Inégalités entre les genres, financement de la recherche et Internet pour tous au menu de la dernière journée du forum STI
Le forum de collaboration multipartite sur la science, la technologie et l’innovation (STI) au service de la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) a achevé, aujourd’hui, ses deux jours de débats en se penchant sur les défis du financement de la recherche, d’Internet pour tous et des inégalités entre les genres dans la science et la technologie. Les discussions ont été riches et franches, un orateur n’hésitant pas à affirmer que les objectifs de développement durable (ODD) ne seront pas atteints en 2030 « si les choses ne changent pas », avec un appel à travailler ensemble, « parce que les gouvernements ne peuvent pas tout faire ».
Lors de la première session de la journée, les orateurs ont réfléchi aux moyens de faire tomber les barrières et de combler l’écart entre les sexes dans la science et la technologie. Au Chili, comme l’a rappelé le délégué de ce pays, les femmes ne représentent en effet que 5% des postes de travail dans ces domaines. Peu de femmes créent des contenus Internet, a appuyé Mme Tara Chlovski, PDG de Technovation.
Face à ce constat, Mme Janet Abbate, professeure de science, de technologie et société à Virginia Tech, aux États-Unis, a suggéré de sensibiliser les filles afin qu’elles croient en leur capacité à être performantes dans les domaines scientifiques. L’école, les gouvernements, les organisations de la société civile et le secteur industriel ont chacun leur partition à jouer, a-t-elle indiqué.
Même son de cloche du côté de Mme Eleonore Forunier-Tombs, Cheffe de l’action anticipative et l’innovation à l’Université des Nations Unies, qui a appelé à renverser le préjugé qui affecte les femmes, y compris dans les discours publics. « L’intelligence artificielle prolonge ce préjugé en produisant des textes qui mettent des articles au féminin quand il est fait mention d’assistant, tout en choisissant des pronoms masculins quand on parle de finance ou de responsable de direction. »
La deuxième session de la journée, soit la cinquième du forum, a exploré l’état de la coopération et du financement de la recherche mondiale -en particulier dans le Sud- pour la réalisation des ODD. Elle a été marquée par l’intervention de M. Fulufhelo Nelwamondo, de la Fondation nationale de la recherche d’Afrique du Sud.
Ce dernier a en effet rappelé que l’Afrique demeure un consommateur très important de connaissances mais ne représente qu’entre 1 et 2% des financements de la recherche mondiale et 2% des brevets déposés dans le monde, alors même que 22% de la jeunesse mondiale sera africaine d’ici à quelques décennies. « C’est pourquoi, il faut absolument faire passer un financement suffisant du Nord vers le Sud et renforcer les capacités de la jeunesse africaine. »
De son côté, M. Marco Antonio Zago, Président de la Fondation de recherche de São Paulo au Brésil, a déclaré que les gouvernements financeurs doivent tenir compte des spécificités des régions du monde, eu égard à leur exposition aux changements climatiques. « La science peut intervenir dans chacun des 17 ODD mais la science, en fait, doit être considérée comme un ODD à part entière », a-t-il affirmé.
La dernière session de la journée a été consacrée aux moyens à mettre en œuvre afin d’offrir à tous un avenir numérique équitable. En effet, les inégalités dans l’accès à Internet et aux infrastructures numériques, à la fois à l’intérieur des pays et entre les pays, demeurent préoccupantes. À ce défi, comme l’ont rappelé les orateurs, s’ajoute celui de l’émergence de l’intelligence artificielle, qui pourrait exacerber lesdites inégalités et laisser des milliards d’êtres humains de côté.
Un certain pessimisme a affleuré au cours des débats, notamment lors de la présentation du Rapport mondial 2023 sur le développement durable. « Nous sommes à mi-parcours et le monde est bien loin de ses objectifs », a en effet déclaré M. Ibrahima Hathie, de l’Initiative prospective agricole et rurale, Sénégal, en jugeant la situation « inquiétante ».
