Conseil de sécurité: en Bosnie-Herzégovine, des tentations sécessionistes menacent les progrès vers l’adhésion européenne, selon le Haut-Représentant
La souveraineté et l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine ne sont pas négociables, a déclaré, ce matin au Conseil de sécurité, le Haut-Représentant pour ce pays, en prévenant que sans le respect de son cadre constitutionnel, juridique et institutionnel, il ne peut avancer sur le chemin de l’Union européenne, « ni avancer d’aucune manière ». Cette mise en garde, M. Christian Schmidt l’a lancée alors que la Republika Srpska, l’une des deux entités de la Fédération, « continue d’être l’un des principaux obstacles » à la mise en œuvre intégrale de l’Accord de paix de Dayton, qu’il est chargé de superviser.
Près de trois décennies après sa signature, des évolutions encourageantes voisinent ainsi avec de « profondes menaces » en Bosnie-Herzégovine, a fait observer le haut fonctionnaire, qui a commencé par se féliciter que le statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne lui a été accordé le 15 décembre 2022. Accueillie favorablement par la population, cette décision a enclenché une « dynamique positive », qui a coïncidé avec la formation rapide des autorités exécutives et législatives à presque tous les niveaux du pays à la suite des élections générales du 2 octobre, a-t-il signalé.
Mais le positionnement et la rhétorique sécessionnistes des dirigeants de la Republika Srpska ont considérablement augmenté au cours des six derniers mois, a déploré M. Schmidt, en rappelant que son président, M. Milorad Dodik, plaide ouvertement pour l’indépendance de l’entité ou son rattachement à la Serbie. Il en a voulu pour preuve une déclaration signée le 24 avril par les partis au pouvoir en Republika Srpska, qui mentionne la prééminence des deux entités sur l’État bosnien et réfute l’autorité de la Cour constitutionnelle de la Bosnie-Herzégovine. Ladite déclaration demande en outre la création d’une unité de police chargée de la surveillance des frontières entre les deux entités, mettant clairement en péril les institutions étatiques et l’unité nationale, s’est alarmé le Haut-Représentant.
Des visées séparatistes étayées selon lui par une lettre du Président Dodik à son Premier Ministre, qui se livre à une interprétation « erronée et trompeuse » de l’Accord de Dayton et du cadre constitutionnel, cependant qu’en Republika Srpska, la coalition au pouvoir a entrepris de réduire l’espace civique et la liberté d’expression des médias indépendants. La Présidente de la présidence collégiale de la Bosnie-Herzégovine, Mme Željka Cvijanović, a tempéré, rejetant le récit selon lequel son pays serait devenu un « baril de poudre », alors que les tensions politiques en question sont d’après elles le lot de la plupart des démocraties.
À ses yeux, la principale menace à la stabilité de son pays tient plutôt à la manière dont le rôle du Haut-Représentant est passé de « facilitateur » à « autocrate aux pouvoirs illimités », outrepassant le mandat pourtant convenu à l’annexe 10 des accords de Dayton. Mme Cvijanović s’est lancée dans un réquisitoire contre les « actions dictatoriales » des fonctionnaires qui se sont succédé à ce poste sans qualifications pertinentes, sans être investis de l’autorité du Conseil de sécurité, et gouvernant « par décret », en l’absence de consultation des organes élus ou des fonctionnaires bosniens.
La Fédération de Russie a renchéri, dénonçant l’activité « destructrice » du Haut-Représentant « autoproclamé » qui s’immisce dans les affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine, dans la pire des traditions coloniales. M. Schmidt décide en outre de la composition du Gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, s’est émue la délégation, qui a affirmé ne pas reconnaître son autorité. Pour Moscou, la Cour constitutionnelle n’est rien d’autre qu’un outil au service des capitales occidentales, agissant souvent de concert avec le Haut-Représentant.
La plupart des membres du Conseil de sécurité ont cependant exprimé leur préoccupation devant la rhétorique en provenance de la Republika Srpska, des États-Unis à la France, en passant par le Japon et le Mozambique. L’Union européenne a estimé que la Bosnie-Herzégovine gagnerait à remplir les 14 priorités clefs pour l’ouverture des négociations d’adhésion. Dans ce contexte, elle a instamment demandé à tous les acteurs politiques bosniens de promouvoir activement la réconciliation, de renoncer aux actions de division provocatrices et de mettre fin à la glorification des criminels de guerre ou à la négation du génocide.
La Serbie a estimé que les pays des Balkans occidentaux ont « plus que jamais besoin » de s’inscrire dans le cadre du processus d’élargissement de l’Union européenne en progressant dans leurs réformes. Cet horizon exige aussi selon elle un renforcement de la coopération régionale, au moment où les flux migratoires et les tendances démographiques les desservent. « L’exode des cerveaux menace de nous priver de notre principale ressource, à savoir des personnes qualifiées et éduquées. » Aussi la délégation a-t-elle appelé tous les pays de la région à prendre part à l’initiative régionale du « Mini-Schengen » (Open Balkan), une zone économique de libre circulation des personnes, capitaux, biens et services entre la Serbie, l’Albanie, la Macédoine du Nord et le Kosovo, qui devrait mieux préparer ces pays à l’objectif commun d’une adhésion à l’UE.
Même son de cloche du côté de la Croatie, qui tout en se lançant dans un plaidoyer proeuropéen, a prié les acteurs politiques en Bosnie-Herzégovine de respecter l’autorité du Haut-Représentant, d’abandonner la « politique d’obstruction et de divisions », et de faire preuve de la plus grande volonté politique afin d’achever les réformes constitutionnelles et électorales en cours.
LA SITUATION EN BOSNIE-HERZÉGOVINE
Déclarations
Dans une déclaration liminaire, M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a exprimé son désaccord pour ce qui est de la présence de M. Christian Schmidt en tant que Haut-Représentant pour la Bosnie-Herzégovine. En effet, M. Schmidt n’a pas été approuvé dans ces fonctions, a fait valoir le représentant, pour qui cette question doit être traitée au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Le mandat de Haut-Représentant pour la Bosnie-Herzégovine reste donc vacant et M. Schmidt n’a pas le droit de s’exprimer au nom de la communauté internationale ou d’envoyer des documents au Conseil, a-t-il ajouté. Rappelant qu’il existe une pratique au Conseil permettant d’entendre les rapporteurs qui s’expriment à titre personnel, il a indiqué que c’est ainsi que sa délégation interprétera la présence de M. Schmidt à cette séance.
