Abyei: le Conseil de sécurité s’informe des conséquences du conflit au Soudan sur la région en prévision du renouvellement du mandat de la FISNUA
À quelques jours de l’échéance du mandat de la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA), le Conseil de sécurité a été informé ce matin des conséquences de la guerre au Soudan sur la situation dans ce territoire coincé entre Soudan et Soudan du Sud où est déployée, depuis 2011, cette mission des Nations Unies, en attendant que son statut définitif soit fixé. Tant le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, M. Jean Pierre Lacroix, que l’Envoyée spéciale du Secrétaire général pour la Corne de l’Afrique, Mme Hannah Serwaa Tetteeh, ont décrit les multiples conséquences du confit en cours au Soudan sur les pourparlers politiques relatifs au statut final d’Abyei et sur le travail de la Force.
Le conflit qui oppose les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide au Soudan a commencé le 15 avril. Lors de la dernière séance en date du Conseil sur Abyei, le 9 mai, les représentants du Secrétariat avaient dit craindre que la récente flambée de violence vienne réduire les chances de progrès politique concernant le statut définitif d’Abyei et les questions frontalières. Ces craintes sont devenues réalités et Mme Tetteeh a déclaré que les dirigeants du Soudan comme du Soudan du Sud n’avaient, depuis la mi-avril, manifesté aucun « appétit » pour des discussions sur le sujet. M. Lacroix a précisé que les « signes encourageants » du dialogue lancé entre le Soudan et le Soudan du Sud, en début d’année, avaient été interrompus du fait des combats. Ces derniers, a-t-il rappelé, ont éclaté cinq jours seulement après la réunion du comité de haut niveau du Soudan et du Soudan du Sud sur Abyei, tenue les 9 et 10 avril à Khartoum.
Sur le plan opérationnel, le conflit a retardé la reconfiguration de la FISNUA et son évolution vers une opération de paix véritablement multinationale, entamée, en 2022, après une demande du Soudan, alors que, depuis 2011, la Force était composée exclusivement de militaires éthiopiens. À cause des combats, le déploiement du personnel et du matériel de la mission a été interrompu. De même, le fonctionnement du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière a, lui aussi, fortement souffert.
M. Lacroix a en outre mentionné la présence d’environ 200 membres des Forces sud-soudanaises de défense du peuple et de la Police nationale sud-soudanaise dans le sud d’Abyei, ainsi que d’environ 60 membres de la Police du pétrole soudanaise dans le nord d’Abyei, en contradiction avec le mandat de la mission et le statut démilitarisé d’Abyei, ce qui a entraîné des restrictions à la liberté de mouvement de la FISNUA.
Enfin, le conflit entraîne des conséquences humanitaires significatives, a complété l’Envoyée spéciale du Secrétaire général. En plus des milliers de Soudanais qui fuient le conflit, plus de 353 000 rapatriés et réfugiés ont passé la frontière vers le Soudan du Sud, pays où plus des deux tiers de la population a déjà besoin d’une assistance humanitaire.
Le représentant du Soudan a vivement nié que son pays ait jamais entravé les efforts de paix et assuré qu’il souhaitait au contraire poursuivre les négociations en vue d’une stricte application de l’esprit et de la lettre des accords relatifs à Abyei. Il a également dit attendre du Soudan du Sud qu’il honore ses engagements au titre de l’accord de 2011 et s’abstienne de toute mesure unilatérale.
La représentante du Soudan du Sud a, pour sa part, appelé Khartoum à faire preuve de volonté politique afin de parvenir à un accord sur cette question dans les meilleurs délais. Le Soudan du Sud a accepté la proposition du Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’Union africaine, qui prévoit l’organisation d’un référendum pour déterminer le statut final de la région d’Abyei, a-t-elle précisé, appelant à des négociations constructives.
Les membres du Conseil ont regretté le statu quo et les entraves au processus politique et appelé à la relance du dialogue, décrit par les A3 comme le meilleur moyen d’assurer la reprise du processus politique. Les protagonistes pourraient saisir l’opportunité de la reprise des pourparlers de Djedda, qui associent l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et l’Union africaine aux efforts déployés par l’Arabie saoudite et les États-Unis, ont plaidé l’Équateur et la France, laquelle a aussi exhorté les États de la région à préserver leur neutralité dans le conflit au Soudan, afin de favoriser un règlement politique et prévenir son extension à l’échelle régionale.
