En cours au Siège de l'ONU

Session de 2023,
1re et 2e séances plénières – matin & après-midi
ECOSOC/7118

Financement du développement: appels à l’ECOSOC pour réformer l’architecture financière mondiale, inapte à résoudre les défis d’aujourd’hui et de demain

À l’ouverture du forum du Conseil économique et social (ECOSOC) sur le suivi du financement du développement, se déroulant du 17 au 20 avril, de nombreux intervenants, dont le Secrétaire général de l’ONU et la Secrétaire au Trésor des États-Unis, ont insisté pour que soit lancée une réforme de l’architecture financière mondiale, afin de parvenir, a suggéré M. António Guterres, à un système capable de soutenir les conditions économiques stables et d’aider les pays à investir dans les objectifs de développement durable (ODD).  Le forum est un processus intergouvernemental à participation universelle chargé d’examiner le Programme d’action d’Addis-Abeba et d’autres résultats en matière de financement du développement, ainsi que les moyens de mise en œuvre des ODD.

Dans son allocution, le Secrétaire général a souligné que le monde subit une crise multidimensionnelle qui a un impact dévastateur sur les plus pauvres et les plus vulnérables.  Il a constaté que les inégalités conduisent déjà à des troubles sociaux aux niveaux local et national, qu’elles font monter les tensions et les risques au niveau mondial. C’est ce contexte, a-t-il expliqué, qui a guidé sa proposition au G20 de lancer un stimulus (500 milliards de dollars par an) afin de passer à un financement abordable à long terme des ODD pour tous les pays dans le besoin.  Il a également appelé à élargir les critères d’éligibilité de financements concessionnels afin qu’ils soient disponibles aux pays à revenu intermédiaire dans le besoin, ainsi qu’aux économies les moins développées.  De même, les pays riches devraient respecter leurs promesses en matière d’aide publique au développement (APD), a-t-il rappelé. 

Le discours du Secrétaire général a aussi abordé la question de la dette, l’occasion pour lui d’assurer que l’ONU, en tant que seule organisation à caractère universel, est prête à faciliter le dialogue inclusif sur la souveraineté de la dette. Il a aussi lancé un appel pour avoir un mécanisme relatif aux droits de tirage spéciaux (DTS) pouvant être mis en place rapidement et automatiquement en temps de crise, tout en arguant que les DTS doivent être canalisés vers les pays qui en ont le plus besoin, y compris par le biais de banques multilatérales de développement.  À plus long terme, nous ne résoudrons pas les défis d’aujourd’hui en nous appuyant sur un système financier qui a contribué à les causer, a-t-il affirmé.  Il a rappelé que l’architecture financière mondiale a été créée pour un monde qui n’existe plus et qu’elle ne peut donc pas relever les défis des pays en développement, appelant à la renouveler.

Il nous faut commencer à jeter les bases d’un système financier international réformé, a acquiescé la Présidente de l’ECOSOC, Mme Lachezara Stoeva, qui a souhaité une architecture plaçant les besoins des pays en développement en son cœur.  Complétant ce diagnostic, le Président de l’Assemblée générale, M. Csaba Kőrösi, a constaté trois grandes déficiences: une architecture financière internationale « profondément injuste »; des fonds alloués qui ne soutiennent pas suffisamment la transition durable; et l’orientation stratégique, celle-là même qui a contribué aux crises. 

Face à l’ampleur des enjeux, la Secrétaire au Trésor des États-Unis, Mme Janet Yellen, a plaidé en faveur « d’actions audacieuses », en donnant en exemple la large coalition regroupant la Banque mondiale, des pays emprunteurs et non emprunteurs ainsi que des pays à revenu intermédiaire ou faible, qui a été mise en place afin de favoriser l’élaboration de réformes dans quatre domaines (vision, structures d’incitation, approches opérationnelles, et capacités financières). Nos travaux préliminaires ont ainsi permis de réviser et de remanier la mission de la Banque mondiale, a-t-elle fait valoir. 

Mais, à elles seules, les réformes du système international ne permettront pas de parvenir à un développement durable, prévient le rapport 2023 du Groupe interinstitutions sur le financement du développement, dont sont saisis les participants au forum.  Les pays doivent donc tracer leur propre voie pour atteindre les objectifs, comme le demandait d’ailleurs le Programme d’action d’Addis-Abeba, en passant par une coopération au développement et un investissement dans les ODD plus solides. 

Après l’ouverture de ses travaux, le forum a adopté son ordre du jour provisoire (E/FFDF/2023/1), avant de tenir trois tables rondes et terminer la journée par son débat général. Au cours de la première table ronde centrée sur les investissements durables en faveur des ODD, plusieurs orateurs ont ciblé la question de la dette comme un goulot d’étranglement pour les pays en développement.  C’est ainsi que l’ONG Eurodad a affirmé que « la dette tue dans l’œuf toutes les possibilités de réaliser les ODD ».  Elle a donc recommandé des solutions urgentes comme l’annulation pure et simple de la dette et le renforcement de l’APD, « dont le déficit ne peut être comblé par un secteur privé avide de profit ». 

Le forum du Conseil économique et social (ECOSOC) sur le suivi du financement du développement reprendra ses travaux demain, mardi 18 avril, à 10 heures.