M. CHRISTIAN SCHMIDT, Haut-représentant pour la Bosnie-Herzégovine, a constaté que, près de trois décennies après la signature de l’Accord de paix de Dayton, des évolutions encourageantes voisinent avec de profondes menaces en Bosnie-Herzégovine. « Historiquement, géographiquement et culturellement », le pays est sur la voie irréversible de l’intégration européenne, a-t-il rappelé, en se félicitant que le statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne lui a été accordé le 15 décembre 2022. Accueilli favorablement par la population, ce statut a créé une dynamique positive, qui a coïncidé avec la formation rapide des autorités exécutives et législatives à presque tous les niveaux du pays à la suite des élections générales du 2 octobre. La nomination des autorités exécutives de l’État de Bosnie-Herzégovine et de la Republika Srpska a été rapide et les deux gouvernements sont en place et opérationnels, a signalé le haut fonctionnaire.
Cependant, l’entité de la Fédération a été prise dans une impasse entre les blocs politiques pendant sept mois, une situation qui a fait peser la menace d’une déstabilisation et d’un dysfonctionnement institutionnels. « Le 27 avril dernier, alors que tous les délais constitutionnels avaient expiré, j’ai permis à la Chambre des représentants de la Fédération de voter sur un gouvernement suggéré par la majorité des membres du Parlement et formellement proposé par la Présidente de la Fédération, Lidija Bradara. Le 28 avril, la Chambre des représentants de la Fédération a voté en faveur de cette proposition de gouvernement. Le résultat final est une Fédération stable et pleinement fonctionnelle », s’est enorgueilli M. Schmidt. Reste que l’adoption d’une législation antidiscriminatoire reste l’une des tâches les plus importantes pour mettre en œuvre les affaires Sejdić-Finci et d’autres dans un avenir proche.
La Republika Srpska, a noté le Haut-Représentant, continue d’être l’un des principaux obstacles à la mise en œuvre intégrale de l’Accord de Dayton. Le positionnement et la rhétorique sécessionnistes des dirigeants de l’entité ont considérablement augmenté au cours de la période considérée, a-t-il regretté, en rappelant que son président, M. Milorad Dodik, plaide ouvertement pour son indépendance ou son rattachement à la Serbie. « Cela remet en cause les fondements de l’Accord de paix de Dayton et poursuit une politique sécessionniste », a mis en garde M. Schmidt. Il s’est dit tout particulièrement préoccupé par une déclaration commune signée par les partis au pouvoir en Republika Srpska le 24 avril, qui semble être un plan d’action pour la sécession. Elle mentionne la prééminence des deux entités sur l’État et réfute l’autorité de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine. Les représentants de la Republika Srpska dans les institutions nationales sont contraints de soumettre toute décision à l’approbation du Gouvernement et du Parlement de la Republika Srpska. La déclaration demande en outre que les juges serbes se retirent de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, ainsi que la création d’une unité de police chargée de la « surveillance des frontières » entre les entités. Autant de mesures qui ne sont pas compatibles avec les accords de Dayton et mettent clairement en danger les institutions étatiques et l’unité nationale, a averti M. Schmidt.
Par ailleurs, dans une lettre adressée à M. Radovan Višković, le Premier Ministre de la Republika Srpska, le 6 mars 2023, le Président Dodik promeut une interprétation « erronée et trompeuse » de l’Accord de Dayton et du cadre constitutionnel. Il ne tient pas compte des dispositions explicites de la Constitution qui défendent le principe de continuité entre la République de Bosnie-Herzégovine et la Bosnie-Herzégovine d’aujourd’hui – principe qui a été réaffirmé à de nombreuses reprises par la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine. En Republika Srpska, a encore constaté le Haut-Représentant, la nouvelle législation et les initiatives promues par la coalition au pouvoir de Dodik réduisent l’espace civique et la liberté d’expression des médias indépendants. La Bosnie-Herzégovine ne doit pas devenir un pays pris en étau entre l’autoritarisme au sein d’une entité, et la démocratie qui règne dans l’autre entité. Par ailleurs, la question de la propriété de l’État doit encore être examinée, la Bosnie-Herzégovine étant le seul État post-yougoslave qui n’a pas réussi à régler cette question de l’héritage communiste jusqu’à présent, a précisé M. Schmidt.
Peu de progrès ont été accomplis dans la mise en œuvre du programme « 5 plus 2 » – hormis l’adoption du budget à différents niveaux et certains développements positifs dans le district de Brcko. « La Bosnie-Herzégovine reste confrontée à des défis considérables en ce qui concerne les biens de l’État et de la défense, l’état de droit et divers aspects de la viabilité budgétaire », a résumé M. Schmidt. En ce qui concerne l’économie, la croissance se poursuit malgré les défis, dont une pression inflationniste accrue. Au cours des années précédentes, un financement incertain et inadéquat a affecté la capacité des institutions de la Bosnie-Herzégovine à remplir leurs obligations légales. À cet égard, l’adoption d’un budget 2023 plus élevé est un développement positif.
Alors que l’instauration de la confiance est un élément indispensable des efforts visant à garantir une paix durable et le progrès en Bosnie-Herzégovine, une analyse récente montre que la guerre en Ukraine et la pandémie ont fragilisé les personnes déjà traumatisées par la guerre en ex-Yougoslavie. « Le déni du génocide de Srebrenica et la glorification des criminels de guerre restent un problème, principalement en Republika Srpska », a souligné le Haut-Représentant. Le souvenir, la commémoration et l’établissement de la vérité pour les générations futures sont des conditions préalables à la coexistence pacifique entre les différents groupes du pays, a-t-il expliqué. C’est dans cette optique qu’il a amendé la loi sur le centre commémoratif de Srebrenica-Potocari le 20 février dernier, afin qu’il puisse élargir et intensifier son engagement.
