En cours au Siège de l'ONU

9428e séance - après-midi
CS/15427

Le Conseil de sécurité est informé de l’expansion considérable du trafic de migrants en Méditerranée et du danger qu’il représente pour la vie humaine

Alors que le Conseil de sécurité doit se prononcer prochainement sur la reconduction des autorisations accordées dans sa résolution 2240 (2015) visant, dans le cadre de la lutte contre le trafic de migrants, à l’inspection des bateaux naviguant en haute mer au large des côtes libyennes, la Directrice du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à New York, Mme Ruven Menikdiwela et son homologue de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), M. Pär Liljert, sont venus, cet après-midi, à la demande de la Fédération de Russie, dresser devant les membres du Conseil de sécurité, un tableau alarmant des migrations irrégulières au nord de l’Afrique. 

Rien qu’entre janvier et août 2023, ont-ils rapporté, plus de 102 000 migrants en provenance de Tunisie et 45 000 en provenance de la Libye ont tenté de traverser la mer Méditerranée, soit une augmentation de 260% par rapport à l’année dernière.  Les départs depuis l’Algérie ont, eux, augmenté de 18% par rapport à 2022.  Plus de 2 500 personnes sont décédées ou portées disparues, soit, 66% de plus.  Depuis le 16 septembre, 10 992 migrants ont été interceptés en mer.   

Devant cette hausse considérable des chiffres, les deux responsables ont fait des recommandations au Conseil de sécurité, notamment la mise en place d’un mécanisme de désembarquement régional et de redistribution des migrants, afin d’aider les pays en première ligne.  Au-delà, a dit Mme Menikdiwela, il faudrait avoir une vision panoramique des défis posés par les flux migratoires illégaux et qui dépasse le simple contrôle des arrivées aux frontières.  S’il faut coopérer dans la gestion des frontières, la recherche et le sauvetage en mer, la traduction en justice des passeurs et trafiquants de migrants, il faut aussi investir dans le développement, préconisent le HCR et l’OIM. 

Ces chiffres montrent en tous cas, a déploré le représentant russe, que non seulement le mécanisme mis en place par la résolution 2240 (2015) et ses versions ultérieures ne fonctionne pas, mais que l’Union européenne n’est pas en mesure de remplir les missions qu’elle s’est assignées.  Ses États membres ne font pas du sauvetage une priorité, certains criminalisent même le secours de migrants en détresse en haute mer, a-t-il accusé. Affirmant que ces migrations sont la conséquence directe de l’ingérence des pays occidentaux dans les affaires intérieures de pays souverains, il a en outre regretté que « l’Union européenne ne s’occupe des questions migratoires que pour les Ukrainiens ». 

L’Union européenne et l’ensemble de ses États membres contribuent à hauteur de près de 1,5 milliard d’euros au budget du HCR, a rétorqué la France.  Cela représente « 750 fois le montant de la contribution russe, car la Russie, elle, est absente dès qu’il s’agit de répondre aux crises humanitaires », a tancé le représentant français. 

Les membres du Conseil ont, pour partie, soutenu les recommandations des intervenants, beaucoup reconnaissant que des efforts collectifs internationaux et régionaux sont nécessaires pour résoudre ce problème.  Le flux de 170 000 personnes qui a débarqué en Europe entre septembre 2022 et juillet 2023 provenant de la Libye et de la Tunisie ne devrait pas être considéré comme un fait spécifiquement nord-africain, mais comme un problème collectif, exigeant des efforts et réponses collectives, a résumé le Japon. 

Dans ce contexte, il a été suggéré de renforcer la coopération entre les pays de départ, de transit et de destination car la solution qui consiste seulement à intercepter les migrants ne suffit pas.  Pour Malte, la Chine et les Émirats arabes unis, il faut venir en aide aux pays africains pour qu’ils puissent relever durablement le défi de la migration, notamment par le financement du développement et des projets de relèvement et de reconstruction précoces. 

Il faut également intensifier la coopération internationale afin que les trafiquants d’êtres humains et passeurs de migrants rendent des comptes devant la justice, a proposé l’Équateur.  Le renouvellement des autorisations de la résolution 2240 (2015) devrait permettre de poursuivre le combat contre ces réseaux de trafiquants et de passeurs, a souhaité Malte. 