FORUM SUR LE SUIVI DU FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT

Déclarations liminaires

La Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), Mme LACHEZARA STOEVA, a relevé que l’accès inégal à un financement abordable pour le développement, mis à nu par la pandémie, est devenu encore plus criant.  Nous sommes donc à la croisée des chemins, a-t-elle observé en prévenant que, sans action rapide, les clivages dans le financement du développement deviendront tout simplement des clivages de développement durable.  Elle a appelé à des mesures immédiates pour favoriser une gestion durable de la dette, augmenter les investissements, stimuler le financement climatique, faire progresser la coopération fiscale internationale et sauvegarder la coopération au développement.  En même temps, a-t-elle poursuivi, il est essentiel que nous commencions à jeter les bases d’un système financier international réformé.  Elle a appelé à une architecture de ce système qui place les besoins des pays en développement en son cœur.

La Présidente a rappelé le rôle clef de l’ECOSOC en tant qu’espace inclusif où les perspectives de tous les pays peuvent éclairer les discussions sur les questions de financement d’importance et d’impact mondiaux.  Les résultats du présent forum auront un impact bien au-delà de ces quatre jours, a-t-elle parié.  Changeons de cap avant qu’il ne soit trop tard et respectons les engagements du Programme d’action d’Addis-Abeba issu de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement, a-t-elle lancé en concluant son discours.

Le Secrétaire général de l’ONU, M. ANTÓNIO GUTERRES, a commencé par appeler les protagonistes de la crise soudanaise à mettre un terme à la violence.  Il a évoqué des pertes terribles parmi les civils et les humanitaires et a appelé les parties à respecter le droit international humanitaire, tout en assurant que les Nations Unies sont solidaires du peuple soudanais.  Venant à l’objet de la réunion, le financement du développement, il a souligné que le monde est en crise: une crise multidimensionnelle qui suralimente les inégalités et qui a un impact dévastateur sur les plus pauvres et les plus vulnérables.  Un pays sur trois est exposé à un risque élevé de crise budgétaire, a-t-il donné comme exemple en citant aussi la part (plus de 40%) de personnes vivant dans l’extrême pauvreté qui vivent dans des pays affligés par de graves problèmes d’endettement.  Il a évoqué un récent rapport sur les inégalités qui laisse voir que, depuis la pandémie, 1% des plus riches du monde ont capturé près de deux fois plus de nouvelles richesses que le reste du monde.  Les inégalités au sein de certains pays ont régressé au niveau de la situation qui prévalait au début du XXe siècle, a-t-il noté en faisant remarquer que cela correspond à une époque où les femmes n’étaient pas autorisées à voter et où la notion de protection sociale n’était pas généralement acceptée: « Cela nous fait honte à tous. »

M. Guterres a indiqué que le rapport de 2023 sur le financement du développement durable révèle une fracture financière béante qui se transforme rapidement en déficit de développement pour de nombreux pays et en une crise de la confiance et de la solidarité mondiales.  Les inégalités conduisent déjà à des troubles sociaux aux niveaux local et national, a-t-il observé, ajoutant qu’elles font aussi monter les tensions et les risques au niveau mondial.  De ce fait, ne pas agir ne fera qu’aggraver ces problèmes, car la crise climatique s’accélère et les inégalités augmentent, a-t-il mis en garde en concluant qu’« on n’a pas de temps à perdre ».

Le Secrétaire général a déclaré que c’est ce contexte qui a guidé sa proposition au G20 pour lancer un stimulus afin de passer à un financement abordable à long terme des objectifs de développement durable (ODD) pour tous les pays dans le besoin.  Il s’agit d’au moins 500 milliards de dollars par an à orienter dans trois principaux domaines d’action.  Premièrement, il vise à accroître la liquidité pour les investissements dans les transformations dont nous avons besoin pour atteindre les ODD: l’énergie renouvelable, les systèmes alimentaires durables et la quatrième révolution industrielle.  Selon le Secrétaire général, les banques multilatérales de développement ont un rôle important à jouer, notamment en transformant leur modèle économique et en acceptant une nouvelle approche du risque.  Cela inclut de tirer parti de leurs fonds pour attirer de plus grands flux de financements privés vers les pays en développement, a précisé le Secrétaire général. Il a également appelé à élargir les critères d’éligibilité de financements concessionnels afin qu’ils soient disponibles aux pays à revenu intermédiaire dans le besoin, ainsi qu’aux économies les moins développés.  De même, les pays riches devraient respecter leurs promesses en matière d’aide publique (APD). 

Deuxièmement, le stimulus pour les ODD vise à lutter contre le coût élevé de la dette et les risques croissants de surendettement, a poursuivi M. Guterres.  Il a rappelé avoir réclamé une initiative ambitieuse de restructuration de la dette qui permette aux pays en détresse d’échanger leur dette à court terme pour de nouvelles sur un plus long terme et à des taux d’intérêt plus bas.  Nous avons également besoin de mécanismes pour inciter les créanciers privés à participer, aux côtés des créanciers officiels, aux restructurations de dettes, a-t-il plaidé.  Il a assuré que l’ONU, en tant que seule organisation à caractère universel, est prête à faciliter le dialogue inclusif sur la souveraineté de la dette, en rassemblant toutes ces discussions qui ont lieu dans différents forums.

