9507e séance – matin
CS/15531

Conseil de sécurité: au Soudan du Sud, une « masse critique » de conditions préalables doivent être respectées pour pouvoir tenir les élections fin 2024

Compte tenu des retards accusés à plusieurs niveaux, le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan du Sud a, ce matin au Conseil de sécurité, estimé que ce pays n’est pas encore en mesure d’organiser des élections crédibles en décembre 2024.  « La question qui en découle est donc de savoir quelles conditions et institutions doivent être mises en place pour que les élections soient possibles et les scrutins puissent se tenir à l’échéance fixée », a expliqué M. Nicolas Haysom, en faisant part de « masse critique ».

Venu présenter le dernier rapport en date du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), qu’il dirige, M. Haysom a fait le point sur la mise en œuvre de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit dans ce pays, dont ces élections constituent une étape cruciale. « Cinq ans après sa signature, le moment est venu de rassembler la volonté politique pour remettre le processus de paix sur la voie, afin de parvenir à des élections libres, régulières et crédibles », exhorte le Secrétaire général dans ses recommandations.

Sur le plan sécuritaire, le déploiement complet des Forces unifiées nécessaires se heurte toujours à de nombreux obstacles, a relevé le Représentant spécial, dont la répartition des salaires et des équipements et l’établissement d’un commandement unifié unique.  Un environnement sûr pour les civils avant, pendant et après les élections est pourtant une nécessité, a-t-il rappelé, suivi sur ce point par la Suisse, pour qui il s’agit d’une condition sine qua non au succès de la transition.

En outre, le processus de révision de la Constitution accuse un retard de 15 mois, alors que les parties avaient convenu que son adoption est une condition préalable à la finalisation du cadre juridique électoral et à la tenue ultérieure des scrutins.  Le haut fonctionnaire a déploré qu’à ce stade, les travaux sur les amendements constitutionnels n’aient toujours pas débuté, bien que la Commission nationale de révision constitutionnelle soit opérationnelle.

En outre, des plaintes ont été déposées par l’opposition, pour savoir si la composition de la Commission électorale nationale et de la Commission nationale de révision constitutionnelle est conforme à l’Accord revitalisé, s’agissant du quota d’hommes et de femmes appelés à y siéger et des accords sur les nominations conclus entre les partis.  « Cela a conduit à une controverse et au blocage de la prestation de serment des membres de ces deux organes », a regretté le Représentant spécial.

M. Haysom a toutefois estimé que le scrutin de décembre 2024 reste possible si « une masse critique » de conditions préalables est respectée.  Lesquelles? Pour lui, il s’agit de mettre en place un nouveau cadre constitutionnel permanent, de déployer des forces unifiées correctement formées et équipées, de formuler un plan opérationnel pour sécuriser les élections, d’adopter un cadre électoral clair, de mettre en place des institutions et des mécanismes électoraux, d’adopter par consensus les modalités d’inscription sur les listes électorales et des mécanismes de règlement des litiges électoraux, sans oublier un code de conduite pour les partis politiques.

La plupart des membres du Conseil ont abondé dans le sens de ces recommandations, alarmés comme le Représentant spécial par la crise humanitaire grave qui sévit au Soudan du Sud, exacerbée par l’afflux de réfugiés soudanais.  Les A3 –Gabon, Ghana et Mozambique– ont notamment encouragé les acteurs sud-soudanais à mettre pleinement en œuvre l’Accord revitalisé, dont les parties non signataires doivent démontrer leur engagement en faveur de la paix.

Pour les États-Unis, les retards observés par M. Haysom sont imputables à un manque de volonté politique de la part des autorités de transition sud-soudanaises.  Constatant que les mêmes problèmes que ceux observés il y a six mois continuent de se poser, la délégation américaine a argué que fournir un financement additionnel à un gouvernement qui fait « si peu » lui adresserait un message « erroné ».  Selon elle, il dispose des ressources nécessaires pour financer les institutions électorales, les Forces unifiées nécessaires, les services sociaux et l’aide humanitaire, tout comme il peut payer ses propres employés, et le peuple sud-soudanais a le droit de demander que la transparence soit faite sur la répartition des dépenses.

De son côté, la France a relevé que tout a été fait pour accompagner le Soudan du Sud vers ce scrutin, y compris en matière de renforcement des capacités, alors qu’une équipe dédiée à l’assistance électorale a été mise en place au sein de la MINUSS, une assistance qui « ne peut avoir d’effet utile qu’en appui à une volonté politique » nationale.  La Fédération de Russie a cependant appelé la Mission à prioriser la lutte contre la violence intercommunautaire et la coordination de l’aide humanitaire à Djouba.