Le Royaume-Uni, les Émirats arabes unis et les États-Unis ont souhaité le « retrait immédiat » des Forces sud-soudanaises de défense du peuple dans le sud d’Abyei, présentées comme un facteur de déstabilisation et une menace pour le statut démilitarisé de la région, sur le maintien duquel la Suisse a fortement insisté. Les Émirats arabes unis, la Fédération de Russie et la Chine ont insisté pour permettre au Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière de poursuivre ses travaux. La Chine a également appelé à faire baisser les tensions et violences intercommunautaires, notamment en aidant à la mise en œuvre les décisions entérinées par consensus à la Conférence sur les couloirs de transhumance.
La Fédération de Russie a toutefois fait preuve de compréhension face à l’absence actuelle de résultats, estimant que le Conseil de sécurité devait tenir compte du contexte actuel, tout en dénonçant les « chantages politiques », les « pressions irresponsables », les ingérences étrangères et autres « sanctions unilatérales illégitimes » frappant les deux Soudan. Il est difficile de demander aux autorités du Soudan du Sud d’être totalement prêtes pour la tenue d’élections prévues au début de 2024, les toutes premières du pays, alors que la période de transition n’est toujours pas achevée, a commenté la représentante russe, qui s’est prononcée pour une reconduction technique d’un an du mandat de la FISNUA.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD (S/2023/777)
Déclarations
M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, venu présenter le rapport du Secrétaire général, a rappelé que le déclenchement du conflit armé au Soudan, en avril dernier, a eu pour conséquence d’interrompre les signes encourageants de dialogue entamé entre le Soudan et le Soudan du Sud au début de cette année. Le conflit a aussi suspendu le processus politique concernant le statut final d’Abyei et les questions frontalières. Les Nations Unies, en étroite coordination avec l’Union africaine, restent prêtes à soutenir une reprise du dialogue et surveillent la situation pour déterminer les conditions qui pourraient le permettre, a-t-il ajouté.
M. Lacroix a aussi expliqué qu’au cours de la période considérée par le rapport, les relations intercommunautaires à Abyei sont restées tendues, en particulier entre les communautés Ngok Dinka et Misseriya, mais aussi entre Ngok Dinka et les Twic Dinka. Si les actes de violence ont quelque peu diminué grâce au soutien de médiation de la FISNUA à travers des initiatives spécifiques telles que la Conférence sur les couloirs de transhumance, tenue à Noong, dans le centre d’Abyei, en juin dernier, des efforts continus sont nécessaires pour apaiser les tensions actuelles et promouvoir la réconciliation, a mis en garde le Secrétaire général adjoint. Il a notamment fait observer que de nouveaux affrontements avaient été signalés des deux côtés de la frontière sud d’Abyei, entre Ngok Dinka et Twic Dinka.
La Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA) reste vigilante et répond aux alertes précoces, a assuré le Secrétaire général adjoint. Elle travaille aussi en étroite collaboration avec la Mission d’assistance des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) pour protéger les civils. Les deux missions onusiennes ont également apporté, conjointement, leur soutien aux pourparlers de réconciliation entre les communautés Ngok Dinka et Twic Dinka, comme ceux tenus à Wau, au Soudan du Sud, en août dernier. En plus de ces efforts, la Force s’efforce de promouvoir l’état de droit à Abyei, notamment par le soutien de la police des Nations Unies aux comités de protection communautaire et aux comités conjoints de protection, et ce, en l’absence du Service de police d’Abyei, comme prévu dans l’accord de 2011. Cependant, la FISNUA continue de se heurter à des difficultés, notamment le manque de déploiement d’officiers de police supplémentaires et de trois unités de police constituées mandatées par le Conseil de sécurité, a relevé M. Lacroix, pour qui de tels atouts seraient pourtant d’une grande valeur pour renforcer l’état de droit à Abyei, en particulier dans un contexte d’afflux de personnes déplacées par la crise soudanaise. La crise au Soudan a eu comme autre effet de retarder la reconfiguration de la FISNUA, a expliqué M. Lacroix. Le déploiement du personnel et du matériel a été interrompu et réorienté vers la route la plus longue vers le sud. Toutefois, d’ici le premier trimestre 2024, il est prévu que le reste des troupes et du matériel arrive et que la Mission atteigne sa pleine capacité opérationnelle, a ajouté le Secrétaire général adjoint. Dans l’intervalle, les soldats de la FISNUA, dotés d’équipements complets, ont commencé à mettre en œuvre le mandat de la Mission.