S’agissant des poursuites ouvertes contre les crimes de guerre, la Bosnie- Herzégovine est le pays le plus avancé de la région, s’est félicité le Haut-Représentant. Mais même aujourd’hui, après que le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a effectué son travail, la répression du génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité nécessite le soutien total de la communauté internationale, car il y a « des milliers d’affaires à traiter ». La désunion en matière de politique étrangère et de défense est une autre lacune de la Bosnie-Herzégovine, a regretté M. Schmidt, qui a dit que les trois membres de la présidence devaient s’accorder plus souvent sur des positions communes en matière de politique étrangère. De plus, la discrimination en Bosnie-Herzégovine reste un problème complexe: les minorités ethniques et les personnes qui n’appartiennent à aucun peuple constitutif, dénommées « les autres », se voient interdire l’accès à certaines fonctions publiques réservées aux peuples constitutifs. Les minorités sont souvent victimes de discrimination ethnique et religieuse, notamment les rapatriés.
En conclusion, le Haut-Représentant a réaffirmé que la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine ne sont pas négociables. « Les frontières à l’intérieur de la Bosnie-Herzégovine n’existent pas et n’existeront pas. » Le respect du cadre constitutionnel, juridique et institutionnel du pays est la pierre angulaire d’une paix, d’une stabilité et d’un progrès durables. Sans cela, la Bosnie-et-Herzégovine –au détriment de tous ses citoyens– ne peut avancer vers l’Union européenne, ni avancer d’aucune manière, a prévenu M. Schmidt.
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a salué la formation d’un nouveau gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine après des années d’impasse politique. Il s’est réjoui que la volonté de la majorité ait été respectée dans le cadre d’élections démocratiques. S’il a approuvé l’amendement constitutionnel déposé par le Bureau du Haut-Représentant, il s’est en revanche inquiété du recours aux « soi-disant compétences de Bonn » qui alimente les récits sur la prétendue imposition de solutions de l’extérieur. Le délégué a par ailleurs encouragé les forces locales à faire montre de retenue et à placer la sécurité et le bien-être de la population au-dessus des intérêts politiques à court terme. À cette aune, il s’est alarmé de la rhétorique séparatiste adoptée par certains dirigeants locaux, rappelant à cet égard que son pays respecte la souveraineté et l’intégrité territoriale des États.
Le délégué a par ailleurs noté la préoccupation du Haut-Représentant face aux désaccords entre les membres de la présidence. Il a dit croire en la capacité des dirigeants bosniens d’empêcher que l’existence de points de vue opposés sape les efforts destinés à renforcer l’état de droit et l’intégration régionale. Il a aussi appuyé la mise en place de mesures de confiance entre les communautés afin de prévenir de nouvelles violences à caractère ethnique et de créer les conditions d’un retour en toute sécurité des réfugiés. Enfin, après avoir condamné les violations des droits des minorités dans les deux entités, ainsi que toute glorification de la violence et négation des crimes commis pendant la guerre, il s’est dit conscient des « frustrations » liées à la mise en œuvre des accords de Dayton. « Nous estimons cependant que l’Accord-cadre général pour la paix offre toujours les meilleures perspectives de préservation de la paix et de la stabilité », a-t-il dit, avant de réitérer son soutien à la pleine mise en œuvre du programme « 5 plus 2 » pour permettre à la Bosnie-Herzégovine d’achever sa transition hors de la surveillance internationale.
Mme FRANCESCA GATT (Malte) a appelé à ce que les femmes soient représentées dans toutes les institutions gouvernementales, afin de parvenir à une administration publique inclusive. Elle s’est félicitée que le statut de pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne (UE) ait été accordé à la Bosnie-Herzégovine à la fin de l’année dernière. À cette fin, elle a encouragé le pays à adopter les réformes nécessaires, en particulier pour répondre aux 14 priorités clefs et renforcer ses cadres constitutionnels, électoral et judiciaire. La représentante a condamné toutes les rhétoriques et actions nationalistes qui pourraient conduire à des tensions et des conflits inutiles, et saper la stabilité et la qualité de vie en Bosnie-Herzégovine. Elle a notamment évoqué les discours de sécession dangereux qui entravent non seulement les progrès réalisés, mais aussi la voie vers l’accession à l’UE. Elle s’est dite préoccupée par les initiatives législatives et les annonces faites dans l’entité Republika Srpska contre les personnes LGBTIQ, la société civile et la liberté des médias. Elle a souligné la nécessité d’un engagement fort de toutes les parties pour la réconciliation et le renforcement de la cohésion, y compris un programme scolaire qui reflète la diversité et ne discrimine pas sur la base de l’ethnicité, afin que les enfants grandissent dans un environnement de réconciliation. La représentante a enfin souligné l’importance du rôle de l’EUFOR Althea dans le maintien de la sécurité et de la stabilité.
Mme CAROLYN OPPONG-NTIRI (Ghana) a encouragé la formation rapide d’un nouveau gouvernement de la Fédération et la pleine mise en œuvre du programme « 5 plus 2 » dans l’ensemble de la Bosnie-Herzégovine. Reconnaissant la complexité de la mise en œuvre de l’Accord-cadre général pour la paix, la représentante s’est dite préoccupée par les discours et les actions qui sèment la discorde. Elle a exhorté les parties à respecter leurs engagements et à répondre aux aspirations légitimes exprimées. Elle a également noté les divergences persistantes au sein de la présidence sur les questions relatives à l’ordre constitutionnel et de politique intérieure et étrangère. Elle a appelé les dirigeants à progresser sur les points communs et à trouver des approches pragmatiques aux questions en suspens. La représentante a observé que la Bosnie-Herzégovine est aujourd’hui plus divisée et moins stable qu’elle ne l’a été depuis la fin de la guerre. Les tensions croissantes menacent de déchirer cette nation multiethnique et de rallumer une crise politique, a-t-elle mis en garde. En conclusion, elle a encouragé les parties à travailler avec le Haut-Représentant qui doit s’acquitter de ses responsabilités conformément à la loi et en respectant toutes les institutions nationales.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a estimé que les élections du 2 octobre dernier, qui ont abouti à la mise en place d’un conseil des ministres, d’un exécutif et à l’adoption d’un budget dans les délais légaux sont des signaux encourageants. Il s’est aussi félicité de la participation importante des femmes, avec une proportion de 42% sur 7 258 candidats inscrits, de même que de l’implication grandissante des jeunes dans la vie politique du pays. Il est maintenant primordial que la Fédération puisse parvenir à former un gouvernement. Le délégué a jugé « difficilement concevable » qu’en dépit des scrutins qui ont eu lieu en 2018 et 2022, les vainqueurs des élections de 2014 restent à des postes intérimaires. Il a espéré que l’accord auquel sont parvenus les partis représentant chacun des trois peuples constitutifs en vue de la formation d’une coalition permettra de surmonter ce défi. Après avoir encouragé les responsables politiques à poursuivre les efforts visant à débloquer les projets de développement économique qui sont dans l’impasse, le délégué a encouragé la Bosnie-Herzégovine à solder le passif de la guerre en menant les actions nécessaires envers les victimes, les rapatriés, les survivants des violences sexuelles, ainsi que les personnes disparues.