À l’instar d’autres délégations, les États-Unis ont estimé que pour répondre aux défis posés par les flux migratoires illégaux, il faut aussi s’attaquer à leurs causes premières au rang desquels l’insécurité et les violations des droits de l’homme lors des conflits.  La présence de la Russie et du groupe Wagner au Sahel contribue à l’instabilité de la région, nourrit le terrorisme et conduit aux déplacements de population, a ainsi dénoncé la France. 

Autre piste évoquée, notamment par les A3 (Gabon, Ghana, Mozambique), le renouvellement des engagements en faveur d’instruments mondiaux, tels que le Pacte mondial sur les migrations et le Pacte mondial sur les réfugiés ou le Cadre de politique migratoire pour l’Afrique émanant de l’Union africaine.  Le Forum mondial sur les réfugiés, qui se tiendra à Genève en décembre, constituera une excellente opportunité pour annoncer de nouveaux engagements, a prédit la Suisse. 

La résolution 2240 (2015) autorise les États Membres, engagés dans la lutte contre le trafic de migrants et la traite d’êtres humains, agissant individuellement ou dans le cadre d’organismes régionaux, à inspecter les bateaux naviguant en haute mer au large des côtes libyennes s’ils ont des motifs raisonnables de soupçonner qu’ils sont utilisés pour le trafic de migrants ou la traite d’êtres humains en provenance de Libye.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Déclarations

Mme RUVEN MENIKDIWELA, Directrice du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à New York, a fourni les derniers chiffres concernant les migrations irrégulières du nord de l’Afrique.  Entre janvier et août 2023, plus de 102 000 migrants en provenance de Tunisie et 45 000 en provenance de la Libye ont tenté de traverser la mer Méditerranée, ce qui représente une augmentation de 260% par rapport à l’année dernière.  Les départs depuis l’Algérie sont aussi en augmentation de 18% par rapport à 2022. Environ 31 000 et 10 600 migrants, qui ont été rescapés ou interceptés, ont été débarqués en Tunisie et en Libye respectivement.  Au total, a poursuivi la Directrice, 186 000 migrants ont atteint le sud de l’Europe, principalement l’Italie, ce qui représente une augmentation de 83% par rapport à l’année précédente.  Plus de 2 500 personnes sont décédées ou portées disparues, une augmentation d’environ 66% par rapport à la même période en 2022.  En outre, elle a attiré l’attention sur les routes dangereuses qui mènent aux points d’embarcation sur les côtes, causant la mort de nombreux migrants. 

Mme Menikdiwela a ensuite identifié les causes des départs en Tunisie, qui résultent principalement de l’insécurité dans les communautés de réfugiés, des attaques et des discours de haine, avec en toile de fond la détérioration de la sécurité dans les pays voisins qui entraîne des mouvements migratoires secondaires.  En Libye, a-t-elle expliqué, le HCR n’a pas l’autorisation d’accéder à certains points de désembarquement, ce qui entrave sa capacité à aider les migrants emmenés dans les centres de détention où les conditions restent préoccupantes.  Le HCR sollicite l’appui de la Libye pour avoir accès à ces points de désembarquement.  Elle a ensuite précisé qu’une gestion efficace des frontières n’était pas incompatible avec le respect des droits humains, en référence aux migrants expulsés de la Libye vers les pays voisins sans aucune précaution.  Le HCR, a assuré sa Directrice à New York, s’engage à aider les autorités tunisiennes et libyennes à gérer et à encadrer juridiquement les mouvements migratoires aériens et terrestres. 

Le HCR est également présent à Lampedusa pour assister les autorités dans le décongestionnement de l’île où de nombreux migrants arrivent simultanément.  L’Italie ne pouvant faire face seule aux besoins des migrants, le HCR prône régulièrement un mécanisme de désembarquement régional et de redistribution dans un esprit de solidarité et de responsabilité partagée avec les États de première ligne.  Selon Mme Menikdiwela, « les défis des mouvements migratoires requièrent une vue panoramique qui dépasse le simple contrôle des arrivées aux frontières et s’attarde sur les causes de ces flux migratoires », telles que les changements climatiques, le sous-développement et le manque de gouvernance.  Les États ne devraient pas empêcher les individus de chercher une protection, comme le prévoit le droit international des droits de l’homme et des réfugiés, a-t-elle rappelé. 

