En cours au Siège de l'ONU

9438e séance – matin
CS/15444

Conseil de sécurité: en Libye, une nouvelle crise politique est à prévoir sans un projet de loi électorale viable, met en garde le Représentant spécial

Si les inondations meurtrières de Derna, dans l’est de la Libye, le mois dernier, ont été unanimement déplorées par les membres du Conseil de sécurité ce matin, reste qu’elles auront démontré l’unité, la solidarité et la compassion des Libyens ordinaires à travers tout le pays, a observé le Représentant spécial du Secrétaire général pour ce pays, au Conseil de sécurité.  Un exemple à suivre pour M. Abdoulaye Bathily, pour qui cette catastrophe a aussi mis en exergue des problèmes de gouvernance « en l’absence de processus décisionnel politique unifié au niveau national ».

Raison pour laquelle de nombreuses délégations, du Royaume-Uni à l’Équateur, en passant par les Émirats arabes unis, ont soutenu la proposition du haut fonctionnaire de mettre en place un « mécanisme national » de gestion des catastrophes afin de coordonner les efforts de relèvement et de reconstruction dans tout le pays, où règne une situation « bicéphale », selon le Mozambique, qui s’exprimait au nom des A3.  En effet, une partie du pays est contrôlée par le Gouvernement d’unité nationale installé à Tripoli, qui n’est pas reconnu par les autorités adverses basées à Syrte.

Nombre d’intervenants ont donc plaidé pour que les parties prenantes libyennes s’accordent sur un projet de loi électorale viable, « dès que possible ». M. Bathily, qui est également le Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), s’est à cet égard dit satisfait des progrès enregistrés par le processus électoral en Libye, tout en mettant en garde contre les risques d’un « remake du scénario de décembre 2021 ou de la crise d’août 2022 ».

M. Bathily a indiqué que le comité mixte chargé de préparer les lois électorales en Libye, également connu sous le nom de « Comité 6+6 », avait achevé ses travaux début octobre.  Composé à part égale de membres de la Chambre des représentants et du Haut Conseil d’État, il est parvenu, au terme de délibérations « laborieuses », à un compromis sur de nombreuses questions controversées, les lois électorales révisées ayant été publiées par la Haute Commission électorale nationale. 

D’un point de vue technique, a poursuivi le haut fonctionnaire, elles constituent une amélioration par rapport aux précédentes.  Elles répondent aux problèmes identifiés par la Haute Commission électorale nationale et la MANUL, notamment le droit de vote des membres de l’armée, le séquencement des élections, la répartition des sièges au Sénat et à la Chambre des représentants.  Les questions relatives au mécanisme de résolution des litiges électoraux y sont également clarifiées, s’est encore félicité M. Bathily.

En revanche, s’est-t-il alarmé, d’autres questions plus controversées restent en souffrance, dont celle du second tour obligatoire de l’élection présidentielle, indépendamment du nombre de voix obtenues par l’un ou l’autre des candidats arrivés en tête du premier tour.  Une disposition qui pourrait être instrumentalisée pour perturber l’ensemble du processus, de même que le lien entre scrutins présidentiel et législatif: soumettre la validité des législatives à celle de la présidentielle expose le processus à un risque élevé d’échec et de perturbations.

La question de la formation d’un « nouveau gouvernement » n’est pas davantage résolue, sans compter le rejet, par le Haut Conseil d’État, desdits amendements à la loi électorale.  Il y a, là aussi, un risque de remise en cause d’avancées durement acquises, a anticipé le Représentant spécial, en appelant le Haut Conseil d’État à renoncer à cette position, de nature à plonger le pays dans une nouvelle crise politique.  Le Conseil doit user de son influence pour empêcher que cela ne se produise, a-t-il demandé. 

Reconnaissant eux aussi les risques d’instabilité politique, les trois pays africains membres du Conseil de sécurité, à savoir le Gabon, le Ghana et le Mozambique (A3), ont souhaité qu’un consensus politique entre les parties prenantes libyennes se dégage le plus rapidement possible sur un projet de loi électorale viable.