M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a exhorté toutes les parties à collaborer avec le Bureau du Haut-Représentant et à intensifier leurs efforts pour remplir et mettre en œuvre les engagements, conditions et objectifs établis en 2008 dans le programme « 5 plus 2 ». La fermeture de ce bureau ne devra intervenir que lorsque ces conditions seront remplies et les objectifs qui y sont énoncés atteints, a-t-il affirmé, avant de se féliciter de la tenue pacifique des élections générales en octobre 2022 et de la rapidité avec laquelle les nouvelles autorités ont été formées. Espérant que les dirigeants politiques pourront s’entendre sur la nomination du nouveau gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, il a également appelé à la participation pleine et égale des femmes à la vie politique du pays. Le représentant s’est ensuite déclaré préoccupé par l’intensification de la rhétorique sécessionniste de certains acteurs nationaux, y voyant une menace pour la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine, mais aussi pour la stabilité régionale. De même, il a dénoncé la diffusion de discours de haine et de propos clivants sur les questions ethniques et religieuses, appelant les autorités à montrer l’exemple. Ce n’est qu’à travers le dialogue et le renforcement de l’état de droit qu’il sera possible de garantir une coexistence multiethnique et multireligieuse pacifique, a-t-il fait valoir, non sans condamner la négation et la glorification des crimes de guerre. La responsabilisation pour ces crimes, y compris les violences sexuelles liées au conflit, est essentielle au processus de réconciliation. Pour finir, le représentant a invité le Conseil de sécurité à réaffirmer son attachement à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine et exprimé le soutien de l’Équateur à l’EUFOR Althea.
M. MOHAMED ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a encouragé à la tolérance et la coexistence pacifique pour parvenir à une paix durable, en particulier dans des sociétés diverses comme la Bosnie-Herzégovine. Il a insisté sur l’importance de la pleine participation des femmes à tous les aspects de la vie politique et la prise de décisions en Bosnie-Herzégovine. Leur pleine inclusion est une nécessité pour que le pays parvienne à une paix durable, a-t-il argué. Le délégué a également indiqué que le développement économique est essentiel pour maintenir une paix durable et faciliter la réconciliation postconflit. Et pour être vraiment efficace, le développement économique doit être inclusif, intégrant les femmes et les jeunes, ainsi que toutes les communautés. Le représentant a assuré que son pays appuie fermement le travail accompli par les autorités nationales et les institutions internationales soutenant la Bosnie-Herzégovine, y compris le Bureau du Haut-Représentant, l’EUFOR-Althea, et les institutions mises en place en dehors des accords de Dayton.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a salué la formation du nouveau Gouvernement et la décision du Conseil européen d’accorder le statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne à la Bosnie-Herzégovine, « la seule voie à suivre pour ce pays ». À cette fin, il a exhorté les parties prenantes à concrétiser les 14 priorités clefs annoncées par la Commission européenne. De même, il faut mettre en œuvre le programme « 5 plus 2 ». Rappelant la commémoration, le 5 mai, du massacre de 1 601 enfants durant le siège de Sarajevo, entre 1992 et 1996, le délégué a mis en garde contre toute tentative de réécrire l’histoire. Préoccupé par l’évolution de la situation en Republika Srpska, il a dénoncé une violation flagrante et délibérée de la Constitution de la Bosnie-Herzégovine et salué l’engagement actif du Haut-Représentant pour mettre fin à cette dynamique. Les actions et les politiques de la Republika Srpska sont une recette pour rendre le pays non fonctionnel, a-t-il mis en garde. On ne construit pas un avenir viable et durable en Europe en glorifiant les criminels de guerre, en niant le génocide, en remettant en question la souveraineté et l’unité du pays et en investissant dans le discours de haine et la discrimination. « La Republika Srpska n’est pas, ne peut pas et ne sera pas le modèle politique dans les Balkans occidentaux », a assuré le représentant. Elle ne doit pas être autorisée à briser l’unité du pays.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a salué la formation d’un nouveau gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine le 28 avril, en espérant qu’il aidera à contrer les acteurs hostiles, à progresser sur la voie de l’intégration euro-atlantique et à mettre en œuvre les réformes nécessaires. Il a exhorté tous les acteurs à mettre de côté leurs intérêts étroits pour promouvoir une politique collaborative et constructive au cours de la période à venir. « Il s’agit notamment de mettre fin aux tentatives d’entrave à la gouvernance et de travailler ensemble pour convenir d’une alternative à l’amendement permanent de la Constitution de la Fédération avant mai 2024 », a observé le délégué. Préoccupé par la rhétorique et les actions dangereuses, clivantes et sécessionnistes des dirigeants de la Republika Srpska, il a jugé que les récentes mesures législatives autoritaires prises par cette entité menacent la paix et la stabilité en Bosnie-Herzégovine et dans l’ensemble de la région. Dans ce contexte, a estimé le délégué, il est plus important que jamais que le Conseil de sécurité maintienne son soutien à la mise en œuvre de l’Accord de paix de Dayton et au Haut-Représentant.
