En cours au Siège de l'ONU

9469e séance, matin
CS/15483

Libye: le Procureur de la Cour pénale internationale fait rapport au Conseil de sécurité sur l’accélération des activités liées aux enquêtes

Dix-huit mois après avoir adopté une « stratégie redéfinie » à propos de la situation en Libye, le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a présenté, ce matin, au Conseil de sécurité les travaux menés par son Bureau au cours du semestre écoulé, en mettant l’accent sur l’accélération des activités d’investigation. 

M. Karim Khan a signalé notamment que 15 missions ont été menées dans trois régions du pays et que plus de 4 000 éléments de preuve ont été recueillis: vidéos, enregistrements audio, preuves médico-légales, images satellitaires et entretiens avec des témoins.  Il s’est félicité d’avoir atteint les critères énoncés dans la stratégie, surtout pour ce qui est relatif aux crimes commis pendant la période 2014-2020.  M. Khan a également fait valoir les progrès dans les enquêtes sur les lieux de détention et sur les crimes contre les migrants. 

Le Procureur a informé le Conseil des avancées de son Bureau dans l’utilisation de moyens technologiques.  Ces outils ont facilité la transcription et la traduction automatiques de documents vidéo et audio.  Ils ont aussi permis une transmission plus sûre et plus rapide d’informations par les parties prenantes externes, notamment des témoins, grâce à la plateforme numérique « OTPLink ».  Les nouveaux outils ont été salués par les membres du Conseil, mais la cyberattaque subie l’été dernier par le Bureau du Procureur a été dénoncée, notamment par l’Albanie qui s’est érigée contre toute tentative de pression sur les juges.

À l’exception de la Fédération de Russie, tous les membres du Conseil ont redit leur appui au rôle de la CPI dans la lutte pour la justice et contre l’impunité.  Si certains (États-Unis, Japon) ont regretté l’absence de progrès dans l’enquête sur les violences commises en 2011, y compris la poursuite de M. Saïf al-Islam Kadhafi, plusieurs autres (France, Gabon, Ghana, Mozambique, Suisse) ont salué le fait que les enquêtes sur les crimes survenus lors des opérations de 2014 à 2020 soient en passe d’être terminées.  La France a d’ailleurs noté que le prochain rapport du Bureau du Procureur devrait présenter une esquisse de feuille de route pour l’achèvement de ses activités au titre de la résolution 1970(2011).

Les délégations ont en outre apprécié les efforts de collaboration du Bureau avec d’autres intervenants, comme l’Équipe commune chargée de fournir un appui aux enquêtes portant sur les crimes commis contre les migrants et les réfugiés en Libye, ou encore la Mission indépendante d’établissement des faits sur la Libye (du Conseil des droits de l’homme).  De même, l’engagement de la Cour auprès de la société civile dans la collecte de preuves pour les cas d’exécutions extrajudiciaires, de torture, de viol, d’esclavage sexuel, de traitements inhumains et de crimes contre les migrants, a été vivement soutenu.  Se disant conscient de la volatilité du contexte libyen, le Gabon a également attiré l’attention sur l’appui logistique fourni par la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), qui facilite l’encadrement sécuritaire du Bureau du Procureur. 

Malgré les avancées présentées par le Procureur, le délégué de la Libye a estimé qu’il n’y avait « rien de nouveau ».  Pour lui, il n’y a pas de résultats concrets, 12 ans après la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité.  « Où sont les résultats, après toutes les enquêtes, toutes les preuves, tous les échanges d’informations mentionnés dans le rapport? »  Il a notamment demandé les résultats des enquêtes sur les charniers de Tarhouna, en relevant que dans d’autres situations, ailleurs dans le monde, on présente promptement les noms des suspects et des mandats d’arrêt sont émis.  Il a insisté sur les poursuites des auteurs de crimes en Libye tout en rappelant que la justice dans son pays est « souveraine » et que les crimes ne tomberont pas dans les oubliettes. 

À l’instar de la Fédération de Russie, le représentant libyen a mis en parallèle les procédures enclenchées par la Cour concernant son pays avec les événements actuels au Moyen-Orient et notamment dans la bande de Gaza, qui requièrent également la reddition d’une justice internationale.  « Il n’y a aucune justice à attendre de cet organe pseudo-juridictionnel fantoche, vénal et pro-occidental », a tranché la représentante russe, en qualifiant de « vide » le rapport de M. Khan.  Elle a même proposé d’envisager de retirer de la saisine de la CPI les situations en Libye et au Soudan.  La Russie a également recommandé de ne donner « aucun centime » à la Cour. 

