À l’approche de l’hiver, le Conseil de sécurité débat des répercussions de la guerre en Ukraine sur la sécurité alimentaire, dans ce pays et bien au-delà
Réuni à la demande de l’Albanie et des États-Unis en ce jour marquant le dixième anniversaire du début des manifestations proeuropéennes de 2013 en Ukraine, le Conseil de sécurité s’est concentré, cet après-midi, sur les répercussions de la guerre en cours depuis 22 mois en matière de sécurité alimentaire, dans le pays et au-delà, ainsi que sur les récentes attaques de la Russie contre des infrastructures ukrainiennes essentielles, lesquelles suscitent de nombreuses inquiétudes à l’approche de l’hiver.
Venu informer le Conseil, le Directeur pays du Programme alimentaire mondial (PAM) en Ukraine s’est affligé que des centaines de milliers de personnes dépendent de l’aide alimentaire dans l’un des plus grands greniers à blé de la planète, qui nourrissait plus de 400 millions de personnes dans le monde avant la guerre. La situation est particulièrement préoccupante dans les districts proches de la ligne de front, où l’accès de la population à la nourriture est entravé, a relevé M. Matthew Hollingworth.
L’insécurité alimentaire est aggravée par la contamination des terres arables par des mines et munitions non explosées, a-t-il ajouté, précisant qu’environ 30% du territoire ukrainien est potentiellement touché, dont des régions parmi les plus productives du pays. La Suisse s’est faite l’écho de cette grave préoccupation en appelant à nettoyer les terres minées d’Ukraine et à ne jamais utiliser la faim comme arme de guerre.
Loin de ne concerner que la population ukrainienne, cette crise fait peser un risque sur la sécurité alimentaire mondiale, a poursuivi M. Hollingworth, qui a indiqué que, depuis juillet dernier, 28 attaques russes ont visé des installations cruciales pour la production et l’exportation de céréales dans la région d’Odessa, une zone comprenant les ports de la mer Noire et du Danube. Le Royaume-Uni a dénoncé une tentative d’étouffer l’économie ukrainienne au mépris des conséquences en matière de sécurité alimentaire, évoquant la destruction de 280 000 tonnes de blé en un mois, soit « de quoi nourrir un million de personnes ». Le Gabon a, quant à lui, lancé un appel aux parties au conflit pour qu’elles cessent de prendre pour cible des infrastructures agricoles.
Dans ce contexte, l’Ukraine s’est fait fort de rappeler que la « formule de paix » proposée par son président l’an dernier, inclut la sécurité alimentaire comme partie intégrante d’une paix globale, juste et durable. Elle a également rappelé qu’en un an de fonctionnement, l’Initiative de la mer Noire lui a permis d’exporter plus de 33 millions de tonnes de produits agricoles vers 45 pays, dont 60% vers des pays d’Afrique et d’Asie. Ces chiffres auraient été bien plus élevés si la Russie n’avait pas entravé ce dispositif avant de s’en retirer en juillet dernier, a déploré le représentant ukrainien.
Depuis lors, la Russie a lancé des attaques régulières de missiles sur les infrastructures portuaires et les réserves de céréales ukrainiennes, ce qui a provoqué une baisse de 40% des exportations et la destruction de 300 000 tonnes de céréales, s’est encore indigné le représentant de l’Ukraine, rejoint dans cette dénonciation par son homologue des États-Unis. Le Japon a, pour sa part, salué les initiatives prises par l’Ukraine pour renforcer les routes d’exportation hors du contrôle russe, avant de réitérer son soutien au commerce international de produits agricoles ukrainiens, notamment via les voies de solidarité établies avec l’Union européenne, les ports du Danube et le corridor humanitaire maritime.
La destruction des infrastructures civiles ukrainiennes a également fait réagir les délégations. Malte a constaté la répétition du scénario « brutal et implacable » de l’an dernier, quand des milliers de drones et de missiles russes ont visé des systèmes électriques, privant des millions de personnes d’énergie, d’eau ou de chauffage. Un constat corroboré par le Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques, qui a rappelé que des frappes de drones ont récemment provoqué des coupures d’électricité dans plus de 400 villes et villages ukrainiens.
Dans ces conditions, M. Miroslav Jenča a salué le plan de riposte développé par les Nations Unies en collaboration avec les autorités ukrainiennes, lequel a permis la distribution d’une aide hivernale à plus de 360 000 personnes. Il s’est toutefois inquiété du fait que ce plan vital ne soit financé qu’à 54%. Il manque encore 430 millions de dollars pour effectuer des réparations et fournir des vêtements adaptés, a-t-il expliqué. Se disant pleinement engagée alors que se profile les mois d’hiver, la France a indiqué avoir mobilisé 300 millions d’euros afin de répondre aux besoins humanitaires d’urgence et d’assurer la réhabilitation d’infrastructures essentielles.
En dépit des accusations portées contre elle, la Russie a nié cibler des infrastructures civiles en Ukraine, tout en fustigeant la politique de « deux poids, deux mesures » des pays occidentaux. Préférant revenir sur les événements de 2013 et le « coup d’État » de 2014, elle a dit voir dans l’expérience tragique de l’Ukraine « un avertissement pour tous les pays où l’Occident a mis en place ses réseaux et agents d’influence en vue de les utiliser à ses propres fins géopolitiques ». Selon elle, l’Ukraine a « perdu sa dignité et son indépendance il y a 10 ans ».
