Conseil de sécurité: faute de solutions politiques aux conflits, les opérations de paix atteignent des « objectifs intermédiaires », selon le Secrétaire général adjoint
Face à l’écart « de plus en plus manifeste » entre les mandats des opérations de maintien de la paix et ce que les missions sont en mesure d’accomplir sur le terrain, le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix a reconnu, ce matin, lors de la réunion annuelle du Conseil de sécurité consacrée à la police des Nations Unies, que les opérations ne peuvent atteindre que des « objectifs intermédiaires » du maintien de la paix, objectifs pour lesquels la police des Nations Unies joue un rôle prépondérant.
Alors que les opérations de maintien de la paix demeurent confrontées aux défis conjugués du déclin de l’état de droit, de la corruption, de la criminalité transnationale organisée et du rétrécissement de l’espace civique, M. Jean-Pierre Lacroix a plaidé pour que la police des Nations Unies soit préparée, équipée et financée de manière adéquate. À cette fin, un suivi rigoureux et transparent de la performance des opérations de maintien de la paix est selon lui essentiel. Il s’est félicité à cet égard des progrès significatifs réalisés dans la mise en œuvre des initiatives Action pour le maintien de la paix (A4P) et Action pour le maintien de la paix Plus (A4P+).
Toutefois, les conflits et les tensions géopolitiques ne cessant de s’aggraver, y compris au sein du Conseil de sécurité, M. Lacroix a reconnu que les opérations ne peuvent atteindre que des « objectifs intermédiaires » du maintien de la paix, notamment la préservation des cessez-le-feu, la protection des civils, la médiation des conflits locaux et le renforcement des institutions. Or, a‑t‑il ajouté, bien que ces objectifs constituent des fins importantes en soi, le but ultime des opérations de maintien de la paix est de parvenir à des solutions politiques durables aux conflits, avec le soutien des États Membres et du Conseil.
Même son de cloche de la part du Conseiller pour la police des Nations Unies, M. Faisal Shahkar, pour qui le succès des opérations de paix demeure tributaire des « niveaux de confiance variables » entre les missions et l’État hôte. Faute du consentement de celui-ci, les efforts de renforcement des capacités et de développement de la police locale sont compromis, voire « impossibles ». Dans la foulée des délibérations du Comité spécial des opérations de maintien de la paix, il a souligné le besoin de faire en sorte que le matériel des contingents corresponde au nouvel énoncé des besoins des unités, afin de refléter les réalités opérationnelles actuelles, dont la menace accrue posée par des engins explosifs improvisés.
Le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix a jugé impératif d’assurer la cohérence des stratégies politiques, comme en République démocratique du Congo (RDC), où la police des Nations Unies a soutenu les processus électoraux en formant la Police nationale congolaise à la gestion de l’ordre public. Afin de renforcer l’intégration stratégique et opérationnelle entre les composantes de la mission, la police des Nations Unies élabore des indicateurs d’impact liés permettant d’améliorer la responsabilisation en matière de performances, à l’aide du Système complet de planification et d’évaluation de la performance. Si la mise en œuvre du Système est un pas en avant permettant de mesurer la performance globale d’une mission de paix, la Suisse a conseillé à celles-ci de s’appuyer également sur des appréciations qualitatives, telles que l’impact des patrouilles sur les communautés.
Pendant ce temps, au Siège, la police des Nations Unies continue de renforcer la collaboration trilatérale, notamment dans le cadre du Sommet biennal des chefs de police des Nations Unies et de la coopération triangulaire entre le Conseil de sécurité, les pays contributeurs de police et le Secrétariat. Afin d’assurer la réalisation du plan d’action visant à améliorer la sécurité du personnel de maintien de la paix, M. Lacroix a indiqué que la police des Nations Unies a effectué, cette année, des visites d’évaluation des performances dans certaines missions. Elle travaille également avec les pays fournisseurs d’effectifs de police pour combler les lacunes.
Le Chef de la composante Police de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) s’est félicité des activités de soutien logistique et de renforcement des capacités menées auprès des Forces de sécurité intérieure (FSI), notamment en matière de sélection et de formation des recrues, tel que prévu dans l’Accord politique pour la paix et la réconciliation. Pour la Chine, le développement des capacités de police des pays hôtes devrait être intégré aux stratégies de transition des missions. En outre, la conférence ministérielle qui se tiendra le mois prochain au Ghana sera l’occasion de garantir que les soldats de la paix soient bien formés et équipés, a assuré M. Lacroix.
Le Secrétaire général adjoint a par ailleurs indiqué que la police des Nations Unies contribue aux efforts du Département des opérations de paix (DPO) visant à lutter de manière proactive contre la désinformation et les discours de haine, notamment en République centrafricaine. Pour être adaptée aux objectifs des mandats, elle doit en effet posséder tous les outils nécessaires pour faire face aux menaces contre la paix et la sécurité, y compris les technologies numériques, a fait valoir la France, rejointe par le Japon.
Le programme pour les femmes et la paix et la sécurité est incorporé à tous les aspects de l’A4P+, a expliqué M. Lacroix, et la police des Nations Unies a déjà atteint ses objectifs de parité entre les sexes pour 2025 dans la plupart des catégories de personnel. Considérant que la discrimination fondée sur le sexe, les conflits et l’insécurité alimentaire affectent de manière disproportionnée les femmes et les filles, la commissaire de police au sein de la MINUSS, Mme Christine Fossen, a insisté pour que les contingents de police des Nations Unies améliorent leur compréhension de ces phénomènes en vue de renforcer l’efficacité de leurs interventions.
OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX DES NATIONS UNIES
Chefs de la police
Déclarations
M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, a insisté sur l’importance que l’Organisation demeure proactive afin d’améliorer et d’adapter l’outil essentiel que constitue le maintien de la paix, à une époque où le multilatéralisme et les opérations de paix sont confrontés à des défis importants. Le déclin mondial de l’état de droit, la corruption, le mépris du droit international, la criminalité transnationale organisée, les attaques contre les droits humains et le rétrécissement de l’espace civique constituent autant de problèmes qui appellent des réponses policières spécifiques et collectives, a noté M. Lacroix, pour faire en sorte que la police des Nations Unies soit correctement préparée, équipée et financée pour y faire face. Le Secrétaire général adjoint a honoré la mémoire des cinq policiers qui ont perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions au cours de la dernière année.