Nombre de délégations, à l’instar de la France, ont souligné la nécessité et l’urgence d’avancer vers l’organisation d’élections présidentielle et parlementaires, « dans les meilleurs délais ».  Pour ce faire, les dirigeants libyens doivent faire des concessions et placer l’intérêt national au-dessus de toute autre considération, ont estimé les États-Unis, l’Albanie ou encore le Brésil.  Pour le Japon, les solutions se doivent d’être consensuelles et réalisables pour garantir le bon déroulement du processus électoral, d’autant que les élections sont le seul moyen de faire avancer un processus politique dirigé et contrôlé par les Libyens eux-mêmes, a renchéri Malte. 

Pour la Fédération de Russie et la Chine en revanche, c’est aux Libyens de convenir des paramètres du processus politique, sans qu’on leur impose des « recettes toutes prêtes », ni qu’on leur fixe des « délais artificiels irréalistes ».  La communauté internationale devrait éviter d’imposer des solutions de l’extérieur, ont insisté ces deux délégations.

Si le représentant libyen a reconnu l’importance de finaliser un calendrier électoral, il a par ailleurs jugé essentiel que le Comité des sanctions et l’Autorité libyenne des investissements continuent à coopérer, pour mettre en place des mécanismes de gestion des avoirs gelés en raison des mesures imposées par le Conseil de sécurité.  « Ce régime de sanctions a été mis en place pour protéger la Libye et non pour la sanctionner  », a rappelé le délégué.  Il s’est également félicité des initiatives de certains membres du Conseil en vue de radier de la liste des sanctions des individus inscrits sur « la base d’une politisation ».

En début de séance, le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye a informé les membres du Conseil des activités de cet organe subsidiaire pour la période allant du 23 août au 16 octobre 2023.

LA SITUATION EN LIBYE

Déclarations

M. ABDOULAYE BATHILY, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies dans ce pays (MANUL), a déclaré que la tragédie de Derna, si elle a coûté la vie à des milliers de personnes, avait démontré l’unité, la solidarité et la compassion des Libyens ordinaires à travers tout le pays.  Au niveau institutionnel, le Conseil présidentiel et le Gouvernement d’unité nationale se sont mobilisés pour apporter leur soutien, tout comme la Chambre des représentants et le Gouvernement, ainsi que l’Armée nationale libyenne, qui a mis en place une salle opérationnelle pour soutenir les activités de secours. Ces inondations meurtrières ont cependant révélé, pour le Représentant spécial, de graves déficits de gouvernance dans divers domaines relatifs à l’entretien des systèmes de barrage, de même que dans la gestion des ressources ou l’absence d’un mécanisme efficace de gestion des catastrophes.  En outre, l’absence de processus décisionnel politique unifié au niveau national a compliqué les choses.  Si ces problèmes de gouvernance avaient été résolus, ils auraient sans doute atténué l’impact de la tragédie, a-t-il fait observer. 

M. Bathily s’est cependant dit heureux d’annoncer que le processus électoral avait enregistré certains progrès.  Ainsi, le Comité 6+6 a achevé ses travaux début octobre.  Grâce à d’énormes pressions et à des délibérations laborieuses à Bouznika, au Maroc, ainsi qu’à Tripoli, Benghazi et dans d’autres villes de Libye, les membres de cet organe sont parvenus à un compromis sur de nombreuses questions controversées.  Les lois électorales révisées ont été publiées par la Chambre des représentants le 5 octobre et officiellement reçues par la Haute Commission électorale nationale le 9 octobre.  D’un point de vue technique, a poursuivi le haut fonctionnaire, elles constituent une amélioration par rapport aux précédentes, dans la mesure où plusieurs problèmes identifiés par la Haute Commission électorale nationale et la MANUL ont été résolus.  Il s’agit notamment du droit de vote des membres de l’armée, de la clarification sur le séquencement des élections, de la répartition des sièges au Sénat et à la Chambre des représentants, et du mécanisme de résolution des litiges électoraux. Mais d’un point de vue politique, les questions les plus controversées restent en souffrance, notamment celles relatives au second tour obligatoire de l’élection présidentielle. 