Tant que le comportement agressif de la Russie se poursuivra, la sécurité alimentaire mondiale restera menacée, a répondu l’Ukraine, qui a rappelé qu’elle rendra hommage, samedi prochain, à la mémoire des victimes de la tragédie de la Grande Famine de 1932-1933 (Holodomor), politique destinée, selon elle, à écraser toute résistance à la domination de Moscou et à anéantir toute aspiration des Ukrainiens à l’indépendance. Elle a également fait état de la publication, cette semaine, d’une déclaration des États Membres de l’ONU à l’occasion de cet anniversaire, un message qui, a-t-elle indiqué, souligne la nécessité d’empêcher la « militarisation de la nourriture ».
MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE
Déclarations
M. MIROSLAV JENČA, Sous-Secrétaire général pour l’Europe, l’Asie centrale et les Amériques, a estimé qu’un « tournant historique » a été atteint dans la guerre en Ukraine avec la mort, confirmée par le Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, de plus de 10 000 civils depuis le début de l’invasion à grande échelle menée par la Russie. Le bilan humain de cette guerre risque encore de s’alourdir, s’est-il alarmé, évoquant des signes d’escalade à l’approche de l’hiver, par exemple des attaques contre les infrastructures civiles. Les offensives aériennes russes sèment la mort et la destruction, s’est indigné le haut fonctionnaire, qui a notamment fait état de récents tirs de missiles et d’attaques de drones sur Kyïv. Il a également partagé ses préoccupations quant au risque d’escalade dans la mer Noire, avertissant des conséquences qu’aurait un incident militaire dans cette zone, qu’il soit délibéré ou non.
Dénonçant les attaques contre des infrastructures énergétiques alors que se profilent les mois d’hiver, il a rappelé que des frappes de drones ont récemment provoqué des coupures d’électricité dans plus de 400 villes et villages ukrainiens. Il a salué le plan de riposte développé par les Nations Unies en collaboration avec les autorités ukrainiennes, qui a permis la distribution d’une aide hivernale à plus de 360 000 personnes. Toutefois, il manque encore 430 millions de dollars pour effectuer des réparations et fournir des vêtements adaptés, a-t-il relevé, s’inquiétant que le plan ne soit à ce jour financé qu’à 54%. M. Jenča s’est également félicité du travail des agences de l’ONU, qui ont apporté leur aide à plus de 10 millions de personnes cette année, déplorant cependant que plus de 4 millions d’Ukrainiens dans le besoin demeurent inatteignables dans les zones sous contrôle russe des régions de Donetsk, Luhansk, Kherson et Zaporizhzhia. Les partenaires humanitaires sont prêts à élargir leur action dans ces zones à condition d’obtenir un accès, a-t-il expliqué. Pour l’heure, l’ONU concentre une grande partie de ses efforts sur les infrastructures et l’énergie, afin d’assurer le fonctionnement des services de base dans les zones touchées, a encore indiqué le Sous-Secrétaire général, ajoutant que l’Organisation a effectué sa troisième évaluation des dommages et des besoins pour l’Ukraine, dans le but d’orienter les priorités de son gouvernement dans le domaine de la reconstruction. À ce jour, les coûts sont estimés à plus de 400 milliards de dollars, a-t-il précisé.
M. Jenča a d’autre part déploré les répercussions de la guerre en matière d’éducation. Quelque 365 institutions d’enseignement ont été détruites et de nombreuses autres sont endommagées, a-t-il déploré. Enfin, il s’est dit préoccupé par le mépris du droit international dans les zones sous contrôle russe, mentionnant l’organisation de « soi-disant élections », la nomination de juges russes et l’application de la loi russe, y compris rétroactivement. À ce titre, il a rappelé le caractère inacceptable des politiques visant à changer par la force les institutions et l’identité. Il a également rappelé que plusieurs cas documentés par le Conseil des droits de l’homme confirment l’utilisation de la torture.
M. MATTHEW HOLLINGWORTH, Directeur pays du Programme alimentaire mondial (PAM) en Ukraine, qui s’exprimait par vidéoconférence, a décrit les conséquences humanitaires de « l’invasion à grande échelle » de l’Ukraine, en particulier son impact sur la sécurité alimentaire, tant dans ce pays qu’au niveau mondial. Du fait des hostilités, a-t-il expliqué, les Ukrainiens sont privés d’accès aux marchés pour acheter de quoi manger, et les agriculteurs ont signalé qu’ils ne pouvaient plus produire de nourriture. Abordant la question de l’insécurité alimentaire, il a rappelé que, chaque année avant le début de la guerre, le 24 février 2022, ce pays « nourrissait » 400 millions de personnes dans le monde. Or, à présent, les enquêtes du PAM révèlent que dans 80% des districts proches de la ligne de front, l’accès de la population à la nourriture est entravé.