La tendance est négative pour de nombreux ODD, notamment pour ce qui concerne l’élimination de la pauvreté extrême, qui est le premier des objectifs. L’expert a aussi noté que le monde régresse pour l’objectif de faim « zéro ». Il a averti que les objectifs resteront hors de portée en 2030 si les choses ne changent pas. « Travaillons ensemble car les gouvernements ne peuvent pas tout faire. »
La Présidente de l’ECOSOC, Mme Lachareva Stoeva, s’est voulue volontariste dans sa déclaration de clôture en insistant sur l’importance cardinale de la coopération. Le défi principal est de faire en sorte que les nouvelles technologies et la recherche aient la durabilité comme élément moteur, a dit la Présidente. Enfin, elle insisté sur l’urgente nécessité pour les décideurs publics d’élaborer les politiques qui puissent accompagner les technologies en rapide évolution.
HUITIÈME FORUM DE COLLABORATION MULTIPARTITE SUR LA SCIENCE, LA TECHNOLOGIE ET L’INNOVATION AU SERVICE DE LA RÉALISATION DES OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE
Présentation du Rapport mondial 2023 sur le développement durable
La tonalité de la présentation de ce rapport a été négative, puisque les objectifs de développement durables (ODD), en l’état actuel des efforts, ne seront pas atteints en 2030.
Mme NANCY SHACKELL, de l’Institut océanographique de Bedford, Nouvelle-Écosse, a indiqué que ce rapport complexe, qui sera rendu public en septembre, est le fruit d’expertises très diverses. C’est une évaluation générale de toutes les évaluations qui ont été faites pour mesurer les efforts déployés en vue de réaliser le Programme de développement à l’horizon 2030, a-t-elle dit.
« Nous sommes à mi-parcours et le monde est bien loin de ses objectifs », a déclaré M. IBRAHIMA HATHIE, de l’Initiative prospective agricole et rurale, Sénégal, en jugeant la situation « inquiétante ». La tendance est négative pour de nombreux objectifs de développement durable, notamment pour ce qui concerne l’élimination de la pauvreté extrême, qui est le premier des objectifs. L’expert a aussi noté que le monde régresse pour l’objectif de faim « zéro ». Il a averti que les objectifs resteront hors de portée en 2030 si les choses ne changent pas. « Travaillons ensemble car les gouvernements ne peuvent pas tout faire. »
M. JAIME C. MONTOYA, de l’Académie nationale des sciences et des technologies des Philippines, a plaidé pour une meilleure compréhension des liens entre les différents ODD. Il a également insisté sur les effets transfrontaliers des actions visant à réaliser des ODD dans un pays, puisqu’elles peuvent avoir des externalités positives dans un autre pays.
De son côté, Mme DENISE MORAIS DA FONSECA, professeure d’immunologie à l’Université de Sao Paulo (Brésil), a rappelé que le monde a beaucoup appris de la pandémie de COVID-19. Il est crucial de combler les inégalités entre les pays et les communautés, a-t-elle dit, avant d’appeler à lutter contre la défiance envers la science.
Enfin, Mme SABRINA SHOLTS, du Musée national d’histoire naturelle – Smithsonian, États-Unis, a rappelé que l’histoire humaine et l’histoire naturelle sont inextricablement liées. Pour atteindre les ODD, les êtres humains et la nature doivent vivre en harmonie, a-t-elle dit, en stigmatisant l’usage non durable des ressources naturelles, lequel est récent à l’échelle de l’humanité. « Il est crucial de renouer avec cette harmonie avec la nature dont jouissent les peuples autochtones. »
Session 4: Faire tomber les barrières - combler l’écart entre les sexes dans la science et la technologie
Cette session a jeté la lumière sur des exemples et des enseignements tirés d’initiatives en matière de genre et de science, technologie et innovation (STI) qui aident à faire avancer le monde vers des écosystèmes d’innovation plus inclusifs et représentatifs, un préalable pour accélérer les progrès vers les ODD. Pour résumer l’ampleur des écarts de sexes, le Chili a relevé que les femmes de son pays ne représentent que 5% des postes de travail dans les domaines des technologies de l’information et des communications (TIC). Il faut de l’équité dans le domaine de l’intelligence artificielle, a aussi plaidé la modératrice de la session, Mme MAKI KAWAI, Présidente de l’Institut national des sciences naturelles, Japon, consciente que ce secteur va dominer le monde et que les femmes doivent y avoir une place centrale pour la prise de décisions.