Le Soudan du Sud a assuré aujourd’hui le Conseil de son engagement « inébranlable » à mettre en œuvre l’Accord revitalisé, dont témoignent selon lui les récents décrets présidentiels qui abordent des éléments clefs de la feuille de route et les progrès dans la réforme du secteur de la sécurité.  Conscientes de l’importance des élections de 2024, les autorités sud-soudanaises s’engagent à favoriser un processus démocratique, a insisté la délégation, avant de solliciter le soutien de la communauté internationale au renforcement des capacités, à l’aide humanitaire, au financement du développement et à la promotion du dialogue politique pour assurer une transition en douceur.  La Fédération de Russie et la Chine ont estimé qu’en dépit de ces difficultés, le processus politique sud-soudanais se développe normalement.

La délégation sud-soudanaise a également réitéré son appel à la levée de l’embargo sur les armes et des sanctions individuelles ciblées applicables dans le pays, également réclamée par la Fédération de Russie et la Chine.  Un sujet abordé en octobre dernier avec le Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2206 (2015) concernant le Soudan du Sud, a confirmé le Président de cet organe subsidiaire, qui a rencontré plusieurs responsables gouvernementaux, notamment le Président, le Vice-Président et le Ministre des affaires étrangères du pays.

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD (S/2023/955 ET S/2023/784)

Déclarations

M. NICHOLAS HAYSOM, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), a fait le point sur la mise en œuvre de l’Accord revitalisé, en particulier l’étape des élections, actuellement prévues pour décembre 2024.  Il s’agit d’un processus qui mettrait fin à la période de transition dans le pays, a-t-il rappelé, en notant qu’à 11 mois de l’échéance, le rythme de la mise en œuvre globale de cet objectif a été inégal.  Les dispositions transitoires en matière de sécurité, telles qu’elles ont été convenues par les parties, accusent toujours un retard important. Une situation préoccupante, car les Forces unifiées nécessaires sont essentielles à la mise en place d’un environnement sûr pour protéger les civils avant, pendant et après les élections. Bien que des mesures aient été prises récemment, le déploiement complet des Forces unifiées se heurte à de nombreux obstacles, dont le plus important est la répartition des salaires et des équipements, ainsi que leur mise en place sous un commandement unifié unique, en particulier la nomination des cadres intermédiaires, sur laquelle un accord n’a pas encore été trouvé.

Pour ce qui est du processus de rédaction de la constitution, ce dernier accuse un retard de 15 mois par rapport au calendrier arrêté par l’Accord revitalisé, a regretté M. Haysom. Les parties ont convenu que l’adoption d’une constitution modifiée était une condition préalable à la finalisation du cadre juridique électoral et à la tenue ultérieure des élections. Malheureusement, les travaux sur l’amendement de la constitution n’ont pas encore commencé, bien que la Commission nationale de révision constitutionnelle ait été mise en place.  Le Chef de la MINUSS a pris acte de la nomination des membres de la Commission électorale nationale, du Conseil des partis politiques et de la Commission nationale de révision constitutionnelle.  Toutefois, à l’exception du Conseil des partis politiques, des plaintes ont été déposées par l’opposition pour savoir si la composition de ces organes est conforme à l’Accord revitalisé s’agissant du quota d’hommes et de femmes appelé à y siéger et des accords sur les nominations conclus entre les partis. Cela a conduit à une controverse et au blocage de la prestation de serment des membres des deux comités, a regretté M. Haysom, arguant qu’il est désormais essentiel que ces organes soient opérationnels et dotés des ressources nécessaires pour commencer à assumer leurs responsabilités considérables.

Il est ensuite revenu sur les questions de la participation des réfugiés aux élections, de la gestion des plaintes et de l’enregistrement des électeurs, en notant qu’aucun cadre juridique pour y répondre n’a été arrêté à ce jour.  Il a insisté sur le fait que toute décision prise doit être conforme à l’Accord revitalisé et promouvoir le consensus, compte tenu du risque de rechute dans la violence que les élections peuvent représenter dans les pays en situation post-conflit si l’on n’investit pas suffisamment de temps, de ressources et de confiance dans leur préparation, avec notamment un accord entre les parties en présence.  Rappelant que les États Membres avaient demandé à la MINUSS si le pays pouvait être considéré comme capable d’organiser des élections libres, équitables, crédibles et surtout pacifiques, M. Haysom a affirmé sans ambages qu’à l’heure actuelle, le pays n’est pas encore en mesure d’organiser des élections crédibles, un point de vue partagé par les principales parties prenantes de l’ensemble de l’échiquier politique.  La question qui en découle est donc de savoir quelles conditions et institutions doivent être mises en place pour que les élections soient possibles et respectent l’échéance de décembre 2024.