M. SUN ZHIQIANG (Chine) a noté avec satisfaction que, depuis les élections générales d’octobre dernier, la situation est restée stable en Bosnie-Herzégovine. La Chine, a-t-il indiqué, respecte la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine, ainsi que les choix de sa population quant à l’avenir du pays. À cette aune, il a appelé toutes les parties à participer activement aux efforts de dialogue et de réconciliation. S’agissant du mécanisme du Haut-Représentant, le délégué a estimé que le rôle du Conseil de sécurité pour sa nomination ne saurait être diminué. Constatant que le recours aux « compétences de Bonn » a suscité la controverse en Bosnie-Herzégovine, le délégué a rappelé qu’il s’agit de « modalités spécifiques adoptées pour une période spécifique ». Selon lui, la communauté internationale doit adopter une approche juste et prudente pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine et travailler de façon constructive en tenant compte de la situation sur le terrain. Sur ce point, il a fait valoir que l’imposition de sanctions unilatérales non autorisées par le Conseil de sécurité ne trouve pas de justification en droit international et pourrait même exacerber les tensions. Il a donc appelé les pays concernés à cesser de s’ingérer dans les affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine. Malgré des évolutions positives, a poursuivi le délégué, le pays continue de se heurter à des difficultés structurelles - chômage élevé, exode de la population ou des problèmes de développement. Il a plaidé pour la création de conditions d’emploi non discriminatoires afin de favoriser les investissements étrangers. Enfin, après avoir salué le rôle constructif de la Serbie, de la Croatie et des autres pays de la région, il a assuré que la Chine continuera d’appuyer la paix et la stabilité en Bosnie-Herzégovine.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a salué la participation à la réunion de la Présidente de la présidence collégiale de la Bosnie-Herzégovine, Mme Željka Cvijanović. Il a dit constater, avec une profonde préoccupation, que la situation en Bosnie-Herzégovine est entrée dans une nouvelle phase très dangereuse. « La communauté occidentale est devenue un participant direct à la crise politique interne au pays. » Il a accusé des forces extérieures au Bureau du Haut-Représentant et plusieurs présences internationales à Sarajevo qui manipulent ouvertement les dissensions interethniques et les contradictions entre les partis, abusant du rôle qui leur est attribué au sens de l’encadrement prescrit par les Accords de Dayton de 1995. Il a dénoncé l’activité selon lui « destructrice » du Haut-Représentant « autoproclamé » qui s’immisce dans les affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine, dans la pire des traditions des colonies, avec des ingérences dans la constitution d’une des entités du pays. De même, a dénoncé le représentant, M. Schmidt décide de la composition du Gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Il a relevé que la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine est devenue un outil au service des capitales occidentales, agissant souvent de concert avec l’appareil du Haut-Représentant. Après tout, jusqu’à présent, trois juges sur neuf sont citoyens de pays étrangers -allemand, albanais et suisse-, a-t-il fait observer.
C’est pour cela que le représentant a jugé opportune la décision de la Russie de suspendre sa participation au Comité directeur qui s’est transformé en club d’intérêts contraires à ceux des peuples de Bosnie-Herzégovine. Il a exigé la restauration de la pratique du dialogue et du consensus. Selon lui, le rôle du Haut-Représentant serait de placer dans le pays des forces favorables à Washington et Bruxelles et de le pousser dans le giron de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), et cela malgré la volonté souveraine des peuples de Bosnie-Herzégovine. Le résultat sera catastrophique, a-t-il prédit. Et pas seulement pour la région, mais pour toute l’Europe. Le Conseil de sécurité ne peut pas fermer les yeux sur ce qui se passe en Bosnie-Herzégovine, s’est-il emporté. Le concept multiethnique de la structure du pays prévu par les Accords de Dayton est en danger, a-t-il encore averti. Le représentant a dit ne pas vouloir commenter le soi-disant rapport de celui qui est appelé « Haut-Représentant ». Selon lui, diffuser un document de fiction en tant que document du Conseil de sécurité de l’ONU est inacceptable. Il s’est dit en outre déçu du cinquante-cinquième rapport de l’opération EUFOR Althea sur la situation en Bosnie-Herzégovine. Comme vous le savez, son mandat ne prévoit pas d’évaluation de la situation politique intérieure en Bosnie-Herzégovine, a-t-il relevé tout en accusant EUFOR Althea de partialité vis-à-vis des Serbes de Bosnie. Il a en revanche invité les membres du Conseil à se familiariser avec la réalité du rapport « remarquable » de la Republika Srpska qui contient des faits sur la réelle situation en Bosnie-Herzégovine.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France), saluant la formation d’un nouveau Gouvernement au niveau de la Fédération de Bosnie-Herzégovine le 28 avril 2023, a dit compter sur ces nouveaux exécutifs, ainsi que sur celui de la Republika Srpska, pour honorer l’accord politique conclu le 12 juin 2022 à Bruxelles par les représentants de Bosnie-Herzégovine qui prévoit la mise en œuvre de réformes essentielles en faveur de la démocratie et de l’état de droit dans les six mois suivant l’installation des nouveaux exécutifs. En décidant d’accorder à la Bosnie-Herzégovine le statut de pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne en décembre 2022, le Conseil européen a adressé un signe fort au peuple bosnien, rappelant sa communauté de destin avec les pays de l’Union, a rappelé la déléguée. « La feuille de route est claire pour avancer sur ce chemin, et en particulier vers l’ouverture des négociations d’adhésion. Elle comprend 14 réformes prioritaires énoncées par la Commission européenne. »
Tous les dirigeants politiques de Bosnie-Herzégovine doivent s’abstenir de toute rhétorique et action provocatrice et sécessionniste, notamment celles qui mettent en question la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale du pays, a exhorté la déléguée. Les dirigeants doivent œuvrer à une baisse des tensions et s’engager sur la voie d’un dialogue constructif. Elle s’est dite préoccupée par les déclarations et initiatives législatives « liberticides » récentes en République Srpska, contre les médias et les ONG qui représentent un recul en matière de protection des droits fondamentaux et de rapprochement européen du pays. « Sur le chemin européen, il n’y a pas de place pour le révisionnisme ou la glorification des crimes de guerre », a-t-elle lancé. Réitérant le soutien de sa délégation au travail du Haut-Représentant, qui n’a pas vocation à perdurer au-delà de ce qui est nécessaire, la représentante a insisté que le programme « 5 plus 2 » a clairement établi les conditions présidant à la fin du mandat du Haut-Représentant. « Nous n’y sommes pas encore », a-t-elle conclu.