Pour le moment, le constat est que les contenus d’Internet sont peu créés par les femmes, a souligné Mme TARA CHLOVSKI, PDG de Technovation. Comment les jeunes femmes peuvent-elles exploiter les nouvelles applications technologiques comme Tik Tok afin de promouvoir leurs contenus et changer le monde? a-t-elle demandé en espérant que les femmes seront à l’origine des prochaines avancées technologiques. Pour le moment, elles sont en avant-garde des projets écologiques mis en place par des scientifiques au Liban et dans la région du Moyen-Orient, a témoigné Mme NAJAT AOUN SALIBA, professeure de chimie analytique à l’Université américaine de Beyrouth, Liban.
Mme JANET ABBATE, professeure de science, de technologie et société à Virginia Tech, États-Unis, a quant à elle souhaité que les domaines de la science et de la technologie s’adaptent aux femmes. Selon elle, la structure et la culture qui y règnent sont favorables à l’essor des hommes mais pas des femmes. Il faut donc commencer par sensibiliser celles-ci afin qu’elles croient en leur capacité à être performantes dans les domaines scientifiques. L’école, les gouvernements, les organisations de la société civile et le secteur industriel ont chacun leur partition à jouer, a-t-elle indiqué.
Justement, l’Alliance Équité 2030 entend utiliser les STI pour permettre aux femmes et filles d’être plus autonomes, a indiqué Mme DIENE KEITA, Sous-Secrétaire générale et Directrice exécutive adjointe chargée des programmes au Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA). L’Alliance entend combler l’écart entre les sexes dans la conception scientifique et technologique. C’est aussi dans cette veine qu’un concours de start-ups technologiques a été lancé au Moyen-Orient, a fait observer Mme NATALIA BAYONA, Directrice de l’innovation, de l’éducation et des investissements à l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). Intervenant par visioconférence, elle a évoqué des efforts mis en route pour favoriser l’autonomisation des femmes dans le secteur du tourisme.
Mme ELEONORE FORUNIER-TOMBS, Cheffe de l’action anticipative et l’innovation à l’Université des Nations Unies, a parlé du préjugé qui affecte les femmes, même dans les discours publics. Par exemple, l’intelligence artificielle prolonge ce préjugé en produisant des textes qui mettent des articles au féminin quand il est fait mention d’assistant, tout en choisissant des pronoms masculins quand on parle de finance ou de responsable de direction. C’est bien pour cela que les femmes doivent être associées à ces innovations, a plaidé Mme ELIZABETH BASAURI BRYAN, scientifique principale, Division de l’environnement et de la production technologique à l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires. Elle a parlé d’organisations de femmes qui sont associées au rang de partenaire pour des recherches et des innovations dans le secteur agricole, par exemple. Dans cette lancée, le Royaume-Uni a assuré avoir mis sur pied des programmes pour encourager les institutions universitaires à promouvoir les femmes dans les domaines scientifiques.
Le grand groupe des femmes a appelé au renforcement des capacités des femmes sur les questions scientifiques et ce, dès le bas âge, afin de renforcer leur estime et de susciter des vocations dans des domaines scientifiques. Le grand groupe des enfants et des jeunes a aussi demandé des mesures pour faciliter l’accès des femmes et filles aux programmes scientifiques. Les violences faites aux femmes et filles du fait des TIC ont été abordées par la Lettonie, tandis que l’Arménie a signalé avoir mis en place une application pour signaler ces actes pervers en ligne. Enfin, la République islamique d’Iran a fait remarquer que les femmes sont plus vulnérables aux mesures coercitives imposées à un pays, et que ces mesures ont des effets délétères sur l’essor des femmes dans les domaines scientifiques.
Le niveau d’inégalité dans le monde aujourd’hui est équivalent à celui d’avant la Première Guerre mondiale, quand le monde était encore dans une ère d’impérialisme, a relevé Mme NAVROOP SAHDEV, PDG de « The Digital Economist », en alertant sur le fait que les femmes en sont les premières victimes. Le fait d’exclure les femmes dans la prise de décisions fait baisser « notre quotient intellectuel (QI) collectif », a-t-elle déclaré. De l’autre côté, impliquer les femmes dans la société, notamment dans les domaines scientifiques, fait croître le QI global de la société. Ces questions d’équité nous concernent tous, hommes et femmes, a-t-elle conclu.