La situation budgétaire de la Cour a d’ailleurs été présentée comme critique par le Procureur, qui a appelé tous les États parties au Statut de Rome à assumer leur engagement à fournir des ressources de base supplémentaires.  M. Khan a toutefois salué le « soutien extrabudgétaire précieux » reçu pour engager des experts sur le genre et pour mener les réformes technologiques.  Le Gabon a plaidé en faveur de la stabilité budgétaire, tandis que l’Albanie a exprimé son plein soutien au Fonds d’affectation spéciale pour les victimes visant à les réintégrer dans la société, avec une protection particulière pour les femmes et les enfants. 

Pierre angulaire du système du Statut de Rome, selon le Brésil, le principe de complémentarité a été invoqué tant par le Procureur de la CPI que par des membres du Conseil comme les Émirats arabes unis, le Japon, le Mozambique ou encore la Chine.  Cette dernière a insisté sur la souveraineté judiciaire des pays concernés et sur le respect de leur point de vue.  « Si la transition politique en Libye est une priorité pour les Nations Unies, les Libyens doivent être à la manœuvre dans ce processus », a dit le délégué de la Chine, coïncidant en cela avec le représentant libyen. 

Enfin, les améliorations possibles dans la coopération du Bureau du Procureur avec les autorités nationales libyennes ont été soulevées par le Procureur en particulier lorsqu’il s’agit de la délivrance des visas.  Cela permettrait de rendre opérationnel le bureau prévu à Tripoli, a-t-il dit en notant déjà des signaux positifs dans ce sens.  Les États-Unis et la France ont dit attendre avec impatience l’établissement en 2024 de ce bureau de liaison. 

LA SITUATION EN LIBYE

Déclarations

M. KARIM KHAN, Procureur de la Cour pénale internationale, a présenté ses condoléances aux familles et aux communautés libyennes frappées par les inondations catastrophiques dans la ville de Derna et d’autres régions.  Il a ensuite rappelé avoir présenté, il y a 18 mois, sa nouvelle stratégie reflétant une approche globale qu’il a cherché à mettre en place dans toutes les situations examinées par le Bureau. Une approche axée sur le terrain et la dynamique des enquêtes, qui vise à tirer pleinement parti de la coopération avec toutes les parties prenantes et qui mesure les progrès accomplis en fonction d’objectifs clairs. 

Le Procureur a signalé une accélération des activités d’investigation au cours du dernier semestre, avec 15 missions dans 3 régions, plus de 4 000 éléments de preuve ayant été recueillis, comme des vidéos et des enregistrements audio, des preuves médicales, des images satellitaires ou encore des entretiens avec des témoins.  Il s’est félicité d’avoir atteint les critères énoncés dans la stratégie, surtout pour ce qui est relatif aux crimes commis pendant la période 2014-2020. M. Khan a également fait valoir les progrès dans les enquêtes sur les lieux de détention et sur les crimes contre les migrants.  Les enquêtes en lien avec les associations des victimes et la présence régionale du Bureau ont également été essentielles, car la coopération accrue a permis l’accélération des enquêtes et donné accès à des éléments clefs. 

En outre, a poursuivi le Procureur, une formation a été dispensée à des associations de la société civile sur les lignes directrices du Bureau du Procureur et d’Eurojust pour documenter les crimes et violations internationales des droits humains.  Des avancées ont été enregistrées par ailleurs dans l’utilisation des technologies dans les enquêtes, a-t-il indiqué, en rappelant la décision de se servir d’un système en ligne (« cloud ») et d’une plateforme numérique permettant la transmission des informations et la gestion des éléments de preuve d’une manière plus sécurisée.  Il s’est réjoui que cela permette de s’appuyer sur des outils d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique.  Il a cité, à cet égard, la transcription et la traduction automatiques de documents vidéo et audio ainsi que le lancement d’OTPLink, une plateforme numérique permettant aux parties prenantes externes, notamment des témoins, de transmettre des informations au Bureau plus sûrement et plus rapidement.