Alors que les conditions nécessaires à la tenue de ces élections sont identifiées dans le rapport du Secrétaire général et comprennent la mise en place d’un nouveau cadre constitutionnel permanent, le déploiement de Forces unifiées correctement formées et équipées, la formulation d’un plan opérationnel de sécurité des élections, l’adoption d’un cadre électoral clair, la mise en place d’institutions et de mécanismes électoraux, l’adoption par consensus de modalités d’inscription des électeurs et de mécanismes de résolution des litiges électoraux, M. Haysom a aussi plaidé pour un code de conduite pour les partis politiques, qui établirait les paramètres d’un comportement politique responsable et élargirait l’espace politique et civique dans le pays.  Il a relevé que le processus d’accord sur ces conditions doit permettre de renforcer la confiance dans les institutions électorales et l’acceptation des résultats par tous les participants.  Sur la base de consultations avec des experts électoraux, le Chef de la MINUSS a estimé que la masse critique des conditions préalables décrites ci-dessus doit être en place d’ici à avril 2024 si l’on veut que des élections crédibles et pacifiques soient organisées d’ici à décembre 2024. Cela reste possible, a-t-il estimé. Notant que cela exige que la MINUSS agisse en partenariat avec les États Membres, l’UA, l’IGAD, l’UE et la Troïka, M. Haysom a indiqué s’être entretenu avec les Gouvernements de Djibouti, de l’Éthiopie, du Kenya, de l’Afrique du Sud et de l’Ouganda, ainsi qu’avec le Secrétariat de l’IGAD et le Conseil de paix et de sécurité de l’UA, qui ont tous confirmé être conscients de l’importance d’empêcher une rechute dans la violence et d’organiser des élections pacifiques au Soudan du Sud.  Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a demandé au mécanisme trilatéral (IGAD, UA et UNMISS) d’informer conjointement sur le processus d’élaboration de la constitution et sur l’état d’avancement de la préparation des élections en février 2024.

Pour ce qui est de la protection des civils, la Mission met en œuvre des mesures proactives visant à atténuer les risques de violence préélectorale, électorale et postélectorale, en se concentrant principalement sur le maintien d’une présence solide dans les points chauds potentiels par le biais des bases d’opérations temporaires existantes et nouvelles, en renforçant les réserves de soldats de la paix rapidement déployables, en effectuant de nombreuses patrouilles et en renforçant son engagement politique et civil au niveau communautaire et national, a précisé M. Haysom.

Enfin, alors que la crise humanitaire dans le pays atteint des proportions alarmantes, avec deux tiers de la population en situation d’insécurité alimentaire, le haut fonctionnaire a noté que des priorités mondiales concurrentes ont eu un impact négatif sur l’aide internationale.  Il a appelé le Gouvernement sud-soudanais à permettre un accès humanitaire sûr et sans entrave dans tout le pays et à demander des comptes aux responsables des attaques contre les personnels sur le terrain et du pillage de l’aide destinée aux plus vulnérables.

M. MICHEL XAVIER BIANG, Président du Comité du Conseil de sécurité établi en application de la résolution 2206 (2015) concernant le Soudan du Sud, a détaillé les activités du Comité depuis le début de l’année 2023, y compris la visite effectuée par cet organe subsidiaire au Soudan du Sud fin octobre.  Il a précisé que cinq experts ont été nommés par le Secrétaire général le 21 juillet.  Le Comité s’est réuni à huit reprises en 2023 pour des consultations informelles, a indiqué le Président.  Il a entendu à plusieurs reprises le Coordonnateur du Groupe d’experts, notamment le 31 mars et le 30 mai.  Le 10 octobre, il a entendu la Représentante du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé.  Lors de sa visite au Soudan du Sud du 21 au 28 octobre, le Président du Comité a précisé avoir rencontré plusieurs hauts responsables, notamment le Président, le Vice-Président et le Ministre des affaires étrangères du pays, ainsi que les membres de l’équipe de pays de l’ONU. Lors de cette visite, les discussions se sont focalisées sur l’embargo sur les armes et sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé, a précisé le Président. Enfin, il a indiqué que le Comité a reçu quatre demandes d’exemptions aux interdictions de déplacement et au gel des avoirs.  « Trois ont été accordées. »