Troisièmement, le financement d’urgence doit être élargi, a souhaité M. Guterres.  Sur les 650 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS) accordés par le Fonds monétaire international (FMI) l’an dernier, la règle des quotas en vigueur fait que les pays développés ont reçu 26 fois plus de DTS que les pays les moins avancés (PMA), et 13 fois plus que tous les pays d’Afrique réunis, a-t-il décrié.  Les DTS doivent être canalisés vers les pays qui en ont le plus besoin, y compris par le biais de banques multilatérales de développement, a-t-il argué.  Il a lancé un appel pour qu’on ait un mécanisme relatif aux DTS pouvant être mis en place rapidement et automatiquement en temps de crise.

À plus long terme, nous ne résoudrons pas les défis d’aujourd’hui en nous appuyant sur un système financier qui a contribué à les causer, a-t-il affirmé.  Il a rappelé que l’architecture financière mondiale a été créée pour un monde qui n’existe plus: elle ne peut donc pas relever les défis des pays en développement.  Il est maintenant largement reconnu, a-t-il dit, que nous avons besoin d’un système économique cohérent et coordonné, et qui reflète les réalités de l’économie mondiale d’aujourd’hui; un système qui soutient les conditions économiques stables et aide les pays à investir dans les ODD.  Nous avons besoin d’engagement et de soutien de tous les coins du monde pour renouveler l’architecture financière internationale, pour relever les défis d’aujourd’hui et de demain, a-t-il conclu.

M. CSABA KŐRÖSI, Président de l’Assemblée générale, s’est dit pleinement conscient des crises interdépendantes auxquelles le monde est confronté, en citant ce proverbe: « quand il pleut, il pleut à verse ».  De la pandémie de COVID-19 à la dégradation de l’environnement, en passant par les inégalités économiques profondes et d’autres défis majeurs, les structures socioéconomiques fragiles ont été poussées jusqu’à leurs limites ces dernières années, et l’absence d’une réponse internationale coordonnée a entraîné un déclin significatif de la croissance économique mondiale, une hausse de l’inflation et une crise de la dette imminente, crise qui touche de plein fouet les pays en développement, a résumé le Président.  Avec plus de la moitié de ces États en situation de surendettement en raison de la baisse de leurs revenus, alors même que les échéances de remboursement de la dette et les taux d’intérêt augmentent et que les coûts d’emprunt s’envolent, il a jugé impératif de se réunir, dans tous les secteurs, pour relever ces défis.  Il a invité pour cela les créanciers publics et privés, nationaux et internationaux, ainsi que les gouvernements, à coordonner de toute urgence leurs efforts pour trouver des solutions aux problèmes structurels de longue date que pose la dette. 

De son point de vue, le système de développement international présente au moins trois grands groupes de déficiences: une architecture financière internationale « profondément injuste »; des fonds alloués qui ne soutiennent pas suffisamment la transition durable; et l’orientation stratégique, celle-là même qui a contribué aux crises.  Or les pratiques de financement semblent ignorer ce diagnostic, a-t-il constaté, estimant que les différents impacts du financement de projets ne sont toujours pas mesurés de manière adéquate.  Appelant à tirer les leçons des erreurs du passé, il a plaidé pour des dépenses plus efficaces en réduisant les externalités négatives.  Afin de garantir un financement accessible et abordable aux pays en développement, il a aussi appelé à renforcer la capacité de prêt et l’efficacité opérationnelle des banques de développement multilatérales et publiques, ainsi qu’à stimuler la mobilisation des ressources nationales.  Enfin, dans le cadre du financement national et international, une meilleure compréhension des impacts globaux serait essentielle, selon lui.  « En résumé, nous devrions renforcer et accélérer la réforme systémique dans le domaine des finances internationales », a conclu le Président.

Mme JANET YELLEN, Secrétaire au Trésor des États-Unis, a plaidé en faveur « d’action audacieuses » pour relever les défis mondiaux qui font peser des menaces sur les progrès en vue de la réalisation des ODD.  Avant même le début de la pandémie de COVID-19, nous étions à la traîne en matière de réduction de la pauvreté, a-t-elle déploré, observant que les défis de la pandémie, des changements climatiques et de la multiplication des conflits ont eu des effets disproportionnés sur les plus pauvres et les plus vulnérables. Il n’est donc plus possible de réaliser nos objectifs en matière de développement si nous omettons de nous attaquer à ces problèmes mondiaux de manière urgente et à grande échelle, a relevé la Secrétaire au Trésor.  Elle a misé sur les banques multilatérales de développement, qui sont un pilier essentiel du système de développement.  Mme Yellen a dit avoir pour priorité de faire évoluer ces institutions afin qu’elles soient en mesure d’entreprendre des actions décisives pour relever ces défis planétaires.