M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a assuré que son pays continuerait d’appuyer la Bosnie-Herzégovine sur la voie d’un avenir plus prospère et de l’intégration euro-atlantique. Il a félicité la Fédération pour la formation de son premier nouveau Gouvernement en huit ans: il s’agit selon lui d’une réalisation majeure, dans laquelle le Bureau du Haut-Représentant a joué un rôle central. L’heure est au progrès concret et à la réforme pour un avenir démocratique, a insisté le délégué, en exhortant les responsables locaux à éviter d’hypothéquer l’Accord de paix de Dayton ou encore l’intégration euro-atlantique. Ceux-ci doivent faire le choix d’une gouvernance déontologique, transparente et démocratique, a-t-il tranché. « Voilà trop longtemps que les divisions interethniques sapent les institutions de l’État et favorisent la corruption et la recherche d’intérêts personnels », a dénoncé le délégué, en condamnant les déclarations sécessionistes du Président de la Republika Srpska, qui a par exemple appelé à la surveillance des frontières intérieures du pays. Il a ensuite estimé que le Bureau du Haut-Représentant joue un rôle central dans la mise en œuvre du volet civil de l’accord de paix. Les États-Unis, a-t-il assuré, demeurent engagés en faveur de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de la nature multiethnique de la Bosnie-Herzégovine.
M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) s’est dit préoccupé par la situation actuelle et par le climat politique caractérisé par des divisions ethniques et un manque d’unité. Alors que la répression de la négation du génocide a eu un effet préventif général, il a déploré la persistance du déni et de la glorification des criminels de guerre, notamment dans le domaine politique. Il a encouragé toutes les parties concernées à s’abstenir d’utiliser une rhétorique nationaliste et conflictuelle et les a priées de défendre les principes et objectifs contenus dans l’Accord-cadre général pour la paix et le cadre constitutionnel de Bosnie-Herzégovine. Compte tenu de la situation politique et sécuritaire actuelle dans ce pays, le représentant a préconisé d’étendre le mandat de la force multinationale de stabilisation dirigée par l’Union européenne et le Bureau du Haut-Représentant.
M. KIMIHIRO ISHIKANE (Japon) a estimé que, plus de 27 ans après la fin du conflit en Bosnie-Herzégovine, atteindre la prospérité est essentiel non seulement pour l’avenir du pays, mais aussi pour la paix et la stabilité des Balkans occidentaux. Il a réaffirmé le soutien du Japon à la souveraineté et à l’unité nationale de la Bosnie-Herzégovine, indépendamment de l’appartenance ethnique, de la religion ou de l’affiliation politique. Le représentant s’est félicité de la formation des gouvernements aux niveaux de l’État et des entités, notamment le Gouvernement de la Fédération qui a été récemment mis en place à l’initiative du Haut-Représentant pour la Bosnie-Herzégovine. Après avoir encouragé toute la classe politique bosniaque à s’engager dans cette dynamique, il s’est dit préoccupé par les déclarations et les actions mettant en cause la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays, au mépris des fondements de l’Accord de paix de Dayton. Il a exhorté tous les dirigeants politiques à avoir une attitude constructive pour l’avenir de leur pays. Enfin, considérant que l’adhésion des Balkans occidentaux à l’Union européenne est une étape importante vers la réalisation d’une Europe unie, il a souhaité que ce processus soit l’occasion pour la Bosnie-Herzégovine de poursuivre les réformes nécessaires à son intégration.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a rappelé que son pays est engagé depuis plus de 30 ans en Bosnie-Herzégovine ainsi que dans toute la région des Balkans occidentaux. « Nos pays sont fortement liés », a-t-elle relevé en soulignant que plus de 60 000 personnes originaires de Bosnie-Herzégovine habitent en Suisse. Dans l’objectif de la mise en œuvre des aspects civils des accords de Dayton, la Suisse soutient le Bureau du Haut-Représentant. Si son rôle est pour le moment clef et sa présence nécessaire, le but principal reste d’avancer vers la fin de son mandat en accomplissant les réformes essentielles à la progression du programme « 5 plus 2 », a—t-elle déclaré. Elle a rappelé le travail important de l’EUFOR Althea qui contribue au maintien de la paix dans une région faisant face à un regain de tensions. La représentante a encouragé les dirigeants politiques à saisir l’opportunité de la formation récente du Gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine pour faire avancer les réformes et renforcer les institutions gouvernementales. Les progrès durables ont besoin du soutien de tous les membres de la société, a-t-elle ajouté, en plaidant pour une participation pleine et égale des femmes à tous les échelons politiques et aux processus décisionnels. Pour la représentante, l’unité du pays doit être renforcée par le respect de la diversité et des libertés fondamentales. Elle s’est inquiétée de la persistance des discours de haine, de la glorification des criminels de guerre, du révisionnisme historique et des tentatives de négation du génocide. Elle a marqué sa préoccupation devant la rhétorique séparatiste et nationaliste de certains représentants, en particulier en Republika Srpska. La représentante a souhaité un engagement accru en faveur de la justice et de la réparation, notamment pour les cas non résolus de disparitions forcées et de violences sexuelles liées au conflit. De même, les droits des minorités doivent être protégés et les libertés des médias et d’association doivent être garanties. Enfin, elle a estimé que les jeunes doivent occuper une place centrale dans les décisions déterminant l’avenir de leur pays. Leur exode illustre, a—t-elle dit, l’impact des défis politiques, économiques et sociaux de la Bosnie-Herzégovine.
Mme ŽELJKA CVIJANOVIĆ, Présidente de la présidence collégiale de la Bosnie-Herzégovine, s’est dite encouragée d’entendre tant de déclarations partageant l’objectif d’une Bosnie-Herzégovine « souveraine, indépendante, stable, fonctionnelle et prospère ». Pour atteindre cet objectif, la seule voie réaliste est selon elle l’adhésion aux accords de Dayton et à la Constitution de la Bosnie-Herzégovine, laquelle prévoit une formule de partage du pouvoir entre les trois principaux peuples constitutifs de la Fédération. Ce système soigneusement conçu a permis de préserver la paix en Bosnie-Herzégovine pendant plus de 27 ans, a-t-elle souligné, avant de préciser que la Republika Srpska, entité qui l’a élue à la présidence du pays, a accepté à Dayton de faire partie d’une Bosnie-Herzégovine décentralisée, au sein de laquelle toutes les compétences sont du ressort des deux entités, à l’exception des quelques compétences que la Constitution attribue expressément aux institutions au niveau de l’ensemble de la Fédération. Si le pays, au cours des décennies qui ont suivi la signature des accords de Dayton, s’est transformé en un système beaucoup plus centralisé, c’est presque entièrement en raison d’interventions étrangères, plutôt que d’actions légales et démocratiques, a-t-elle regretté, appelant le Conseil de sécurité à soutenir les accords de Dayton « en paroles et en actes » et à condamner les actions qui menacent le système de « contrepoids » garanti par la Constitution de la Bosnie-Herzégovine.