Par ailleurs, la présence d’environ 200 membres des Forces sud-soudanaises de défense du peuple et de la Police nationale sud-soudanaise dans le sud d’Abyei, ainsi que d’environ 60 membres de la Police du pétrole soudanaise dans le nord d’Abyei, constitue un défi permanent pour la FISNUA, a déclaré M. Lacroix. Cette situation, contraire au statut démilitarisé et exempt d’armes d’Abyei, a entraîné des restrictions à la liberté de mouvement de la FISNUA, a déploré le Secrétaire général adjoint, qui a, une fois encore, appelé les autorités compétentes au retrait de cette présence.
Mme HANNAH SERWAA TETTEEH, Envoyée spéciale du Secrétaire général pour la Corne de l’Afrique, qui intervenait par visioconférence, a expliqué que, sept mois après le début de la guerre entre les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide au Soudan, les conséquences humanitaires, sécuritaires, économiques et politiques restent significatives et une source de profonde préoccupation pour les dirigeants sud-soudanais. En effet, a expliqué l’Envoyée spéciale, en sus de milliers de Soudanais qui fuient le conflit, plus de 353 000 rapatriés enregistrés et réfugiés ont passé la frontière vers le Soudan du Sud, pays où plus des deux tiers de la population nécessitent une assistance humanitaire.
Mme Tetteeh a indiqué que, sur le plan militaire, avec la saisie récente de l’aéroport et du champ pétrolier de Belila par les Forces d’appui rapide au Soudan, la confrontation militaire se rapproche de la frontière d’Abyei et du Soudan du Sud. Elle a prévenu qu’avec la proximité de la plupart des groupes Misseriya des Forces d’appui et les campagnes de recrutement par les parties au conflit, les actions militaires pourraient entraîner des conséquences sur le tissu social d’Abyei et la fragile coexistence entre les communautés Misseriya et Ngok Dinka.
Sur le front politique, le Gouvernement de Soudan du Sud continue à dialoguer avec les dirigeants régionaux et les parties au conflit pour parvenir à une désescalade de la violence et à un cessez-le-feu ainsi que pour favoriser un dialogue, a poursuivi l’Envoyée spéciale. Le Soudan du Sud étant garant du processus politique de l’Accord de paix de Djouba, son gouvernement a tenu, les 24 et 25 octobre, une réunion de consultation avec les parties sur les négociations de paix entre les belligérants au Soudan, à laquelle les Forces d’appui rapide n’ont pas participé.
Du fait du conflit en cours au Soudan, Mme Tetteeh a jugé que les conditions n’étaient pas propices pour des pourparlers sur le statut final d’Abyei et les questions frontalières. Les représentants du Soudan et du Soudan du Sud n’ont manifesté aucun « appétit » pour engager de telles discussions, a-t-elle fait observer. En revanche, les représentants communautaires d’Abyei ont exprimé le vœu de maintenir cette question à l’ordre du jour tant de l’ONU que de l’Union africaine. L’Envoyée spéciale a expliqué à cet égard que le Comité sud-soudanais de haut niveau pour Abyei, présidé par Deng Aleg Kuol, qu’elle a rencontré le 4 octobre à Addis-Abeba, avait proposé que le statut final s’inscrive dans un cadre de négociations politiques plus large axé sur le conflit au Soudan.
Dans le domaine humanitaire, Mme Tetteeh a constaté que le conflit soudanais et les violences intercommunautaires entre les Ngok et le Twic avaient aggravé une situation d’ores et déjà difficile à Abyei. Les communautés locales sont dépassées par l’afflux quotidien de déplacés, ce qui a un impact sur les approvisionnements en nourriture déjà limités et augmente les prix des denrées dans la ville. D’autre part, les affrontements entre Ngok et Twic ont également fortement affecté les activités fermières. De la même façon, la situation sécuritaire et humanitaire a été exacerbée dans les deux États du Kordofan méridional et du Nil-Bleu en raison du conflit soudanais, ce qui exige également un cessez-le-feu permanent et un processus politique pour mettre fin à ce conflit.
M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) s’est inquiété de la présence continue de groupes armés du Soudan et du Soudan du Sud à Abyei, qui sont un facteur de déstabilisation pour la population et menacent le statut démilitarisé de la région. Rappelant que la FISNUA devait être la seule force armée présente, le représentant a exigé des deux gouvernements concernés leur retrait. Condamnant deux attaques contre la FISNUA survenues en août, il a appelé à traduire les auteurs en justice. Il s’est également inquiété des campagnes de désinformation menées ces deux dernières années contre la FISNUA et le Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière, appelant avec insistance le Gouvernement du Soudan du Sud à fournir des informations précises aux communautés quant au rôle de ce dernier, lui permettant de réinstaller son siège et ses antennes.