Session 5: Coopération et financement de la recherche au niveau mondial - partager des connaissances avec de nouveaux partenariats
Cette cinquième session du forum a exploré l’état de la coopération et du financement de la recherche mondiale -en particulier dans le Sud- pour la réalisation des ODD. Elle a notamment mis en lumière la nécessité des partenariats et des financements entre pays ainsi que l’importance de l’organisation des flux de fonds et de connaissances du Nord vers le Sud pour réaliser les ODD.
Présidée par Mme MATHU JOYINI (Afrique du Sud), la session a été modérée par Mme CHERRY A. MURRAY, professeure de physique et Directrice adjointe pour la recherche de Biosphère 2, à l’Université de l’Arizona (États-Unis), qui a d’abord pointé l’importance cruciale des financements nationaux en matière de recherche pour espérer réaliser les ODD à temps. En tant que scientifique, elle a aussi relevé que les objectifs de 2030 constituent « un cadre utile pour l’écosystème de la recherche ». Elle a en outre encouragé à une meilleure coordination entre les financeurs locaux et internationaux.
De nos actions dépendront « la survie de l’espèce humaine », a prévenu la première panéliste, Mme KATJA BECKER, Présidente du Global Research Council et Présidente de la Deutsche Forschungsgemeinschaft d’Allemagne. Il y a urgence, a-t-elle insisté en expliquant ainsi pourquoi les ODD obligent les scientifiques à s’unir. Le seul objectif de la science est de faciliter la gestion des difficultés de l’existence humaine, a ensuite déclaré Mme Becker, paraphrasant le dramaturge allemand Bertolt Brecht. Elle a dressé un catalogue de tous les maux auxquelles la science pourrait répondre avec de la coopération, des maux tels que la faim, la pauvreté ou encore la perte de biodiversité. « Tout devrait être fait pour intégrer la recherche au Programme de développement durable à l’horizon 2030. »
Mme ANA CRISTINA AMOROSO DAS NEVES, Cheffe du Bureau de la gouvernance d’Internet au sein de l’unité de calcul scientifique de la Fondation pour la science et la technologie du Portugal et Présidente de la Commission des Nations Unies pour la science et la technologie au service du développement (CSTD), a, elle, axé son discours sur la quantité et la disponibilité des financements continus pour les chercheurs face aux défis pressants. Même en temps normal, de nombreux chercheurs se plaignent des va-et-vient incessants des financements et le manque de visibilité à moyen et long terme, a-t-elle témoigné. Difficile pour la communauté de chercheurs, a acquiescé la modératrice, qui a parlé de « fuite des capitaux » plutôt que d’employer le traditionnel cliché de la « fuite des cerveaux ».
Alors que la teneur de la session glissait sensiblement sur la problématique du manque de financements pour la recherche dans les pays du Sud, M. KAZUHITO HASHIMOTO, Président de l’Agence japonaise pour la science et la technologie, a insisté sur la coopération japonaise pour des projets améliorant le bien-être du Sud mondial. Il a pris pour exemple une agence de développement japonaise utilisant les financements de l’aide publique au développement (APD) pour des actions dans différents pays donnant les moyens aux chercheurs du Sud de renforcer leurs capacités. En Asie du Sud-Est, a-t-il aussi relaté, le Japon travaille pour développer des programmes de recherches sur une base d’égal à égal afin d’aider à résoudre des problèmes régionaux dans la région Asie-Pacifique.
La recherche dans le Sud a été incarnée ce matin par M. FULUFHELO NELWAMONDO, de la Fondation nationale de la recherche d’Afrique du Sud. Cet ingénieur « jeune et talentueux », comme l’a présenté la modératrice, travaillant sur l’impact positif des STI, a expliqué que l’Afrique demeure un consommateur très important de connaissances mais ne représente qu’entre 1 et 2% des financements de la recherche mondiale et 2% des brevets déposés dans le monde, alors même que 22% de la jeunesse mondiale sera africaine d’ici à quelques décennies. C’est pourquoi, selon lui, il faut absolument faire passer un financement suffisant du Nord vers le Sud et renforcer les capacités de la jeunesse africaine. L’ingénieur sudafricain a aussi appelé à « repenser complètement la manière dont les financements sont décaissés »: si les pays du Sud veulent s’en sortir, l’approche financière doit être modifiée. Il a fait valoir en effet que les pays de Sud ne pouvant à eux seuls financer l’effort, les pays du Nord doivent débourser davantage. Les échanges entre étudiants Nord-Sud doivent eux aussi s’intensifier, a-t-il ajouté.