Mme Menikdiwela a ensuite formulé quatre recommandations pour ce Conseil.  Premièrement, toute coopération avec les autorités libyennes et tunisiennes qui concerne la gestion des frontières devrait s’assurer du respect des droits des réfugiés et des migrants.  Deuxièmement, les pays méditerranéens devraient mettre en œuvre des mécanismes de désembarquement efficaces et augmenter les efforts de recherche et de sauvetage en mer Méditerranée.  Troisièmement, les États devraient coopérer pour enquêter sur les trafics d’êtres humains et traduire en justice les passeurs.  Quatrièmement, le HCR encourage vivement les États à renforcer les investissements visant au développement, à faciliter le regroupement familial et à étendre les quotas d’intégration pour les réfugiés en Libye et dans les pays d’Afrique du Nord.  En conclusion, l’intervenante a appelé les États à trouver des solutions à ces recommandations lors du second Forum mondial sur les réfugiés, qui se tiendra en décembre prochain à Genève.

M. PÄR LILJERT, Directeur du Bureau de new-yorkais de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a insisté sur les conditions difficiles auxquelles font face les migrants et les réfugiés.  La Méditerranée est au cœur des mouvements migratoires de milliers de personnes en quête d’asile ou de nouvelles opportunités.  Nombre de ces individus, en l’absence d’autres options, ont bien souvent recours à des méthodes risquées et dangereuses pour rejoindre leur destination, a dit le Directeur, selon qui les migrations vers l’Europe sont les plus visibles. L’OIM est consciente du nombre important des disparitions des migrants à l’échelle mondiale.  Entre janvier et septembre 2023, plus de 187 000 ont traversé la Méditerranée en quête d’un avenir meilleur et de sécurité.  Au cours de cette même période, l’OIM a enregistré 2 778 décès dont 2 093 en Méditerranée centrale.  La traversée du Sahara et la route de la Méditerranée centrale demeurent les plus dangereuses.  Le nombre d’arrivées en Grèce a augmenté de 300% tandis que les arrivées en Espagne, par exemple, sont demeurées stables. 

Poursuivant, le Directeur a ajouté qu’en 2023, l’OIM a relevé une hausse considérable du nombre d’arrivées maritimes en Europe, comparée à 2022.  Plus de 130 000 individus sont arrivés cette année contre 70 000 en 2022.  Ces dernières années, les répercussions des récents bouleversements au Soudan se sont manifestées par des déplacements plus visibles et la modification de la composition démographique des migrants arrivant en Europe.  En août, 1 294 Soudanais sont arrivés après avoir traversé la Tunisie.  La discrimination, les attaques xénophobes et les récits négatifs à l’encontre des migrants et réfugiés se multiplient en Méditerranée, s’est inquiété M. Liljert, qui a exhorté les États à assurer la sécurité et la dignité des personnes à l’intérieur de leurs frontières.  L’OIM plaide pour une approche fondée sur les droits humains qui sauve des vies et qui garantisse un débarquement prévisible, jugeant important de partager les responsabilités.  Le Directeur est aussi préoccupé par les interceptions des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile en mer et qui sont ensuite renvoyés vers des lieux qui ne sont pas sûrs.  Depuis le 16 septembre, 10 992 migrants ont été interceptés en mer. 

Le responsable a attiré l’attention sur l’impact des changements climatiques et de l’insécurité alimentaire dans les pays d’origine et de transit sur les déplacements et la migration irrégulière.  Selon un rapport de la Banque mondiale de 2021, 216 millions pourraient être forcés de se déplacer à l’intérieur de leur pays dans les six régions d’ici à 2050.  Face à ces défis, a‑t‑il dit, l’OIM encourage la migration sûre et régulière et la lutte contre l’utilisation de canaux irréguliers pour empêcher les pertes en vies humaines.  Le Directeur a rappelé notamment les programmes de mobilité de la main-d’œuvre et des activités de renforcement des capacités entre les pays de l’OIM avant de formuler des recommandations notamment l’importance pour la communauté internationale d’identifier des solutions pour favoriser la migration régulière et la lutte contre la traite des migrants le long des routes migratoires.  Il faut appliquer les lois et soutenir les agences nationales de lutte contre la traite et fournir une aide directe centrée sur les victimes.  Le Directeur a souligné la nécessité de la coordination transfrontalière pour une assistance globale aux victimes. 

