sciences comportementales – et de bâtir un système des Nations Unies capable de mieux soutenir les États Membres dans les années à venir.
Chaque note d’orientation comprendra une analyse de son incidence sur la réalisation des objectifs de développement durable et aura pour socles la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme, dans l’esprit de mon appel à l’action en faveur des droits humains. L’égalité des genres sera un thème qui traversera les onze notes. Chacune prévoira des dispositions visant à promouvoir les droits des femmes et des filles.
Outre cette série de notes d’orientation, j’attends avec beaucoup d’intérêt les recommandations du Conseil consultatif de haut niveau pour un multilatéralisme efficace sur la façon dont nous pouvons, guidés par la Charte des Nations Unies et le Programme 2030, combler les lacunes les plus graves de la gouvernance mondiale.
La Coprésidente, Ellen Johnson Sirleaf, et le Coprésident, Stefan Löfven, feront part des premières pistes de réflexion demain et le Conseil publiera son rapport en avril. Un grand nombre des propositions énoncées dans ces notes d’orientation seront utiles à vos préparatifs en vue du Sommet de l’avenir qui se tiendra l’année prochaine. Le Secrétariat est à l’entière disposition des cofacilitateurs pour soutenir leur travail critique dans le développement du processus intergouvernemental.
Ce Sommet sera une occasion générationnelle de donner un nouvel élan à l’action mondiale, de réaffirmer nos principes fondamentaux et d’élaborer des cadres multilatéraux adaptés au monde d’aujourd’hui et qui nous permettent d’avancer vers l’avenir que nous voulons.
L’un des principaux objectifs de Notre Programme commun est de triompher des obstacles et des entraves au Programme 2030, de combler les lacunes et de relever les défis nouveaux qui se présentent à nous à une vitesse et une fréquence impressionnantes.
Et le Sommet de l’avenir sera la plateforme où nous pourrons aborder ces questions, mettre en évidence les coûts d’une pensée à court terme et y remédier, et créer des garde-fous autour de l’impact des nouvelles technologies.
J’espère que le Sommet débouchera sur un Pacte pour l’avenir qui comprendra des mesures en faveur d’un système financier mondial équitable et juste, un engagement pour une planète sûre, pacifique et durable, et la mise de la technologie au service de l’humanité et la protection des générations futures.
Je vous exhorte à jouer pleinement votre rôle dans les consultations sur la préparation du Sommet et dans la réunion ministérielle préparatoire qui se tiendra en septembre. Il s’agira-là d’occasions importantes de définir les axes, les principes et les résultats clés du Sommet.
Les conclusions du Sommet seront convenues au niveau intergouvernemental, par les États Membres. Mais vos préparatifs bénéficieront de la richesse des points de vue de la société civile, du monde universitaire, du secteur privé, des collectivités locales et régionales et d’autres acteurs. C’est vous, les états membres, qui prendrez les décisions. Mais vous puiserez votre inspiration, votre énergie et vos idées dans bien d’autres domaines. Nombre des propositions énoncées dans Notre Programme commun visent à renforcer l’action menée et les mandats existants face à de nouveaux défis. Les efforts en ce sens sont en bonne voie.
L’Accélérateur mondial pour l’emploi et la protection sociale fait avancer des idées portant sur l’inclusion économique des femmes, la création d’emplois dans l’économie verte et l’économie numérique, les garanties-jeunes pour l’emploi et un fonds mondial pour la protection sociale. L’Accélérateur a été approuvé par le G7 et le G20 et un partenariat a été mis en place avec la Banque mondiale afin d’étendre la protection sociale à un milliard de personnes d’ici 2025.
Les travaux se poursuivent également sur les cinq mesures transformatrices pour renforcer l’égalité des genres, en mettant l’accent sur le soutien aux États Membres à l’échelle nationale. Une équipe spéciale des Nations Unies aide les États Membres à lutter contre les lois et les réglementations discriminatoires.
Plus largement, une nouvelle vision de l’État de droit se dessine, dont l’objectif est de placer les personnes au cœur du système judiciaire. Cette nouvelle vision permettra de renforcer le rôle central de l’État de droit dans nos activités et consolidera les liens entre l’État de droit, les droits humains et le développement.
Nous avançons dans les préparatifs du Sommet social mondial de 2025. Ce sera là une occasion de mettre en pratique une nouvelle forme de délibération globale – une délibération fondée sur l’inclusion, la confiance et l’écoute, axée sur la lutte contre les inégalités et la promotion de l’esprit d’initiative, des chances et des droits des personnes. Ce Sommet sera consacré aux principaux défis sociaux auxquels nous sommes confrontés en matière d’emploi, d’éducation, de logement et de protection sociale. La Troisième Commission a noté cette proposition et j’encourage les États Membres à la soutenir.
Nous avons également progressé dans la planification du sommet biennal qui devrait rassembler les membres du G20, l’ECOSOC, les dirigeants des institutions financières internationales et moi-même en ma qualité de Secrétaire général des Nations Unies. Les États Membres ont pris note de cette proposition et des discussions sont en cours avec la présidence indienne du G20.
C’est là un programme de travail particulièrement fourni. Il constitue un défi, pour nous tous. Mais il est essentiel pour atteindre les Objectifs de développement durable et assurer notre avenir collectif.
Des processus et initiatives de négociation, nombreux et complexes, sont en cours cette année. Les processus intergouvernementaux sont exigeants et prennent du temps – mais ils sont essentiels si nous voulons avancer ensemble, unis autour de nos objectifs communs.
Cette année doit être celle où nous jetterons les bases d’une coopération mondiale plus efficace, adaptée aux défis d’aujourd’hui ainsi qu’aux nouveaux risques et menaces qui se profilent.
Toute mon équipe et moi-même –y compris le Secrétaire général adjoint Guy Ryder– sommes à votre disposition. Je compte sur votre engagement, votre leadership et votre appui constants dans l’effort que nous menons ensemble pour un présent meilleur et un avenir plus prometteur.