Près d’une famille ukrainienne sur cinq est confrontée à un niveau d’insécurité alimentaire grave, a résumé M. Hollingworth. Plus une personne vit près des hostilités, plus les besoins sont critiques. En conséquence, plus de 900 000 personnes vivant encore dans un rayon de 30 kilomètres de la ligne de front ont les besoins les plus aigus en matière de sécurité alimentaire; besoins qui ne feront qu’empirer cet hiver. Le PAM nourrit l’hiver quelque 750 000 de personnes avec des paniers alimentaires et 1,5 million de personnes avec des besoins plus importants recevront une forme d’aide en espèces dans les zones qui ont été directement touchées par le conflit, mais où les marchés fonctionnent, a ajouté l’intervenant.
M. Hollingworth a trouvé paradoxal que, dans l’un des plus grands greniers à blé du monde, des centaines de milliers de personnes vivant à proximité des hostilités dépendent désormais de l’aide alimentaire humanitaire. Il a également évoqué les répercussions de la guerre sur l’agriculture et sur les communautés rurales productrices d’aliments. Aujourd’hui, la guerre signifie que les champs sont minés par des munitions non explosées et que les ménages sont incapables de cultiver pour se nourrir, a-t-il déploré, en soulignant qu’environ 174 000 kilomètres carrés, soit environ 30% du territoire ukrainien, ont été touchés par le conflit et sont « potentiellement contaminés par des vestiges de guerre », dont 25 000 kilomètres carrés sont des terres agricoles parmi les plus productives de l’Ukraine.
M. Hollingworth a témoigné que, la semaine dernière, alors qu’il se rendait dans la région de Kharkiv pour visiter un projet de déminage agricole géré en collaboration avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), il a constaté que les ménages sont deux fois plus susceptibles d’avoir une consommation alimentaire insuffisante lorsqu’ils n’ont pas accès à leurs propres terres pour produire leur propre nourriture. Cette guerre s’est également traduite par des attaques contre les infrastructures portuaires et céréalières, a-t-il poursuivi, annonçant qu’un prochain rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, fera état de « constats alarmants »: depuis la mi-juillet, 31 attaques ont été recensées visant des installations cruciales pour la production et l’exportation de céréales du pays. Le représentant du PAM a jugé « choquant » que 28 de ces attaques aient eu lieu dans la seule région d’Odessa, où se trouvent les ports de la mer Noire et du Danube, fondamentaux pour le commerce mondial. Si les attaques contre ces infrastructures alimentaires et le blocage des routes d’exportation maritimes se poursuivent, a-t-il averti, cela aura un impact considérable sur les perspectives de production agricole pour les années à venir et, dans le pire des cas, pourrait conduire à ce que la production de blé ne soit pas en mesure de répondre à la demande intérieure et à la demande d’exportation.
M. Hollingworth a rappelé que l’Ukraine représentait 9% des exportations mondiales de blé, 15% des exportations de maïs et 44% des exportations d’huile de tournesol avant février 2022. Le PAM doit continuer à répondre aux besoins alimentaires humanitaires urgents auxquels sont confrontés des millions d’Ukrainiens, tout en ne négligeant pas les efforts de relance de l’agriculture. Le PAM et l’ensemble du système onusien doivent aussi veiller à ce qu’il y ait un marché viable pour les aliments produits en Ukraine, sinon il n’y a pas d’incitation pour les agriculteurs à cultiver, a-t-il encore analysé, ajoutant qu’il s’agit notamment de réduire l’énorme augmentation des coûts logistiques créée par toute entrave à l’utilisation des ports de la mer Noire. Il a exhorté à concentrer les efforts sur les besoins immédiats et sur le long terme, pour que cette « puissance agricole » se remette rapidement sur pied et soit en mesure de « nourrir les affamés du monde ». Lorsque la prochaine crise alimentaire surviendra, le monde continuera d’avoir besoin de l’Ukraine, a-t-il prédit. L’Ukraine, a-t-il relevé, a déjà subi 40,2 milliards de dollars de dommages et de pertes dans le secteur agricole.
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a accusé le Président Putin de s’être inspiré de Staline et d’avoir utilisé, contre l’Ukraine, la famine comme arme de guerre, en y infligeant la faim et la mort. Mais l’Ukraine n’est pas la seule victime: la Fédération de Russie a exacerbé la crise alimentaire mondiale en volant le blé ukrainien et en sabotant et détruisant des installations agricoles ukrainiennes, sans pour autant atteindre la résilience des agriculteurs ukrainiens qui continuent de planter et de récolter, a‑t‑elle relevé. La Fédération de Russie s’est aussi, et de manière unilatérale, retirée de l’Initiative de la mer Noire, qui permettait de nourrir des millions de gens à travers le monde, et ce, sans prendre en compte les besoins des pays en développement, a poursuivi la représentante, avant de rappeler les attaques russes contre des navires civils destinés au transport de marchandises, comme, ce mois-ci, dans le port de Pivdennyi. Selon elle, un appel doit donc être lancé à la Fédération de Russie pour qu’elle respecte ses obligations internationales, y compris en ce qui concerne la liberté de navigation maritime.