Entre autres recommandations, M. Liljert a aussi préconisé des mesures de régularisation pour les migrants et le respect des droits de ceux qui se trouvent en situation irrégulière.  Les solutions à la migration irrégulière reposent à la fois sur la prévention et sur la lutte contre les différents facteurs migratoires dans les pays d’origine, de transit et de destination.  Le Directeur a insisté sur l’importance d’accroître les opérations de recherche, de sauvetage et la coopération aux frontières et en mer.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Russie) a déploré le nombre de personnes disparues en mer, en dépit de la protection prévue par le droit international.  Selon lui, le mécanisme de la résolution 2240 (2015) du Conseil de sécurité et ses versions ultérieures ne fonctionne pas.  « Pourquoi avons-nous besoin de cette résolution si l’Union européenne n’est pas à même de s’acquitter des fonctions qu’elle a elle-même demandées »?  Si une assistance rapide était fournie, a-t-il tranché, ces tragédies en mer n’arriveraient pas.  Le représentant a déploré que l’Union européenne (UE) ne fasse pas du sauvetage des embarcations une priorité, voire interdise de secourir les migrants en détresse sous la menace de poursuites pénales pour trafic d’êtres humains.  En outre, certains États membres de l’UE repoussent délibérément les embarcations hors de leur juridiction, a-t-il reproché.  À cet égard, il a demandé si l’UE serait prête à partager ses informations avec les membres du Conseil sur les cas de non-assistance aux migrants en détresse. 

Le représentant a ensuite constaté que les structures européennes n’apportent pas de résultats tangibles sur la répression des activités illégales des passeurs qui échappent aux arrestations grâce, notamment, à la corruption.  Il a également déploré le manque d’informations substantives sur les opérations de secours non européennes aux migrants.  Le nouveau plan d’opérations maritimes en Méditerranée, déjà qualifié de « blocus naval » par les défenseurs des droits de l’homme, semble s’apparenter à une « guerre non déclarée contre les migrants », a-t-il mis en garde.  Le représentant s’est également indigné du manque d’itinéraires alternatifs et, en dépit du droit international, des traitements inhumains infligés aux migrants.  Affirmant que ces migrations sont la conséquence directe de l’ingérence des pays occidentaux dans les affaires intérieures de pays souverains, il a regretté que « l’UE ne s’occupe des questions migratoires que pour les Ukrainiens ».  Il est temps que l’UE assume ses responsabilités, a-t-il conclu.

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), s’exprimant au nom des A3 (Gabon, Ghana, Mozambique), a fait le constat que le flux de migrants vers l’Europe à travers la Libye avait conduit à la création de réseaux de passeurs et de trafiquants.  Rappelant les violations du droit international qui résultent de cette situation, le délégué a souligné, devant les membres du Conseil, la nécessité de renouveler les engagements en faveur d’instruments mondiaux, tels que le Pacte mondial sur les migrations et le Pacte mondial sur les réfugiés.  Il est tout aussi important selon lui de renforcer la coopération autour d’initiatives régionales, dont le Cadre de politique migratoire pour l’Afrique émanant de l’Union africaine. 

Exhortant les autorités libyennes à améliorer le sort des migrants et des réfugiés en Libye, le délégué a fermement condamné la détention massive en Libye de demandeurs d’asile et de réfugiés dans des conditions « inhumaines ».  Appelant les autorités nationales libyennes à veiller à ce que les migrants soient protégés contre toute violation des droits de l’homme, y compris la traite, la torture, les violences sexuelles et l’extorsion, le délégué des A3 s’est rangé derrière l’appel du Secrétaire général en faveur de solutions alternatives à la détention pour gérer les migrations, conformément au droit international.

M. DAI BING (Chine) a observé que si certains pays sont toujours prompts à insister sur la protection de droits humains dans le monde, dès qu’il s’agit des migrants et de leurs droits, ils deviennent soudainement moins actifs.  Il a également fait remarquer que les causes des migrations sont complexes et nombreuses. Selon lui, la seule solution qui consiste à intercepter les migrants ne suffit pas, il faut en amont aider les pays d’origine par le moyen du développement.  Enfin, afin de combattre ce phénomène et notamment lutter contre les réseaux de passeurs et trafiquants de migrants, le représentant a appelé à aider la Libye à restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble de son territoire.