Évoquant le conflit au Soudan, le représentant a demandé aux parties de garantir le droit de passage sécurisé des membres de la FISNUA et du Mécanisme, de faciliter leur approvisionnement et de garantir leur liberté de mouvement. Se félicitant de la baisse des violence intercommunautaires en les Ngok Dinka et Twic Dinka, il a exhorté le Gouvernement du Soudan du Sud, appuyé par la FISNUA, à soutenir les efforts pour parvenir à la paix entre les deux communautés. Il a aussi appelé le Soudan et le Soudan du Sud à s’engager pour mettre en place le service de police d’Abyei et faciliter le travail des trois unités de police constituées.
Pour Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France), l’action de la FISNUA est essentielle pour protéger les civils et préserver les conditions d’un règlement du conflit, et le Soudan et le Soudan du Sud doivent respecter la démilitarisation d’ Abyei. Soulignant l’urgence de faire cesser les combats et d’acheminer l’aide humanitaire au Soudan, la représentante a condamné les violences à grande échelle contre des civils, notamment celles commises en raison de l’appartenance ethnique au Darfour. Elle a, en particulier, appelé à la cessation de l’escalade en cours à El-Fasher dans le Darfour septentrional, demandant que l’accès humanitaire soit garanti.
De l’avis de la France, afin de sortir de l’impasse, l’ensemble des parties doivent saisir l’opportunité que constitue la reprise des pourparlers de Djedda, associant désormais l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et l’Union africaine aux efforts déployés par l’Arabie saoudite et les États-Unis. Après avoir indiqué que la France sera attentive à ce que la population soudanaise et ses aspirations démocratiques ne soient pas laissées pour compte à l’issue de la crise, la représentante a rappelé que les Nations Unies ont un rôle majeur à remplir pour appuyer les efforts de paix dans la Corne de l’Afrique. À ce propos, elle a encouragé les États de la région à préserver leur neutralité s’agissant du conflit au Soudan, afin de favoriser une résolution politique du conflit et de prévenir son extension à l’échelle régionale. Elle a par ailleurs salué la reprise du dialogue s’agissant du grand barrage de la Renaissance.
M. ARIAN SPASSE (Albanie) a jugé regrettable les entraves à tout progrès politique dans le règlement du statut final d’Abyei. Il a alors appelé l’Union africaine, l’IGAD et l’ONU à poursuivre leurs efforts d’engagement et de surveillance dans le but de reprendre les pourparlers politiques. Il a aussi jugé impératif que tous les efforts de cohésion sociale et de consolidation de la paix garantissent la participation pleine, égale et significative des femmes, des jeunes et de la société civile. Le délégué a en outre qualifié la situation sécuritaire de « fragile et préoccupante », avec la persistance des violences intercommunautaires qui conduisent à des attaques contre le personnel de l’ONU. Il a condamné fermement ces attaques et demandé des enquêtes approfondies.
Sur un autre point, le représentant a exhorté toutes les parties à respecter l’accord sur le statut des forces et à permettre à la FISNUA d’exécuter son mandat en toute sécurité. Le Soudan et le Soudan du Sud devraient également respecter l’accord de 2011 et retirer leurs troupes militaires et policières de la zone démilitarisée. Il a également estimé que la protection des civils doit rester une priorité, dans le contexte où la FISNUA a fourni une aide humanitaire cruciale à 220 000 de personnes vulnérables et déplacées. L’aide humanitaire doit rester continue pour ceux qui en ont besoin, a conclu l’orateur.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a déclaré que, compte tenu du risque d’instabilité accrue dans la zone, il faut faire davantage pour protéger la population des incidents armés, et pour atténuer l’impact de l’arrivée de ceux qui fuient le conflit au Soudan et des déplacements résultant des tensions intercommunautaires. Elle a salué le soutien apporté par la FISNUA dans ces conditions, notamment en l’absence du Service de police d’Abyei. Sur ce dernier point, elle a appelé les autorités soudanaises à faciliter le déploiement complet de la capacité policière mandatée. Abyei doit rester une zone démilitarisée, conformément à la demande du Conseil de sécurité, a-t-elle insisté. La déléguée a ensuite appelé à l’instauration d’une paix inclusive au plan communautaire, le rôle actif des femmes devant être salué, « que ce soit au travers des forums consultatifs, des comités mixtes pour la paix dans la région d’Amiet et en tant que défenseuses des droits humains ».