La Secrétaire au Trésor a cité la large coalition regroupant la Banque mondiale ainsi que des pays emprunteurs et non emprunteurs, des pays à revenus intermédiaire ou faible, qui a été mise en place afin de favoriser l’élaboration de réformes dans quatre domaines, à savoir la vision, les structures d’incitation, les approches opérationnelles et les capacités financières.  Nos travaux préliminaires ont ainsi permis de réviser et de remanier la mission de la Banque mondiale, a-t-elle signalé.  Elle s’est également félicitée des mises à jour apportées au diagnostic, à la stratégie nationale et aux mesures d’incitation pour le capital privé et la mobilisation des ressources à l’échelle nationale.  Mme Yellen a appelé, en concluant son intervention, à l’adoption d’un plan de travail ambitieux afin de favoriser une mise en œuvre rapide de ces programmes.

Note du Secrétaire général sur le financement du développement durable 

Présentée par le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. LI JUNHUA, la note (E/FFDF/2023/2), dans laquelle sont exposées les principales conclusions formulées par le Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement dans son rapport pour 2023, dresse un bilan des progrès accomplis dans l’exécution des décisions touchant au financement du développement.  Le rapport du Groupe de réflexion s’appuie sur les données recueillies par plus de 60 de ses membres ainsi que sur leurs savoirs spécialisés et leurs analyses.  Il examine la situation économique mondiale, ses conséquences pour le développement et les transformations industrielles durables ainsi que les progrès réalisés dans les sept domaines d’intervention du Programme d’action d’Addis-Abeba issu de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement.

Dans le contexte macroéconomique mondial extrêmement difficile que nous connaissons aujourd’hui, il est de moins en moins probable que des financements suffisants seront disponibles pour soutenir le développement durable, constate le rapport en prévenant que si rien n’est fait, la fracture financière se traduira par une fracture en matière de développement durable. Les pays vulnérables, dont de nombreux PMA, pays africains et petits États insulaires en développement (PEID), ont toujours besoin d’une aide internationale immédiate et plus soutenue pour financer leur développement durable, note le rapport en s’inquiétant des faibles niveaux d’investissement, en particulier dans de nombreux pays en développement, qui creusent le fossé du développement.  Retarder les investissements dans les transformations durables rendrait le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et les objectifs climatiques impossibles à atteindre et, à terme, exacerberait les problèmes de financement, souligne le rapport.

C’est pourquoi, dans son rapport de 2023, le Groupe de réflexion s’est surtout intéressé aux transformations durables, notamment en prônant une feuille de route pour les gouvernements ainsi que des changements dans le mode de fonctionnement du monde de la finance.  Le Groupe estime que des actions internationales et nationales sont nécessaires pour accroître le financement des objectifs de développement durable, avec d’abord le renforcement des cadres d’action mondiaux concernés.  Mais, à elles seules, les réformes du système international ne permettront pas de parvenir à un développement durable, a souligné le Groupe en appelant les pays à tracer leur propre voie pour atteindre les objectifs.

Parmi ses recommandations, il demande d’intensifier la coopération au développement et l’investissement dans les ODD, en soulignant que l’aide humanitaire et l’aide au développement sont indispensables pour enrayer les crises alimentaires qui s’aggravent.  Le financement de la lutte contre les changements climatiques est insuffisant, note aussi le Groupe avant de rappeler aux donateurs d’APD qu’ils doivent respecter leurs engagements.  L’APD a joué un rôle contracyclique en réponse aux crises successives, apportant un important soutien supplémentaire aux mesures prises pour lutter contre la pandémie de COVID-19, précise le rapport.  Il y a lieu également d’apporter un appui rapide et adéquat aux pays en situation de surendettement, l’objectif ultime étant de réduire l’encours de la dette et d’assurer un allégement à long terme.  Au total, 52 pays en développement, où vit la moitié de la population mondiale en situation d’extrême pauvreté, souffrent de graves problèmes d’endettement et de coûts d’emprunt élevés.  Selon le Groupe, des résolutions précoces de la dette peuvent aider les pays à éviter de faire « trop peu et trop tard ».

Comme autre axe d’efforts, le Groupe plaide pour que l’architecture financière internationale soit améliorée, pour que celle-ci soit plus cohérente et plus efficace, sachant que les débats sur la réforme institutionnelle et les processus correspondants sont toujours en cours.  Une fois achevés, ils devraient permettre de combler certaines lacunes de l’architecture internationale, de mieux l’adapter aux besoins du XXIe siècle et d’accroître le financement des ODD et de l’action en faveur du climat. 

Le rapport plaide aussi pour des mesures au niveau national pour accélérer les transformations industrielles durables.  Il faut une impulsion mondiale en faveur de l’investissement, accompagnée par des actions nationales concertées.  Les pays doivent, à cet effet, renforcer leurs approches stratégiques, notamment par le biais d’une nouvelle génération de politiques industrielles durables et de cadres de financement intégrés.  Le rapport indique également que les systèmes financiers et monétaires mondiaux ne sont pas conçus pour assurer le financement ou la stabilité nécessaires à la réalisation des ODD.  Les règles et les dispositifs de gouvernance existants pour les institutions et les marchés financiers n’ont pas pleinement intégré les trois dimensions –économique, sociale et environnementale– du développement durable.  Ces systèmes mondiaux ne sont toujours pas adaptés pour répondre aux besoins de tous les pays et n’ont pas suivi l’évolution de l’environnement économique et social. 