Comme l’indique le rapport du Secrétaire général sur la performance globale des opérations de maintien de la paix, l’écart entre les mandats de maintien de la paix et ce que les missions peuvent effectivement réaliser est devenu de plus en plus manifeste, a reconnu M. Lacroix. Afin de renforcer l’efficacité du maintien de la paix, il s’est félicité des progrès significatifs réalisés dans la mise en œuvre de l’initiative Action pour le maintien de la paix (A4P) et dans la réalisation des priorités de l’Action pour le maintien de la paix Plus (A4P+). Un suivi rigoureux et transparent de la performance des opérations de maintien de la paix est à ses yeux essentiel. Toutefois, les opérations de maintien de la paix de l’ONU ne peuvent accomplir beaucoup de choses à elles seules, a‑t‑il noté, alors que l’intensité et la durée des conflits sont à leur plus haut niveau depuis la fin de la guerre froide, dans un contexte de tensions géopolitiques accrues, y compris au sein du Conseil de sécurité. Dans ces circonstances, le haut fonctionnaire a relevé que les opérations ne peuvent atteindre que les « objectifs intermédiaires » du maintien de la paix, qui incluent la préservation des cessez-le-feu, la protection des civils, la médiation des conflits locaux et le renforcement des institutions. Or, l’objectif ultime des opérations est de parvenir à des solutions politiques durables aux conflits, avec le soutien des États Membres et du Conseil de sécurité, sans quoi nous ne pouvons qu’atténuer les conflits. Nous devons également gérer les attentes et reconnaître que les « objectifs intermédiaires » du maintien de la paix sont des fins importantes en soi, envers lesquelles la police des Nations Unies joue un rôle notable.
Le Secrétaire général adjoint a ensuite énuméré les priorités de l’A4P+, en particulier la nécessité d’assurer la cohérence des stratégies politiques. Il a cité l’exemple de la République démocratique du Congo (RDC), où la police des Nations Unies a participé à divers engagements aux niveaux national et local, en coopération avec des partenaires régionaux et sous-régionaux. Elle soutient également les processus électoraux nationaux en formant la Police nationale congolaise à la gestion de l’ordre public. Afin de renforcer les synergies grâce à une plus grande intégration stratégique et opérationnelle entre les composantes de la mission, la police des Nations Unies élabore des indicateurs d’impact liés à la police permettant d’améliorer la responsabilisation en matière de performances, à l’aide du Système complet de planification et d’évaluation de la performance. Afin d’assurer la réalisation du plan d’action révisé visant à améliorer la sécurité du personnel de maintien de la paix, M. Lacroix a indiqué que la police des Nations Unies a effectué cette année des visites d’évaluation des performances à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et à la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO). Elle travaille également avec les pays fournisseur de contingents ou de personnel de police pour combler les lacunes, notamment en ce qui concerne les équipements appartenant aux contingents, ou encore le commandement et le contrôle. La conférence ministérielle qui se tiendra le mois prochain au Ghana sera l’occasion de garantir que les soldats de la paix soient bien formés et équipés.
En ce qui concerne les communications stratégiques, Le Secrétaire général adjoint a déclaré que la police des Nations Unies contribue aux efforts du Département des opérations de paix (DPO) pour lutter de manière proactive contre la désinformation et les discours de haine, notamment en République centrafricaine. De même, le programme pour les femmes et la paix et la sécurité est présent dans tous les aspects de l’A4P+. En outre, a‑t‑il précisé, avec le soutien des États Membres, la police des Nations Unies a déjà atteint ses objectifs de parité entre les sexes pour 2025 dans la plupart des catégories de personnel, les femmes représentant actuellement près d’un agent de police sur cinq, dont 32% des agents de police individuels et 16% des membres d’unités de police constituées.
M. CHRISTOPHE BIZIMUNGU, Chef de la composante Police de la MINUSCA, a fait une synthèse de ses activités dans le cadre du renforcement des capacités des Forces de sécurité intérieure (FSI), en l’occurrence la police et la gendarmerie de la République centrafricaine, en soutien à la mise en œuvre du mandat et de la stratégie politique de la Mission. Il a expliqué que les trois types d’activités essentielles sont: la formation et l’assistance technique des FSI, le soutien en infrastructures et en équipements, et l’assistance institutionnelle, afin d’établir une police et une gendarmerie professionnelles capables de servir le peuple centrafricain sur la base de principes démocratiques.
Il a qualifié de « nombreuses et utiles » les réalisations de la composante Police de la MINUSCA dans le cadre du renforcement des capacités des FSI, la police des Nations Unies ayant contribué, dans le domaine de la formation, à la sélection de nouvelles recrues des FSI pour assurer un recrutement transparent et inclusif, tel que prévu dans l’Accord politique pour la paix et la réconciliation, mais également participé à la formation des recrues, et apporté un soutien logistique aux formations. Ainsi, depuis 2019, a‑t‑il précisé, 3 476 nouveaux éléments ont été recrutés et formés et, parallèlement, depuis 2018, la police des Nations Unies a dispensé 371 formations spécialisées, notamment dans le traitement des cas de violences basées sur le genre ou du discours de haine, pour 10 493 FSI au total. D’autre part et depuis 2018, la MINUSCA a appuyé la construction ou réhabilitation de 68 commissariats de police et brigades de gendarmerie et le transport aérien pour le déploiement des FSI à l’intérieur du pays. En termes d’appui institutionnel, la police des Nations Unies a aidé à la rédaction de textes-clés essentiels à la conduite d’une police et d’une gendarmerie professionnelles.
Après avoir mis l’accent sur « l’excellente » collaboration entre la police des Nations Unies et les FSI centrafricains, M. Bizimungu a brossé un tableau de l’impact réel des activités sur l’accroissement des capacités des FSI. Rappelant que vers 2018, celles-ci étaient quasiment inexistantes, et incapables de fournir le service de base à la population, il a souligné qu’à présent, les FSI sont présentes et opérationnelles aussi bien à Bangui que sur une large partie du territoire, ce qui a conduit à « une amélioration réelle » de l’ordre public et du contrôle de la criminalité dans le pays. Cet impact positif se fait également ressentir en matière de respect des droits humains au sein des FSI grâce aux différentes formations dispensées avec l’appui de la Division des droits de l’homme de la MINUSCA, mais aussi à la colocation effective dans quasiment tous les commissariats et brigades, où la police des Nations Unies fournit en permanence des conseils en matière de traitement de dossiers judiciaires. Il en a voulu pour exemple l’Office centrafricain de répression du banditisme (OCRB), par le passé responsable de violations flagrantes des droits humains et qui, après sept mois de colocation, a remis en liberté 186 personnes gardées illégalement. L’OCRB a également réglé la situation de 20 autres personnes qui avaient été détenues sans jugement depuis plus d’un an, en libérant 9 et déférant 11 au parquet. Le Chef de la composante Police de la MINUSCA a aussi mentionné l’impact de la police des Nations Unies auprès de la Cour pénale spéciale pour appuyer les officiers de police judiciaire nationaux dans leurs investigations et l’élaboration des dossiers. Au travers de cette colocation, la police des Nations Unies contribue ainsi de façon significative à la lutte contre l’impunité pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité en République centrafricaine, a encore indiqué M. Bizimungu. Bien que beaucoup reste à faire, il a assuré que la composante Police de la MINUSCA continuera d’accroitre son empreinte pour la mise en œuvre du mandat de la Mission, notamment dans la protection des civils, le renforcement de l’état de droit et la restauration de l’autorité de l’État.