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a convenu que les retards enregistrés dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé, signé il y a cinq ans, sont dus à un manque de volonté politique. Les mêmes problèmes que ceux recensés il y a six mois demeurent sans réponse, a-t-elle constaté.  Considérant que le Gouvernement de transition fait « si peu » pour organiser les élections, elle a estimé que fournir un financement additionnel lancerait un message « erroné ».  Les contributions statutaires ne doivent pas selon elle être lancées dans un processus électoral qui, en l’absence d’actions urgentes de la part du Gouvernement, ne sera ni équitable ni libre. Un tel financement doit plutôt être conjugué à des efforts destinés à améliorer l’accès humanitaire, dans le cadre du processus de paix.  Le Gouvernement de transition dispose selon elle des ressources nécessaires pour financer les institutions électorales, les Forces unifiées nécessaires, les services sociaux et l’aide humanitaire destinée à son peuple, tout comme il peut payer ses propres employés.  « Le peuple du Soudan du Sud a le droit de savoir comment l’argent de son pays est dépensé et de bénéficier de ces investissements », a insisté la représentante.

La semaine dernière, les États-Unis ont désigné trois responsables de viols systématiques et d’autres violations des droits humains visant les femmes dans le cadre d’attaques perpétrées dans l’État de l’Unité, a annoncé la représentante, avant de demander aux autorités sud-soudanaises de traduire en justice les auteurs de tels actes. Elle a exprimé sa reconnaissance aux efforts déployés par la MINUSS pour protéger les civils, y compris les 40 000 personnes présentes sur le site de Malakal.  Plus de 12 ans après l’indépendance du pays, le moment est venu pour le Gouvernement de transition de faire les bons choix pour son peuple, a-t-elle conclu.

M. DAI BING (Chine) a salué les progrès réalisés par le Gouvernement du Soudan du Sud dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé, la réorganisation des institutions de l’État et la préparation des élections qu’il entend organiser l’an prochain.  Les parties doivent maintenant mettre l’intérêt du pays et de la population au premier rang des priorités et régler leurs différends par le dialogue et la consultation, de manière à créer un climat propice à la tenue de ces élections, a-t-il dit.  Le représentant a aussi estimé que, sur fond de complications sur le terrain, la communauté internationale doit faire preuve de compréhension et respecter la souveraineté du pays en évitant d’imposer des solutions de l’extérieur.  La MINUSS devrait quant à elle continuer d’assurer la protection des civils et d’accorder la priorité au renforcement des capacités du pays en matière de sécurité, a-t-il ajouté, souhaitant que le mandat de la Mission soit amélioré à cette fin.  De même, alors que l’embargo sur les armes imposé par le Conseil de sécurité a eu des « retombées négatives » pour le Soudan du Sud, nous devons répondre à l’appel lancé par le pays et lever les sanctions dans les plus brefs délais, a-t-il affirmé.

S’agissant des questions humanitaires, le délégué a souligné que la crise au Soudan du Sud est exacerbée par l’arrivée de réfugiés venus du Soudan voisin.  La communauté internationale et les donateurs traditionnels devraient, dès lors, continuer d’accroître leurs contributions afin d’aider le pays à reprendre le chemin de l’indépendance et du développement, a-t-il plaidé.  Rappelant à cet égard que la gestion des ressources pétrolières relève des affaires intérieures du Soudan du Sud, il a estimé qu’aucun pays ne devrait s’y immiscer. Il a enfin rappelé que la Chine prend une part active aux opérations de maintien de la paix au Soudan du Sud. L’ONU et le pays concerné apprécient le professionnalisme et la discipline des contingents chinois, dont de nouveaux sont arrivés au sein de la Mission, a assuré le représentant.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a constaté qu’à 12 mois de l’organisation prévue d’élections au Soudan du Sud, peu des éléments nécessaires à un processus crédible sont en place.  Tout en se félicitant de l’adoption de la loi électorale et de la reconstitution de la Commission électorale et de la Commission des partis politiques, il a souhaité que ces institutions soient dotées de ressources suffisantes et qu’il y ait pour cela une véritable volonté politique.  Pour que les élections soient libres et équitables, les autorités sud-soudanaises doivent garantir l’espace politique et civique nécessaire afin que les partis politiques, la société civile et les électeurs puissent exprimer librement leurs opinions, sans crainte de représailles, a plaidé le représentant. De plus, la population doit se sentir en sécurité pendant et après les élections, a-t-il ajouté, appelant les autorités à finaliser le déploiement d’une armée nationale unique et unifiée et à veiller à ce qu’elle soit correctement payée et approvisionnée.