De l’avis de la représentante, la Fédération de Russie « compte sur le fait que nous deviendrions insensibles aux horreurs causées par ses forces », qu’il s’agisse d’assassinats, de tortures, de violences sexuelles, d’attaques indiscriminées contre les infrastructures civiles ou de transferts illégaux et forcés d’enfants ukrainiens vers le territoire russe, via le Bélarus. Putin, a‑t‑elle ajouté, compte sur le fait qu’en raison des crises actuelles, notamment au Soudan, au Yémen, en République démocratique du Congo, en Israël ou à Gaza, le « fardeau ukrainien » sera oublié. Mais les États-Unis « continueront de se tenir aux côtés de l’Ukraine dans sa lutte pour la liberté et contre l’agression, maintenant et à l’avenir », a assuré la représentante, reprenant une déclaration de M. Lloyd Austin, Secrétaire américain à la défense.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a évoqué les conséquences humanitaires terribles de l’agression russe contre l’Ukraine, en appelant à ne pas oublier ce conflit, ni la cruauté de la Russie dans ce pays. La Russie a réduit en ruines beaucoup de villes ukrainiennes, y compris des écoles et des hôpitaux, a‑t‑il affirmé en s’appuyant sur les rapports de la Commission d’enquête internationale indépendante (IIIC) qui font même état de « crimes de guerre ». Rappelant la Grande Famine de 1932-1933 en Ukraine (Holodomor), provoquée par Staline, le délégué a fait un parallèle avec la situation actuelle en arguant qu’en 2023, dans une guerre créée par l’homme, le Kremlin continue d’utiliser l’arme alimentaire contre le même pays et les mêmes personnes, avec cette fois des répercussions dans le monde entier. Après 22 mois de conflit, le coût est immense pour l’Ukraine mais aussi pour la Russie, a‑t‑il souligné. Cette guerre n’a selon lui fait que renforcer l’unité du peuple ukrainien et accélérer le rapprochement de l’Ukraine avec l’Union européenne. Accusant la Russie d’avoir remis en cause l’ordre international fondé sur des règles, alors même qu’elle est un membre permanent du Conseil de sécurité, le délégué a salué la condamnation à une forte majorité de ces actes par l’Assemblée générale. « N’oublions pas que pour l’Ukraine cette guerre est une guerre de survie alors que pour la Russie elle était et reste un simple caprice », s’est-il emporté, et on ne saurait lui permettre de s’en tirer comme ça avec de telles crimes. Par conséquent l’Albanie continuera à soutenir l’Ukraine et son droit à se défendre contre l’agresseur russe, a‑t‑il expliqué en réitérant l’attachement de son pays aux principes du multilatéralisme.
Mme KHALILAH HACKMAN (Ghana) a appelé à une solution politique juste et complète pour mettre fin à la guerre en Ukraine, qui a des répercussions bien au-delà de ce pays. En aggravant l’exposition au risque de famine encouru par un quart de milliard d’êtres humains, cette guerre a des conséquences pour des millions de personnes vivant sous des cieux pourtant très éloignés, a-t-elle souligné, rappelant que le système alimentaire était déjà sous pression sous l’effet des changements climatiques et de la pandémie de COVID-19, notamment parmi les pays dépendant de l’aide du Programme alimentaire mondial (PAM).
Dans ce contexte, la représentante a demandé que davantage d’efforts soient déployés pour restaurer l’approvisionnement en céréales des marchés internationaux. Faisant valoir en outre que le droit international humanitaire impose de protéger les civils en temps de guerre, elle a appelé les parties au conflit à agir dans le respect de ces principes. Les civils et infrastructures civiles ne devraient jamais être ciblés, a-t-elle insisté, exhortant les parties à « aborder leurs divergences à la table des négociations ».
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) s’est inquiété de l’ampleur des besoins humanitaires en Ukraine, lesquels augmentent à mesure que se poursuivent les attaques contre les infrastructures essentielles et les installations portuaires. Les conditions empirent en cette période hivernale, a‑t‑il déploré, rappelant qu’en cette saison, 1,7 million de personnes devraient avoir besoin d’assistance. Évoquant la destruction de plus de 3 800 écoles, il a rappelé aux parties leurs obligations au titre du droit international humanitaire. Les civils ne doivent pas être la cible d’attaques, a‑t‑il insisté, s’alarmant notamment de la prolifération des attaques de drones et exhortant les belligérants à s’abstenir d’utiliser des armes aux effets indiscriminés.
Le délégué a rappelé que les infrastructures agricoles ne doivent pas être prises pour cibles, dans un contexte mondial marqué par l’augmentation de l’insécurité alimentaire. Il a mentionné les répercussions de la rupture du barrage de Kakhovka sur la subsistance des populations alentour. Enfin, il a lancé un appel aux pays qui exercent une influence sur les belligérants, les priant d’employer les canaux de la diplomatie pour mettre fin au conflit.
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a noté que le système énergétique de l’Ukraine est plus vulnérable qu’il ne l’était à la même saison il y a un an. Il a également constaté que, partout en Ukraine, et dans l’est en particulier, des opérations militaires constantes mettent en péril la vie des personnes et entraînent des déplacements massifs de population. De plus, la réduction des exportations de produits alimentaires constitue une menace pour le monde, a—il dénoncé, appelant toutes les parties au conflit à respecter les installations servant à l’alimentation, conformément à la résolution 2417 (2018), qui attirait l’attention sur le lien entre les conflits et la faim.