M. Khan a également expliqué miser sur une coopération plus forte avec les autorités nationales, en particulier pour les crimes à l’encontre des migrants.  Il a rappelé qu’avec le Statut de Rome, c’est le drapeau de l’ONU qui flotte derrière le juge, insistant sur le professionnalisme et l’intégrité des travaux qu’il mène et sur l’intégration des résultats obtenus en partenariat avec les autorités nationales, mais aussi avec les victimes et les rescapés.  Le Bureau a continué à œuvrer, d’autre part, avec l’Équipe commune chargée de fournir un appui aux enquêtes portant sur les crimes commis contre les migrants et les réfugiés en Libye.  Le Procureur a mentionné la tenue de réunions hebdomadaires avec des partenaires clefs et une réunion d’experts, en octobre, afin d’approfondir le travail collectif sur les principaux suspects en Italie et aux Pays-Bas. 

La coopération avec les autorités libyennes est au cœur de la stratégie du Bureau, a assuré le Procureur, tout en regrettant qu’en dépit d’efforts considérables, son Bureau n’ait pas été en mesure d’obtenir des visas, ce qui aurait permis un renforcement de la présence à Tripoli en particulier.  Il a mentionné cependant des signes positifs avec l’arrivée, à La Haye, de l’Ambassadeur libyen, M. Zeiad Daghim, et avec l’obtention de visas pour des visites techniques de membres de son Bureau. 

Grâce à tous ces partenariats, le Bureau a obtenu des résultats qui ne sauraient être considérés comme acquis en raison des limites financières, a estimé M. Khan, avant de reconnaître avoir reçu un soutien extrabudgétaire précieux, notamment pour avoir des experts sur le genre et pour entreprendre les réformes technologiques en cours.  M. Khan a insisté sur l’insuffisance du budget ordinaire, qui s’est avérée encore plus évidente au cours des derniers mois, notamment en ce qui a trait aux enquêtes sur les flux financiers en Libye.  Il a appelé tous les États parties à la CPI à poursuivre leur engagement de principe pour obtenir des ressources de base supplémentaires, arguant que « les vies humaines se valent toutes ». 

Pour les rescapés, les familles touchées et tous ceux qui sont en deuil, il faut donner une vision claire du mandat conféré par la résolution 1970, a souligné le Procureur en démontrant qu’il s’est efforcé de le faire, malgré la nécessité de confidentialité.  Les résultats sont notables et clairement visibles, a-t-il commenté, en appelant le Bureau, avec l’aide du Conseil de sécurité, à asseoir une démarche renforçant les relations de confiance.  Il a enfin mis en exergue le principe de complémentarité avec les autorités nationales.  Il a espéré être en mesure de terminer les axes d’enquêtes d’ici à la fin 2025, ce qui dépendra de la capacité collective à réaliser les plans décrits dans son rapport, en coopération avec les autorités libyennes.

M. KIHIMIRO ISHIKANE (Japon) s’est félicité des progrès de l’enquête menée par le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) dans le cadre de sa stratégie renouvelée d’avril 2022, qui utilise pleinement les ressources disponibles et les technologies modernes, et reconnu l’appui apporté à ce Bureau par la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL). Il a aussi pris note du renforcement des activités liées aux enquêtes sur les crimes contre les migrants, avec la participation des autorités nationales compétentes d’autres États, des organisations internationales et régionales et des organisations de la société civile. 

Il a en revanche regretté que la coopération avec les autorités libyennes n’ait pas avancé de manière substantielle, appelant donc la Cour et la Libye à résoudre les questions en suspens, y compris celles ayant trait aux visas, afin que la CPI puisse opérer en Libye et s’acquitter de sa mission.  Autre défi, a-t-il noté, l’absence de progrès dans l’enquête sur les violences de 2011, y compris la poursuite de M. Saïf al-Islam Kadhafi, ce qui exige une accélération du processus.  Le représentant a rappelé qu’à l’occasion de la réunion selon la formule Arria convoquée par son pays et la Suisse en juillet, beaucoup d’États avaient demandé une coopération renforcée de la CPI tant avec le Conseil de sécurité qu’avec chaque État Membre.  Il a rappelé que le Japon appuie la Cour en fournissant des ressources humaines et financières. 

