9311e séance – matin
CS/15266

Conseil de sécurité: face à la violence des gangs, la Représentante spéciale en Haïti réaffirme la nécessité d’un déploiement international

Venue présenter, ce matin, au Conseil de sécurité, le dernier rapport trimestriel en date du Secrétaire général sur le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), la nouvelle Représentante spéciale pour ce pays s’est félicitée des progrès politiques accomplis ces derniers mois pour restaurer les institutions démocratiques tout en reconnaissant que « l’horrible violence des gangs » reste au centre du débat national.  Face à cette dynamique alarmante, elle a réaffirmé la « nécessité urgente » du déploiement, autorisé par le Conseil, d’une force internationale spécialisée en appui à la Police nationale d’Haïti (PNH), appuyée dans ce sens par plusieurs délégations, dont celle du pays concerné. 

Mme Maria Isabel Salvador a indiqué que, lors de ses premiers échanges et interactions sur place, elle avait pu observer les prémices d’un dialogue national.  Elle a cependant convenu qu’il sera difficile d’aller de l’avant sans s’attaquer efficacement à l’insécurité endémique, la violence des gangs se développant à un rythme sans précédent dans des zones auparavant considérées comme relativement sûres, à Port-au-Prince et en dehors de la capitale. Pour illustrer son propos, elle a fait état de 1 647 incidents criminels -homicides, viols, enlèvements et lynchages- enregistrés par la PNH et le BINUH au cours du premier trimestre de 2023, soit plus du double du total de l’an dernier à la même période. 

Bien que le Gouvernement continue d’investir dans la PNH, celle-ci est confrontée à un grave sous-effectif et mal équipée pour lutter contre la violence et la criminalité, a déclaré la Représentante spéciale.  Dans ce contexte, si la PNH a réussi à monter des opérations antigangs efficaces, ces succès ne sont que momentanés, a-t-elle déploré.  La Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Mme Ghada Fathi Waly, a corroboré ce constat et averti que cette insécurité désastreuse dépasse les capacités limitées de la PNH, mais aussi des douanes, des patrouilles frontalières et des garde-côtes. Elle a ajouté que les difficultés rencontrées en matière d’application de la loi et de contrôle des frontières font d’Haïti une plaque tournante attrayante pour les trafiquants de drogue. 

La Représentante spéciale s’est cependant réjouie qu’en dépit des problèmes de sécurité, des efforts se poursuivent pour mettre en œuvre l’accord du 21 décembre 2022 pour un consensus national.  Elle a notamment salué l’installation du Haut Conseil de transition, la nomination de juges à la Cour de cassation et la prochaine mise en place du conseil électoral provisoire, chargé de l’organisation d’élections.  Il n’en reste pas moins que le processus global reste fragile et vulnérable à la détérioration de la situation sécuritaire, a observé Mme Salvador, avant de souligner la nécessité d’un soutien international urgent, en écho à l’appel lancé le 8 octobre dernier par le Secrétaire général

« Nous devons trouver des moyens innovants pour définir la force d’appui à la Police nationale d’Haïti », a exhorté Mme Salvador, avertissant qu’un retard supplémentaire dans la résolution de l’insécurité en Haïti pourrait également entraîner un « débordement » au niveau régional.  Elle a été appuyée dans cette supplique par le Ministre des affaires étrangères d’Haïti, qui a rappelé que son gouvernement soutient le principe du déploiement d’une force armée spécialisée internationale et jugé indispensable l’emploi de la « violence légitime » pour vaincre les gangs, comme « première étape ».  Un avis partagé par l’Équateur et l’Albanie, cette dernière voyant dans l’envoi d’une force internationale la « seule réponse adéquate » à la demande légitime d’assistance du peuple haïtien. 

Le chef de la diplomatie haïtienne a également souligné l’importance du régime de sanctions de l’ONU et encouragé le Groupe d’experts du Comité des sanctions à accélérer ses travaux afin de parvenir rapidement à la publication de la liste de tous ceux qui alimentent l’instabilité.  Il a été rejoint sur ce point par de nombreux pays, parmi lesquels les États-Unis, la France, Malte, le Brésil, le Japon et la Chine.  Insistant sur l’application de l’embargo sur les armes prévu par la résolution 2653 (2022), la Chine a également demandé une mise à jour de la liste des sanctions, tandis que la Fédération de Russie appelait le Groupe d’experts à « faire son travail » pour régler la question de la collusion des cercles politiques et économiques du pays avec les gangs criminels. 