Contrairement à la pratique courante, a-t-il poursuivi, cette disposition impose aux deux favoris de l’élection présidentielle de se présenter au second tour, quel que soit le nombre de voix obtenues par eux.  Une disposition qui pourrait être instrumentalisée pour perturber l’ensemble du processus.  De plus, le lien entre scrutins présidentiel et législatif reste lui aussi problématique, a considéré M. Bathily.  Même si ces deux élections peuvent se dérouler le même jour, soumettre la validité des législatives à celle de la présidentielle expose le processus à un risque élevé d’échec et de perturbations.

Par ailleurs, la formation d’un « nouveau gouvernement » n’est pas davantage résolue, pas plus que celle de l’égalité des sexes pour les sénatoriales: seuls six sièges (6,6%) restent attribués à des femmes sur 90 en tout. S’ajoutent également des désaccords entre la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État sur les lois électorales.  Le Haut Conseil d’État conteste les amendements apportés aux lois électorales, insistant pour que prévale la version issue des négociations de Bouznika. Or, a mis en garde le Représentant spécial, le rejet, par le Haut Conseil d’État, des amendements apportés par le Comité 6+6 après Bouznika risque de remettre en cause les acquis durement acquis par les deux chambres.  Il doit donc renoncer à cette position, de nature à entraver le processus électoral et à plonger le pays dans une nouvelle crise politique, vers un remake du scénario de décembre 2021 ou de la crise d’août 2022.  M. Bathily a donc appelé le Conseil à user de son influence pour empêcher que cela ne se produise. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon), Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye, a fait rapport sur les activités de cet organe subsidiaire du Conseil pour la période allant du 23 août au 16 octobre 2023.  Concernant l’embargo sur les armes, le Comité a répondu à une lettre de la Libye sur un incident entre un navire battant pavillon libyen et l’opération IRINI, et reçu un rapport d’inspection d’un navire de cette même opération, ainsi qu’une lettre du Groupe d’experts et une communication d’un État Membre sur une note verbale envoyée par l’Italie sur le transfert au Gouvernement libyen de certains navires à des fins d’organisation de patrouilles côtières.