Mme RICCARDA CHRISTIANA CHANDA (Suisse) a félicité le Bureau du Procureur pour les progrès constants et importants réalisés dans la mise en œuvre de la stratégie d’action renouvelée pour la Libye.  Il a dit prendre note avec intérêt des avancées accomplies dans les quatre lignes d’enquête, en particulier, en ce qui concerne l’enquête sur les crimes liés aux opérations de 2014-2020.  Elle s’est aussi réjouie de l’annonce selon laquelle le Bureau sera en mesure, dans son prochain rapport, de présenter une feuille de route potentielle pour l’achèvement de ses activités conformément à la résolution 1970 (2011).  Cette annonce témoigne de l’engagement du Bureau à mener à bien ses activités en suivant des objectifs clairs et concrets, a-t-elle salué.

La représentante a également dit souscrire aux efforts de numérisation de la Cour.  Tirer profit des nouvelles technologies tout en préservant son intégrité permettra à la Cour d’optimiser son efficacité, a-t-elle estimé, ajoutant prendre note de la numérisation des preuves et du lancement d’une plateforme numérique. Elle a, dans ce cadre, souligné le caractère primordial de la sécurité des données et de la protection des infrastructures judiciaires, condamnant d’autant plus fermement l’attaque cybernétique dont la Cour a été victime cet été.  Enfin, misant sur la coopération pour permettre à la Cour d’accomplir son mandat, la déléguée a encouragé vivement les autorités libyennes à poursuivre leur coopération avec le Bureau du Procureur, en particulier en ce qui concerne l’octroi de visas. 

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a salué les progrès réalisés par le Bureau du Procureur sur les quatre axes d’enquête, se félicitant notamment de l’arrestation des principaux suspects des crimes liés aux opérations de 2014-2020. Il a dit attendre avec impatience l’éventuelle feuille de route du Procureur pour l’achèvement des activités, conformément à la résolution 1970 (2011).  S’agissant des axes d’enquête relatifs aux centres de détention et aux crimes contre les migrants, le représentant a exprimé sa profonde inquiétude quant aux violations des droits humains de ces personnes et réitéré son appel à traduire les auteurs en justice. 

Le représentant a ensuite salué l’engagement du Procureur à travailler plus étroitement avec les autorités nationales ainsi qu’avec les six États tiers, conformément au principe de complémentarité. Il a également salué les efforts d’innovation, en particulier l’utilisation de l’application OTPLink pour la soumission de preuves en ligne par les intervenants externes et les témoins. Encourageant les autorités libyennes à poursuivre leur partenariat avec le Bureau du Procureur, il a souligné l’importance de la pleine coopération de toutes les autorités nationales concernées pour le succès des travaux du Procureur, notamment pour la délivrance de visas d’entrée et l’accès aux documents et aux lieux d’intérêt pour faciliter les enquêtes.  En conclusion, il a appelé le Conseil de sécurité à soutenir financièrement la CPI pour l’aider à s’acquitter de son mandat, réaffirmant le soutien de son pays à l’appel lancé par l’assemblée des États parties en faveur d’un financement supplémentaire des propositions budgétaires de la Cour pour 2024.

M. CHANAKA LIAM WICKREMASINGHE (Royaume-Uni) s’est félicité de la publication du vingt-sixième rapport du Procureur de la CPI sur la situation en Libye et des efforts déployés par la Cour face aux crimes commis contre les migrants.  Il a toutefois appelé à soutenir financièrement le Bureau du Procureur pour qu’il ait les moyens de mener ses enquêtes.  Il importe que la CPI ait la capacité de définir une feuille de route pour mener ses enquêtes et rendre justice aux populations en Libye, a insisté le représentant. 

À ce titre, il a jugé nécessaire que les autorités libyennes coopèrent avec les enquêtes de la CPI, conformément à la résolution 1970 (2011), et ce, notamment via l’octroi de visas et de documents au personnel de la Cour et la remise d’individus soumis à des mandats d’arrêts.  Avant de conclure, le représentant a appelé la MANUL, les autorités libyennes et les autres acteurs à faire fond sur les progrès réalisés jusqu’alors pour rendre justice en Libye.

M. ANDRIS STASTOLI (Albanie) a salué les progrès tangibles réalisés dans tous les domaines de l’enquête, félicitant la CPI pour son rôle crucial dans la lutte mondiale contre l’impunité.  Il a condamné l’attaque informatique dont a été victime la Cour et a jugé inacceptable toute tentative de pression sur les juges ou d’ingérence dans le processus judiciaire.  Il a exhorté les autorités libyennes à promouvoir et protéger les droits humains, à protéger les civils, y compris les migrants, et à rendre justice pour les crimes commis sur le territoire libyen. 