Considérant néanmoins que les solutions qui ne reflètent pas les réalités locales ne doivent pas être imposées aux Haïtiens, la Fédération de Russie a dénoncé les tentatives d’ingérence dans le processus politique en Haïti par le biais de sanctions unilatérales.  Selon elle, la crise haïtienne est en grande partie le résultat d’une « ingénierie politique externe et de politiques néocoloniales » et de telles approches ne remédieront certainement pas à la situation. 

Tout en appuyant, lui aussi, le travail du Comité des sanctions créé par la résolution 2653 (2022), le Ministre des affaires étrangères de la République dominicaine a rappelé que son gouvernement avait déjà imposé des interdictions d’entrée à un certain nombre de ressortissants haïtiens afin de sauvegarder sa sécurité et son intégrité territoriale.  Il a également réitéré son appel au Conseil pour qu’il prenne toutes les mesures appropriées pour empêcher les flux d’armes et de munitions vers Haïti, avant de s’étonner du peu de réaction de l’organe onusien face à cette situation « intenable » qui affecte toute la région.  D’autres pays en crise ont pu bénéficier d’une aide internationale qui n’a pas eu à emprunter un chemin « aussi sinueux », a-t-il pointé, dénonçant une réponse à « géométrie variable ». 

Enfin, au nom du Groupe consultatif ad hoc du Conseil économique et social (ECOSOC) sur Haïti, le Canada a souhaité que les mesures pour rétablir la sécurité s’accompagnent d’efforts pour s’attaquer aux causes de la violence dans le pays, en particulier l’extrême pauvreté, la corruption et l’impunité.  Estimant à son tour que les sanctions sont un outil important pour aider à briser le pouvoir des gangs armés, il a plaidé pour que les solutions à cette crise soient trouvées par les Haïtiens eux-mêmes.

LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI (S/2023/274)

Déclarations

Mme MARIA ISABEL SALVADOR, Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), dont c’était la première intervention devant le Conseil de sécurité depuis sa prise de fonctions ce mois-ci, a indiqué que, lors de ses premiers échanges et interactions sur place, elle a pu observer qu’une voie permettant aux Haïtiens d’engager un dialogue vers la restauration des institutions démocratiques dans le pays avait été tracée.  Elle a cependant convenu qu’il sera difficile d’aller de l’avant sans s’attaquer efficacement à l’insécurité endémique, la violence des gangs se développant à un rythme alarmant dans des zones auparavant considérées comme relativement sûres à Port-au-Prince et en dehors de la capitale. 

Pour la Représentante spéciale, « l’horrible violence dans les zones infestées de gangs », y compris la violence sexuelle, est emblématique de la terreur qui afflige une grande partie de la population haïtienne.  Pour illustrer l’augmentation choquante de la criminalité en Haïti, elle a indiqué que, selon données recueillies par la Police nationale d’Haïti (PNH) et par le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) au cours du premier trimestre 2022, 692 incidents criminels, définis comme des homicides, des viols, des enlèvements et des lynchages, ont été signalés.  Au cours de la même période en 2023, le nombre d’incidents criminels enregistrés a plus que doublé pour atteindre 1 647. 

Face aux gangs armés qui se disputent le contrôle des quartiers de la capitale, certains habitants ont commencé à prendre les choses en main, a expliqué Mme Salvador. Ainsi, il y a seulement deux jours, à Port-au-Prince, un groupe de civils a arrêté 13 membres présumés d’un gang, avant de les battre à mort et de brûler leurs corps.