Pour ce qui est des conséquences des affrontements militaires au Soudan, le représentant a rappelé que plus de 434 000 personnes sont arrivées au Soudan du Sud depuis le début du conflit.  À cette aune, il a salué le fait que le Gouvernement du Soudan du Sud assure le transport des réfugiés et que le système des Nations Unies et les partenaires humanitaires accomplissent un travail important pour répondre à la crise. Il a toutefois renouvelé l’appel du Royaume-Uni au Gouvernement du Soudan du Sud pour qu’il crée un environnement plus favorable à l’action humanitaire et qu’il assure la sécurité des travailleurs humanitaires.  En conclusion, il a appelé les autorités du pays à mettre de côté les ambitions et les différences individuelles, « faute de quoi un processus crédible, sûr et inclusif ne sera pas possible l’an prochain ».

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a jugé capitale une accélération de la mise en œuvre de l’Accord revitalisé, à laquelle les responsables politiques doivent s’atteler d’urgence.  Elle a appelé à la pleine mise en œuvre des dispositions transitoires en matière de sécurité et à une « opérationnalisation des institutions électorales », soulignant également l’urgence de rédiger une constitution permanente.  La déléguée s’est dite vivement préoccupée par la violence sexuelle liée au conflit et appelé à l’adoption de mesures préventives.  Les flagrantes violations commises dans l’État du Haut-Nil sont alarmantes, a-t-elle dénoncé, en ajoutant que toutes les parties enrôlent des enfants pour combattre.  Enfin, la déléguée a souligné la gravité des risques climatiques au Soudan du Sud, avant de saluer le travail remarquable accompli par la MINUSS.

Mme MITSUKO SHINO (Japon) a exprimé sa préoccupation face aux progrès « limités » réalisés en vue de la mise en œuvre de l’Accord revitalisé, quelque 11 mois avant la tenue des élections qui marqueront une étape cruciale vers la fin de la période de transition.  Pendant ce temps, les changements climatiques, le conflit au Soudan, l’insécurité alimentaire et le manque de services de base viennent exacerber une situation sécuritaire volatile, s’est-elle inquiétée.  En outre, la formation et le déploiement des Forces unifiées nécessaires ont été retardés et le Gouvernement n’est pas pleinement préparé à assumer la responsabilité de la sécurité de ses citoyens, a-t-elle relevé. Par conséquent, la protection des civils par la MINUSS reste extrêmement importante et doit être encore renforcée sur la base des propositions formulées par le Secrétaire général.  Alors que la fourniture de l’aide humanitaire reste difficile et dangereuse et que les ressources devraient fortement diminuer en 2024, la déléguée a appelé le Gouvernement à créer de toute urgence un environnement propice à l’action humanitaire.

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a dit partager les préoccupations du Représentant spécial concernant la situation humanitaire au Soudan du Sud.  Le pays subit les conséquences du conflit au Soudan voisin, notamment un afflux de réfugiés et de rapatriés qui aggrave une situation déjà difficile, a-t-elle constaté, avant d’appeler à l’accroissement de l’aide au développement au Soudan du Sud pour relancer son économie.  La représentante a toutefois noté qu’en dépit de ces difficultés, le processus politique sud-soudanais se développe régulièrement.  Invitant les parties à mettre en œuvre toutes les dispositions de l’Accord revitalisé, elle a condamné les violations de ce texte ainsi que les actes de violence contre les civils.  Selon elle, la décision des parties à l’Accord revitalisé de prolonger la période de transition jusqu’en février 2025 est correcte, mais il importe de respecter le calendrier défini dans la feuille de route pour le règlement du conflit.  Prenant note des efforts d’édification de la nation déployés par les dirigeants sud-soudanais, notamment la formation d’un Parlement de transition et le projet de nouvelle constitution, elle a souhaité que ces processus soient accélérés autant que possible, ce qui nécessite un soutien international accru.  Elle s’est par ailleurs félicitée de l’amélioration globale de la situation sécuritaire au Soudan du Sud et a appelé la MINUSS à accorder une plus grande attention à la lutte contre la violence intercommunautaire et à la coordination de l’aide humanitaire à Djouba.