Mme CHRISTINE FOSSEN, commissaire de police au sein de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), a souligné que, dans un environnement géopolitique mondial difficile, la discrimination fondée sur le sexe, les événements climatiques extrêmes et les conflits qu’ils entrainent, ainsi que l’insécurité alimentaire affectent de manière disproportionnée femmes et filles. « Il est donc impératif que nos interventions visant à protéger les civils continuent de prendre en compte les dimensions sexospécifiques des menaces nouvelles et émergentes », a‑t‑elle préconisé. Elle a indiqué qu’à Bentiu, au Soudan du Sud, quatre ans de pluies incessantes et d’inondations ont eu pour conséquence de limiter l’accès au bois de chauffage et aux moyens de subsistance des femmes, cette situation ayant coïncidé avec une augmentation des signalements de violences sexuelles. Ainsi Mme Fossen a‑t‑elle insisté sur la nécessité que les contingents de police des Nations Unies améliorent leur compréhension de ces phénomènes pour renforcer l’efficacité de leurs interventions. Toujours sur la question les violences sexuelles, elle a précisé qu’au troisième trimestre 2023, la Division des droits de l’homme de la MINUSS a fait état d’au moins 50 incidents de cette sorte, ce qui représente par rapport au deuxième trimestre une hausse de 150%. Dans ce contexte, elle a insisté sur la nécessité que la police des Nations Unies intervienne différemment, de façon innovantes et davantage informée et sensibilisée aux questions de genre. À cet égard, elle a estimé que le Nouvel Agenda pour la paix du Secrétaire général de l’ONU fournit la feuille de route de choix pour cette évolution.
Sur la base de ces directives, a‑t‑elle poursuivi, la police des Nations Unies au Soudan du Sud s’efforce d’appuyer, auprès des autorités, une représentation et une participation accrues des femmes issues de toutes communautés à l’ensemble des prises de décision. Dans cette optique, elle a noté que le Plan d’action national du Soudan du Sud pour la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies est un bon début. D’autre part, Mme Fossen a indiqué qu’alors que la période de transition envisagée par l’Accord de paix revitalisé touche à sa fin, des élections devant se tenir en décembre 2024, la Mission continue de faciliter les efforts visant à promouvoir la participation des femmes aux institutions et mécanismes nationaux et locaux. La police des Nations Unies travaille, en vue de ces échéances politiques, à une initiative de renforcement des compétences des femmes officiers qui leur permettrait de concourir à des postes de direction, a‑t‑elle signalé. L’intervenante a répété que le Nouvel Agenda pour la paix souligne l’importance de lutter contre l’impunité des auteurs de violences contre les civils tout en améliorant la qualité des services chargés de la protection et de la résilience des survivants. Sur ce dernier point, elle a fait remarquer qu’une présence onusienne continue est essentielle pour obtenir des changements sociétaux profonds bénéficiant aux victimes.
M. FAISAL SHAHKAR, Conseiller pour la police des Nations Unies, s’est penché sur les défis majeurs que la police des Nations Unies doit relever, son travail restant affecté par les relations et les « niveaux de confiance variables » entre les institutions gouvernementales et les missions de l’État hôte. Les efforts de renforcement des capacités et de développement de la police sont compromis et « en fait, impossibles » lorsque le consentement de l’État hôte n’est pas donné, ou est retiré, a‑t‑il indiqué. À la suite des discussions du Comité spécial des opérations de maintien de la paix, le Conseiller a souligné la nécessité d’aligner le matériel appartenant aux contingents sur le nouvel énoncé des besoins des unités qui reflète l’évolution des réalités opérationnelles, dont la menace accrue posée par des engins explosifs improvisés, comme en République centrafricaine ou en RDC. Il a dès lors sollicité un soutien accru de la part des pays contributeurs de police, avec le déploiement en temps voulu de capacités sans réserve; l’amélioration des dispositions en matière de protection sociale, en collaboration avec le Secrétariat; et, surtout, l’approbation par la Commission administrative et budgétaire des ressources adéquates pour les tâches de maintien de l’ordre mandatées.
La police des Nations Unies a continué d’améliorer la vie des personnes qu’elle sert, a néanmoins déclaré M. Shahkar. Ainsi la police de la MONUSCO a‑t‑elle soutenu les efforts de renforcement des capacités de la Police nationale congolaise en matière de protection des civils, d’identification et d’enquête sur les incidents de violence sexuelle et sexiste, et de formation aux techniques d’interrogatoire et d’enquête. Au Mali, malgré un contexte politique et sécuritaire difficile, la police de la MINUSMA a poursuivi ses activités conformément à la résolution 2640 (2022) jusqu’au 1er juillet 2023, avant la fin du mandat de la Mission. Dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord de paix et de la « Stratégie centrale de stabilisation », la police a apporté son soutien aux Forces de défense et de sécurité maliennes dans leur redéploiement progressif dans les régions du centre et du nord du pays.
Dans ses efforts tendant à élargir la présence de l’autorité de l’État en République centrafricaine, la police des Nations Unies a déployé 14 policiers à Sam Ouandja et Mobaye en février et avril respectivement, ce qui, selon M. Shahkar, lui a permis à la fois d’étendre son empreinte et d’ajuster son dispositif en coordination avec la MINUSCA et d’autres sections afin d’améliorer l’alerte précoce.
Dans le cadre de l’appui aux réformes, la police des Nations Unies a poursuivi son plaidoyer en faveur de l’inclusion des femmes dans les engagements des parties prenantes de la réforme de la police, en veillant à ce qu’elles soient représentées et, partant, capables de prendre des décisions au sein des comités directeurs de la réforme de la police. Elle a aussi œuvré à la prévention des conflits et à répondre aux nouveaux besoins en matière de maintien de l’ordre dans le cadre des opérations de paix actuelles, ainsi qu’au renforcement de son rôle central au sein des opérations de maintien de la paix et au-delà, a encore souligné le Conseiller.