S’agissant du gel des avoirs, aucune décision négative n’a été prise sur le paragraphe 19 au sujet des quatre communications adressées par Bahreïn et de celle du Royaume-Uni.  En ce qui concerne les interdictions de voyager, le Comité a été saisi d’une communication du représentant de Mme Aïcha Kadhafi, inscrite sur la liste des sanctions, dans laquelle il a été confirmé son retour d’Oman, depuis l’Égypte et l’Italie, ainsi qu’une notification des Émirats arabes unis en tant qu’État de transit, a indiqué le Président.  Le Comité a également reçu une demande de radiation de la Libye pour une personne inscrite sur la liste qui est encore à l’examen, ainsi qu’une note verbale de Malte concernant le déploiement d’un navire dans le port de Tobrouk, qui menait une opération humanitaire.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a salué la déclaration du Représentant spécial pour la Libye concernant la nécessité de mettre en place un mécanisme national afin de diriger les efforts de relèvement et de reconstruction, dans l’est comme dans l’ouest du pays.  Les inondations dévastatrices qui ont frappé la Libye confirment selon lui que le statu quo n’est pas durable et ne permet pas de répondre aux besoins du peuple libyen. À cet égard, il a pris note de l’évaluation de la MANUL selon laquelle les lois électorales actualisées constituent une base valable pour des élections.  Toutefois, les questions controversées en suspens doivent d’abord être résolues au moyen d’un accord politique inclusif.  Le représentant s’est ainsi adressé directement aux dirigeants libyens pour leur demander d’assister aux réunions convoquées par l’ONU et de faire des concessions afin de mener la Libye sur la voie des élections. Alors que le mandat de la MANUL doit être renouvelé au cours des prochaines semaines, il a estimé qu’il s’agit d’un partenaire essentiel à l’organisation d’élections présidentielle et parlementaires libres, équitables et inclusives. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a salué les efforts inlassables de tout le personnel national et international impliqué dans les activités de recherche et de sauvetage au lendemain de la tragédie de Derna, ainsi que pour l’aide internationale apportée à la Libye, qui a dépassé les questions géopolitiques. Il a espéré que cette expression d’unité durera jusqu’à la stabilisation de la situation en Libye, qui doit se concentrer sur son développement.  Le représentant s’est fait l’écho de l’appel lancé par la MANUL à toutes les autorités libyennes pour faciliter un accord sur un mécanisme national unifié et coordonné. L’impact de la tragédie a souligné l’urgence de surmonter la stagnation politique, a insisté le délégué, avant de prendre note du travail accompli par le Comité 6+6 pour élaborer les lois électorales ensuite adoptées par la Chambre des représentants.  Maintenant, les acteurs libyens concernés, soutenus par la MANUL, doivent régler toutes les questions litigieuses afin que des élections pacifiques, transparentes et ouvertes puissent avoir lieu dans les meilleurs délais, a-t-il souligné.  Le représentant a enfin souligné la nécessité de renforcer la coopération internationale pour lutter contre le trafic et la traite des êtres humains dans la région et pour traduire les auteurs de ces actes en justice. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a lancé un appel à la tenue d’élections présidentielle et parlementaires nationales à travers toute la Libye dans les plus brefs délais.  Les élections étant le seul moyen de restaurer la légitimité des institutions du pays, le Conseil doit clairement montrer son soutien continu au Représentant spécial en adoptant à l’unanimité un projet de résolution vigoureux à la fin de ce mois.  Le Japon est déterminé à participer de manière constructive aux négociations à venir, a annoncé son représentant.  Il a ensuite dit prendre note des efforts du Comité 6+6 dans l’élaboration des lois électorales.  Tout en respectant le processus dirigé et contrôlé par les Libyens eux-mêmes, le délégué a estimé que les solutions doivent être consensuelles et réalisables pour garantir le bon déroulement du processus électoral. 

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), a joint sa voix à celle du Secrétaire général pour demander la mise en place d’un mécanisme national unifié en vue de faire avancer les efforts de reconstruction dans les zones touchées par les inondations. Sur le plan politique, la situation « bicéphale » du pays et l’impasse actuelle font craindre une nouvelle instabilité, a-t-il relevé, espérant qu’un consensus politique entre les parties prenantes libyennes sur un projet de loi électorale viable se dégage, dès que possible.  Le délégué a salué les efforts continus déployés par le Représentant spécial auprès de toutes les institutions et acteurs libyens concernés pour résoudre les questions en souffrance du cadre électoral, l’encourageant en particulier à fixer des délais fermes.  Il a aussi réitéré l’appel en faveur d’un processus politique pris en charge par les Libyens eux-mêmes, avant de prendre note de l’approbation des lois électorales par la Chambre des représentants.  Le délégué a également relevé que l’accord de cessez-le-feu de 2020 tient toujours, en dépit d’une situation tendue et d’incidents sécuritaires dans le pays. Jugeant « isolés » les incidents en date des 14 et 15 août 2023, il a appelé les parties à faire preuve de retenue pour préserver l’élan positif actuel en vue d’une paix et d’une sécurité durables.  Il a enfin exhorté les autorités libyennes, avec le soutien de la communauté internationale, à œuvrer efficacement à soulager le fardeau des migrants et des réfugiés en Libye.