La Présidente a ensuite indiqué que, malgré certaines rhétoriques, la situation sécuritaire en Bosnie-Herzégovine est assez stable, comme l’EUFOR Althea l’a récemment confirmé. « La Bosnie-Herzégovine n’est pas du tout le baril de poudre que présentent ceux qui recherchent davantage d’intervention et de contrôle étrangers sur la Bosnie-Herzégovine », a-t-elle assuré, estimant que les tensions politiques qui s’y font jour sont le lot de la plupart des démocraties. À ses yeux, la principale menace à la stabilité de la Bosnie-Herzégovine ne vient pas de déclarations politiques « chargées », mais de l’incapacité à appliquer fidèlement les accords de Dayton. À ce sujet, Mme Cvijanović a jugé que l’une des façons « pernicieuses » de ne pas adhérer à Dayton a été de transformer le rôle de facilitateur du Haut-Représentant en « autocrate aux pouvoirs illimités », ce qui selon elle dépasse largement le mandat convenu à l’annexe 10 des accords de Dayton. Constatant que les hauts représentants successifs, qui n’avaient pratiquement aucune expérience dans la région et peu de références pertinentes pour le poste, ont gouverné par décret, sans consultation des organes élus ou des fonctionnaires de Bosnie-Herzégovine et sans aucune autorité accordée par le Conseil de sécurité ou par un instrument juridique valide, elle a noté que ces « actions dictatoriales » ont entraîné plus de 460 textes législatifs et réglementaires, 110 amendements aux constitutions des entités et 249 sanctions extrajudiciaires d’individus, « le tout sans autorité légale ni contrôle ».
Malgré un large consensus sur le fait que la prétention du Haut-Représentant à gouverner par décret est « totalement illégale », M. Christian Schmidt a annoncé d’autres décisions qui ont exaspéré de larges segments de la population de Bosnie-Herzégovine, a encore dénoncé la Présidente, y voyant la « dernière usurpation effrontée des droits démocratiques des citoyens de Bosnie-Herzégovine à se gouverner eux-mêmes ». Après avoir rappelé que la nomination de M. Schmidt n’a pas été approuvée par le Conseil, elle a accusé ce dernier de l’avoir menacée d’une « réponse désagréable » au cas où elle remettrait en question sa légitimité devant l’organe onusien. S’élevant contre l’attitude « arrogante et dédaigneuse » de ces fonctionnaires étrangers qui vont et viennent dans son pays, Mme Cvijanović a jugé que le « régime dictatorial » du Haut-Représentant est non seulement manifestement illégal mais aussi très contre-productif. À son avis, l’ingérence « malavisée » du Bureau du Haut-Représentant crée plus de problèmes qu’il n’en résout, comme le montre la manière dont il a généré et enflammé, au fil des ans, la controverse concernant la propriété des biens publics. « Si la Bosnie-Herzégovine veut un jour être souveraine, indépendante, stable, fonctionnelle et prospère, elle doit être gouvernée non pas par des étrangers non élus, qui promulguent des décrets despotiques selon leurs propres préférences et préjugés, mais par sa propre Constitution et par ses propres citoyens, conformément aux principes démocratiques et à l’état de droit », a-t-elle martelé.
La Présidente a d’autre part déploré que certaines distorsions de la structure constitutionnelle du pays soient causées par l’institution même qui a été créée pour la faire respecter, la Cour constitutionnelle de la Bosnie-Herzégovine, dont trois juges sur neuf sont étrangers. Ces juges ne vivent pas en Bosnie-Herzégovine, n’ont aucune formation en droit de notre pays, ne parlent pas les langues locales et émettent des décisions déformées que beaucoup considèrent comme des actes politiques destinés à plaire à certaines puissances étrangères, s’est-elle indignée. C’est dans ce contexte d’ingérence étrangère et de corruption du système judiciaire, a-t-elle poursuivi, qu’il faut comprendre la soi-disant « rhétorique sécessionniste ». La Republika Srpska est attachée à l’ordre constitutionnel établi dans les accords de Dayton, mais elle n’est pas prête à accepter le régime illégal et despotique des hauts représentants et les décisions inconstitutionnelles de la Cour constitutionnelle, ni à voir ses droits démocratiques piétinés, a insisté Mme Cvijanović. Selon elle, la Republika Srpska ne peut être accusée d’être un « État renégat » simplement parce qu’elle appelle les responsables étrangers à respecter le droit international et les droits démocratiques constitutionnels des citoyens de Bosnie-Herzégovine. Elle a donc demandé au Conseil de condamner l’ingérence étrangère en Bosnie-Herzégovine, de préciser « une fois pour toutes » que le Haut-Représentant ne possède pas l’autorité pour gouverner le pays par décret et de confirmer que « nos institutions, à tous les niveaux de l’administration, sont habilitées à prendre des décisions conformément à notre Constitution ».
M. OLOF SKOOG, de l’Union européenne, a rappelé que depuis la dernière réunion du Conseil de sécurité sur ce point de l’ordre du jour, la Bosnie-Herzégovine a obtenu le statut de pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne (UE). Il est maintenant question pour le pays de mettre en place les recommandations de la Commission européenne, afin de renforcer l’état de droit, la lutte contre la corruption et le crime organisé, la gestion des migrations et le respect des droits. Dans le contexte géopolitique actuel, a indiqué l’observateur, l’UE souligne l’urgence pour le pays d’avancer sur la voie de l’UE, notamment en remplissant les 14 priorités clefs pour l’ouverture des négociations d’adhésion à l’UE recensées dans l’avis de la Commission sur la Bosnie-Herzégovine. Il a demandé instamment à tous les acteurs politiques de la Bosnie-Herzégovine de promouvoir activement la réconciliation et de renoncer à la rhétorique et aux actions de division provocatrices, y compris la remise en cause de la souveraineté, de l’unité et de l’intégrité territoriale du pays, et de mettre fin à la glorification des criminels de guerre ou à la négation du génocide.