Rappelant que l’Initiative de la mer Noire, aujourd’hui suspendue, a permis d’exporter près de 33 millions de tonnes de céréales et de produits alimentaires ukrainiens via plus de 250 navires, le représentant a engagé toutes les parties à protéger les infrastructures civiles, indispensables à l’acheminement de la nourriture, et à assurer le bon fonctionnement des marchés et des systèmes alimentaires, en particulier les ports civils. Il a enfin jugé qu’une seule voie existe pour mettre fin aux méfaits de la guerre: que ce conflit s’achève par une solution politique, dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a rappelé que l’Ukraine, « grenier à blé du monde », est, à elle seule, en mesure de nourrir 400 millions de personnes. À ce titre, elle a estimé que le conflit, qui a contaminé un tiers du pays avec des mines et munitions non explosées, représente une « menace pour la sécurité alimentaire du monde entier ». Elle a lancé un appel pour que soient restaurées et protégées les capacités de l’Ukraine. Exhortant la Russie à cesser ses opérations de combat, elle a insisté sur l’interdiction des attaques contre les biens indispensables à la population civile, conformément au droit international humanitaire. La représentante a salué tous les acteurs qui travaillent pour assurer la sécurité alimentaire, dont l’Ukraine et le Secrétaire général de l’ONU. Près de 33 millions de tonnes de céréales et d’autres denrées alimentaires ont été exportées dans le cadre de l’Initiative de la mer Noire, a‑t‑elle rappelé, déplorant le retrait russe et appelant toutes les parties à s’abstenir de nuire à la navigation civile. Elle a réitéré le soutien de son pays au Programme alimentaire mondial (PAM), notamment ses activités de déminage agricole, ainsi que le programme humanitaire « Céréales d’Ukraine ». Appelant à nettoyer la terre minée de l’Ukraine, elle a conclu en affirmant que la faim ne doit jamais être utilisée comme arme de guerre.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a appelé à rester pleinement engagés en faveur de l’Ukraine à l’approche de l’hiver, indiquant que son pays a mobilisé 300 millions d’euros afin de répondre aux besoins humanitaires d’urgence et d’assurer la réhabilitation d’infrastructures essentielles. La France, a-t-il dit, continuera aussi de fournir à l’Ukraine l’aide nécessaire pour lui permettre d’exercer sa légitime défense consacrée par la Charte des Nations Unies, en étroite coordination avec ses partenaires. Elle poursuivra, par ailleurs, son appui aux juridictions ukrainiennes et à la Cour pénale internationale (CPI) afin de lutter contre l’impunité des crimes commis par la Russie, a précisé le représentant, avant d’appeler ce pays à mettre fin à cette guerre, à cesser son agression et à retirer ses troupes du territoire ukrainien, comme le demande la Cour internationale de Justice (CIJ) depuis le 16 mars 2022. La Russie, a-t-il ajouté, doit entendre les appels de l’Assemblée générale qui, à une écrasante majorité, a affirmé son attachement à la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine.
La France reste également engagée pour atténuer les conséquences de cette guerre d’agression sur le plan mondial, notamment en luttant contre l’insécurité alimentaire, a souligné le représentant, précisant que son pays et l’Union européenne agissent depuis le début du conflit pour soutenir le maintien des activités agricoles de l’Ukraine et permettre aux produits agricoles ukrainiens d’approvisionner les marchés mondiaux, notamment via les corridors de solidarité. En outre, a-t-il poursuivi, la France a décidé de renforcer sa contribution au Programme alimentaire mondial (PAM) à hauteur de 166 millions d’euros en 2023, y compris au bénéfice de l’Ukraine. Avec ce soutien, le PAM et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) pourront contribuer au déminage des terres agricoles en Ukraine grâce à un projet innovant utilisant l’intelligence artificielle, a encore indiqué le représentant.
M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a témoigné son plus profond respect au peuple ukrainien, plus de 600 jours après le début de l’agression dont son pays fait l’objet. Bien que la plupart des conflits soient hors de portée des solutions miracles, parce qu’ils relèvent de causes et d’effets complexes, le conflit en Ukraine est différent, a‑t‑il estimé. Guerre d’agression déclenchée par la Russie, « ses causes ne sauraient être plus claires ». Il a accusé la Russie de provoquer d’énormes dégâts et, en détruisant des installations portuaires qui livrent des denrées alimentaires à l’étranger, d’affecter le monde entier. À ce titre, le délégué a salué les mesures de l’Ukraine pour renforcer les routes d’exportation hors du contrôle russe, et réitéré son soutien à l’exportation de produits agricoles ukrainiens, notamment via les voies de solidarité Union européenne-Ukraine, les ports du Danube et le corridor maritime humanitaire. Dénonçant toute tentative unilatérale visant à modifier le statut des territoires par la force ou la coercition, il a rappelé que l’état de droit protège toutes les nations, en particulier les plus vulnérables. Le délégué a lancé un appel au retrait inconditionnel des troupes russes et affirmé que son pays se tiendra aux côtés de l’Ukraine « aussi longtemps qu’il le faudra ».