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a déclaré que la communauté internationale doit continuer de prendre des mesures urgentes pour porter secours au peuple libyen suite aux inondations de Derna.  La solidarité du peuple libyen à cette occasion confirme, selon lui, que l’unification du pays n’est pas un objectif inaccessible.  Dans ce contexte, il a exprimé son soutien à la proposition du Représentant spécial de créer un mécanisme national unifié permettant de mobiliser les appuis aux efforts de relèvement des zones touchées par les inondations.  Le délégué a appelé les parties à placer l’intérêt national au-dessus de toute autre considération en s’engageant en faveur du dialogue et en prenant des mesures concrètes pour surmonter les questions non résolues, avec l’appui de l’ONU. Les efforts déployés par le Comité 6+6 en vue d’organiser des élections parlementaires et présidentielle susceptibles d’être reconnues par toutes les parties restent une étape importante pour mettre fin à la transition dans le pays. 

S’agissant de la résolution qui doit être adoptée en ce qui concerne le régime des sanctions, le représentant a souligné la nécessité pour le Conseil de sécurité d’évaluer régulièrement la situation sur le terrain.  Il est tout aussi nécessaire, à ses yeux, de prendre des mesures permettant d’assurer la préservation et la répartition équitable des richesses du peuple libyen.  Il s’est ainsi félicité de l’inclusion, dans la résolution, de dispositions confirmant que les avoirs libyens gelés seront disponibles ultérieurement et évoquant la possibilité d’autoriser l’Autorité à réinvestir ses liquidités afin de relancer l’économie.  Enfin, le représentant a exprimé son appui aux efforts de la Commission militaire conjointe 5+5 en vue d’unifier les institutions militaires et sécuritaires libyennes. 

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a assuré que sa délégation continuera de soutenir tous les efforts visant à sortir la Libye de l’impasse politique.  Elle continuera d’appeler toutes les parties libyennes à s’engager pleinement, de manière constructive, transparente et dans un esprit de compromis, dans tous les efforts visant à atteindre cet objectif. C’est la seule voie pour faire avancer un processus politique dirigé et contrôlé par les Libyens eux-mêmes.  La communauté internationale doit donc rester guidée par cet objectif global et veiller à ce que tous les processus politiques garantissent la participation pleine, égale, significative des femmes, en toute sécurité.

La représentante a également déclaré regretter le rétrécissement de l’espace réservé à la société civile en Libye.  Nous devons garantir que tous les Libyens puissent jouir de leurs droits humains fondamentaux, a-t-elle plaidé, avant de saluer et soutenir les efforts de la MANUL pour résoudre ce problème.  Elle s’est aussi dite préoccupée par la présence continue de combattants étrangers, de forces étrangères et de mercenaires, dont le retrait complet devrait être une priorité.  Elle a aussi estimé que les fonds libyens détenus à l’étranger doivent être déclarés et gelés en vue d’un éventuel rapatriement.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a jugé urgent d’avancer vers l’organisation d’élections présidentielle et parlementaires en Libye dans les meilleurs délais, à la suite des travaux du Comité 6+6.  Dans ce contexte, il a assuré que son pays appuie la médiation du Représentant spécial pour atteindre l’objectif d’élections crédibles, inclusives et transparentes.  S’agissant de la situation sécuritaire, qui reste fragile en Libye, il faut garantir la pleine mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu d’octobre 2020.  La France continuera, a-t-il dit, d’appuyer, en coordination avec l’ONU et l’ensemble de ses partenaires, la Commission militaire conjointe 5+5 libyenne et les deux chefs d’état-major, en vue d’une réunification de l’armée libyenne qui passe par la création d’une force conjointe. Enfin, à l’approche du renouvellement du mandat de la MANUL, le délégué a appelé le Conseil à encourager les efforts d’unification des institutions sécuritaires et militaires.  Ceci doit permettre à la Libye de retrouver sa stabilité, en mettant un terme à l’emprise des milices, a-t-il conclu.