Après avoir exhorté toutes les parties à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire, en autorisant et en facilitant le passage rapide et sans encombre des secours humanitaires, la représentante a de nouveau insisté sur le rôle essentiel que joue la FISNUA pour la paix et la sécurité à Abyei. Nous saluons son engagement clef pour la protection des civils et la souplesse opérationnelle dont elle fait preuve face à l’évolution de la situation sur place, a-t-elle ainsi dit, en espérant une meilleure acceptation de la force grâce au contingent multinational. Elle a exhorté le Soudan et le Soudan du Sud à continuer à respecter l’accord sur le statut des forces, pour notamment garantir que la FISNUA et le Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière puissent continuer à se déplacer librement et à opérer dans des conditions sûres et sécurisées.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a salué les efforts de médiation du Gouvernement du Sud Soudan pour atténuer les tensions entre les communautés Ngok Dinka et Twic Dinka, tout en notant que la situation sécuritaire à Abyei demeure tendue. Il s’est préoccupé du positionnement des Forces sud-soudanaises de défense du peuple dans le sud d’Abyei et demandé au Soudan du Sud de les retirer immédiatement. D’autre part, la fermeture de l’espace aérien a rendu les patrouilles aériennes impossibles, a-t-il noté. Il a appelé les groupes armés au Soudan à faciliter les approvisionnements par voie terrestre du siège du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière. De même, il a encouragé toutes les parties au Soudan à cesser les hostilités et à engager un dialogue.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), a estimé, au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), que tant que le statu quo demeurera, il est peu probable que les habitants d’Abyei reçoivent le niveau d’aide dont ils ont besoin pour s’épanouir et prospérer comme n’importe quel autre peuple dans le monde. Il a jugé regrettable l’absence de progrès dans le processus politique d’Abyei, principalement en raison du conflit au Soudan. En conséquence, il a réitéré l’appel des A3 aux parties belligérantes au Soudan pour qu’elles cessent les hostilités et adoptent le dialogue et la diplomatie, afin de permettre la consolidation de la paix et la réconciliation dans le pays.
La relance du dialogue au Soudan est le meilleur moyen d’assurer la reprise du processus politique à Abyei et faciliterait la stabilisation de la région, a poursuivi le représentant. Il a souligné le rôle central de l’Union africaine et de l’IGAD dans l’accompagnement des deux pays en vue d’un accord global sur le statut final d’Abyei. En effet, a-t-il dit, le leadership de la région est crucial pour une solution durable à la situation à Abyei, en tenant compte de l’histoire, de la culture et des valeurs partagées par les habitants d’Abyei et de ses environs.
Constatant l’augmentation du taux de mortalité dans les affrontements intercommunautaires, qu’il a attribuée à la prolifération des armes, le représentant a souligné l’importance de l’exécution d’un programme global de maîtrise des armements qui puisse contribuer à lutter contre les flux illicites et a préconisé une approche holistique afin de s’attaquer aux causes profondes d’une telle prolifération dans la région. Il s’est ensuite fait l’écho du Secrétaire général en condamnant les attaques contre les civils et la FISNUA, et a demandé que leurs auteurs soient punis. Il a aussi exprimé son inquiétude face à la présence de certaines forces dans les zones d’opération de la FISNUA, ce qui limite la liberté de mouvement de celle-ci.
Mme SHINO MITSUKO (Japon) s’est inquiétée de l’impact négatif des combats en cours au Soudan sur la situation à Abyei. Elle a regretté l’absence d’avancées vers une résolution des questions frontalières et du statut final de la région. Elle a constaté que l’afflux de rapatriés et de réfugiés dans l’Abyei rendait encore plus difficile la mise en œuvre du mandat de la FISNUA, dont la logistique est entravée par le conflit au Soudan. Elle a appelé les parties au conflit à décréter un cessez-le-feu immédiat et permanent et à s’engager dans un processus politique pacifique.