Pour Mme SHINO MITSUKO (Japon), si la plupart des quelque 170 000 personnes arrivées en Europe entre septembre 2022 et juillet 2023 proviennent de Libye et de Tunisie, ce flux ne devrait pas être considéré comme un fait spécifiquement nord-africain.  Au contraire: des efforts collectifs internationaux et régionaux sont nécessaires pour résoudre ce problème.  Saluant les efforts continus des États Membres pour secourir les migrants et prévenir la traite des êtres humains au large des côtes libyennes, la déléguée japonaise s’est faite l’écho de l’appel du Secrétaire général pour adopter une approche holistique qui prenne en compte les causes profondes des migrations irrégulières.  Alors que le Groupe d’experts du Comité du Conseil de sécurité établi par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye a identifié huit itinéraires de traite des êtres humains et de trafic de migrants en Libye, la communauté internationale, a jugé l’oratrice, doit faire preuve de solidarité pour s’attaquer aux problèmes qui se posent dans les pays d’origine de ces migrants.  Enfin, préoccupée par la lecture de rapports faisant état de violences, y compris sexuelles, et d’abus à l’encontre des réfugiés et des migrants détenus, ainsi que de détentions arbitraires, la déléguée a appelé les acteurs libyens à respecter pleinement les droits de l’homme.

M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a déclaré que les crimes commis à l’encontre des migrants et réfugiés, de même que les expulsions forcées dont ils sont victimes, doivent cesser.  Pour ce faire, il y a lieu d’intensifier la coopération internationale afin que les trafiquants d’êtres humains et passeurs de migrants rendent des comptes devant la justice.  Il incombe en outre aux États de remplir leurs responsabilités au regard du droit international qui sont les leurs, notamment en traitant avec dignité et humanité les migrants et demandeurs d’asile.  Il importe aussi de mettre en place des normes et pratiques efficaces en matière de secours, de recherche maritime et de débarquement par le biais d’une coopération entre les États d’origine, de transit et d’accueil.  S’agissant de la recherche des causes profondes de la migration, l’ensemble du système des Nations Unies doit s’y pencher, a plaidé le représentant. 

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a estimé qu’il faut venir en aide aux pays africains pour qu’ils puissent relever durablement le défi de la migration et éviter de tirer un avantage politique de cette situation difficile.  Préoccupée par la poursuite des déplacements et des souffrances des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants, elle a dénoncé le rôle des trafiquants d’êtres humains et des passeurs.  La résolution 2240 (2015) montre la détermination du Conseil à lutter contre le trafic illicite de migrants et la traite des personnes au large des côtes libyennes, a-t-elle rappelé.  Son renouvellement devrait permettre de poursuivre le combat contre ces réseaux de trafiquants et de passeurs, a souhaité la déléguée.  Elle a mis en avant la contribution de la force navale de l’Union européenne (UE) dans le cadre de l’opération IRINI en Méditerranée pour la surveillance desdits réseaux. 

Malte, comme l’UE et ses États membres, restent déterminés à sauver des vies et à répondre aux crises, a assuré la déléguée, en offrant une protection internationale aux personnes qui fuient la guerre, les conflits et les persécutions ayant lieu dans d’autres parties du monde.  Par ailleurs, a-t-elle souligné, il faut s’attaquer aux causes profondes de la migration irrégulière et des déplacements forcés.  Cette lutte doit impliquer les pays d’origine, de transit et de destination et englober la résolution et la prévention des conflits, l’aide humanitaire, la coopération au développement, l’action pour le climat et les solutions durables à long terme.  Les États devraient lutter contre la traite des êtres humains et le trafic illicite de migrants dans le plein respect des droits de l’homme, a encore recommandé la déléguée, qui a appelé à aider les pays placés en première ligne.