Face à cette dynamique violente, le Gouvernement a continué d’investir dans la Police nationale d’Haïti, mais la force est en grave sous-effectif et mal équipée pour lutter contre la violence et la criminalité, a relevé la Représentante spéciale.  Elle a ainsi précisé que les décès, les licenciements et l’augmentation des démissions parmi la police ont réduit ses effectifs opérationnels de 14 772 à environ 13 000, dont seulement 9 000 effectuent des tâches policières.  De plus, le recrutement de nouveaux policiers a été interrompu en raison de la détérioration des contraintes sécuritaires et logistiques. Si la PNH a néanmoins réussi à monter des opérations antigangs efficaces, ces succès ne sont que momentanés, a-t-elle déploré, soulignant la nécessité d’un soutien international urgent pour faire face à la détérioration rapide de la situation sécuritaire. 

Au-delà du soutien immédiat dont la Police nationale a besoin, il est urgent selon elle d’avancer vers une solution nationale à l’impasse politique afin de rétablir une sécurité durable ainsi qu’une stabilité sociale et économique, a plaidé Mme Salvador.  Malgré les problèmes de sécurité, les efforts se poursuivent en vue de la mise en œuvre de l’accord du 21 décembre, a-t-elle noté, avant de saluer le fait que le Haut Conseil de transition nouvellement créé continue de travailler avec le Gouvernement et diverses parties prenantes pour élargir le consensus sur la voie à suivre. La Représentante spéciale a affirmé que la mise en œuvre de l’accord se poursuit, notamment les étapes vers la mise en place d’un conseil électoral provisoire, étape essentielle pour la tenue éventuelle d’élections.  Parallèlement, la Cour de cassation a été rendue fonctionnelle le 28 février et se tient prête à assermenter le nouveau conseil électoral provisoire quand il sera établi, tandis qu’un nouveau forum sur la sécurité nationale et une table ronde politique doivent être convoqués sous les auspices du Haut Conseil de transition.  Toutefois, a-t-elle nuancé, en dépit de ces gains politiques, le processus global reste fragile et vulnérable à la détérioration de la situation sécuritaire. 

Abordant ensuite la situation des droits de l’homme, la Représentante spéciale a indiqué qu’avec l’augmentation de la violence des gangs armés, les Haïtiens continuent de subir l’une des pires crises en la matière depuis des décennies. Les entretiens menés par le BINUH font apparaître que les gangs continuent d’utiliser la violence sexuelle, y compris le viol à plusieurs auteurs, pour terroriser et infliger des souffrances aux populations vivant dans les zones sous le contrôle de leurs rivaux.  Elle a aussi fait état d’autres formes de violence sexuelle, telles que l’exploitation sexuelle, utilisées par des gangs contre des femmes et des filles vivant dans des communautés sous leur influence.  Pour la Représentante spéciale, les cas de violence sexuelle commise par des gangs armés sont en outre fortement sous-déclarés en raison de la peur de représailles, de la stigmatisation par les familles et les communautés et de la disponibilité limitée des services de santé et psychosociaux.

Quant aux enfants, ils figurent parmi les victimes des crimes les plus odieux, notamment les meurtres, les enlèvements et les viols.  En outre, de nombreuses écoles ont fermé à la fin de l’année dernière en raison de la violence et de l’extorsion par les gangs, a déploré Mme Salvador, ajoutant que, malgré les réouvertures au début de 2023, de nombreux écoliers ne sont pas retournés en classe.  Dénonçant par ailleurs le recrutement d’enfants dans des gangs armés, elle a qualifié d’évolution bienvenue la nomination par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme d’un expert indépendant sur les droits de l’homme à la suite d’une demande du Gouvernement haïtien. 

La Représentante spéciale a souhaité que ces crimes ne restent pas impunis et que leurs auteurs soient traduits en justice.  Elle a d’autre part rappelé que près de la moitié de la population a besoin d’aide humanitaire, que le nombre de déplacements internes a augmenté de 50% à Port-au-Prince par rapport à novembre 2022 et que quelque 39 000 cas suspects de choléra ont été signalés depuis la réapparition de l’épidémie en octobre dernier.  Dans ce contexte, a-t-elle précisé, l’ONU et ses agences humanitaires restent sur le terrain et fournissent des services essentiels.  Entre mars et avril, au moins 22 missions d’urgence ont ainsi été menées dans des zones contrôlées par des gangs à Port-au-Prince. 