L’Albanie, a assuré son représentant, soutient la vision du Procureur Khan pour l’achèvement de la nouvelle stratégie dans un délai raisonnable, ce qui permettra aux auteurs de crimes atroces d’être enfin traduits en justice.  Il a également félicité la CPI pour sa collaboration avec la Mission indépendante d’établissement des faits sur la Libye et pour son engagement auprès de la société civile dans la collecte de preuves sur les exécutions extrajudiciaires, la torture, le viol, l’esclavage sexuel, les traitements inhumains et les crimes contre les migrants.  Enfin, le représentant a assuré son plein soutien au Fonds d’affectation spéciale pour les victimes, qui vise à les réintégrer dans la société, avec une protection particulière pour les femmes et les enfants.

M. MOHD ABDULRAHMAN MOHAMED JALIL SULTAN ALOLAMA (Émirats arabes unis) a souhaité que la communauté internationale réfléchisse aux moyens de contribuer au relèvement de la Libye.  Il faut, selon lui, encourager un nouveau processus politique où les Libyens eux-mêmes sont à la manœuvre.  La justice transitionnelle et le principe de responsabilité sont des éléments importants à cet égard, a-t-il dit, insistant aussi sur la responsabilité des États souverains à prévenir et juger les crimes les plus graves commis sur leurs territoires, à prendre en charge les victimes et à promouvoir l’état de droit. S’agissant par ailleurs du principe de complémentarité, il s’est félicité de la bonne coopération entre les autorités nationales libyennes et la CPI. 

Le représentant a également rappelé la priorité que constitue la lutte contre les crimes commis contre les migrants.  Une coopération internationale accrue est nécessaire pour démanteler les réseaux de trafiquants, qui déplacent et exploitent ces migrants, a-t-il plaidé. Il a enfin estimé qu’il ne sera pas possible de réaliser la paix dans cette région sans régler la situation dans la bande de Gaza.  Les tensions sont importantes et risquent de se propager, a-t-il mis en garde. 

M. MARK A. SIMONOFF (États-Unis) a transmis toute la solidarité de son pays après les inondations dans la région de Derna, et appelé à un appui pour le relèvement et la reconstruction.  Il a salué le dévouement extraordinaire du Bureau du Procureur et de son personnel et les efforts déployés pour rendre justice aux victimes et aux migrants.  Il a mis en exergue la double approche qui repose sur le renforcement des capacités de collecte de preuves, et sur un appui aux témoins et aux victimes.  Cette double composante, juridique et humaine, est nécessaire et louable, a-t-il commenté.  Il a appelé à faire en sorte que les victimes bénéficient d’une aide en matière d’adaptation, en coopération avec les organisations régionales dans le cadre du principe de responsabilité partagée.  Le représentant a également exhorté à l’exécution des mandats d’arrêt en coopération avec les autorités libyennes, et à l’établissement d’un bureau du Procureur à Tripoli, notamment concernant les poursuites contre M. Saïf al-Islam Kadhafi. 

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) s’est félicitée des progrès réalisés dans la mise en œuvre de la nouvelle stratégie du Bureau.  Elle s’est également dite encouragée par les progrès réalisés dans le cadre des enquêtes concernant les centres de détention et les crimes allégués contre les migrants.  Évoquant le travail mené avec Europol, elle s’est félicitée de la coopération proactive des autorités nationales avec des États tiers et des partenaires internationaux. 

Se disant préoccupée par les crimes commis contre les personnes vulnérables, elle a salué la nomination d’un enquêteur détaché spécialisé dans les crimes sexuels et fondés sur le genre.  En outre, elle a plaidé en faveur d’une assistance psychologique pour favoriser la réadaptation des victimes.  La représentante a ensuite salué l’engagement des autorités libyennes à faciliter l’accès du Bureau en Libye, espérant que cela permettra d’accélérer la coopération dans les prochains mois. 

Mme MARIA ZABOLOTSKAYA (Fédération de Russie) a fustigé la CPI tout au long de son intervention, qualifiant de « vide » le dernier rapport de son Procureur.  Estimant que la CPI n’égale en rien la Cour internationale de Justice (CIJ) en termes de charge de travail, d’efficacité ou encore d’autorité, elle a proposé d’envisager de retirer de la saisine de la CPI les situations en Libye et au Soudan. Arguant que le processus politique et la réconciliation nationale devraient être entre les mains des peuples de ces pays, la déléguée a jugé que la CPI n’est d’aucun secours dans cette entreprise.