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a indiqué que son pays œuvre à la protection et à l’intégration durable des réfugiés, des personnes déplacées et des migrants dans les régions de premier accueil et le long des routes migratoires.  Le délégué a prévenu que lorsque les réfugiés et les migrants ne trouvaient pas suffisamment de soutien dans les pays de premier accueil, une dynamique dangereuse s’enclenchait, faite de violations ou encore de recours à des services de passeurs: il a jugé impératif d’y mettre un terme.  Enjoignant de s’attaquer aux causes profondes des déplacements forcés, le délégué a encouragé le Conseil à renforcer son engagement pour la prévention des crises et pour la protection des populations civiles affectées par les conflits armés.  Ceci inclut un engagement soutenu du Conseil pour le strict respect du droit international humanitaire, du droit international des réfugiés et des droits humains. 

Afin de répondre efficacement à ces questions, des partenariats solides sont nécessaires: c’est pourquoi la Suisse coopère avec d’autres États, notamment dans le cadre du Processus de Rabat, ou dans le cadre d’autres partenariats tels que l’Alliance mondiale pour les personnes disparues, établie en collaboration avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui vise à améliorer la prévention et la résolution des cas de séparation et de disparition.  Dans le cadre de ces efforts, la Suisse s’engage à améliorer la recherche des personnes disparues et à rétablir les liens familiaux.  Le représentant a enfin rappelé que le Forum mondial sur les réfugiés, qui se tiendra à Genève en décembre, constituera une excellente opportunité pour annoncer de nouveaux engagements multipartites et inspirer davantage de partage des charges et des responsabilités. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France)a indiqué que son pays accueillait aujourd’hui près de 700 000 réfugiés et demandeurs d’asile -soit le troisième pays d’accueil de l’Union européenne (UE)- et contribuait à hauteur de 93 millions d’euros au budget du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), tandis que l’UE et l’ensemble de ses États membres y contribuent à hauteur de près de 1,5 milliard d’euros.  « Cela représente respectivement 50 fois et 750 fois le montant de la contribution russe car la Russie, elle, est absente dès qu’il s’agit de répondre aux crises humanitaires », a-t-il fait remarquer. 

Puisque l’insécurité et les violations des droits de l’homme lors des conflits comptent parmi les premières causes des déplacements, l’ensemble des membres du Conseil de sécurité doivent prendre leurs responsabilités, a fait valoir le représentant.  « On ne peut pas bloquer l’action du Conseil sur l’assistance humanitaire à la Syrie et déplorer les conséquences de la crise humanitaire dans ce même pays. »  La présence de la Russie et du groupe Wagner au Sahel contribue de fait à l’instabilité de la région, nourrissant le terrorisme et conduisant à des déplacements de population, a poursuivi le représentant.  Pour prévenir les migrations massives, il faut selon lui investir dans tous les domaines du développement durable: éducation, droits des femmes, climat, protection de la biodiversité, santé.  C’est le sens du partenariat entre l’UE et l’Union africaine: au moins 8 milliards d’euros y seront consacrés pour la période 2021-2027.  La France joue sa part, a conclu le représentant, en soulignant qu’elle est devenue le quatrième bailleur mondial d’aide publique au développement (APD) en 2022, avec un montant total de 15,1 milliards d’euros. 

M. THOMAS PATRICK PHIPPS (Royaume-Uni), reconnaissant que la Libye est un « théâtre d’opération complexe », a néanmoins déclaré que tous les réfugiés et migrants doivent être traités avec l’humanité et la dignité qu’ils méritent.  Il a appelé les autorités libyennes à fermer tous les centres de détention, et, de façon générale, à adopter une approche plus globale pour la gestion des moteurs des flux migratoires en Afrique du Nord, en Afrique de l’Ouest, et le long des routes migratoires de la Méditerranée.  Le délégué a demandé à la Libye de mettre en place un système migratoire fonctionnel qui respecte les droits fondamentaux des réfugiés et des migrants.  Il a attribué la persistance de ces difficultés à la situation politique en Libye et assuré le Représentant spécial pour ce pays de tout l’appui du Royaume-Uni pour parvenir à un accord politique.  Enfin, il a voulu espérer que la délégation russe se focalisera sur les droits humains et humanitaires lorsque le Conseil débattra du mandat de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL)le mois prochain. 

Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes unis) a estimé que lutter contre le phénomène migratoire passe par une coopération internationale accrue, y compris dans les domaines du développement, de la sécurité et de la stabilité.  Et la communauté internationale doit travailler de concert et aider les pays d’origine à lutter contre les causes multiples des migrations illégales, en finançant notamment des projets de développement dans les pays d’origine et en assurant le retour volontaire, digne et ordonné des réfugiés.  Cela passe notamment par le financement de projets de relèvement et de reconstruction précoces qui permettront aux migrants de disposer de moyens de subsistance à leur retour.  À ce titre, les Émirats arabes unis ont annoncé lors de la Conférence internationale sur la migration et le développement d’allouer 100 millions de dollars à de tels projets dans les pays frappés par la migration, a indiqué sa représentante. 

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) s’est dit préoccupé par la traite des êtres humains en Libye et dans le reste du monde.  Il a assuré que les États-Unis partagent la responsabilité de l’encadrement des migrations irrégulières dans le but d’assurer des migrations régulières. Déplorant l’utilisation de certaines embarcations par les trafiquants d’êtres humains, le représentant a remercié l’Union européenne pour ses efforts afin de porter secours aux migrants.  Les individus fuient souvent la violence dans leur pays, a-t-il constaté, pour ensuite être exploités par des trafiquants. S’ils ne perdent pas la vie lors de leur traversée de la mer Méditerranée, ils se voient expulsés vers les pays voisins ou voient leurs droits bafoués dès qu’ils retournent en Libye, a-t-il regretté.  Selon lui, la communauté internationale pourrait faire davantage d’efforts pour relever ce défi, qui n’est pas seulement opérationnel, en examinant les causes de ces migrations.  Le représentant a demandé la poursuite et la reconduction des mécanismes prévus par la résolution 2240 (2015).  Félicitant la France et les autres pays qui ont œuvré pour l’intégration des droits humains dans ladite résolution, il a émis le souhait que le Conseil de sécurité en appuie le renouvellement dans les jours à venir. 

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a rappelé que les mesures draconiennes de la résolution 2240 (2015) ont été jugées nécessaires pour lutter contre le trafic illicite de migrants et la traite d’êtres humains dans la Méditerranée, mais qu’elles ne doivent pas être utilisées pour justifier des violations du droit international des migrants interceptés dans cette mer.  Le représentant a repris les recommandations formulées par le Secrétaire général dans son rapport sur la mise en œuvre de la résolution 2652 (2022) qui a autorisé l’interception des navires au large des côtes libyennes.  La question de la migration ne doit pas être politisée, a-t-il ajouté.  Le délégué a souhaité que les gouvernements respectent le principe de non-refoulement et le droit de demander l’asile, ainsi que leurs obligations en matière de recherche et de sauvetage en mer en vertu du droit maritime international. 

Le délégué a déploré le fait que la situation soit pire aujourd’hui qu’au moment de l’adoption de la résolution 2240, il y a huit ans.  Or, a-t-il mis en garde, en l’absence de paix et de développement durable, les flux migratoires continueront d’augmenter. Il a donc recommandé une approche globale pour s’attaquer aux causes profondes de la migration irrégulière et notamment la mise en œuvre du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières.  Il a également misé sur le deuxième Forum mondial sur les réfugiés pour contribuer à améliorer la situation de ceux qui fuient les persécutions, a prié le délégué. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a regretté le phénomène de migration illégale qui met en péril des vies humaines.  Il a encouragé à trouver des solutions efficaces aux flux migratoires qui causent des tragédies en mer.  Des mesures préventives sont essentielles pour entraver les activités des réseaux de trafiquants, a-t-il recommandé.  Dans ce contexte, le délégué a salué l’opération IRINI et appuyé la mise en œuvre de la résolution 2292 (2016).  En outre, le représentant a invité à renforcer la collaboration entre pays dans plusieurs domaines liés à cette problématique: la lutte contre la traite des personnes, la coopération aux frontières, la promotion de la migration régulière, la création d’emplois dans les pays d’origine ou encore le développement durable.  Il a aussi souligné la nécessité de chercher des solutions à long terme aux flux migratoires régionaux.  Enfin, le représentant a réaffirmé l’engagement de son pays à lutter contre la pauvreté, les conflits et le terrorisme, ces fléaux constituant, selon lui, les principales causes de la migration. 

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