M. DAI BING (Chine) a constaté que les parties prenantes sont confrontées à des difficultés inédites et multiples que la communauté internationale devrait contribuer à résoudre.  Il a noté que la Chambre des représentants a approuvé le code électoral, espérant que toutes les parties feront avancer le processus politique en vue de la tenue d’élections.  De son côté, la communauté internationale devrait éviter d’imposer des solutions de l’extérieur.  Il demeure aussi essentiel de s’employer à pallier les répercussions de la catastrophe humanitaire due aux inondations dans l’est du pays, a encore souligné le représentant.  Le mois dernier, des denrées alimentaires sont arrivées en Libye en provenance de Chine, laquelle a également versé 30 millions de dollars d’aide humanitaire.  La Libye a besoin d’une aide vitale, a-t-il rappelé, regrettant le maintien du gel des avoirs dans ce pays. 

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a appelé les autorités libyennes à veiller à ce que les personnes affectées aient accès à une aide alimentaire, à des soins de santé et à des installations sanitaires appropriés, les femmes au premier chef.  Conformément au droit international humanitaire, les acteurs humanitaires doivent être en mesure de s’acquitter de leurs fonctions de manière indépendante et avoir accès aux nécessiteux.  Le représentant a pris note de la récente révision des lois électorales par le Comité 6+6, tout en constatant que certaines questions de fond demeurent controversées.  Il a fait écho à l’appel de la MANUL aux acteurs libyens pour qu’ils fassent preuve de bonne foi en vue de résoudre ces questions afin de favoriser le processus électoral.  Dans le cas contraire, le représentant a mis en garde contre le risque d’une impasse durable.  Il s’est en outre inquiété des restrictions imposées à la société civile, estimant que les libertés d’expression, d’association et de réunion, y compris par les représentants de la société civile, constituent des éléments clefs du processus politique. 

Par ailleurs, a poursuivi le représentant, la tragédie de Derna ne constitue pas seulement un symptôme de la crise climatique, mais aussi du déficit de gouvernance et de la division ainsi que de leur impact sur les infrastructures et la prévention des risques.  Dans ce contexte, il a fait valoir que l’unité dont a su faire preuve le pays après avoir été frappé par la tempête Daniel doit se traduire au niveau politique, en plaçant les intérêts du pays au premier plan.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a appuyé les efforts de l’ONU visant à soutenir une intervention humanitaire au lendemain de la tempête Daniel qui a frappé Derna, en rappelant que les États-Unis ont fourni plus de 13 millions de dollars sous la forme de programmes humanitaires et plus de 29 tonnes de biens destinés aux victimes.  Elle a appuyé l’appel de la MANUL pour qu’un mécanisme unique soit mis en place pour faciliter et coordonner l’assistance humanitaire et technique en Libye.  La reconstruction du pays doit se faire de manière apolitique, a insisté la représentante, en martelant que « l’heure n’est pas à la division et aux jeux politiques ».  Elle a encouragé les dirigeants politiques libyens à œuvrer au redressement et à la reconstruction du pays, mais également à s’engager sur une voie crédible pour assurer la tenue d’élections et une gouvernance efficace unie à l’échelle de la Libye.  Les États-Unis soutiennent les efforts du Représentant spécial à cet égard, a expliqué la déléguée avant d’appeler tous les acteurs libyens à jouer un rôle constructif et transparent pour trouver un accord politique, finaliser le code électoral et placer la Libye sur la voie de la tenue d’élections présidentielle et législative justes, transparentes et libres.  Elle a enfin salué le travail de la Commission militaire conjointe 5+5 et les efforts en vue d’un rapprochement est-ouest.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a noté que, même après la tragédie de Derna et malgré l’unité démontrée par le peuple libyen face à cette crise, le processus politique en Libye est toujours en suspens, avec en toile de fond le maintien d’un « double pouvoir ».  Sa conséquence est une absence de perspectives pour un règlement durable, avec une incidence sur la situation sécuritaire, a-t-il noté en appelant à la retenue.  La question la plus importante à l’ordre du jour de la Libye est la préparation et la tenue d’élections présidentielle et législatives, a-t-il insisté, et la mise en place d’autorités unifiées avec une représentation équitable de toutes les régions et des principales forces politiques présentes en Libye.