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a évoqué les attaques de la Russie contre les infrastructures portuaires de l’Ukraine, dénonçant une tentative d’étouffer l’économie de ce pays, au mépris des conséquences en matière de sécurité alimentaire. En un mois, la Russie a détruit 280 000 tonnes de blé, « de quoi nourrir un million de personnes », s’est indigné le représentant, constatant que les coûts de la production alimentaire ont augmenté dans la foulée. Dans ce contexte, les mines terrestres aggravent encore la situation en réduisant les surfaces disponibles de terres arables, a‑t‑il ajouté, avant d’accuser la Russie de vouloir « briser le moral des Ukrainiens » en s’attaquant aux infrastructures critiques pour les priver de chauffage, d’eau ou de services médicaux.
Le représentant a réitéré l’engagement de son pays auprès de l’Ukraine pour qu’elle puisse exporter ses céréales. À ce titre, il a cité l’initiative « Unity Facility », lancée la semaine dernière par la branche britannique de la firme Marsh McLennan et le Gouvernement ukrainien, dans le but d’assurer à des coûts abordables les convois de denrées alimentaires au départ des ports ukrainiens de la mer Noire. Il a également salué la tenue du Sommet pour l’Ukraine, la semaine prochaine, espérant qu’il permettra de mobiliser des soutiens en faveur du programme « Céréales d’Ukraine ».
M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a regretté la poursuite de l’agression contre l’Ukraine, appelant au respect de toutes les dispositions de la Cour internationale de Justice (CIJ), qu’il s’agisse de l’Europe ou du Moyen-Orient. Les membres du Conseil, en particulier ses membres permanents, doivent être les premiers à respecter les décisions de « la plus haute juridiction » de l’ONU. Il a également déploré que cette agression continue à exacerber les risques d’accident nucléaire et suscite « une rhétorique et des mesures qui affaiblissent l’architecture internationale du désarmement ». Le représentant a évoqué le tribut de la guerre sur les infrastructures civiles essentielles, y compris les infrastructures agricoles, de production, de stockage et de distribution alimentaire. Il a réitéré la nécessité pour toutes les parties à un conflit de se conformer pleinement à la résolution 2573 (2001) relative à la protection des biens indispensables à la survie de la population civile. Le représentant a salué le travail du Programme alimentaire mondial (PAM) en Ukraine et le soutien apporté à des millions de personnes dans le contexte de l’insécurité alimentaire causée par la guerre, mais également aux personnes déplacées à l’intérieur du pays. Dès le début de l’invasion, a-t-il rappelé, le Secrétaire général a mis en garde contre les conséquences mondiales de ce conflit sur les populations privées de ressources, du fait de la perturbation des chaînes d’approvisionnement, portant l’indice FAO des prix des produits alimentaires au niveau le plus élevé de son histoire.
M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) a rappelé que le Conseil de sécurité s’est réuni à maintes reprises pour résoudre le conflit en Ukraine. Pourtant, a-t-il déploré, malgré tous les appels en faveur d’une cessation des hostilités émanant de ce Conseil et en dehors, la situation sur le terrain continue de se détériorer. « Les rapports du champ de bataille indiquent une impasse », a constaté le représentant, pour qui « il n’y a pas de solution militaire à ce conflit ». À l’appui de cette conviction, il a rappelé le coût élevé de cette guerre: crise humanitaire, insécurité alimentaire, violations des droits humains, destruction des infrastructures civiles, meurtres et course aux armements.
Le représentant a ensuite averti que plus le conflit s’éternisera, plus les conséquences seront dramatiques pour les parties au conflit, la région et le monde entier, avec un impact disproportionné sur les pays les moins avancés. À ses yeux, un changement de paradigme est urgemment nécessaire. Le Conseil de sécurité devrait, selon lui, jouer un rôle de relais afin d’instaurer la confiance et créer les conditions nécessaires pour que le dialogue prospère. « Donnons une vraie chance au dialogue », a-t-il plaidé, estimant que le moment est venu et que la réalité l’exige. À son « humble » avis, une négociation politique est un moyen viable de trouver un accord et une solution durable au conflit.
M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a regretté qu’une fois de plus, le Conseil de sécurité se réunisse pour discuter de la guerre en Ukraine sans qu’il y ait eu le moindre progrès dans le dialogue entre les parties ni le moindre signe de désescalade du conflit. La poursuite indéfinie des hostilités impose d’immenses souffrances à la population civile, a-t-il déploré, avant d’appeler toutes les parties à adhérer au droit international humanitaire, à prendre des mesures concrètes pour désamorcer les hostilités et à s’engager de manière pragmatique dans des pourparlers en vue d’une paix juste et durable. La recherche d’une solution pacifique à la crise est un devoir pour tous, y compris pour ceux qui exercent une influence sur le terrain, a souligné le représentant, en saluant les efforts déployés par les membres de la communauté internationale à cet égard. Pour sa part, « le Brésil reste disposé à contribuer aux initiatives de paix, dès que les parties seront prêtes à rétablir le dialogue, soit directement, soit par l’intermédiaire de tierces parties ». Le représentant a encouragé les parties à reprendre les négociations sur des questions spécifiques, telles que la sécurité des installations nucléaires et l’Initiative de la mer Noire.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) est tout d’abord revenu sur les événements survenus entre les manifestations du 21 novembre 2013 et le « coup d’État de Maïdan » en février 2014. Préparé, selon lui, en Occident, ce coup de force a été « joué par les nationalistes radicaux comme s’il s’agissait d’une partition », a‑t‑il résumé. Il a décrit cette séquence comme un « péché originel », qui a fait glisser lentement mais sûrement l’Ukraine vers l’abîme. Il a ensuite fustigé la « junte de Maïdan » ainsi parvenue au pouvoir. « Enivrée par sa propre impunité et par le soutien illimité de l’Occident », elle a commencé à persécuter les Ukrainiens russophones et a placé la glorification des « sbires nazis » en tête de son programme, a‑t‑il dénoncé. Le représentant a ensuite regretté que le « régime Zelenskyy » ait refusé de poursuivre des pourparlers de paix avec la Russie, y voyant une « tentative futile de vaincre stratégiquement une puissance nucléaire pour plaire à l’Occident ».