En matière de données, constate le rapport, le financement des systèmes statistiques et des écosystèmes de données est également resté stable depuis 2015 et a chuté depuis la pandémie de COVID-19. L’APD pour les données et les statistiques était de 0,3% en 2020, soit une fraction des besoins réels, ce qui nécessite une action urgente.  Le Groupe appelle la communauté internationale à accroître les financements destinés aux données et aux statistiques.  Les parties prenantes devraient collaborer pour combler les lacunes en matière de données relatives aux ODD et mettre au point des mesures autres que le produit intérieur brut (PIB).

Table ronde 1 - Faire face à une cascade de crises tout en investissant dans le développement durable: comment faire les bons choix de politiques?

En début de cette session, l’animatrice, Mme HANAN MORSY, Secrétaire exécutive adjointe de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), a relevé que notre monde fait face à une polycrise qui menace la réalisation des ODD.  Ajoutant à la crise sanitaire, les nouvelles tensions géopolitiques, la poussée de l’inflation (situation « unique » sur une génération) et des conditions financières tendues ont entraîné un ralentissement de la croissance mondiale et créé un environnement macroéconomique mondial extrêmement difficile. La table ronde a ainsi permis aux participants d’évaluer les options de politiques monétaire et budgétaire pour les pays qui cherchent à lutter contre l’inflation tout en finançant des mesures pour combler les besoins immédiats et relever les défis structurels à long terme. 

« Il faut des réformes au niveau international », a lancé, d’emblée, le Ministre des finances de la Colombie.  M. JOSÉ ANTONIO OCAMPO a ainsi appelé à poursuivre les négociations au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour aboutir à des solutions sur la question des droits de la propriété intellectuelle.  De même, le cadre de gestion de la dette du G20 devrait ratisser large en tenant compte des avis des PMA, a-t-il ajouté.  Son homologue M. KLEMEN BOŠTJANČIČ, Ministre des finances de la Slovénie, a constaté que les pays ayant des politiques fiscales solides sont ceux qui ont le mieux résisté aux répercussions des récentes crises, y compris la COVID-19.  Il a également souligné que les pays ayant investi dans les filets de sécurité sociale ont le mieux résisté aux pressions des crises.  Le Ministre a dit souscrire à la demande du Secrétaire général de l’ONU qui avait estimé précédemment que l’APD devrait au moins tripler pour faire face aux besoins des pays en développement. 

Évoquant justement un investissement de 300 milliards d’euros, Mme JUTTA URPILAINEN, Commissaire aux partenariats internationaux de l’Union européenne (UE), a expliqué qu’il s’agit pour l’UE d’investir d’ici à 2027 dans divers domaines, dans le cadre du programme « Gateway », afin d’accélérer les transitions verte et numérique et, partant, atteindre les ODD.  Intervenant par visioconférence, elle a également parlé de l’aide apportée par l’UE à ses partenaires pour la promotion d’une administration fiscale efficiente, ainsi que de son travail pour renforcer les capacités des pays à gérer leur dette.  La Commissaire a jugé crucial de réformer les banques multilatérales de développement et d’accroître leur attractivité pour les fonds privés dédiés au financement du développement.

Soucieuse pour sa part d’éviter une dépréciation de la devise, Mme BHUMIKA MUCHHALA, économiste à Third World Network, a demandé que l’on utilise les DTS comme filet de sécurité financier.  Elle a par ailleurs appelé à renforcer la participation des pays en développement dans la prise de décisions des institutions financières internationales, y compris le FMI.  Elle a aussi fait valoir que les inégalités systémiques requièrent une coopération internationale pour y remédier.

À la suite de ces experts des questions financières, les délégations ont pris la parole, comme l’Afrique du Sud qui a proposé que les ministres des finances et les dirigeants de banques centrales des pays du Nord et du Sud se retrouvent afin de proposer des actions prioritaires devant soutenir le plan de relance des ODD du Secrétaire général.  La Slovaquie a fait valoir que la mobilisation des ressources nationales est la base la plus solide pour un développement durable à long terme, pour demander par conséquent de soutenir les gouvernements des pays en développement dans leurs efforts d’élargissement de l’assiette fiscale.  Pour la délégation, il faudrait exploiter le potentiel de la numérisation en tant qu’instrument de promotion de la responsabilité et de la transparence des systèmes fiscaux.  La transparence est cruciale pour renforcer la confiance des populations locales et des bailleurs de fonds, a confirmé la Zambie.

Les États-Unis ont été d’accord pour dire que les crises multiples appellent à changer de cap et à mener des partenariats multilatéraux plus solides.  L’APD ne peut suffire, à elle seule, à financer le développement et il faut également mobiliser le secteur privé, a plaidé la délégation.  Pour l’Indonésie, en ces temps de crises et de défis, il faut davantage investir dans des technologies novatrices.  L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a, elle aussi, misé sur l’innovation.  Elle a rappelé que 100 millions de personnes supplémentaires ont été plongées dans la faim ces derniers temps.  C’est pourquoi elle entend mettre sur pied un mécanisme de facilitation d’importations de produits alimentaires, afin d’aider les pays les plus vulnérables et apporter un soutien à 1,7 milliard de personnes à travers le monde.  Dans cette même intention de facilitation logistique, le Paraguay a mis l’accent sur la question du commerce multilatéral, un défi majeur pour des pays comme lui qui sont sans littoral. 