Sur le volet constitutionnel du processus politique libyen, il a pris note du travail important du Comité 6+6, en demandant que les résultats de ses travaux soient pris au sérieux.  C’est aux Libyens de convenir des paramètres du processus politique, sans qu’on leur impose des « recettes toutes prêtes » et qu’on leur fixe de délais artificiels irréalistes, a-t-il exigé.  Ce processus électoral doit être transparent, véritablement inclusif, sur une base non discriminatoire, et inclure l’ensemble des principales forces politiques de l’ancienne Jamahiriya, y compris les représentants des anciennes autorités, a-t-il ajouté, avant de soutenir les efforts du Représentant spécial pour promouvoir un processus politique intralibyen, dont la pierre angulaire est l’organisation d’élections présidentielle et législatives, « si possible en même temps ».  Tout « ersatz de mécanisme » avec des représentants de nombreux pays occidentaux mais n’incluant ni les Libyens eux-mêmes, ni la Russie, est non seulement inutile mais aussi contre-productif, a-t-il estimé.  Il a condamné les tentatives de certains pays occidentaux d’instrumentaliser la situation en Libye pour régler certains problèmes géopolitiques et économiques, notamment sur le marché des hydrocarbures.  En ce qui concerne l’élimination de la présence militaire étrangère, il a rappelé que le Russie a toujours préconisé un retrait synchronisé, équilibré, graduel et progressif de tous les groupes armés et unités militaires non libyens, sans exception, afin de ne pas perturber l’équilibre des forces.

M. ARIAN SPASSE (Albanie) a fait valoir que les dirigeants politiques libyens de l’est et de l’ouest du pays doivent faire preuve « d’humilité » devant la solidarité dont a fait preuve le peuple libyen dans la foulée de la tempête Daniel.  Cette catastrophe constitue à ses yeux un rappel dramatique du besoin « désespéré » d’institutions unifiées et efficaces dans l’ensemble du pays.  Dans ce contexte, le représentant a exprimé son soutien à la création d’un mécanisme national unifié de réponse aux inondations, avec la collaboration de l’ONU.  Constatant que les négociations entre les deux chambres se trouvent dans une nouvelle impasse, il a appuyé les initiatives prises par le Représentant spécial pour la Libye, le peuple libyen ne pouvant « tout simplement pas attendre indéfiniment les résultats de négociations interminables ».  À cette fin, une médiation active de l’ONU est essentielle, a-t-il jugé.  Qui plus est, les parties au processus électoral libyen doivent comprendre qu’il ne s’agit pas d’un jeu à somme nulle et que chacun peut jouer un rôle important dans la reconstruction d’une Libye réunifiée. 

Pendant ce temps, la situation sécuritaire à Benghazi demeure profondément préoccupante du fait des récents affrontements armés, qui ont fait des victimes civiles et perturbé les communications.  Le processus de stabilisation de la Libye reste selon lui une priorité essentielle, notamment en raison de son impact sur l’Afrique du Nord et le Sahel.  Le représentant s’est inquiété à cet égard du ralentissement des travaux de la Commission militaire conjointe 5+5 avec les comités de liaison du Niger et du Soudan du Sud du fait des évolutions récentes sur le terrain.  Il a donc appelé les acteurs régionaux à jouer un rôle proactif en soutenant les efforts de médiation de l’ONU. 