Saluant une réduction de la violence grâce aux efforts continus du Gouvernement du Soudan du Sud pour résoudre le conflit entre les communautés Ngok Dinka et Twic Dinka dans le sud d’Abyei et dans l’État de Warrap, la déléguée a appelé les communautés Misseriya et Ngok Dinka à s’appuyer sur cet engagement positif et à œuvrer en faveur d’une cohabitation pacifique. Elle s’est toutefois dite préoccupée par la présence continue des Forces de sécurité sud-soudanaises et soudanaises à Abyei, qui constitue une violation du statut démilitarisé de la zone, demandant aux autorités des deux États de régler cette question sans délai. Elle a également plaidé en faveur de la liberté de mouvement de l’ensemble du personnel du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance des frontières et de la FISNUA, ainsi que de l’ensemble du personnel national de l’ONU. Le déploiement des trois unités de police constituées et des officiers de police individuels est également important, a-t-elle ajouté.
M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a exprimé des préoccupations quant à la présence continue des Forces de sécurité soudanaises et sud-soudanaises à Abyei, en violation du statut de zone démilitarisée. Il a appelé au plein respect des accords de 2011, s’inquiétant du risque d’une augmentation des tensions intercommunautaires susceptibles de bloquer les progrès politiques vers une résolution pacifique du statut final d’Abyei et des questions frontalières. Il a appuyé le rôle joué par l’Union africaine et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), appelant à tracer une voie vers le dialogue, avec le soutien des Nations Unies. Il a aussi encouragé l’inclusion et la participation pleines, équitables et substantielles des femmes dans toutes les sphères sociales. C’est une étape essentielle pour parvenir à une paix durable et à un développement global, a estimé le représentant.
Mme SARAH EBRAHIM ABDULLA BEDDAH ALAWADHI (Émirats arabes unis) a souligné que, compte tenu de la flambée de violence au Soudan et de la persistance des tensions sécuritaires et politiques au Soudan du Sud, la « priorité absolue » doit être de permettre au Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière de poursuivre ses travaux, ce qui exige la protection de son personnel, en particulier à la lumière des lacunes sécuritaires le long de la zone frontalière. Elle a signalé que cette situation n’est pas conforme à l’accord de 2011 sur le maintien de la zone démilitarisée d’Abyei. Elle a préconisé de poursuivre la coordination des travaux et l’échange d’informations entre la FISNUA, la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS) et la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) afin d’intensifier les efforts visant à résoudre les questions de sécurité aux frontières et de transhumance, entre autres. La représentante a en outre estimé que les efforts de réduction des tensions entre les communautés doivent s’accompagner de mesures tendant à l’amélioration des moyens de subsistance pour assurer la sécurité à long terme d’Abyei. Après avoir noté que les efforts récents ont permis de réduire les niveaux de violence et les affrontements entre les communautés, la déléguée émirienne a néanmoins constaté que le cycle de la violence et des affrontements entre les communautés se poursuit, et condamné dans ce contexte les meurtres de civils ainsi que les violences sexuelles et sexistes.
M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a regretté que les combats au Soudan soient venus interrompre l’élan positif observé au cours des années précédentes et anéantir les espoirs d’une solution à court terme pour le statut final de l’Abyei. S’inquiétant des risques de tensions intercommunautaires provoqués par ce conflit, le représentant a salué les efforts de la FISNUA pour renforcer son système d’alerte rapide. Il s’est également félicité des efforts de la FISNUA et du Gouvernement du Soudan du Sud pour résoudre le conflit entre les Ngok Dinka et les Twic Dinka. Soulignant que les dirigeants des communautés Misseriya et Ngok Dinka ont montré des signes encourageants de dialogue constructif, il a salué la tenue de la Conférence sur les couloirs de transhumance tenue en juin dernier.
Constatant que des forces de sécurité du Soudan et du Soudan du Sud restaient mobilisées dans l’Abyei, violant les accords temporaires de 2011 et mettant en danger la cohabitation pacifique des communautés locales, le représentant a appelé les autorités des deux États à progresser vers la démilitarisation de la région. Une telle mesure permettrait notamment au Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière et au personnel de la FISNUA de se déplacer en toute sécurité. Il a par ailleurs encouragé les deux États à mettre en place le service de police d’Abyei, notamment grâce au soutien de l’UA et de l’IGAD. Ce service aurait une plus grande légitimité locale que la FISNUA et lui permettrait de se concentrer sur le renforcement des capacités dont la population de l’Abyei a le plus grand besoin, a-t-il estimé.
Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a convenu, comme le souligne le Secrétaire général de l’ONU dans son rapport, que les derniers mois n’ont pas été marqués par des progrès politiques significatifs s’agissant du règlement du statut d’Abyei. Elle a demandé au Conseil de sécurité de tenir compte du contexte pour expliquer cette absence de résultats, évoquant la poursuite du conflit armé au Soudan et une situation humanitaire qui n’a eu de cesse de se dégrader.