L’attention a aussi été portée sur les populations rurales, qui figurent parmi les plus marginalisées au monde, selon Rural Development Center.  L’ONG a donc plaidé pour des politiques de discrimination positive comme des bourses d’études en faveur notamment de filles et femmes des communautés rurales. Lui emboîtant le pas, le représentant de Civil Society Mecanism, a estimé que, comme la plupart des crises mondiales viennent de l’hémisphère Nord, les solutions devraient venir du même endroit.  Eurodad, une autre ONG, est revenue à la question de l’endettement: « la dette tue dans l’œuf toutes les possibilités de réaliser les ODD ». Elle a donc recommandé des solutions urgentes comme l’annulation pure et simple de la dette et le renforcement de l’APD, dont le déficit ne peut être comblé par un secteur privé avide de profit. La Commission de l’Union africaine a enfin déclaré que le bon choix de politiques est tout simplement d’appliquer les engagements pris auparavant au sein des Nations Unies. 

Table ronde 2 - Repenser l’architecture financière internationale pour atteindre les objectifs de développement durable

Si le modérateur de la deuxième table ronde, M. ACHIM STEINER, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) s’est félicité de la portée des discussions sur la refonte de l’architecture financière internationale, le Gouverneur de la Banque centrale du Kenya, M. PATRICK NJOROGE, a déploré quant à lui que les faibles projections de la croissance mondiale viennent jeter une ombre sur ces échanges.  Le moment est venu, selon lui, de parler d’une seule voix pour s’attaquer de manière globale à la réalisation des objectifs de développement durable.  Pour ce faire, les institutions de Bretton Woods doivent agir rapidement, renforcer le filet de sécurité financière et élargir leur rôle de catalyseur économique. 

Partageant ce pessimisme sur les perspectives financières post-COVID-19, M. NICK DYER, Directeur général de l’action humanitaire et du développement au Bureau des affaires étrangères, du Commonwealth et du développement du Royaume-Uni, a parlé du sentiment de « frustration » qui se répand dans le monde malgré les 50 milliards de dollars de plus qu’a débloqués la Banque mondiale, une somme qui demeure toutefois insuffisante. Le Sommet sur les objectifs de développement durable, qui se tiendra au mois de septembre prochain, doit être, a-t-il plaidé, l’occasion de discuter plus avant des mécanismes de financement et de la manière de déployer les ressources financières nécessaires à la réalisation des objectifs de développement. 

Nous devons passer de la frustration à l’action, a lancé M. MARKUS BERNDT, Directeur général de EIB Global.  Il a appelé à un système regroupant toutes les parties prenantes, avec l’implication des banques multilatérales de développement et une transition déterminée vers les énergies renouvelables.  Le secteur privé doit commencer à émettre des « obligations vertes » et à accorder la priorité à la lutte contre les changements climatiques, tout en allant au-delà des droits de tirage spéciaux (DTS) pour générer davantage de fonds. 

Comme Cuba, l’Union africaine a rappelé, à cet égard, ses appels répétés à une répartition équitable des DTS, en faisant remarquer que les pays africains, souvent parmi les plus vulnérables, n’ont reçu que 5% de ces droits.  En 2020, l’Afrique subsaharienne, a-t-elle insisté, a obtenu moins d’un milliard de dollars du Fonds monétaire international (FMI), alors que d’autres pays ont reçu jusqu’à 15 milliards pour traiter des mêmes problèmes.  Il faut, a martelé l’Union africaine, davantage d’équité et de transparence. 

Pour mettre en œuvre le Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement, l’Espagne a prôné le renforcement des banques multilatérales de développement et du système des banques publiques, dans le respect des engagements pris au titre de l’aide publique au développement (APD).  Nous sommes dans une situation de risque sans précédent, mais également à un véritable tournant caractérisé par des opportunités sans précédent, a fait valoir M. AMAR BHATTACHARYA, associé principal à la Brookings Institution. Il a mis les délégations au défi de faire partie de la solution en matière de financement du développement. Nous devons trouver un nouveau modèle de croissance que celui qui a dominé le XXe siècle.  Nous devons, a-t-il souligné, trouvé un modèle moins risqué et plus juste en ce qui concerne la répartition des bénéfices et la réduction de la dette.  Le caractère central du financement du développement doit soutenir l’architecture financière internationale, avec l’appui des banques multilatérales de développement qui doivent collaborer davantage avec le secteur privé afin de parvenir à des solutions « transformatrices ». 

Cette architecture est brisée parce qu’elle se fonde sur un monde qui n’existe plus », s’est avancée Mme MAE BUENAVENTURA, du Mouvement des peuples asiatiques sur la dette et le développement.  Pour atténuer les effets des crises multiples liées au climat et au développement, elle a prescrit la « démocratisation » de la gouvernance économique mondiale et l’élaboration d’un mécanisme de règlement de la dette sous les auspices des Nations Unies, soucieuses de la « souveraineté économique » des États.  Dans ce contexte, elle a attiré l’attention sur l’impact négatif des flux de capitaux spéculatifs et sur la nécessité de réglementer les agences de notation.  Mme Buenaventura a fermement mis en garde contre l’idée d’accorder un rôle plus important à des agences qui ont contribué, selon elle, à l’émergence des crises interconnectées que le monde subit aujourd’hui. 