Le temps consacré à la CPI pourrait être consacré à d’autres questions plus importantes, telles que le règlement de la question du Moyen-Orient, a jugé la représentante.  Elle a aussi déploré le bilan humain du conflit à Gaza, en dépit de l’enquête formelle menée sur le dossier par la CPI depuis 2021.  Mais, « il n’y a aucune justice à attendre de cet organe pseudo-juridictionnel fantoche, vénal et pro-occidental », a-t-elle tranché. La CPI, selon elle, en est réduite à être un instrument punitif destiné à régler les comptes politiques de ceux qui ont « croisé le chemin de l’Occident collectif ».  Parce qu’elle n’a « rien à voir avec la justice », la CPI ne devrait pas recevoir un centime du budget ordinaire des Nations Unies, a conclu la déléguée qui a conséquemment demandé au Secrétaire général d’exercer un contrôle strict sur ce point. 

M. SERGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a souligné qu’il est du devoir premier des États d’exercer leur compétence pénale avant de rappeler que le principe de complémentarité est une des pierres angulaires du système du Statut de Rome. Ce n’est que lorsque l’État n’est pas en mesure ou n’a pas la volonté de s’acquitter de ses obligations que la CPI peut être appelée à intervenir, a-t-il expliqué, ajoutant que la résolution 1970 (2011) du Conseil de sécurité reconnaît que les États qui ne sont pas parties au Statut de Rome n’ont aucune obligation en vertu du Statut. Toutefois, il a rappelé que, par cette résolution prise au titre du chapitre VII, le Conseil avait décidé que les autorités libyennes devaient coopérer pleinement avec la Cour et le Procureur. À cet égard, il a noté avec satisfaction les commentaires du Bureau du Procureur qui évoquent des progrès dans ses contacts avec les autorités libyennes.

Insistant sur l’objectif de rendre justice aux victimes, le représentant a encouragé le Procureur à s’engager davantage auprès d’elles et de leurs représentants.  Pour éviter les accusations de sélectivité et de « deux poids, deux mesures », toutes les victimes des crimes les plus graves doivent être traitées de la même manière, a-t-il recommandé, appréciant les progrès réalisés dans les enquêtes du Procureur et encourageant celui-ci à fournir des informations supplémentaires concernant ses quatre principaux axes d’enquête. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a relevé des progrès dans les quatre axes de recherche proposés dans la stratégie d’action présentée en avril 2022, ce qui a été rendu possible, selon lui, grâce à l’élargissement des activités d’enquête et aux informations recueillies auprès des victimes et de leurs familles, des organisations de la société civile, des organismes internationaux et d’États tiers.  Le représentant a également fait valoir la collecte des preuves concernant les crimes commis dans les centres de détention, ainsi que de l’affectation d’experts spécialisés dans la traite des personnes dans la région, en insistant sur la lutte contre l’impunité qui caractérise les crimes commis contre les migrants, y compris les crimes sexuels et sexistes. 

Le représentant a, d’autre part, mis l’accent sur la pleine coopération des autorités pour que le Bureau du Procureur soit en mesure de s’acquitter de son mandat en vertu du principe de complémentarité.  À cet égard, il a invité le Gouvernement libyen à réaffirmer son engagement par des mesures concrètes, comme l’émission de visas pour une visite de l’Équipe technique.  Il s’est enfin inquiété des ressources limitées dont dispose le Bureau du Procureur. 

Mme ANNETTE ANDRÉE ONANGA (Gabon) a noté avec satisfaction les progrès réalisés dans le cadre de la réévaluation de la stratégie d’enquête et d’analyse des éléments de preuve concernant les présomptions de crimes graves perpétrés en Libye en 2011, les crimes liés aux opérations militaires de 2014 à 2020, et ceux commis contre les migrants.  Elle a salué l’utilisation d’outils modernes ainsi que les efforts des intervenants, des experts et des institutions pour parvenir à la phase finale du processus d’enquête.  Elle s’est également félicitée de la mise à disposition d’une plateforme digitale du Bureau du Procureur afin de faciliter la collecte d’informations. 