Il est difficile de demander aux autorités du Soudan du Sud d’être totalement prêtes pour la tenue d’élections prévues au début de 2024, les toutes premières du pays, alors que la période de transition n’est toujours pas achevée, a ajouté la représentante, qui a condamné les « chantages politiques » et les ingérences étrangères, par le biais notamment de sanctions unilatérales illégitimes frappant les deux Soudan. Dans ce contexte de « pressions irresponsables », la représentante a salué l’approche responsable adoptée par les deux Gouvernements en ce qui concerne Abyei, le Soudan du Sud, par exemple, ayant accueilli des réfugiés soudanais fuyant le conflit dans leur pays.
La représentante, qui s’est dite préoccupée par les flambées de violences entre communautés, a appelé à éviter toute tentative unilatérale de modifier le statut de la région, les acteurs devant respecter les engagements pris pour maintenir le statut démilitarisé d’Abyei. Pour la Fédération de Russie, la FISNUA joue un rôle important pour la stabilité de la région et améliore les relations entre communautés locales, et les autorités des deux pays doivent tout faire pour remédier aux difficultés rencontrées par le Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière. La Russie appuie le renouvellement technique du mandat de la Mission pour une année supplémentaire, a conclu la représentante.
Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a appuyé l’engagement intercommunautaire de la FISNUA en matière, notamment, de lutte contre la privation de droits, laquelle implique de plus en plus largement les groupes de jeunes et de femmes. Notant que la région d’Abyei est marquée par des besoins humanitaires accrues, concernant désormais quelque 220 000 personnes, elle a déploré un accès désastreux aux services de base, tels que l’eau, l’assainissement, l’éducation et les soins de santé primaires. L’augmentation du nombre d’enfants souffrant de malnutrition, ainsi que des cas de paludisme et de rougeole parmi les personnes déplacées, ne font que souligner encore davantage la gravité de la situation, a-t-elle ajouté. Elle s’est en outre dite de plus en plus préoccupée par le risque accru de recrutement ou d’utilisation d’enfants dans les conflits armés. Dans ce contexte, la représentante a souligné la nécessité de continuer d’aider la FISNUA à sensibiliser les interlocuteurs à ces besoins et violations, cela en assurant une liberté de mouvement totale de ses différents personnels. Alors que la prolifération des armes légères et de petit calibre exacerbe les cas de violence armée et d’insécurité, la représentante a par ailleurs salué le travail du Service de la lutte antimines en matière tant de destruction des armes et munitions confisquées que de sensibilisation aux risques liés aux engins explosifs.
M. DAI BING (Chine) a déclaré qu’un consensus international existe, y compris au sein du Conseil de sécurité, sur la nécessité de parvenir à une solution politique quant au statut final d’Abyei, alors même que le processus politique fait face à de grandes difficultés. Pour le représentant, cela exige de la part du Conseil de sécurité, du Soudan et du Soudan du Sud de fournir des efforts dans trois domaines. D’abord, il faut maintenir la paix et la stabilité à Abyei, dans le contexte où les désaccords entre le Soudan et le Soudan du Sud entraînent des conséquences sur Abyei. Il est à espérer que les deux pays reprennent le dialogue politique, a dit le représentant, appelant les deux parties à fournir des garanties de sécurité au Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière.
En second lieu, a poursuivi le représentant, il faut maintenir de bonnes relations entre les communautés et faire baisser les tensions et violences intercommunautaires. C’est pourquoi il a souhaité que l’ONU renforce ses efforts de consolidation de la paix pour améliorer la situation, et notamment en aidant à la mise en œuvre les décisions entérinées par consensus à la Conférence sur les couloirs de transhumance. Enfin, un appui logistique doit être fourni le plus rapidement possible à la FISNUA, dans le contexte où des attaques sont menées contre ses équipements et personnels, a ajouté le représentant, qui a rappelé que son pays est un fournisseur de contingents de Casques bleus.