Durant la discussion interactive, Mme CHARLOTTE WATTS, professeure et conseillère scientifique en chef et Directrice de recherche au sein des Bureaux des affaires étrangères, du Commonwealth et du développement du Royaume-Uni, s’est déclarée d’accord avec le scientifique sudafricain, et a mis en avant les initiatives du Royaume-Uni dans le sens Nord-Sud en matière d’agriculture ou de vaccins. Elle a aussi mentionné une initiative lancée lors de la COP26 pour recueillir des données concrètes liées aux changements climatiques rassemblant plus de 80 pays. Prenant le relais, M. MARCO ANTONIO ZAGO, Président de la Fondation de recherche de São Paulo au Brésil, a mentionné que les gouvernements financeurs doivent tenir compte des spécificités des régions du monde, eu égard à leur exposition aux changements climatiques. Il a eu cette formule: « La science peut intervenir dans chacun des 17 ODD mais la science, en fait, doit être considérée comme un ODD à part entière », étant un facteur déterminant du bien-être du monde animal et de l’être humain. Les États-Unis ont invité à collaborer, tout en appelant à se méfier des usages pouvant être faits de certaines nouvelles technologies encore mal maîtrisées. Les infrastructures de recherche russes sont à la pointe de la science mondiale, a signalé pour sa part la Fédération de Russie qui a déploré la « fragmentation de la collaboration entre pays », conséquence selon elle de la « politisation de la recherche ». La Chine a, elle aussi, fait part de son intérêt pour l’innovation, la collaboration entre pays et les investissements importants dans les projets de recherche conjoints.
Session 6: Bâtir un avenir numérique équitable pour tous
Cette session a été l’occasion d’explorer les voies à suivre pour forger un avenir numérique équitable pour tous. Le constat a été sans appel: les lacunes en matière de connectivité et d’accès à l’infrastructure numérique à l’intérieur des pays et entre les pays eux-mêmes restent une grave préoccupation. Cette session, modérée par Mme ANITA GURUMURTHY, membre fondatrice et Directrice exécutive de IT for Change, une organisation basée à Bangalore en Inde, a permis d’identifier les obstacles et d’évaluer les actions dont l’impact est susceptible de garantir un avenir numérique équitable pour tous, tout en conduisant le monde vers la réalisation des ODD.
Fondatrice de la Fondation Artemis, Mme HERMINA JOHNNY a relevé que personne ne peut prétendre avoir les solutions pour les 17 ODD, à l’heure où l’humanité est à la croisée des chemins. Il faut donc s’appuyer sur le numérique pour trouver des solutions bénéfiques pour tous, y compris les jeunes filles et femmes, qui sont parmi les plus vulnérables. Ces dernières sont la cible de programmes de renforcement de capacités mis en place par la Fondation Artemis dans les Caraïbes, a indiqué Mme Johnny. Mme ALISON GILLWALD, Directrice exécutive de Research ICT Africa, qui intervenait en visioconférence, a pour sa part appelé à en finir avec les inégalités numériques. Selon elle, la première action cruciale serait de mettre à disposition des données probantes sur le numérique, afin de toucher du doigt les phénomènes d’invisibilité et de sous-représentation.
Selon M. CHRIS SHARROCK, Vice-Président des affaires des Nations Unies et des organisations internationales chez Microsoft, pour accélérer la numérisation et réaliser les ODD, il faut commencer par renforcer la connectivité, notamment en élargissant la bande passante, alors que 2,7 milliards de personnes à travers le monde n’ont toujours pas accès à Internet. Microsoft entend pour sa part connecter 250 millions d’entre elles d’ici à 2025, s’est-il engagé. De son côté, M. HENRIK COX, Chef de produit à « Conservation X Labs », a expliqué comment son institution œuvre à la conservation de la biodiversité, notamment des espèces halieutiques du littoral d’Hawaï aux États-Unis, en République démocratique du Congo (RDC) avec des programmes ciblant les gorilles, et au Costa Rica, où elle s’évertue à protéger les jaguars.