Après avoir rendu hommage aux actions de médiation de l’UA et de l’IGAD, ainsi qu’à l’assistance apportée par la MINUSS, la représentante a indiqué que son pays appuie le travail mené par la Communauté de Sant’Egidio, qui a permis le retour de groupes armés sur la voie du dialogue.  Elle a appelé tous les non-signataires de l’Accord revitalisé à se joindre au processus de paix.  Elle a également jugé prioritaire la formation des Forces unifiées nécessaires afin de garantir la poursuite pacifique du processus politique.  Dans le même temps, elle s’est déclarée convaincue que le régime de sanctions en vigueur complique leur déploiement et le renforcement des structures de sécurité de l’État.  « Nous sommes catégoriquement opposés au recours aux sanctions du Conseil de sécurité pour exercer des pressions et des ingérences dans les affaires intérieures de ce pays, ainsi qu’à leur ajout à des mesures restrictives unilatérales illégales », a-t-elle signifié.  Quant aux élections nationales prévues pour décembre 2024, elle a exhorté la communauté internationale, à commencer par les Nations Unies, à faciliter les efforts du Gouvernement d’union nationale pour qu’elles soient menées à bien, sans imposer de conditions préalables à une telle aide.  Elle a enfin estimé que le succès des élections, l’achèvement de la période de transition et la stabilisation du pays relèvent avant tout de la responsabilité des Sud-Soudanais eux-mêmes.

Au nom des A3 (Gabon, Ghana, Mozambique), M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a exprimé sa profonde préoccupation face à l’insécurité persistante dans certaines parties du Soudan du Sud et condamné les récentes attaques perpétrées dans l’État du Haut-Nil et à Abyei.  Implorant les acteurs sud-soudanais à mettre pleinement en œuvre l’Accord revitalisé, il a aussi appelé les parties non-signataires à démontrer leur engagement en faveur de la paix.  Il a ajouté que la situation humanitaire au Soudan du Sud reste une préoccupation majeure des A3, près de 76% de la population du pays ayant eu besoin d’une aide humanitaire en 2023.  Si un soutien international est nécessaire pour répondre à cette crise, il l’est aussi pour mener à bien les réformes indispensables à la diversification économique du pays, pour promouvoir l’agriculture et la sécurité alimentaire et pour développer les infrastructures, a-t-il souligné.  Dans ce contexte, le représentant a condamné les actes de pillage de biens humanitaires, qui ont entraîné cette année la mort de 28 travailleurs humanitaires au Soudan du Sud.

S’agissant de la situation politique, le représentant a salué la proclamation, le 3 novembre dernier, de décrets présidentiels en faveur de la reconstitution de la Commission nationale de révision constitutionnelle, de la Commission électorale nationale et du Conseil des partis politiques.  Il s’est également réjoui que les parties à l’Accord revitalisé aient annoncé, le 12 décembre, des accords de principe sur plusieurs aspects critiques entourant le déroulement des élections prévues en décembre 2024.  Toutefois, a-t-il insisté, le Soudan du Sud a toujours besoin d’un soutien financier international pour assurer la mise en œuvre de l’Accord revitalisé.  Enfin, il s’est félicité du déploiement de 750 soldats de la phase I des Forces unifiées nécessaires à Malakal et dans d’autres régions du pays afin de renforcer la sécurité.

Mme RICCARDA CHRISTIANA CHANDA (Suisse) a appelé à avancer d’urgence sur la mise en œuvre des étapes politiques déterminantes au Soudan du Sud, se félicitant que, ces derniers jours, les parties soient parvenues à une entente commune sur certains de ces questions.  Elle a salué en particulier l’engagement en faveur d’un espace civique et politique libre et d’une représentation des femmes, qui sont fortement impliquées dans le processus de transition, d’au moins 35%.  La déléguée a ensuite souligné la nécessité d’établir un environnement sûr et sécurisé, y voyant une condition essentielle au succès de la transition et à la tenue d’élections libres et équitables.  « Nous restons profondément préoccupés par la violence continue au niveau infranational », a-t-elle cependant ajouté.  Elle a salué le récent déploiement des Forces unifiées nécessaires dans le Haut-Nil, appelant à la pleine mise en œuvre des dispositions transitoires en matière de sécurité.  Enfin, elle s’est dite profondément préoccupée par les besoins humanitaires et de protection qui ne cessent d’augmenter dans le pays, raison pour laquelle la Suisse a accru son aide humanitaire en versant 17 millions dollars de plus en faveur du Soudan du Sud au cours des derniers mois.