Avant de conclure, la Cheffe du BINUH a souligné la nécessité urgente du déploiement, autorisé par le Conseil de sécurité, d’une force internationale spécialisée, comme demandé par le Secrétaire général dans sa lettre du 8 octobre 2022. « Nous devons trouver des moyens innovants pour définir la force d’appui à la Police nationale d’Haïti », a plaidé Mme Salvador, pour qui un retard supplémentaire dans la résolution de l’insécurité sans précédent en Haïti pourrait également entraîner un « débordement » dans la région.  À ses yeux, le soutien décisif du Conseil de sécurité demeure crucial pour assurer la sécurité, l’état de droit, la stabilité et la paix en Haïti.

Mme GHADA FATHI WALY, Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a d’abord évoqué la dégradation de la crise sécuritaire qui paralyse Haïti.  Depuis sa dernière intervention devant le Conseil en septembre, le non-respect de la loi, l’escalade de la violence et l’ampleur des activités criminelles organisées ont continué à alimenter la crise et n’ont apporté aucun répit au peuple haïtien, a déploré Mme Waly.  Cette situation a progressivement contribué à l’aggravation de la crise et à l’affaiblissement des efforts déployés au niveau national en faveur de la paix et de la sécurité. 

La dirigeante de l’ONUDC a jugé plus inquiétantes encore les nouvelles dynamiques des groupes agissant hors de Port-au-Prince, qui sont directement impliqués dans le trafic d’armes de plus en plus sophistiquées et cherchent à enrôler de nouvelles recrues dans les camps des populations déplacées.  Mme Waly a rappelé que, le mois dernier, l’ONUDC a publié une évaluation intitulée « Marchés criminels d’Haïti: cartographie des tendances en matière d’armes à feu et de trafic de drogue », qui a été présentée lors de la première réunion du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2653 (2022) concernant HaïtiL’évaluation dresse un tableau alarmant, a-t-elle indiqué. 

Mme Waly s’est également plainte des sérieuses limitations en termes de capacités de contrôle maritime, de personnel et d’équipement, ainsi que d’un manque d’infrastructures de surveillance des frontières et de patrouille, qui limitent les efforts visant à stopper l’afflux de ces armes, ce qui permet à la violence liée aux gangs d’atteindre des niveaux sans précédent. 

La situation sécuritaire désastreuse dépasse les capacités déjà limitées de la Police nationale, des douanes, des patrouilles frontalières et des garde-côtes d’Haïti, a jugé Mme Waly.  Elle a reconnu que le pays mène sa réponse sécuritaire du mieux qu’il peut, mais avec un coût humain important.  Les taux d’homicide montent en flèche, tandis que de plus en plus de policiers sont pris pour cible et tués dans l’exercice de leurs fonctions par des gangs.

Parallèlement, les difficultés rencontrées par Haïti en matière d’application de la loi et de contrôle des frontières en font une plaque tournante attrayante pour les trafiquants de drogue, a alerté la Directrice exécutive de l’ONUDC.  Haïti sert de pays de transbordement pour les drogues, principalement la cocaïne et le cannabis, qui arrivent par des ports publics, privés et informels ainsi que par des pistes d’atterrissage clandestines, et qui sont principalement expédiées vers les États-Unis, la République dominicaine et l’Europe de l’Ouest.  Alors que les marchés des drogues illicites se développent dans le monde entier et que l’offre et la demande mondiales de cocaïne atteignent des sommets, la menace du trafic en tant que facteur de déstabilisation en Haïti ne fait que croître. 

Ces réalités compromettent les perspectives du processus politique, sans parler des conséquences catastrophiques sur les efforts déployés pour lutter contre la faim aiguë et l’accès aux services essentiels, a encore déploré Mme Waly.  En conclusion, elle a appelé la communauté internationale et les partenaires investis à développer et soutenir, de toute urgence, des actions globales à grande échelle pour aider à l’application de la loi et à la gestion des frontières, afin de prévenir les flux illicites et de contribuer à stabiliser la situation. 