M. AMIR DOSSAL, Président-directeur général de Global Partnerships Forum, a rappelé que de nombreuses populations qui n’ont pas accès au numérique n’ont même pas accès aux services basiques comme l’électricité et les routes, la plupart vivant dans les pays les moins avancés (PMA). Il a plaidé pour un fonds du numérique entre les institutions des Nations Unies, afin d’aider ces pays. Le Pérou, au nom d’un groupe de pays, a indiqué que réduire la fracture numérique devrait ouvrir la voie à un secteur public numérisé et des facilités pour la population. De même, a dit la délégation, le pacte numérique proposé par le Secrétaire général s’avère crucial pour parvenir à un développement durable. Internet est un bien public mondial, a souligné de son côté M. ROBERT BERTRAM, scientifique en chef au Bureau pour la résilience et la sécurité alimentaire à l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Il a évoqué ce fonds consacré à l’accès des femmes au numérique, qui a été lancé aux États-Unis pour réduire les disparités entre hommes et femmes.
Mme SHAMIKA SIRIMANNE, Directrice de Division de la technologie et de la logistique à la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a estimé qu’il faut aussi penser à se mettre d’accord sur les questions éthiques autour des données collectées et sur la gouvernance des plateformes numériques. L’ONU doit jouer un rôle prépondérant à cet égard, a-t-elle expliqué, en rappelant que de telles initiatives se doivent en effet d’être multilatérales. Il en va de même de l’appui aux pays les moins avancés (PMA), qui doit être multilatéral, a plaidé le Népal, qui s’exprimait au nom de ce groupe de pays. Rebaptisant, sur le ton de l’humour, ce groupe comme celui des « pays les moins couverts » par le numérique, le Népal a appelé à des investissements et des transferts de technologies à leur bénéfice. Selon El Salvador, il faut effectivement une approche globale pour une transformation numérique, tandis que l’Égypte a mis l’accent sur la réduction de la fracture numérique entre les zones rurales et urbaines, grâce notamment à des financements à taux concessionnels et par le biais de partenariats public-privé. Même son de cloche pour la Chine, qui a estimé qu’une société plus égalitaire passe par le renforcement de la coopération numérique, avant d’assurer qu’elle y contribuait déjà.
Mme MI OCK MUN, Présidente de l’Institut de politique scientifique et technologique de la République de Corée, a expliqué que l’intelligence artificielle a également des aspects problématiques qu’il ne faut pas négliger. Il faudrait par exemple mettre l’accent sur la protection des droits humains, a lancé le Mexique, suivi en cela par une ONG qui a expliqué que son organisation s’évertue à surveiller ses effets préjudiciables pour les populations. En fin de compte, l’Uruguay a appelé à bâtir une « citoyenneté numérique » partout à travers le monde, avant que la modératrice ne souligne que l’inclusion numérique s’apparente à un droit humain qu’il faut désormais prendre en compte.
Session 7: Bilan et déclaration de clôture
Cette session de clôture, présidée par Mme MATHU JOYINI (Afrique du Sud), a eu pour objet de distiller les questions clefs ayant imprégné les discussions des deux derniers jours et d’émettre des recommandations concrètement exploitables pour les délégations.
La présentation des progrès de l’Équipe spéciale interinstitutions des Nations Unies sur la science, la technologie et l’innovation pour les ODD a été assurée par M. NAVID HANIF, Sous-Secrétaire général au développement économique au sein du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (DESA) qui a précisé que l’Équipe permet à 48 entités des Nations Unies de coordonner leurs travaux sur les STI et ce, depuis 2015. M. Hanif a insisté sur le manque de temps pour réaliser les ODD -seuls 12% de ces objectifs sont « sur les rails », a-t-il constaté avec accablement- en rappelant le vœu du Secrétaire général de davantage collaborer sur les STI. Il a appelé les pays à se transformer de toute urgence et à s’engager lors du prochain Sommet sur les ODD.
Deux observations saillantes ont été formulées par Mme SHAMIKA SIRIMANNE, Directrice de la Division de la technologie et de la logistique de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). La première, c’est qu’au fossé numérique entre pays s’ajoute désormais un « fossé de données ». Elle a craint que les pays en développement ne soient floués en fournissant gratuitement leurs précieuses données à quelques grands groupes privés ou pays, pour ensuite être contraints d’acheter ces données en retour pour en faire usage. Sa deuxième préoccupation est liée aux changements climatiques: Mme Sirimanne a craint que le cadre autour de la propriété intellectuelle soit trop contraignant pour que les pays en développement étendent leurs capacités en matière de lutte contre les changements climatiques.