M. ALEXANDRE OLMEDO (France) a rappelé que son gouvernement a exprimé à plusieurs reprises son inquiétude sur le retard pris dans les préparatifs des élections, à un an de cette échéance importante.  Il a toutefois salué le décret du Président Kiir mettant en place les institutions électorales tant attendues.  Mais il reste des efforts majeurs à faire dans les prochains mois, a insisté le représentant, notamment pour mettre en œuvre l’Accord revitalisé.  Le Secrétaire général, en consultations avec l’Union africaine et l’IGAD, a défini les mesures prioritaires d’ici au mois d’avril, et le représentant encourageant les autorités sud-soudanaises à les appliquer, en y allouant les ressources nécessaires.  Il a souligné que tout a été fait pour accompagner le Soudan du Sud dans la marche vers ce scrutin, y compris en matière de renforcement des capacités.  Une équipe dédiée à l’assistance électorale a été mise en place au sein de la MINUSS, mais cette assistance ne peut avoir un effet utile que si elle vient en appui d’une volonté politique, a considéré le délégué.  Il a également encouragé le Soudan du Sud à poursuivre sa coopération avec la Mission, avant de saluer les orientations présentées par le Secrétaire général pour renforcer son efficacité en termes de protection des civils et renforcement des capacités du pays, en particulier s’agissant de la police et de la justice.  La stratégie de sortie de la MINUSS dépend de la capacité des autorités à assumer leurs prérogatives, a-t-il rappelé à cet égard.

Préoccupé par l’impact du conflit au Soudan sur la stabilité de son voisin, le délégué a salué l’accueil des réfugiés par le Soudan du Sud, avec l’appui de l’ONU.  Il a indiqué que la France a versé une aide humanitaire, en 2023, de 108 millions d’euros en soutien au Soudan du Sud et l’Union européenne de 81 millions.  La France, quant à elle, a dédié 55,2 millions d’euros à la réponse humanitaire à la crise soudanaise dont plus de 7 millions d’euros fléchés sur des projets menés au Soudan du Sud.

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil), a indiqué que son pays, co-point focal avec la Suisse pour la résolution 2417 (2018), espère que les derniers efforts visant à mettre fin au conflit au Soudan porteront également leurs fruits pour le peuple du Soudan du Sud.  Dans cette perspective, il a salué les résultats du Sommet extraordinaire de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) tenu samedi dernier à Djibouti.  Il s’est aussi félicité du cessez-le-feu obtenu entre les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide.  Pour autant, le délégué a regretté que la mise en œuvre de la feuille de route pour le Soudan du Sud reste lente.  Il s’est dit préoccupé par l’absence d’accord sur plusieurs questions qui affectent directement l’organisation des élections en décembre 2024, se faisant l’écho des inquiétudes exprimées par le Secrétaire général, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA), le Comité ad hoc de haut niveau de l’UA sur les questions du Soudan du Sud et l’IGAD.  À ses yeux, les lacunes institutionnelles et législatives dans la préparation des élections augmentent le risque de rechute dans la violence dans certaines parties du Soudan du Sud.

Dans ce contexte, le représentant a appelé les parties à l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit en République du Soudan du Sud à décider quelles conditions sont nécessaires à la tenue d’élections libres, équitables et crédibles.  Il a également exhorté le Gouvernement de transition du Soudan du Sud à rationaliser les mesures approuvées par les Nations Unies, l’UA et l’IGAD en tant qu’étapes vers des élections crédibles, pacifiques et inclusives.  Il a en outre appelé les parties à s’appuyer, pour ouvrir la voie à la tenue de ces élections, sur l’élan généré par l’adoption de la loi électorale et par la nomination de membres du Conseil des partis politiques, de la Commission nationale de révision constitutionnelle et de la Commission électorale.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a estimé qu’en dépit des efforts pour faire progresser le cadre juridique électoral, notamment la création de la Commission électorale nationale et l’adoption de la loi sur les élections nationales, des dispositions clefs font toujours défaut, notamment une constitution permanente, l’opérationnalisation des institutions électorales et le type d’élections que le Soudan du Sud a l’intention d’organiser.  Elle s’est faite l’écho de l’appel du Secrétaire général aux dirigeants du pays afin qu’ils s’accordent sur la voie à suivre et surmontent leurs divergences. Le Gouvernement doit maintenant se concentrer sur la mise en œuvre des mesures prioritaires définies par l’Union africaine, l’IGAD et la MINUSS pour permettre aux élections de se dérouler comme prévu, a-t-elle dit.

La représentante a également estimé que compte tenu des tensions sécuritaires et politiques à travers le pays, il est essentiel que le Gouvernement finalise les dispositions de sécurité transitoires, y compris l’achèvement de l’unification des forces et le développement de la police nationale.  Cela renforcera la protection des civils et garantira des élections sûres. Elle a ensuite condamné les restrictions imposées à la MINUSS, qui, selon elle, affectent les patrouilles terrestres.  La déléguée a alors appelé le Gouvernement à respecter l’accord sur le statut des forces (SOFA) et à permettre à la Mission de mettre pleinement en œuvre son mandat.

Concluant, elle a dit prendre note de l’évaluation indépendante de la MINUSS sur la protection des civils et encouragé la mise en œuvre de ses recommandations.  La représentante a aussi rappelé que la MINUSS a joué un rôle essentiel dans la protection des civils, notamment en fournissant une protection physique à plus de 40 000 personnes déplacées à Malakal et dans l’État du Haut-Nil.