Il est en effet crucial de nous attaquer au coût élevé du service de la dette et aux risques croissants de l’endettement, a approuvé le Canada, en soulignant le risque que les pays incapables d’investir dans le développement durable n’accentuent leur retard.  S’il faut réformer les institutions de Bretton Woods et les institutions financières internationales, le Népal a néanmoins estimé qu’il faut veiller à ce qu’elles puissent continuer à allouer des ressources à des taux préférentiels aux pays les moins avancés (PMA), afin d’éviter qu’ils ne se retrouvent piégés dans une dette non viable.  Le système financier international doit prévoir des mécanismes susceptibles de favoriser l’inclusion et la participation des pays en développement à la gouvernance économique mondiale, a renchéri le Maroc

Après voir noté qu’il faut être « au bord de la famine » pour que la communauté internationale réagisse aux crises agroalimentaires mondiales, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a appelé à l’harmonisation des modalités d’allocation de fonds dans le secteur agricole et à des mesures incitatives cohérentes au profit du secteur privé.  Une opinion partagée par l’Allemagne, qui a souhaité une réforme de « grande envergure » du modèle de la croissance mondiale, assortie d’investissements accrus dans les biens publics mondiaux, comme le secteur agricole, afin d’en renforcer la résilience et de favoriser une meilleure intégration des institutions de Bretton Woods au système international de développement et aux Nations Unies.  Seule la volonté politique permettra de faire de ces réformes une réalité, a tranché le Bangladesh

Table ronde 3 - Coopération au développement: la résilience à long terme et le rôle des banques multilatérales de développement 

La troisième table ronde, qui a eu pour objet le rôle à jouer par les banques multilatérales de développement (BMD) dans les objectifs mondiaux de résilience, a démarré par une intervention pré-enregistrée de Mme SHEIKH HASINA, Première Ministre du Bangladesh.  Mme Hasina a qualifié la coopération pour le développement d’élément essentiel dans un contexte de crises s’empilant les unes sur les autres.  Les BMD doivent jouer un rôle vital dans les secteurs de la santé et de la technologie; leur impact est très important pour les ODD, a-t-elle déclaré.  Elle a aussi posé un problème de fond, celui du taux d’intérêt des BMD, qui augmente, poussant les pays en développement dans des retranchements de plus ne plus difficiles.  La Première Ministre a appelé à un plan de dette viable pour progresser dans la résilience.

L’animatrice de la table ronde, Mme MARIANGELA PARRA-LANCOURT, Cheffe de l’engagement stratégique et de l’intégration des politiques au DESA, a demandé à M. FRANCISCO ANDRÉ, Secrétaire d’État aux affaires étrangères et à la coopération du Portugal, quelles seraient selon lui les solutions pour que les BMD renforcent leur financement aux pays les plus vulnérables. Récemment revenu de Washington où se tenaient les réunions de printemps de la Banque Mondiale et du FMI, M. André a estimé important que les BMD optimisent leurs prêts en vue d’améliorer leur efficacité, tout en prenant davantage de risques, en vue également de « dialoguer avec les institutions de crédit » et de « réduire par tous les moyens la fracture numérique », dans les PMA notamment, sans pour autant laisser de côté les pays à revenu intermédiaire qui souffrent de nombreuses barrières fiscales.  Tout aussi important selon lui: l’assistance technique doit être livrée de concert avec le soutien financier des BMD.  Quant au secteur privé, il doit se mobiliser et proposer des outils flexibles. 

Se tournant alors vers M. JÜRGEN ZATTLER, Directeur général de la politique de développement international, du Programme 2030 et du climat au Ministère de la coopération économique et du développement de l’Allemagne, la modératrice lui a demandé comment promouvoir une aide efficace malgré les obstacles administratifs.  Il faut, lui a-t-il répondu, mettre à profit la récente réforme de la Banque mondiale, encouragée des années durant par l’Allemagne. Mais la donne a changé, parce que les crises s’accumulent, et que la Banque mondiale ne peut plus aborder les problèmes de façon morcelée.  Des décisions seront donc prises lors de la prochaine réunion de la Banque mondiale en octobre, a-t-il promis.  Ces décisions impliqueront de « modifier complètement l’objectif de la Banque » -aujourd’hui, l’éradication de la pauvreté– pour, à la place, faire en sorte que « la prospérité bénéficie à tout le monde ».  Ce sont deux objectifs différents, a-t-il bien précisé.  « La Banque mondiale a davantage pris conscience du volet prospérité partagée », c’est pourquoi une refondation est nécessaire, a-t-il reconnu.  Enfin, « soyons honnêtes: nous avons essayé de mobiliser le secteur privé, mais nos efforts n’ont pas porté leurs fruits », a regretté l’expert allemand en appelant à être plus imaginatif, plus exhaustif; et à adopter un prisme beaucoup plus large dans ce domaine.