Mme QUARRAISHA ABDOOL KARIM, Directrice scientifique associée de CAPRISA (Afrique du Sud), professeure à la l’université Columbia de New York et ambassadrice spéciale d’ONUSIDA pour les adolescents et le VIH, est revenue sur l’impact de la pandémie de COVID-19, menace mondiale par excellence, qui a démontré, une fois encore, qu’il fallait travailler en commun. D’autres agents pathogènes menacent de la même façon, a-t-elle prévenu, plaidant la cause des plus vulnérables à l’échelle des pays comme des communautés, et encourageant à investir dans les STI pour se préparer aux prochaines menaces. Elle a recommandé de créer « une banque d’idées, à laquelle nous aurions tous accès ». Enfin, au-delà des réseaux sociaux et des données satellites désormais accessibles en abondance, elle a placé beaucoup d’espoirs dans l’exploitation des « données terrestres » de type cartographiques, et recommandé de développer les ressources humaines dans ce secteur.
Certes, mais « l’intelligence artificielle a explosé et va changer le monde », lui a répondu Mme CHERRY MURRAY, professeure de physique et Directrice adjointe de la recherche de Biosphère 2 à l’université de l’Arizona aux États-Unis. La communauté internationale doit absolument revoir son approche en matière de financement des STI, en mettant l’accès sur le renforcement des capacités humaines, a-t-elle appelé. En outre, les « données ouvertes » doivent servir à protéger les droits des individus ainsi que leur vie privée, et non l’inverse. Mettant l’accent sur l’importance de la recherche publique, Mme Murray a recommandé que chaque bailleur de fonds consacre 4% de plus de ses financements aux ODD. L’accès aux données et aux technologies doit, lui, être équitable, a-t-elle ajouté. Elle a notamment pensé aux pays les moins avancés (PMA), aux femmes et aux filles, aux peuples autochtones et aux millions de personnes sans accès à Internet.
La présentation des messages clefs et perspectives d’avenir a été assurée par M. THOMAS WOODROFFE, Ambassadeur du Royaume-Uni auprès de l’ECOSOC, qui s’est chargé de présenter un résumé des discussions de ces deux derniers jours. L’ambassadeur s’est réjoui que, pour la première fois en huit ans d’existence, le forum ait consacré une journée aux scientifiques africains, l’occasion pour eux de nouer des alliances et de créer des réseaux stratégiques. Le lancement d’une « Coalition des STI pour l’Afrique » en a été un des fruits les plus importants.
Face aux développements technologiques de plus en plus complexes, « l’ONU et ses États Membres doivent garder le rythme », a remarqué le Rwanda, au nom des cofacilitateurs du Pacte numérique mondial des Nations Unies. Les changements rapides en matière de nouvelles technologies modifient la donne en matière de STI, tandis que la technologie est devenue une question transversale qui devrait jouer un grand rôle dans la réalisation des ODD, a-t-il observé. Le délégué a insisté pour que la numérisation se fasse dans l’intérêt de tous.
Directrice fondatrice du Centre de technologie et de gestion pour le développement, professeure de technologie et de développement international et ancienne membre du Groupe des 10 hauts représentants chargés d’appuyer le Mécanisme de facilitation des technologies, Mme XIAOLAN FU a proposé de débloquer le goulot d’étranglement de la connectivité et des infrastructures et réclamé une « politique industrielle mondiale » pour créer une « infrastructure numérique mondiale ». Elle a recommandé le déblocage d’une aide financière pour que les PMA et les pays en développement en général puissent utiliser les nouvelles technologies. « Il n’y a pas que les élites qui peuvent créer du contenu, tout le monde peut le faire »: les nouvelles plateformes permettent aux « gens normaux » de se former mutuellement, a-t-elle observé.
Mme LACHAREVA STOEVA, Présidente de l’ECOSOC, a tiré les enseignements de ces deux journées de débat, en insistant sur l’importance cardinale de la coopération dans le domaine de la science, de la technologie et de l’innovation. Le défi principal est de faire en sorte que les nouvelles technologies et la recherche aient la durabilité comme élément moteur, a dit la Présidente. « Les politiques stratégiques peuvent aider à cette fin. » En conclusion, la Présidente de l’ECOSOC a insisté sur l’urgente nécessité pour les décideurs publics d’élaborer les politiques qui puissent accompagner les technologies en rapide évolution.