La Fédération de Russie, a ajouté le représentant, se souvient de l’autre Ukraine, « celle d’avant Maïdan », avec qui elle entretenait des liens historiques, culturels et familiaux étroits. L’Ukraine d’aujourd’hui, au contraire, s’est transformée en une « marionnette de l’Occident », a‑t‑il déploré.
Abordant le volet militaire du conflit actuel, le représentant a constaté « l’échec retentissant de la contre-offensive d’été » ukrainienne. Avec des centaines d’unités d’équipement militaire occidental, le « régime de Kiev » se concentre désormais sur les frappes contre les civils, adoptant des « méthodes terroristes », s’est-il indigné. À cet égard, il a nié que la Russie cible des infrastructures civiles en Ukraine, fustigeant la politique de « deux poids, deux mesures » des pays occidentaux. Selon lui, l’expérience tragique de l’Ukraine devrait être un avertissement pour tous les pays où l’Occident a mis en place ses réseaux et agents d’influence en vue de les utiliser à ses propres fins géopolitiques. « Il est évident que l’Ukraine a perdu sa dignité et son indépendance il y a 10 ans », a‑t‑il conclu.
Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a prévenu qu’il faudra des années pour surmonter et guérir les plaies multiples de la guerre contre l’Ukraine. On estime que 44% des Ukrainiens ont vécu dans une zone de combat et que 69% souffrent de détresse psychologique, a-t-elle déploré. La semaine dernière, les forces russes ont bombardé un hôpital et des maisons à Kherson, tuant 3 personnes et faisant au moins 13 blessés. De telles attaques contre des civils et des infrastructures civiles s’ajoutent aux preuves, de plus en plus nombreuses, que la Russie commet des « crimes de guerre », comme l’a rapporté la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine. Alors que l’hiver s’installe, les attaques incessantes ciblant les infrastructures énergétiques donnent une nouvelle dimension à la crise humanitaire, a souligné la représentante, qui a rappelé que l’hiver dernier, des milliers de drones et de missiles russes ont attaqué des systèmes électriques, privant des millions de personnes d’électricité, d’eau ou de chauffage. Cette année, le schéma « brutal et implacable » des attaques russes a déjà commencé, a-t-elle observé, indiquant qu’au cours des dernières semaines, les installations énergétiques ukrainiennes ont été attaquées au moins 60 fois avec différents types d’armes. Elle s’est en revanche félicitée du plan d’intervention hivernale du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) pour répondre aux besoins humanitaires spécifiques en Ukraine, et assuré du soutien de Malte au peuple ukrainien par la fourniture d’une aide humanitaire aussi longtemps que nécessaire. Pour priver l’Ukraine de revenus, la Russie continue d’instrumentaliser la nourriture et de saper la sécurité alimentaire mondiale, a-t-elle critiqué, en condamnant le retrait de la Russie de l’Initiative de la mer Noire. En réponse à cette situation, les couloirs de solidarité de l’Union européenne continueront d’aider l’Ukraine et contribueront à lutter contre l’insécurité alimentaire mondiale. Enfin, la représentante a dénoncé la récente attaque contre un navire civil dans le port ukrainien d’Odessa, marquant la première fois où des civils sont tués ou blessés à bord d’un navire marchand.
M. GENG SHUANG (Chine) a déclaré que la position de son pays est de toujours rester aux côtés de la justice, de l’équité et du dialogue. Pour cette raison, il a appelé les parties à entamer des pourparlers de paix, à respecter strictement le droit international humanitaire et à s’abstenir de s’en prendre aux infrastructures civiles. Une crise prolongée n’est dans l’intérêt de personne et d’aucune partie, a prévenu le représentant, soulignant que les pays en développement paient le prix fort, y compris dans le contexte des mesures coercitives unilatérales qui limitent le commerce. Ce qu’il faut c’est « revenir à un accord politique dans les plus brefs délais », a-t-il conclu.