La représentante a ensuite insisté sur la nécessité d’assurer la stabilité budgétaire du Bureau, avant d’encourager le Procureur à poursuivre sa coopération avec les autorités libyennes ainsi qu’avec les acteurs régionaux et internationaux et la société civile.  De surcroît, elle a souligné l’importance de renforcer le dialogue avec les victimes et communautés locales en vue de promouvoir la vérité, la justice et la réparation, et ainsi garantir la non-répétition.  Se disant consciente de la volatilité du contexte dans lequel se déploie la nouvelle stratégie d’enquête, la représentante a salué l’appui logistique fourni par la MANUL, qui facilite l’encadrement sécuritaire du Procureur et de son équipe.  Elle a enfin encouragé le Représentant spécial pour la Libye à poursuivre ses efforts. 

Mme DIARRA DIME LABILLE (France) a condamné la cyberattaque dont la CPI a récemment fait l’objet, avant de saluer les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la nouvelle stratégie du Bureau du Procureur concernant la situation en Libye.  Elle s’est félicitée notamment des avancées réalisées sur l’un des quatre axes d’enquête, celui concernant les crimes survenus lors des opérations de 2014 à 2020, qui est sur le point d’être achevé.  Elle a noté que le Bureau prévoit d’être en mesure d’esquisser une feuille de route potentielle pour l’achèvement de ses activités au titre de la résolution 1970 (2011) dans son prochain rapport.

Soulignant les efforts entrepris par le Bureau pour renforcer la coopération avec les autorités libyennes, la déléguée a salué l’arrestation, par les autorités compétentes, de suspects clefs liés aux crimes contre des migrants, notamment sur la base de preuves fournies par le Bureau.  Elle a également félicité le Bureau pour les avancées techniques réalisées, notamment au sein de son système de gestion de preuves avec l’utilisation de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique, ainsi que le lancement d’OTPLink, qui facilitera la transmission rapide et sécurisée d’informations aux parties prenantes externes, notamment des témoins potentiels.

La représentante a également encouragé les autorités libyennes à coopérer avec le Bureau, en particulier en ce qui concerne l’accès à la documentation, le travail avec les autorités techniques et la délivrance de visas. Elle a encouragé le renforcement des missions de l’Équipe commune chargée de fournir un appui aux enquêtes portant sur les crimes commis contre les migrants et les réfugiés en Libye. En outre, elle a soutenu l’établissement d’un bureau de liaison du Procureur à Tripoli en 2024.  Elle s’est également félicitée des efforts continus du Bureau pour collaborer étroitement avec les organisations de la société civile de la région, notamment en dispensant un séminaire sur la documentation des crimes internationaux et des violations des droits humains.

M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) a souligné l’importance de promouvoir la justice et la responsabilité pour les atrocités commises en Libye, la lutte contre l’impunité étant un préalable à une paix durable dans le pays.  Il a salué les progrès réalisés par le Bureau du Procureur, notamment en ce qui concerne les violences de 2011, les crimes dans les centres de détention, les crimes liés aux opérations de 2014-2020, et les crimes contre les migrants.  Il a encouragé le Bureau à continuer ses activités d’enquête et de poursuite, guidées par les principes de complémentarité, d’indépendance et d’impartialité.  Il a ainsi noté qu’en tant que Cour de dernier recours, la CPI doit toujours agir en complément des juridictions nationales.

Le représentant a en outre félicité le Bureau du Procureur pour avoir su placer les survivants et les familles des victimes au cœur de son enquête, une composante essentielle pour permettre à la justice d’être rendue.  Pour conclure, il a insisté sur le rôle de la coopération, en particulier avec les autorités locales, pour la mise en œuvre réussie du mandat du Procureur, comme établi dans la résolution 1970 (2011) du Conseil de sécurité.

M. ZHANG JUN (Chine) a qualifié de « claire » et « cohérente » la position de son pays sur le dossier libyen, à savoir que la CPI doit strictement respecter le principe de complémentarité, tel qu’énoncé dans le Statut de Rome, tout comme la souveraineté judiciaire des pays concernés et le respect de leur point de vue.  Dans ce cadre, il a appuyé la coopération de la Cour avec les autorités libyennes. 

Pour le représentant, la paix et la stabilité sont des conditions préalables pour que justice soit rendue.  Si la transition politique en Libye est une priorité pour les Nations Unies, les Libyens doivent être à la manœuvre dans ce processus, a-t-il plaidé, appelant à s’abstenir d’imposer des solutions depuis l’extérieur.  À cette fin, la CPI doit contribuer à promouvoir le processus politique et les parties prenantes libyennes doivent renforcer l’unité afin de ne pas creuser les divergences, a poursuivi le représentant.  Enfin, après avoir rappelé que la Chine soutient l’application du principe de responsabilité pour les crimes les plus graves en Libye, il a souhaité que la CPI évite le « deux poids, deux mesures » sur ce dossier.