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a noté que cette réunion se tient au moment où le Soudan du Sud entre dans la dernière phase de sa période de transition.  Dans ce contexte, elle s’est déclarée vivement préoccupée par la détérioration de la situation sécuritaire pour les civils et a souligné la nécessité de désamorcer les tensions entre communautés.  Il est crucial de remédier aux causes profondes de la violence et d’instaurer une culture de paix, tout en renforçant les capacités des institutions, a affirmé la représentante.  À cette fin, elle a appelé à des efforts renouvelés en vue de la mise en œuvre de l’Accord revitalisé.  Les récentes avancées, telles que l’adoption de mesures législatives en vue de la tenue des élections, sont des motifs d’optimisme, a toutefois relevé la déléguée.  Enfin, après avoir appelé à une réponse renforcée pour remédier à la situation humanitaire dégradée au Soudan du Sud, elle a tenu à souligner la gravité du défi des changements climatiques pour ce pays.

M. JOSÉ JAVIER DE LA GASCA LOPEZDOMÍNGUEZ (Équateur) a exprimé sa préoccupation face à l’étendue des besoins humanitaires au Soudan du Sud, qui touchent aujourd’hui plus de 75% de la population.  Il a également signalé que la capacité d’action des organisations humanitaires est de plus affectée par les attaques incessantes contre leurs travailleurs et le manque de financement.  Dans ces conditions, le représentant a exhorté le Gouvernement du Soudan du Sud à répondre aux besoins fondamentaux de sa population, notamment les personnes déplacées, et à garantir la sécurité du personnel humanitaire.  Il est également urgent, selon lui, que les autorités sud-soudanaises accordent la priorité à la sécurité de la population et qu’elles prennent des mesures concrètes pour réduire les tensions croissantes entre les communautés. En ce sens, et malgré les retards enregistrés, il a salué le déploiement des Forces unifiées nécessaires dans l’État du Haut-Nil.

Dans le domaine politique, le délégué a pris note des progrès limités réalisés dans la mise en place d’un cadre juridique permettant la tenue d’élections l’an prochain.  Il a cependant ajouté que tout retard dans la réalisation des objectifs énoncés dans l’Accord revitalisé est susceptible d’exacerber l’instabilité politique et la violence au Soudan du Sud.

Mme CECILIA A. M. ADENG (Soudan du Sud) a pris acte des préoccupations du Secrétaire général, tout en assurant le Conseil de l’engagement inébranlable de son pays à mettre en œuvre l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit au Soudan du Sud.  Les récents décrets présidentiels marquent une étape cruciale dans le processus de reconstitution, a-t-elle estimé, ajoutant qu’ils abordent des éléments clefs de la feuille de route.  Dans le même esprit, le 15 novembre, le Gouvernement sud-soudanais a déployé 750 membres des Forces unifiées nécessaires dans l’État du Haut-Nil, ce qui représente une nouvelle étape vers une transition pacifique. Le Gouvernement reconnaît aussi les défis soulignés dans le récent rapport trimestriel de la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée, mais travaille activement à résoudre les problèmes en suspens.  Il a ainsi réformé son secteur de la sécurité, avec un accent mis sur la formation des forces chargées de prévenir les violences sexuelles et y répondre.

En pleine transition, le Soudan du Sud se félicite du dialogue constructif avec le Conseil et reste ouvert à l’exploration d’options pour parvenir à une stabilité durable, a déclaré sa déléguée.  Conscientes de l’importance des élections de 2024, les autorités sud-soudanaises s’engagent à favoriser un processus démocratique qui reflète la volonté du peuple, a-t-elle dit, appelant aussi la communauté internationale à apporter son soutien dans des domaines tels que le renforcement des capacités, l’aide humanitaire, le financement du développement et la promotion du dialogue politique pour assurer une transition en douceur.

La représentante a rappelé que son pays appelle toujours à la levée de l’embargo sur les armes et à la suppression des sanctions individuelles ciblées pour relever efficacement les défis qui se posent.  La levée de ces restrictions contribuera au développement d’un environnement sûr favorisant la réconciliation nationale et le bien-être de nos citoyens, a-t-elle assuré, disant rechercher aussi la compréhension et le soutien de la communauté internationale alors que son pays lutte pour un avenir meilleur.  Ensemble, œuvrons à un climat dans lequel les voix de nos citoyens peuvent être entendues et les valeurs démocratiques que nous défendons peuvent s’épanouir.

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