M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a rappelé que, samedi prochain, l’Ukraine rendra hommage à la mémoire des victimes de la tragédie de la Grande Famine de 1932-1933 en Ukraine (Holodomor), politique visant à écraser toute résistance à la domination de Moscou en Ukraine et à anéantir toute aspiration des Ukrainiens à l’indépendance. Comme il y a 90 ans, la Russie cherche à nouveau à briser la volonté de résistance des Ukrainiens, a‑t‑il dénoncé, assurant toutefois que « la mémoire historique de l’Holodomor ne fait que renforcer la résistance actuelle du peuple ukrainien ». Le représentant a ajouté que la délégation ukrainienne est à l’origine de la déclaration des États Membres de l’ONU qui devrait être publiée cette semaine à l’occasion de cet anniversaire. Il y a vu un moyen de rappeler aux générations actuelles et futures qu’il faut respecter inconditionnellement les droits humains afin d’éviter que de telles tragédies ne se reproduisent. Par cette déclaration, les États Membres de l’ONU enverront également un message important sur la nécessité d’empêcher la militarisation de la nourriture, ce qui accroît l’insécurité alimentaire mondiale, en particulier pour les plus vulnérables, a‑t‑il ajouté, avant de remercier les États Membres qui ont d’ores et déjà souscrit à ce texte.
Malgré les dommages infligés à ses infrastructures portuaires et à ses terres agricoles, l’Ukraine reste déterminée à contribuer à la sécurité alimentaire mondiale, a affirmé le représentant, pour qui l’Initiative de la mer Noire en est un exemple frappant. En un an de fonctionnement, cette Initiative a permis à l’Ukraine d’exporter plus de 33 millions de tonnes de produits agricoles vers 45 pays, dont 60% vers les pays d’Afrique et d’Asie, a‑t‑il expliqué, ajoutant que ces chiffres auraient été bien plus élevés si la Russie n’avait pas entravé le fonctionnement de ce mécanisme avant de s’en retirer en juillet dernier. Depuis, la Russie a lancé des attaques régulières de missiles sur les infrastructures portuaires et les réserves de céréales ukrainiennes, ce qui a provoqué une baisse de 40% des exportations et la destruction de 300 000 tonnes de céréales, a déploré le représentant. Selon lui, l’exportation de cargaisons de céréales vers les pays d’Asie, d’Afrique et d’Europe a ainsi été réduite de près de 3 millions de tonnes par mois, a‑t‑il précisé, assurant que l’Ukraine reste engagée à empêcher la Russie de provoquer la faim dans le monde.
C’est pourquoi la « formule de paix » proposée par le Président ukrainien l’an dernier inclut la sécurité alimentaire comme partie intégrante d’une paix globale, juste et durable, a fait valoir le représentant en insistant sur le droit inaliénable à l’alimentation pour tous. Alors que les travaux sur cette formule sont en cours, il a appelé la communauté internationale à limiter la capacité de la Russie à utiliser la nourriture comme une arme dès à présent. Pour sa part, l’Ukraine est prête à poursuivre les exportations de denrées alimentaires vers le marché mondial, tout en œuvrant au rétablissement de la libre navigation dans la mer Noire, a‑t‑il soutenu, avant de passer en revue les routes alternatives ouvertes pour l’exportation de produits agricoles ukrainiens, que ce soit par le Danube ou par des ports en Croatie et dans les pays baltes, ou encore via les couloirs céréaliers en République de Moldova et en Roumanie. Quant à l’initiative « Céréales pour l’Ukraine » lancée l’an dernier, le représentant a expliqué que l’Ukraine a toujours l’intention d’envoyer davantage de navires transportant des céréales à des fins humanitaires vers les pays africains, notamment 25 000 tonnes à destination du Nigéria en passant par les ports ukrainiens du Danube. Il a appelé les pays du monde entier à se joindre à cette initiative.
En guise de conclusion, il a répété que, tant que le comportement agressif de la Russie se poursuivra, la sécurité alimentaire mondiale restera menacée, ajoutant que, dès qu’une paix globale, juste et durable sera instaurée en Ukraine, sur la base des principes de la Charte des Nations Unies, les efforts communs en matière de sécurité alimentaire seront plus efficaces.
M. OLOF SKOOG, de l’Union européenne (UE), a exprimé à nouveau la condamnation résolue par l’UE de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine. La Russie et ses dirigeants doivent en être tenus pleinement responsables, a-t-il dit. Le représentant a ajouté que, face à la poursuite des attaques russes contre les infrastructures civiles et critiques de l’Ukraine, l’UE intensifiera sa fourniture d’aide humanitaire à ce pays. Il a ainsi fait état d’une aide supplémentaire de 100 millions d’euros pour les personnes les plus vulnérables, ce qui porte à 785 millions d’euros le montant total de l’aide octroyée par l’UE à l’Ukraine.
Dénonçant ensuite les effets de cette guerre sur la sécurité alimentaire mondiale, le représentant a accusé la Russie de transformer les denrées alimentaires en armes. À ce titre, il a plaidé pour la sécurité et la liberté de navigation en mer Noire, afin de permettre la circulation des marchandises. Saluant le lancement du programme ukrainien « Céréales d’Ukraine », ainsi que la création de couloirs de solidarité, il a assuré que l’UE soutient tous les efforts visant à faciliter les exportations de céréales et d’autres produits agricoles ukrainiens vers les pays qui en ont le plus besoin, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. En conclusion, il a affirmé que l’UE continuera à apporter un soutien financier, économique, humanitaire, militaire et diplomatique fort à l’Ukraine et à son peuple, et ce, « aussi longtemps qu’il le faudra ».