M. TAHER M. T. ELSONNI (Libye) a, avant tout propos, annoncé que sa déclaration d’aujourd’hui sera « brève et redondante », car il n’y a rien de nouveau après 26 rapports de la CPI sur son pays.  S’adressant directement à M. Khan, le délégué a relayé ce que pense la population libyenne: ce qui se passe à la CPI concernant la Libye ne fait que stagner, « pas seulement depuis votre mandat, mais aussi sous ceux de vos prédécesseurs ».  Le peuple libyen estime qu’il s’agit d’un acte délibéré ou politisé, a-t-il précisé.  « Où sont les résultats, après toutes les enquêtes, toutes les preuves, tous les échanges d’informations mentionnés dans le rapport? »  Cela fait 12 ans que la CPI est saisie de la situation en Libye, a souligné le représentant en rappelant les 26 rapports présentés au Conseil.  « Pourquoi n’avez-vous pas dévoilé les noms des auteurs de crimes, en dépit des 25 missions de terrain, des 4 000 preuves collectées et de l’utilisation de l’intelligence artificielle? »  Il s’est aussi demandé où en sont les enquêtes sur les charniers à Tarhouna, en relevant au passage que dans d’autres situations, ailleurs dans le monde, on présente promptement les noms des suspects et émet des mandats d’arrêt.

Poursuivant ses constatations, le délégué a rappelé que le Procureur avait lancé des mandats d’arrêt depuis un certain temps déjà, mais sans résultats tangibles.  Il a dit ne pas comprendre cette lenteur, alors que, dans d’autres situations, c’est avec « une vitesse record » qu’il avait donné des noms. La Libye, elle, s’est engagée à traduire en justice, tôt ou tard, tous les auteurs de crimes graves, quelles qu’en soient les difficultés, a assuré le délégué, en se basant sur le principe de complémentarité.  Il a déclaré que des suspects avaient déjà été appréhendés, traduits en justice et condamnés, en particulier les auteurs de trafic d’êtres humains.  Ce que la Libye attend, ce sont les résultats de la CPI, a-t-il insisté, ajoutant ne pas se satisfaire de la situation. 

Le représentant a estimé que la justice internationale devrait aussi se pencher sur ce qui se passe aujourd’hui à Gaza, rappelant que sur 11 000 victimes, 7 000 sont de enfants, alors que l’on bombarde des hôpitaux, que des travailleurs humanitaires sont tués et que la moitié de Gaza est rasée.  « Est-ce que cela constitue pour vous des crimes contre l’humanité? »  Ce qui est en jeu, c’est la crédibilité du Procureur, selon le délégué, de même que celle de la CPI, « dont on doute déjà à travers le monde ».  Les personnes qui sont tuées à Gaza et en Cisjordanie sont aussi des êtres humains, lui a-t-il aussi lancé, ajoutant qu’il ne s’agit pas du nombre d’affaires que la CPI traite, mais du taux d’achèvement et du nombre de suspects appréhendés.  L’histoire s’en rappellera, a-t-il conclu. 

Le Procureur de la CPI a réagi après l’intervention du représentant permanent de la Libye qui s’est érigé contre le silence de la Cour. Rappelant ses déclarations prononcées depuis Le Caire et au point de passage de Rafah, M. Khan a assuré que l’enquête est en cours et que des juristes ont été nommés pour le dossier palestinien dans l’Équipe d’enquête.  Il a aussi dit avoir lui-même parlé des allégations de crimes, appelé à la libération des otages.  Il a en outre déclaré qu’Israël doit respecter les principes de proportionnalité et de distinction et qu’il faut que l’aide humanitaire soit acheminée sans entrave - des impératifs fondamentaux au titre des Conventions de Genève.  Les enfants, les jeunes et moins jeunes, les personnes malades ou âgées « ont des droits », a-t-il affirmé.  Des enquêtes sont en cours, car chaque vie est précieuse et doit être protégée par le droit.  M. Khan a conclu en invitant à travailler collectivement à ces objectifs, par le biais de partenariats, au lieu d’alimenter des polémiques. 

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