L’Équipe spéciale interinstitutions des Nations Unies sur la police, présidée conjointement par le DPO et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a fait des progrès dans le renforcement de la cohérence des politiques et du dialogue, a relevé M. Shahkar. Au Siège, la police des Nations Unies continue de renforcer la collaboration trilatérale, notamment dans le cadre du Sommet biennal des chefs de police des Nations Unies, et des efforts sont en cours pour la tenue du quatrième sommet, qui sera convoqué en 2024 et contribuera à la coopération triangulaire entre le Conseil de sécurité, les pays contributeurs de police et le Secrétariat sur les questions de police.
M. Shahkar a ensuite fait état d’amélioration du régime de performance de la police des Nations Unies qui repose sur les directives stratégiques relatives aux activités de police internationales. Il a sollicité l’appui du Conseil afin de répondre au « besoin criant » d’agents de police ayant une expertise dans l’analyse et la lutte contre la criminalité organisée, y compris la criminalité environnementale et le terrorisme; la médecine légale; les services de police axés sur la communauté; la violence sexuelle et sexiste; l’intégration de la dimension de genre; ainsi que la sensibilisation et l’atténuation des risques liés aux engins explosifs improvisés. Il a également évoqué un besoin d’unités francophones et mixtes disponibles pour un déploiement rapide et dotées de capacités de pointe, y compris des groupes d’intervention, de réaction rapide, canins et fluviaux. Enfin, pour la transformation numérique du maintien de la paix, il a demandé des outils de surveillance et d’analyse des médias sociaux pour les utiliser comme mécanismes d’alerte précoce.
Mme KARIN LANDGREN, Directrice exécutive du Security Council Report, a déclaré que la police des Nations Unies est un outil extrêmement précieux dans les efforts de l’ONU visant à renforcer l’état de droit et à protéger les populations dans des environnements vulnérables. Cette question mérite un débat important au sein du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, dans le cadre de la réflexion sur l’avenir des opérations de paix recommandée dans le Nouvel Agenda pour la paix. Elle a ensuite relevé que la plupart des opérations de paix, qu’il s’agisse de missions de maintien de la paix ou de missions politiques spéciales, travaillent dans des environnements touchés par le crime organisé. Or le Conseil lui-même a évoqué le crime organisé dans plusieurs contextes, notamment le défi qu’il pose à l’autorité de l’État. En outre, des résolutions du Conseil ont lié les activités criminelles aux groupes armés non étatiques, notamment lors de la création en 2013 de la MINUSMA.
Mme Landgren a également relevé que l’ONU et ses partenaires des opérations de paix ont apporté toute une gamme de réponses policières au crime organisé, notamment au Timor occidental, au Kosovo, en Haïti du temps de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), au Mali ou encore au Guatemala, dans les années 1990. Elle a estimé qu’il existe deux contextes de paix et de sécurité dans lesquels les réponses policières au crime organisé peuvent s’avérer importantes, le premier étant les transitions. Or, il semble extrêmement rare que la police des Nations Unies reste sur le terrain une fois les troupes parties. Est-il logique qu’elle parte en même temps que les autres membres du personnel en uniforme, sachant que le départ des soldats de la paix de l’ONU s’effectue souvent lorsque les institutions nationales restent fragiles? a‑t‑elle demandé. Certains acteurs criminels y verront une opportunité, a‑t‑elle mis en garde, ajoutant que le rôle de la police des Nations Unies dans les transitions mérite probablement une plus grande attention.
À côté de cela, le Conseil de sécurité devrait également se pencher de manière plus approfondie sur le type d’opération coercitive évoquée dans le Nouvel Agenda pour la paix, car la criminalité lucrative peut fortement décourager la paix. C’est l’une des leçons tirées de l’opération hybride au Darfour, a souligné l’intervenante, ajoutant que la question se pose au Conseil de savoir quel est le rôle de la police des Nations Unies et qui sera politiquement responsable de la gestion des questions sensibles liées au crime organisé. Dans les discussions menées jusqu’à présent sur l’application de la loi par les acteurs régionaux, il n’est pas clair qu’il y ait eu une quelconque discussion sur le rôle potentiel de la police des Nations Unies, a‑t‑elle noté, ajoutant qu’il serait opportun de les aborder.
Concluant, Mme Landgren a fait observer que la police des Nations Unies représente à peine 12% du personnel en uniforme de l’ONU, mais qu’elle joue un rôle essentiel dans la chaîne judiciaire, dans la protection des civils et dans l’interface avec les communautés. Or elle est confrontée à des attentes élevées et à des environnements politiques de plus en plus difficiles. La réflexion attendue du Conseil sur l’avenir des opérations de paix de l’ONU pourrait fournir l’occasion au Secrétariat de faire une présentation sur la criminalité organisée et aux États Membres d’examiner en profondeur le crime organisé et le rôle de la police des Nations Unies avec d’autres acteurs dans le soutien à la stabilisation et à plus long terme, a‑t‑elle conclu.
Pour M. ZHANG JUN (Chine), la police des Nations Unies est une composante importante des opérations de paix des Nations Unies. Ces opérations sont confrontées à des défis majeurs, a‑t‑il relevé, et la police des Nations Unies doit être réformée pour pouvoir jouer son rôle encore mieux et répondre à ces défis. Vu la situation, et les recommandations du Secrétaire général, le délégué a insisté sur l’impératif de mandats du maintien de la paix plus réalistes avec des priorités claires, ajustées en fonction des développements sur le terrain. Le représentant a également mis l’accent sur l’importance d’établir des partenariats solides avec les pays hôtes, en soulignant le rôle de la police des Nations Unies pour permettre aux communautés locales de comprendre au mieux les activités de l’ONU et renforcer la confiance mutuelle. Il a demandé aux chefs de la police présents dans la salle quelles sont leurs recommandations concrètes pour justement renforcer la confiance avec le pays hôte.
Il faut en outre œuvrer au développement de capacités de police des pays hôtes, ce qui devrait être intégré dans les stratégies de transitions des missions, a poursuivi le représentant, en citant les expériences précieuses de la MINUSS et de la MINUSCA, à cet égard, et des meilleures pratiques à retenir pour d’autres missions. Compte tenu des risques sécuritaires auxquels sont exposés les personnels de maintien de la paix sur le terrain, le délégué a insisté sur la nécessité de les doter d’équipements adéquats pour garantir leur protection, y compris la police des Nations Unies. Il a également appelé à respecter le rôle essentiel des femmes dans les forces de police et à mettre en place la bonne logistique pour faciliter leur travail. À l’avenir, a‑t‑il souhaité, l’ONU devra recruter davantage de femmes, notamment des pays en développement, à tous les niveaux des opérations et au sein du Département des opérations de paix. Il s’agit aussi de relever les défis posés par les technologies émergentes et promouvoir la transformation numérique pour permettre le respect de la souveraineté des pays hôtes, a‑t‑il argué. Pour cela, il faut améliorer des mécanismes de reddition de comptes afin d’éviter toute utilisation malveillante des nouvelles technologies. Le délégué a encouragé la police des Nations Unies à s’appuyer sur le rôle facilitateur de ces technologies émergentes pour améliorer ses capacités, notamment pour avoir une meilleure compréhension de l’environnement dans lequel la police des Nations Unies opère.