M. Skoog s’est dit préoccupé par les initiatives législatives et les annonces faites dans l’entité de la Republika Srpska, y compris la rhétorique sécessionniste. Selon lui, la liberté d’expression, le pluralisme des médias, ainsi que le libre fonctionnement des organisations civiles sont des piliers essentiels d’une société démocratique. Il a donc appelé à des mesures crédibles, y compris le traitement non discriminatoire des personnes appartenant à des minorités, y compris les personnes LGBTI. Il s’est également félicité de l’entrée en fonction du nouveau Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine et du nouveau Gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, à la suite des élections d’octobre 2022. Il a appelé à la mise en place rapide de gouvernements opérationnels, y compris aux niveaux des cantons, afin de se concentrer sur les réformes sur la voie de l’adhésion à l’UE. L’observateur a enfin réaffirmé son plein soutien à l’opération EUFOR Althea qui continue d’aider les autorités de Bosnie-Herzégovine à maintenir un environnement où la sécurité est assurée pour tous les citoyens. Il a aussi exprimé son soutien à la mission du Haut-Représentant et à son bureau en vue de la réalisation du programme « 5 plus 2 ».
M. NEMANJA STEVANOVIC (Serbie) a estimé que ce débat sur la situation en Bosnie-Herzégovine témoigne du difficile héritage de la crise yougoslave et des défis de l’après-guerre. Il a toutefois fait observer que, selon le rapport de l’EURO Althea, la stabilité de la Bosnie-Herzégovine n’est pas menacée et que c’est le cas depuis 27 ans, en dépit des querelles politiques. Il a également affirmé que « la Bosnie-Herzégovine n’est pas la plateforme d’un conflit par procuration » et que « nul dans ce pays ne veut être le pion de quelqu’un sur l’échiquier géopolitique ». La stabilité de la Bosnie-Herzégovine est le résultat direct du très critiqué Accord de Dayton, a-t-il fait valoir, jugeant que le respect de cet accord est nécessaire pour renforcer la confiance interne et la fonctionnalité durable de la Bosnie-Herzégovine. De l’avis du représentant, l’équilibre constitutionnel des pouvoirs entre deux entités et entre trois principaux groupes ethniques devrait garantir l’égalité des droits dans la poursuite conjointe d’objectifs partagés et d’intérêts communs. Ainsi, a-t-il souligné, la seule voie à suivre pour chaque sujet en Bosnie-Herzégovine passe par le dialogue et l’accord. Réaffirmant l’attachement de la Serbie à la préservation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine, conformément aux dispositions de l’Accord de paix de Dayton, le représentant a assuré que des questions telles que la célébration de la Journée de la Republika Srpska, le fonctionnement des institutions communes, la loi sur la propriété et les lois électorales sont considérées par son pays comme des « affaires internes de la Bosnie-Herzégovine ». À cet égard, il a espéré que les institutions formées après les élections permettront des progrès durables pour le pays, ses entités et ses groupes constitutifs.
Pour le délégué, les pays de la région ont plus que jamais besoin de s’inscrire dans le processus d’élargissement de l’Union européenne (UE) et de progresser dans les réformes. « Nous nous félicitons de chaque pas fait par la Bosnie-Herzégovine dans cette direction car cela nous rapproche de notre avenir européen commun. » Le renforcement de la coopération régionale est essentiel également pour faire face aux enjeux stratégiques, alors que les flux migratoires et les tendances démographiques sont négatifs, a relevé le représentant, inquiet de voir la région perdre ses habitants. « L’exode des cerveaux menace de priver la Bosnie et l’ensemble des Balkans occidentaux de leur principale ressource, à savoir des personnes qualifiées et éduquées. » Il a donc appelé tous les pays de la région à rejoindre l’initiative régionale du « Mini-Schengen » (Open Balkan), zone économique de libre circulation des personnes, des capitaux, des biens et des services entre la Serbie, l’Albanie, la Macédoine du Nord et le Kosovo, qui devrait mieux les préparer à l’objectif commun d’adhésion à l’UE.
Avant de conclure, le représentant a rappelé que, la semaine dernière, son pays a connu une tragédie « sans précédent » avec la mort de 17 personnes, principalement des jeunes, lors de deux fusillades. Saluant le fait que la Bosnie-Herzégovine ait décrété une journée de deuil à cette occasion, il s’est félicité que le Ministre des affaires étrangères de la Bosnie-Herzégovine et le Vice-Président de l’entité de la Fédération se soient tous deux rendus à l’école élémentaire de Belgrade où s’est produite l’une des fusillades. Ces actes de solidarité vont au-delà de tous les mots, a-t-il déclaré, estimant que « nous avons trop de choses en commun pour remettre en question notre avenir commun ».
M. HRVOJE ĆURIĆ HRVATINIĆ (Croatie) s’est félicité de la formation du Gouvernement au niveau de l’État et de la Fédération. La coopération et le dialogue sont des conditions préalables pour que la Bosnie-Herzégovine puisse obtenir des résultats tangibles sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne et aux structures internationales euro-atlantiques. Selon le représentant, les acteurs politiques en Bosnie-Herzégovine doivent respecter l’autorité du Haut-Représentant et faire preuve de la plus grande détermination et de la plus grande volonté politique afin d’achever les réformes constitutionnelles et électorales. Le respect de l’égalité entre les peuples et la non-discrimination de tous les citoyens, tels que consacrés par l’Accord de paix de Dayton, peut apporter la stabilité politique durable à la Bosnie-Herzégovine, a-t-il estimé. Le représentant a dit attendre avec intérêt la session conjointe du Gouvernement croate et du Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine en juin. Il a appelé les dirigeants politiques de Bosnie-Herzégovine à abandonner la politique d’obstruction et de division et à contribuer véritablement à la création d’un avenir meilleur pour tous.