M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a salué la nomination de M. William O’Neil comme Expert indépendant sur la situation des droits humains en Haïti, jugeant essentiel de faire rapport de la situation des droits de l’homme en mettant un accent sur le bien-être des femmes et des enfants.  Le représentant s’est ensuite dit préoccupé du fait que les écoles sont devenues de véritables réseaux sur lesquels les gangs ont la main, annihilant ainsi toutes les perspectives de prospérité et exposant les femmes et les filles à la violence sexuelle.  C’est inacceptable, a-t-il insisté, avant de condamner également les assassinats de policiers haïtiens. 

Pour les États-Unis, la stabilité politique est une condition préalable au retour de la paix et de la stabilité dans le pays.  Depuis décembre 2022, date de signature de l’accord de consensus national, des évolutions positives ont été constatées, a affirmé le représentant, qui a cité la nomination des membres au Conseil de transition ainsi que à la Cour de cassation.  Les acteurs politiques se doivent de tout mettre en œuvre pour pouvoir mettre sur pied un conseil électoral provisoire afin de ramener une certaine stabilité politique dans le pays, a-t-il ajouté. 

Il faut faire davantage pour aider le peuple haïtien, a demandé le représentant.  À cette fin, les États-Unis se sont engagés à débloquer plus près de 9 millions de dollars pour aider la Police nationale et 2,7 millions de dollars pour des interventions humanitaires au cours des six derniers mois.  Le représentant a annoncé l’intention de son gouvernement de débloquer 56 millions de dollars supplémentaires à l’aide humanitaire et 1 million de tonnes d’équipements d’assainissement de l’eau et de matériel d’hygiène, mais aussi d’équipements destinés aux travailleurs de la santé pour venir en aide aux patients souffrant du choléra. 

Notant l’appel à l’aide du Gouvernement et du peuple haïtien à la communauté internationale et à sortir de cette situation sécuritaire intolérable, le représentant a, enfin, estimé que le Conseil de sécurité devait imposer des sanctions supplémentaires contre ceux qui financent et qui encouragent la violence et l’instabilité dans le pays. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a constaté que la crise sécuritaire en Haïti dépasse les capacités logistiques et institutionnelles du BINUH.  Il a cependant estimé que le travail du Bureau intégré continue d’être crucial dans les efforts visant à promouvoir la stabilité politique et la bonne gouvernance, la promotion et la protection des droits humains, l’accompagnement et le soutien au dialogue haïtien. 

Pour l’Équateur, le Conseil de sécurité doit encourager le renforcement de l’accord de consensus national du 21 décembre et sa consolidation par le biais d’une participation plus inclusive de tous les acteurs et secteurs haïtiens.  Cela favorisera le renforcement de l’état de droit et des institutions, y compris dans le secteur de la justice, en vue de faire progresser la responsabilisation et la transition démocratique en vue d’élections en février 2024, a estimé le représentant. 

Mais, pour atteindre cet objectif, il est indispensable de rétablir la sécurité, a ajouté le représentant, qui a rappelé qu’il y a maintenant six mois que le Secrétaire général a recommandé le déploiement d’une force multinationale spécialisée d’appui à la Police nationale d’Haïti.  « Le peuple haïtien attend toujours », a-t-il constaté, avant d’appeler à passer des réflexions aux actes.  « Combien d’Haïtiens doivent encore mourir? » s’est-il interrogé. Si nous ne sommes pas capables de contribuer à surmonter l’état de violence et de cruauté en Haïti généré par les gangs, « comment pouvons-nous aspirer à résoudre des conflits beaucoup plus vastes dans le monde »?

Saluant par ailleurs le leadership du Gabon à la présidence du Comité des sanctions concernant Haïti, le représentant s’est dit préoccupé par le contenu du rapport de l’ONUDC sur les marchés criminels en Haïti et la cartographie du trafic de drogue et d’armes à feu.  Il a souhaité que le Conseil de sécurité soutienne les efforts visant à contrôler les frontières et les ports, ainsi que la lutte contre le trafic illicite d’armes et de munitions. 