M. JOHN OSEI BONSU (Ghana) a rappelé que son pays avait déployé du personnel de police pour des missions internationales de maintien de la paix en RDC dès les années 1960, soulignant combien ces contributions avaient permis à l’ONU non seulement de redonner espoir aux civils, mais aussi de faciliter les enquêtes sur les crimes graves. Il a détaillé la contribution de son pays en termes d’effectifs dans différentes missions de l’ONU, insistant sur l’importance de trouver des consensus en matière de diplomatie préventive et de mettre en place des politiques axées sur le genre ou encore des partenariats.
Il a insisté sur le rôle clef de l’ONU en matière de contrat social, afin que les citoyens des pays concernés retrouvent confiance dans leurs institutions et leurs dirigeants. « La police des Nations Unies a un effet démonstratif », a‑t‑il expliqué, en encourageant les États à « tirer parti de cet avantage unique » pour contrer « les groupes extrémistes violents ». Il a ensuite insisté sur la nécessité d’une appropriation nationale et des « approches ascendantes » des mesures préventives adoptées dans le cadre de ces missions, et sur l’importance de travailler avec les organisations régionales dans ce domaine. Il a enfin suggéré une participation accrue des femmes aux processus décisionnels des opérations de soutien à la paix, notamment aux processus de médiation, en expliquant que son pays prenait « très au sérieux » les questions liées au genre pour améliorer la qualité de ses pratiques policières au sein des missions de l’ONU. Il a conclu son intervention en appelant à des financements et des ressources suffisants pour toutes les opérations de maintien de la paix des Nations Unies dotées d’un mandat policier, pour leur permettre de s’acquitter de leurs missions.
M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a jugé « primordial » le développement des capacités policières locales, en particulier en termes de maintien de l’ordre public, comme dans la perspective de la tenue d’élections, en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud. Les équipes de police spécialisées peuvent jouer un rôle important dans cette formation, ainsi que dans d’autre domaines comme la criminalistique, la police de proximité ou encore la lutte contre les violences basées sur le genre, a‑t‑il souligné. Le délégué a également insisté sur la protection des civils dans le cadre de l’engagement de la police avec la population étant donné que son réseau est un élément porteur du système d’alerte précoce. Par conséquent, a‑t‑il ajouté, il est essentiel de disposer d’un personnel à même de communiquer dans les langues locales. La Suisse a contribué à l’engagement de la composante police avec les comités de protection des communautés dans le contexte d’Abyei. À cet égard, elle a salué le cours à l’intention des commandants de la police des Nations Unies, qui a débuté hier en Suisse. Le délégué a en outre jugé positifs les efforts visant à l’amélioration de la performance de la composante de police, en particulier ceux tendant à l’intégration des différentes composantes d’une mission, dans des centres d’opération et d’analyse conjoints. Il a toutefois recommandé que cette intégration s’accompagne d’une « délimitation claire des fonctions » de chaque composante de sorte à éviter une « dilution ». La mise en œuvre systématique du Système complet de planification et d’évaluation de la performance est un pas important permettant de mesurer la performance d’une mission dans son ensemble, a‑t‑il estimé, avant de conseiller aux missions de ne pas se focaliser seulement sur des chiffres, mais de s’appuyer également sur des appréciations qualitatives. À titre d’exemple, il ne faudrait pas seulement compter le nombre des patrouilles, mais aussi évaluer leur impact.
M. NORBERTO MORETTI (Brésil) a assuré que le Brésil reste déterminé à promouvoir le renforcement des capacités en matière de maintien de la paix, notamment celles des policiers de l’ONU chargés du maintien de l’ordre dans les pays où ils sont déployés. Il a ajouté qu’en septembre dernier, le Brésil a accueilli un atelier de formation d’instructeurs certifiés des Nations Unies, lequel a reposé sur trois programmes axés sur la communauté, la surveillance, le mentorat, le conseil et le renforcement et le développement des capacités de la police des Nations Unies. Le personnel onusien de police devrait également voir sa sécurité assurée dans l’accomplissement de sa mission, a encore noté le délégué, précisant qu’un investissement accru dans la communication stratégique peut dissiper la désinformation susceptible de leur porter préjudice. À cet égard, il a, à son tour, préconisé de développer des canaux de communication en prise tant avec les communautés locales qu’avec les autorités nationales et les autres parties prenantes. En participant au respect des droits humains et à la reprise des activités économiques, les policiers des Nations Unies représentent un élément essentiel de l’architecture de paix et de sécurité, architecture à laquelle le Brésil est fier de contribuer en fournissant certains de ses meilleurs professionnels chargés de l’application des lois, a conclu le délégué.
Mme EDWIGE KOUMBY MISSAMBO (Gabon) a souligné le rôle capital que jouent les Casques bleus dans un contexte global plus que jamais marqué par des crises multiples et de nouvelles menaces à la paix et à la sécurité internationales. Elle a rappelé que lors du troisième Sommet des chefs de police, le Secrétaire général a appelé au renforcement des capacités des forces de police afin « que l’exceptionnalité devienne la norme ». Pour y parvenir, a‑t‑elle souligné, il est nécessaire que les policiers de l’ONU s’adaptent à l’environnement de plus en plus complexe et évolutif des théâtres d’opération. Ils doivent aussi développer une capacité à se réinventer continuellement afin de donner des réponses à la mesure des défis sécuritaires. À cette fin, a encore plaidé la représentante, il importe que les composantes de police des missions onusiennes développent une communication stratégique qui leur permette d’établir un dialogue constructif avec le pays hôte et d’installer le climat de confiance nécessaire à la mise en œuvre effective des mandats. « On ne saurait avoir des opérations de maintien de la paix efficaces sans l’adhésion et le soutien des populations et des communautés locales. » De même, les efforts pour améliorer les performances sur le terrain devraient nécessairement inclure la promotion de la parité des genres, qui doit aller de pair avec un renforcement du leadership des femmes, appuyé sur des missions souples, des mandats clairs, des tâches précises, a encore recommandé la représentante.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a souligné la responsabilité particulière de la police des Nations Unies dans la mise en œuvre des mandats du fait de son action très intégrée, à la croisée des missions conduites par les composantes militaire et civile. Elle joue un rôle décisif pour aider les autorités de l’État hôte à réussir leur réforme du secteur de la sécurité, a‑t‑il rappelé. Le représentant a donc jugé essentiel que la police des Nations Unies soit un exemple inspirant pour le respect des droits humains et la prise en compte des questions de genre et qu’elle puisse se préparer à réduire certaines causes profondes des conflits. Il a ajouté que la question de la prédation des ressources naturelles et les effets induits sur l’environnement étaient deux causes auxquelles la France est particulièrement attentive.