M. AL-HARITH IDRISS AL-HARITH MOHAMED (Soudan) a reconnu que la crise déclenchée en avril avait occasionné des déplacements vers Abyei, mais affirmé qu’il n’y avait aucune force militaire soudanaise dans la région. On n’y trouve que 690 agents de police non armés et la FISNUA ne l’ignore pas, a-t-il affirmé. Le représentant a ensuite rappelé la conférence tenue à Noong, dans le secteur centre d’Abyei, sur les couloirs de transhumance entre Misseriya et Ngok Dinka. Il a été notamment demandé à la FISNUA d’aider à prévenir toute attaque contre les villageois et à empêcher les enlèvements d’enfants, a-t-il précisé. Le Soudan s’est engagé à maintenir le contact avec les différentes parties concernées, à garantir les patrouilles dans les couloirs, et à coopérer avec les villageois et les éleveurs, a encore ajouté le représentant, qui a fourni un certain nombre de détails sur l’organisation de toutes les activités sur place, et indiqué que la FISNUA allait fixer une ligne de cessez-le-feu.
Le représentant a rappelé que le conflit armé dans son pays avait été déclenché par les Forces d’appui rapide soudanaises, assurant que c’était à l’instigation de plusieurs pays étrangers qui disposent de « certains éléments » à l’intérieur du pays. Il a nié que son pays ait entravé les efforts de paix, ajoutant qu’il avait pris part à la plateforme de Djedda, avant d’inviter les membres du Conseil à contacter les pays qui appuient les Forces d’appui rapide soudanaises.
Renvoyant à l’accord de paix de 2011 et aux engagements sur le règlement du statut final d’Abyei, le représentant a recommandé de poursuivre les négociations en vue d’une stricte application de l’esprit comme de la lettre des accords relatifs à Abyei. Il a dit attendre du Soudan du Sud qu’il honore ses engagements au titre de l’accord de 2011 et a invité à s’abstenir de toute mesure unilatérale et à faire en sorte qu’Abyei demeure une zone neutre.
Un grand nombre de personnes sont revenues dans la zone d’Abyei, a encore observé le représentant, qui a exhorté la FISNUA à faciliter leur sécurité. Le Soudan n’épargnera aucun effort et appuie la recommandation du Secrétaire général visant au renouvellement du mandat de la FISNUA, et du Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance à Abyei, a conclu le représentant.
Mme CECILIA A. M. ADENG (Soudan du Sud) a salué le rôle précieux joué par la FISNUA pour maintenir la sécurité et faciliter l’aide humanitaire dans la région d’Abyei, ainsi que pour soutenir le Mécanisme conjoint de vérification et de surveillance de la frontière entre le Soudan du Sud et le Soudan. La représentante a également salué le sacrifice des forces armées de l’Éthiopie, longtemps seul pays à fournir des troupes à la FISNUA depuis sa création en 2011. Se félicitant de la reconfiguration de la FISNUA en force multinationale de maintien de la paix, elle a exprimé sa gratitude aux pays ayant annoncé leur volonté d’y contribuer.
Réaffirmant le soutien et la coopération sans réserve de son pays à la Force, la représentante a assuré le Conseil de sécurité de son respect de l’accord sur son statut, sa liberté de mouvement et l’accès de son personnel et de ses biens. Elle a condamné tout acte de violence ou de harcèlement à l’encontre des soldats de la paix et demandé que les auteurs soient traduits en justice.
Mme Abeng a réaffirmé que le Soudan du Sud acceptait la proposition du Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’Union africaine, qui prévoit l’organisation d’un référendum pour déterminer le statut final de la région de l’Abyei. Elle a appelé le Gouvernement du Soudan à faire preuve de la même volonté politique et à s’engager dans un dialogue et des négociations constructifs avec son pays, sous les auspices de l’Union africaine et des Nations Unies, afin de parvenir à un accord sur cette question dans les meilleurs délais.
La représentante a également réaffirmé l’engagement du Soudan du Sud en faveur de la résolution des autres questions en suspens telles que la démarcation de la frontière, la mise en place d’institutions conjointes dans la région d’Abyei et la promotion de la paix et de la réconciliation au niveau local entre les communautés Ngok Dinka et Misseriya. Saluant le soutien de la FISNUA et de la communauté internationale dans la facilitation et le suivi de ces processus, elle a demandé instamment aux parties d’honorer leurs obligations et d’instaurer la confiance. Elle a appelé le Conseil de sécurité et la communauté internationale à veiller à ce que la FISNUA dispose des ressources nécessaires pour s’acquitter de son mandat de manière efficace. En conclusion, elle a dit espérer que la situation actuelle au Soudan n’affectera pas les progrès et la stabilité dans la région d’Abyei et à proximité, réitérant la solidarité du Soudan du Sud envers le peuple soudanais et ses aspirations à la démocratie et au développement.