Se faisant voix des PMA, M. PATRICK ZIMPITA, Secrétaire principal du Ministère des finances du Malawi, pays qui préside le Groupe des PMA, a évoqué son pays meurtri par le passage du cyclone Freddy en février.  Ce cyclone n’est pas un phénomène isolé au Malawi, dont la situation monétaire est fortement affectée par les changements climatiques et ses contraintes.  Des coupes budgétaires dans la santé et l’éducation ont dû être effectuées, entravant la réalisation des ODD, a-t-il expliqué.  Le déficit du PIB du Malawi est de 11%, or « il faut bien trouver l’argent quelque part, alors que l’APD se réduit comme peau de chagrin », a lancé M. Zimpita. Il a alors vu les BMD comme son seul recours et a demandé de l’aide aux institutions financières internationales qui, lorsqu’elles se livrent à leurs calculs, devraient « tenir compte de l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle ».  Cela donnerait à son avis un aperçu « plus ventilé » des problèmes de chaque pays.  D’autre part, quand certains ont évoqué la fragmentation croissante de l’architecture financière mondiale, lui a préféré évoquer « le coût exorbitant des transactions imposées par certains gouvernements, considérables pour un petit pays comme le Malawi ».  M. Zimpita a espéré que le forum de cette semaine permettra de réfléchir à comment réduire ce coût.

Comment redoubler d’efforts pour que la valeur de l’APD soit non seulement quantitative, mais aussi qualitative?  M. CARSTEN STAUR, Président du Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a relevé que les donateurs ont davantage délié les cordons de la bourse en cette période de crises multiples.  La mobilisation à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine a été massive, mais il est important de maintenir le niveau d’APD sur le long terme, au-delà des contingences, a-t-il recommandé.  Réagissant aux propos de M. André, qui appelait à débloquer davantage d’APD pour les services publics, et à se pencher sur les financements à condition préférentielle, M. Staur a concédé que dans beaucoup de pays, l’APD est la seule source de financement, quand pour d’autres, elle fait partie d’un bouquet plus large.  Rebondissant sur le coût des transactions évoqué par le délégué du Malawi, l’expert de l’OCDE a appelé à débloquer des fonds pré-affectés.  Ces fonds, essentiels dans le cadre de l’APD, permettent de proposer des mesures de financement raisonnables. 

M. STÉPHANE GUIMBERT, Directeur de la politique des opérations à la vice-présidence de la politique des opérations et des services aux pays de la Banque mondiale, qui participait à la table ronde par visioconférence, a dit que la Banque travaille depuis plusieurs mois avec les partenaires pour renforcer les capacités de financement, mais qu’il faut tenir compte d’« un grand nombre de difficultés qui transcendent les frontières ».  La Banque mondiale s’est engagée à débloquer 232 milliards de dollars de financement pour l’adaptation climatique, l’afflux de réfugiés, la pandémie de COVID-19, entre autres, a-t-il fait valoir en précisant que 32 milliards ont été débloqués l’an dernier.  Les réunions récentes de Washington ont permis d’avancer sur trois fronts: reconduire l’engagement en matière de réduction de la pauvreté, en mettant l’accent sur la résilience et le caractère durable des solutions à trouver; renforcer la coopération, en trouvant des mesures adaptées à chaque crise; et rendre le modèle plus efficace.

Face au poids insoutenable de la dette, M. VITALICE MEJA, membre du réseau Reality of Aid Africa, a appelé à la réaction « la plus rapide possible ».  Jugeant les appels à l’introduction de l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle tout à fait bienvenus, il a aussi fortement critiqué la baisse de l’APD et appelé à ne pas détourner cette aide pour la cause des réfugiés, réfugiés dont doivent s’occuper les pays d’accueil.  D’autre part, les voix des pays pauvres doivent être davantage entendues: on les appelle « clients », or ce sont des « parties prenantes », a-t-il nuancé.

Les délégations ont en majorité pris la parole pour appeler de leur vœux la mise en place d’un indice de vulnérabilité multidimensionnelle.  L’Espagne, tout comme l’Union européenne (UE), l’a jugé essentiel et a appelé à l’inclure à l’avenir dans les perspectives de financement.  Elle a aussi appelé à « trouver un équilibre entre un indice de vulnérabilité multidimensionnelle écologique, et un indice de vulnérabilité multidimensionnelle social ».  Pour le Canada, également favorable à l’indice, il est évident que les BMD doivent adapter leurs mesures pour faire face aux chocs climatiques futurs, et que lorsque de nouvelles sources de capitaux, comme le secteur privé, « frappent à la porte.  Il faut l’ouvrir », a-t-elle déclaré. 

Pour le Maroc, le système des BMD doit se situer au cœur des efforts d’investissement, mais les banques doivent « faire les choses différemment », en réfléchissant davantage au financement de l’adaptation aux changements climatiques ou aux pandémies.  L’Afrique du Sud a appelé les BMD à délivrer des conditions de prêts à plus long terme et à des taux d’intérêt plus bas; tandis que l’Argentine, a souhaité un équilibre entre élargissement du mandat des BMD et augmentation des ressources de ces mêmes banques.  L’Union africaine (UA) a enfin remarqué qu’une convergence de vue émergeait dans les discussions sur la nécessité d’un système financier capable de déployer des réponses rapides, comme pour le cas du Malawi et du cyclone Freddy.  Les financements doivent alors être concédés « à des taux acceptables, à bas coût. C’est une nécessité pour des institutions dignes du XXIe siècle », a-t-il pointé.

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