Pour être adaptée aux objectifs des mandats, la police des Nations Unies doit posséder toutes les compétences pour faire face aux menaces actuelles contre la paix et la sécurité, y compris en maîtrisant les enjeux de l’usage des technologies numériques, a poursuivi le représentant. Estimant que les initiatives en cours de développement pour renforcer encore les outils de formation et de sélection au prédéploiement contribuaient à la performance des policiers individuels, il a appelé à les encourager, à les suivre avec une grande attention et à y associer étroitement les États Membres.
La police des Nations Unies doit démontrer que les Nations Unies répondent à toutes les exigences des mandats des missions, a insisté le représentant. Elle doit notamment être un modèle pour le respect de l’interculturalité, du multilinguisme et de l’inclusivité, et doit donc promouvoir sans relâche la place des femmes dans ses rangs. La France prend toute sa part à ces efforts en allouant près de 800 000 euros depuis 2021, et près de 400 000 euros encore cette année, pour le développement du mécanisme souple de coordination y compris son volet police des Nations Unies, a‑t‑il rappelé. Enfin, la France encourage fortement le Secrétariat à engager une analyse de la transformation en cours de la police des Nations Unies, car le dernier rapport présenté au Conseil sur les activités de la police des Nations Unies remonte à fin décembre 2018.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a déclaré que la police des Nations Unies est peut-être le corps le mieux placé pour contribuer à la réalisation des objectifs du Nouvel Agenda pour la paix pour ce qui est d’empêcher la résurgence des conflits et de pérenniser la paix. Elle joue en effet un rôle essentiel dans la médiation et la protection, et peut instaurer la confiance et la compréhension avec et entre les communautés, a‑t‑il ajouté, notant le rôle prépondérant joué par la police des Nations Unies dans le renforcement des capacités des pays hôte à long terme. Le représentant a jugé impératif que la police des Nations Unies soit en mesure de conduire la totalité des activités pour lesquelles elle est mandatée, conformément à l’examen externe de la police des Nations Unies de 2016 et pour que l’Organisation contribue de manière effective à établir l’état de droit, à protéger les droits humains et la paix durable. Le délégué s’est ensuite réjoui de l’intégration plus marquée de la police dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies, cette intégration répondant à l’accent mis dans « Action pour le maintien de la paix » sur la nécessaire amélioration des volets stratégiques et opérationnelles. Les missions sont plus solides et plus sûres lorsque la police en constitue partie intégrante, a‑t‑il affirmé. Par ailleurs, réagissant aux propos de la commissaire Fossen, il a insisté sur l’importance du programme pour les femmes et la paix et la sécurité pour le succès du maintien de l’ordre. En effet, « veiller à ce que les forces de police reflètent les populations qu’elles servent est non seulement la bonne chose à faire, mais conduit également à une meilleure performance des missions et peut avoir un impact positif sur le rôle des femmes dans les institutions de sécurité de l’État hôte ». Enfin, il a indiqué qu’à ce jour son pays a contribué à hauteur de 8,5 millions de dollars à diverses initiatives visant à accroître la participation des femmes au maintien de la paix.
M. YAMANAKA OSAMU (Japon) a fait remarquer que dans les États touchés par, ou sortant d’un conflit, les organismes chargés de l’application des lois sont souvent confrontés à des difficultés lorsqu’ils opèrent dans des conditions marquées par des troubles prolongés, des capacités et des ressources limitées, autant de circonstances à même d’engendrer des difficultés pour ces organismes à maintenir la confiance du public. Partant, le représentant a estimé de la plus haute importance que le Gouvernement hôte « prenne les choses en main » et fasse preuve d’un engagement inébranlable à apporter des changements au sein de ces institutions. Il a mis en garde contre le risque que les pays hôtes deviennent « excessivement dépendants » de l’aide apportée par la police des Nations Unies ou d’autres organisations. Il a en conséquence encouragé au respect et à la promotion de l’appropriation nationale lorsque la police des Nations Unies assure le renforcement des capacités.
Le représentant a salué le mécanisme de coordination légère, qui permet d’améliorer la formation de chaque pays contributeur de police et entraîner le déploiement d’un personnel plus compétent. Puis il a mis l’accent sur « l’utilisation proactive des communications stratégiques », compte tenu de l’influence croissante de la mésinformation et de la désinformation dans les contextes de maintien de la paix, devenue préoccupante, car elle constitue une menace pour la sûreté et la sécurité des soldats de la paix et entrave la mise en œuvre efficace des mandats de toutes les composantes du maintien de la paix, y compris la police des Nations Unies. Le délégué a donc encouragé les missions à élaborer des communications stratégiques intégrées afin de diffuser des informations précises sur leurs activités, ce qui ne pourra qu’aider les organismes nationaux chargés de l’application de la loi à gagner la confiance du public.
M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a reconnu le travail effectué par les chefs de la composante de police dans le cadre des missions de maintien de la paix pour s’acquitter des mandats du Conseil. Il s’est félicité des efforts déployés par le personnel de la police des Nations Unies en général dans le monde, ainsi que par les pays qui fournissent des contingents de police. Dans son Nouvel Agenda pour la paix, le Secrétaire général a d’ailleurs rappelé que les opérations de paix sont une partie essentielle des outils diplomatiques de l’Organisation, permettant d’organiser les réponses sur le terrain et de mobiliser et de financer des capacités collectives, a fait observer le représentant.
Considérant que la criminalité transnationale organisée constitue l’un des défis les plus importants pour la paix et la sécurité internationales, le représentant a estimé que les composantes de police avaient un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre le trafic de stupéfiants, d’armes et d’êtres humains, y compris les migrations forcées. Il est donc vital pour la survie des États que nous disposions de mécanismes durables et efficaces pour faire face aux organisations criminelles transnationales, a‑t‑il noté. À cet égard, la police des Nations Unies est appelée à jouer un rôle de plus en plus important, a‑t‑il estimé.