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a jugé fondamental que les parties prenantes libyennes règlent leurs différends par le dialogue et dans un esprit de compromis. Leur appropriation continue du processus politique suppose un engagement en appui de la tenue d’élections nationales, conformément aux aspirations du peuple libyen et au cadre juridique pertinent, a-t-il dit.  Le délégué a salué l’annonce faite par la Haute Commission électorale nationale confirmant qu’elle était techniquement prête à appliquer les lois électorales. À cet égard, il a espéré que si des problèmes persistaient, la mise en œuvre ne sera pas entravée par une rivalité d’ordre purement politique.  Le délégué a précisé que si les parties prenantes et les institutions libyennes en faisaient la demande, le Représentant spécial pourrait faciliter davantage un consensus et contribuer à jeter les bases d’un climat susceptible de conduire à une réunification du Gouvernement. 

Le représentant a ensuite soutenu l’appel de la MANUL en faveur d’une réponse unifiée dans les zones affectées par les inondations dans l’est de la Libye.  À cet égard, il a conseillé aux parties de s’inspirer de l’unité nationale dont a fait montre leur peuple, qualifiant de « remarquable » par ailleurs l’appui des acteurs régionaux et internationaux à Derna en particulier.  Le délégué a également appelé tous les États Membres au respect de l’embargo sur les armes et à synchroniser le retrait des forces étrangères de la Libye, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité.

M. TAHER M. T. ELSONNI (Libye) a rappelé que des milliers de personnes ont perdu la vie à Derna, et que les secours travaillent encore pour retrouver d’autres corps.  Certaines équipes de sauvetage y ont perdu leur vie, a-t-il déploré.  L’altruisme démontré par toute la population libyenne est un message fort à tous les acteurs politiques pour qu’ils s’unissent et surmontent la crise.  Les autorités locales ont rapidement répondu, pour leur part, à la catastrophe et offert l’assistance nécessaire.  Il a remercié tous les pays et organisations ayant aidé la Libye à faire face aux incidences de cette situation sans précédent.

Le représentant a ensuite jugé important de mettre en place un calendrier électoral pour que la législation pertinente adoptée puisse être appliquée, en particulier s’agissant de l’organisation d’élections justes, libres et répondant effectivement aux attentes du peuple libyen qui attend depuis longtemps.  Il a jugé essentiel, s’agissant du gel des avoirs, que le Comité des sanctions et l’Autorité des investissements libyenne continuent à coopérer, de manière à mettre en place des mécanismes de gestion de ces avoirs gelés pour éviter davantage d’érosion par certains. « Ce régime a été mis en place pour protéger la Libye et non pas pour la sanctionner », a tranché le délégué, rappelant à cet égard l’indépendance de ladite Autorité des investissements.  Il a en outre salué les initiatives positives de certains membres du Conseil en vue de radier de la liste des sanctions des individus inscrits sur la base d’une politisation.

Aujourd’hui, le peuple palestinien est en état de siège, sous les bombes, sans eau, électricité et nourriture, s’est ensuite indigné le représentant libyen. L’assassinat de civils non armés est inacceptable et il importe de dénoncer une politique de deux poids, deux mesures, a-t-il déclaré.  N’est-ce pas déjà une situation de génocide?  Devons-nous attendre que cela se transforme en un autre Rwanda? s’est-il demandé.

Le représentant libyen a dit qu’il faut se garder de mélanger le droit de l’agresseur et des agressés et prendre en compte, au contraire, l’assassinat pur et simple de ce rêve de paix, a-t-il dit, en fustigeant le meurtre collectif des Palestiniens dans « la plus grande prison à ciel ouvert du monde ».  Il a dit avoir un message reflétant la position arabe commune en faveur de la cause palestinienne, que le peuple libyen considère comme fondamentale.  Ce message consiste à demander une cessation immédiate des hostilités et de la violence, la garantie d’un accès humanitaire sans entrave et d’éviter, à tout prix, le déplacement de populations: personne ne veut d’une nouvelle Nakba, a-t-il explicité, en appelant à une solution juste, avec la création d’un État palestinien avec Jérusalem-Est pour capitale.

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