Tout en reconnaissant le travail de la composante police de la MINUSS, notamment dans les camps de personnes déplacées, le représentant a demandé ce que le Conseil pouvait faire pour améliorer ses conditions de travail. S’agissant de la MINUSCA, il a demandé si la composante police a su contribuer au renforcement des capacités locales en la matière.
Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a salué le travail effectué par la police des Nations Unies dans le cadre des opérations de maintien de la paix, tout en soulignant l’existence d’obstacles qui l’empêchent d’honorer ses mandats. La représentante a noté tout particulièrement que les groupes armés non étatiques réclamaient, en plus d’une réponse sécuritaire, une approche « globale et politique » qui s’attaque aux causes profondes.
La police des Nations Unies et les opérations de maintien de la paix ne peuvent parvenir seules à ce résultat, a estimé la représentante, en rappelant que ces dernières avaient besoin de soutien, notamment de la part du Conseil de sécurité. Les États Membres doivent aussi s’engager politiquement et financièrement dans les efforts de prévention et d’établissement de la confiance entre les États Membres, les populations et les Nations Unies, a‑t‑elle noté, en se félicitant, à ce titre, de la création de l’Équipe spéciale interinstitutions des Nations Unies sur le maintien de l'ordre. La représentante a également jugé impératif que la police des Nations Unies renforce sa coopération avec les organisations régionales et sous-régionales. Elle a en outre souligné le rôle essentiel de cette police dans le renforcement de l’état de droit, la réforme du secteur de la sécurité dans les zones de conflit, et plus généralement dans le renforcement des institutions nationales pour prévenir la violence dans ces zones.
Mme Dautllari a insisté sur le rôle des femmes dans l’instauration de la confiance au sein des communautés marginalisées et sur l’importance d’une participation « complète et égale » à la prise de décision de ces dernières dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies. À cet égard, elle a salué les efforts déployés récemment pour accroître la représentation des femmes aux postes de direction, et résoudre les problèmes de recrutement dans le cadre de la stratégie du Secrétaire général sur la parité femmes-hommes.
Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a constaté qu’en tant que composante essentielle du maintien de la paix, la police des Nations Unies avait démontré sa capacité à opérer de manière intégrée dans les missions de maintien de la paix. Elle a cité le cas du Soudan du Sud, où la police des Nations Unies a soutenu les efforts de prévention des violences sexuelles et sexistes et promu les droits humains en s’engageant directement auprès des communautés qu’elle sert, ou encore celui de la République centrafricaine, où elle a apporté son soutien aux forces nationales de sécurité pour renforcer les capacités de la police nationale et de la gendarmerie.
Compte tenu des environnements difficiles et dangereux dans lesquels opère la police des Nations Unies, il faut procéder à des évaluations significatives de ses performances afin de remédier aux lacunes possibles et promouvoir son efficacité sur le terrain, a plaidé la représentante. Elle a en outre appelé à veiller à ce que les policiers onusiens soient correctement préparés, équipés et dotés des ressources nécessaires pour relever les défis qui se posent sur le terrain.
Alors que la police des Nations Unies a atteint ses objectifs de parité pour 2025 et que cinq des neuf composantes de police des opérations de paix de l’ONU sont dirigées par des femmes, la représentante a encouragé à poursuivre sur cette voie qui s’inscrit dans la vocation du programme pour les femmes et la paix et la sécurité.
M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) a noté que la police des Nations Unies avait déjà atteint ses objectifs en matière de parité entre les sexes pour 2025, et que les femmes dirigent désormais cinq des neuf composantes de la police dans les opérations de maintien de la paix de l’ONU, ce qui conforte l’efficacité des missions. Le représentant s’est également dit encouragé de constater que l’ONU avait identifié certains des plus grands défis de notre époque pour la paix, la sécurité et le développement mondiaux. Il a cité l’expansion des conflits dans les zones à forte densité démographique; celle de la criminalité transnationale organisée et de l’extrémisme violent; l’augmentation des risques liés au climat et à la cyber-insécurité, et l’augmentation de la demande en faveur d’un renforcement complet des capacités nationales et d’une réforme de la police. Pour relever ces menaces à la paix et la sécurité internationales, il a recommandé un renforcement de la performance des commissaires de police en mettant l’accent sur le Plan stratégique de l’initiative A4P+ 2023-2026.
Tirant des enseignements de la participation du Mozambique aux missions de la police des Nations Unies, dont sa première au Timor occidental en 1999 et celle en Guinée-Bissau en 2021, le représentant a estimé que l’efficacité de la police des Nations Unies était tributaire de la légitimité locale et de la manière dont les populations perçoivent les Casques bleus de l’ONU. Si cette question cruciale n’est pas traitée de manière adéquate, une mission de la police des Nations Unies pourrait très probablement échouer, a‑t‑il mis en garde.
Le représentant a en particulier appelé à l’amélioration de l’échange de renseignements sur les activités terroristes, les réseaux du crime organisé et les cybermenaces, ainsi qu’à la fourniture d’une formation spécialisée sur la collecte de renseignements, les techniques d’enquête et la criminalistique numérique, et des mesures de contrôle frontalier renforcées.
Mme SHAHD JAMAL YOUSUF IBRAHIM MATAR (Émirats arabes unis) a souligné le rôle des composantes police dans le soutien au maintien de la paix, à la protection et à la construction des capacités. Pour la représentante, la mise en œuvre des normes pour les policiers des Nations Unies est essentielle à la réalisation des mandats et pour un accueil favorable de la part des populations locales. Davantage de transparence en matière de signalement des incidents et d’exploitation des données pourrait faciliter le travail de la police dans le cadre de de la redevabilité et de l’évaluation des performances, a‑t‑elle ajouté.
Les mécanismes de coopération avec les organisations régionales de police comme l’Organisation africaine de coopération policière (AFRIPOL) peuvent jouer un rôle crucial pour prendre des décisions bien informées, a estimé la représentante. Et en la matière, les activités de l’Équipe spéciale interinstitutions des Nations Unies sur le maintien de l'ordre sont une bonne occasion pour examiner les efforts des Nations Unies dans le domaine de la coopération régionale et pour combler les lacunes, s’est-elle félicitée.
La représentante a en outre estimé que la police des Nations Unies doit veiller à ce que ses activités ne portent pas atteinte à l’environnement. Elle doit aussi lutter contre les infractions climatiques commises dans les zones où elle est présente. Enfin, même si des efforts ont été faits en ce qui concerne la parité des genres dans les personnels en uniforme, l’objectif de 13% de femmes, non seulement est encore insuffisant, mais est loin de la parité, a conclu la représentante.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a notamment souligné que la perception des missions de paix de l’ONU dans leur ensemble dépend en grande partie de leur capacité à établir une communication efficace avec les autorités locales, basée sur la prise en compte des spécificités culturelles et religieuse des communautés. Il a estimé notamment que le risque avec les missions qui durent trop longtemps est que la police des Nations Unies en vienne à remplacer la police locale. Il a par ailleurs estimé que les femmes policières de l’ONU peuvent jouer un rôle inestimable.
Le représentant a néanmoins ajouté que la priorité ne doit pas être d’atteindre un pourcentage d’indicateurs de genre, mais bien la pleine et efficace mise en œuvre des mandats fixés à la police des Nations Unies. Celle-ci, acteur de premier plan des missions de maintien de la paix pour empêcher la reprise des conflits, doit être au cœur de discussions stratégiques transparentes, y compris au sein du Groupe de travail du Conseil de sécurité pertinent et du Comité spécial des opérations de maintien de la paix de l’Assemblée générale, a ajouté M. Nebenzia. C’est là que sont représentés tous les pays fournisseurs de troupes, c’est donc là que devraient se tenir les discussions approfondies sur les moyens dont doivent être dotés les contingents de policiers onusiens et sur les partenariats associant les missions, l’Union africaine et les autres organisations régionales et sous-régionales, a‑t‑il insisté.
Enfin, le représentant a fait observer que la Fédération de Russie contribue activement et de longue date à la cause commune du maintien de la paix, évoquant à ce propos le Centre panrusse de formation des soldats de la paix où, depuis 2000, des centaines de policiers étrangers chargés du maintien de la paix -y compris des commandants de police et beaucoup de femmes- de plus de 50 pays, principalement africains, ont été formés dans le cadre de modules de formation certifiés par l’ONU.
M. JOHN KELLEY (États-Unis) a salué le travail précieux de la police des Nations Unies à l’appui des composantes militaires des opérations de paix, en appelant à inclure son point de vue dans les processus décisionnels au sein de ces missions, y compris s’agissant de leur planification. Il a insisté sur l’impératif d’une bonne formation de la police des Nations Unies, en rappelant que les États-Unis ont investi plus de 4 millions de dollars dans des programmes de formation. Le représentant a donc encouragé la police des Nations Unies à mettre en place des formations spécifiques obligatoires en s’appuyant sur ces investissements. Pour les États-Unis, il est également important de promouvoir et d’accroître la présence des femmes dans les contingents de police. Saluant les contributions de la police des Nations Unies aux missions politiques spéciales, il a appelé l’ONU à réfléchir aux besoins à venir et aux occasions à saisir pour cette composante. La police aide les communautés à se protéger elles-mêmes, a‑t‑il relevé en conclusion, en réitérant le soutien des États-Unis à la police des Nations Unies.
M. LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, reprenant la parole à la fin de la séance, a noté que les interventions du débat s’étaient concentrées sur le renforcement des capacités aux fins de transition, sur le rôle constructif des policières et sur l’attention portée aux nouvelles technologies. « Je voudrais mettre l’accent sur l’évolution de la nature des conflits, et sur la nécessité que nous nous réorganisions pour mieux répondre aux moteurs majeurs de ces nouveaux conflits, tels que les changements climatiques, la criminalité transfrontalière organisées et le terrorisme mondial », a‑t‑il ajouté. Dans la mesure où ces réponses exigent des solutions innovantes de type policier, le rôle de la police des Nations Unies est sans nul doute appelé à s’accroître. M. Lacroix a d’autre part relevé que le Nouvel Agenda pour la paix souligne l’importance d’un multilatéralisme mis en réseaux, ce qui signifie que « nous devons être mieux équipés, précisément pour faire face aux nouveaux moteurs des conflits ». Enfin, il a préconisé des partenariats renforcés avec les agences et entités onusiennes « et au-delà ».
M. BIZIMUNGU, Chef de la composante Police de la MINUSCA, répondant à une question de l’Équateur relative à la formation de la police en matière d’investigation criminelle, a mentionné les cours spécialisés dans différents domaines. L’autre moyen de renforcement des capacités est la « colocation », a‑t‑il indiqué, expliquant qu’il s’agit pour la police des Nations Unies de travailler avec la police et la gendarmerie nationales dans leurs propres locaux. En cas de surpopulation carcérale, a‑t‑il souligné, tout en mettant l’accent sur l’importance d’un traitement respectueux, la police des Nations Unies peut offrir des conseils concernant les personnes incarcérées à tort et aider à leur libération.
Mme FOSSEN, commissaire de police au sein de la MINUSS, a tout d’abord répondu à la question du représentant de l’Équateur sur la façon dont la protection des civils peut être améliorée. Elle a souligné que le soutien et la reconnaissance du rôle de la police par le Conseil de sécurité est crucial et doit s’étendre au-delà du volet strictement militaire. Dans les camps de déplacés, « nous avons besoin, pour protéger les civils, de femmes qualifiées » qui travaillent et dialoguent avec les communautés locales et les femmes vulnérables, comme cela a été le cas par exemple au Soudan du Sud, a‑t‑elle expliqué. La reconnaissance de la parité est aussi essentielle, a‑t‑elle poursuivi, en suggérant que davantage d’équipements adaptés soient fournis aux femmes qui participent aux opérations de terrain, afin que leurs besoins et leur sécurité soient garantis. Elle a en outre insisté sur le rôle décisif de la formation des policiers au travail avec les communautés.
S’agissant de la question de la représentante de Malte sur le renforcement des capacités pour créer des programmes pérennes, elle a souligné l’importance d’un travail commun avec les autorités locales et nationales, en notant que « ce qui compte, c’est ce que nous laissons derrière nous ». Elle a conclu en rappelant que le rétablissement de l’état de droit dans les pays concernés est « une chaîne » dont chaque maillon, qu’il s’agisse de la justice, de la gouvernance ou de la police elle-même, contribue à assurer la pérennité des programmes.
Reprenant la parole, M. SHAHKAR, Conseiller pour la police des Nations Unies, a mis en exergue le rôle de la police des Nations Unies dans le cadre des transitions, en appelant à réfléchir à sa présence prolongée dans certains cas. Sur la criminalité organisée, il a expliqué que la police des Nations Unies se concentre sur une réponse cohérente en coopération avec les forces de police locales. Il a plaidé pour une implication le plus tôt possible de la police des Nations Unies dans des zones où pourraient éclater un conflit. Pour ce qui est du renforcement des capacités, M. Shahkar a fait valoir que cela dépend autant de volonté politique et de budgets adéquats, plaidant pour le soutien du Conseil de sécurité à cet égard. En dernier lieu, il a invité le Conseil de réfléchir à la pérennisation des acquis après le départ des missions.