Le représentant s’est enfin alarmé des projections contenues dans le rapport de suivi de la sécurité alimentaire de la FAO et du PAM pour ce mois-ci, selon lesquelles, d’ici à juin 2023, 4,9 millions de personnes pourraient être touchées par l’insécurité alimentaire aiguë, c’est-à-dire moitié de la population haïtienne. Il a appelé le Conseil de sécurité à envoyer un signal d’unité et de détermination pour assurer un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave, ainsi que la sécurité et la protection du personnel humanitaire. 

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), s’est dit très préoccupé par le fait que la violence en Haïti n’épargne pas les enfants qui sont, avec les femmes, des victimes privilégiées des gangs et que ces derniers s’en prennent directement à la police et n’hésitent pas à utiliser écoles et établissements de santé comme base arrière pour mener leurs opérations mafieuses.  Rappelant les chiffres, il a parlé d’un niveau de violence encore jamais vu dans le pays, ajoutant que la pression exercée par les gangs sur la police révèle un rapport de force déséquilibré en faveur des gangs, qui sont plus lourdement armés et qui violent tous les droits humains.

Pour les A3, l’insécurité est le défi prioritaire à relever pour restaurer la capacité de Haïti à reprendre en main son destin.  Ils saluent toutes les initiatives concourant à renforcer les capacités matérielles, techniques et humaines de la police haïtienne et appellent les pays donateurs à accroître leur contribution au fonds destiné à sa professionnalisation, qui n’est abondé qu’à hauteur de 14,9 millions de dollars sur les 28 millions attendus.

La stabilisation de l’épidémie de choléra est apparue au représentant comme un répit dans un contexte alarmant marqué par la montée des besoins humanitaires, qui se trouvent à la confluence de facteurs multiples, dont une pauvreté et une précarité endémiques, des déplacements massifs de personnes mais aussi des rapatriements forcés.  Cette situation doit très vite être stabilisée pour permettre de sortir 4,9 millions de Haïtiens de l’insécurité alimentaire aiguë et scolariser plus de 200 000 enfants en rupture de scolarité vivant dans les zones contrôlées par les gangs, a-t-il averti.

Les A3 ont dit avoir foi dans le rôle important que peut jouer la Communauté des Caraïbes (CARICOM) pour accompagner Haïti dans cette saison douloureuse de son histoire, a conclu le représentant, qui a encouragé les pays de la région à renforcer leur solidarité envers un pays « que nous, Africains, considérons comme une part entière de la sixième région de l’Afrique ».

M. GENG SHUANG (Chine) a constaté que le peuple haïtien est plongé dans le plus grand désespoir par une situation profondément préoccupante.  Le représentant a salué l’instauration du Haut Conseil de transition après la signature de l’accord sur la transition politique.  Néanmoins, a-t-il ajouté, le processus de transition politique ne bénéficie toujours pas d’un large soutien.  Il faut sortir de cette impasse en créant les conditions d’élection justes et transparentes dès que possible.  Le BINUH doit faciliter un dialogue entre les groupes politiques en Haïti pour permettre un consensus autour de la transition et pour progresser dans le cadre du processus politique qui devrait être approprié par les Haïtiens. 

Le représentant a appelé à infléchir l’augmentation de la violence armée et de la criminalité, ajoutant qu’il fallait tarir les sources d’approvisionnement en armements, y compris depuis les États-Unis.  Si ces sources ne sont pas contrôlées, elles continueront à alimenter les comportements violents et armés et alimenteront l’insécurité et l’instabilité.  Il faut aussi appliquer la résolution 2653 (2022) sur les sanctions et l’embargo sur les armes qui visent les bandes armées haïtiennes, mettre à jour la liste des sanctions dès que possible, affiner ces mesures et faire en sorte qu’il existe un suivi de leur mise en œuvre.

La Chine est favorable à un rôle plus important des pays de la région, qui doivent travailler en synergie avec les agences onusiennes pour améliorer la situation sur le terrain.  Ce problème complexe n’a pas de solution simple, a averti le représentant, qui a assuré que la Chine continuera à soutenir la population d’Haïti pour trouver une solution efficace aux fléaux auxquels elle est confrontée et pour alléger ses souffrances. 

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) s’est alarmé de la détérioration continue de la sécurité et des violations flagrantes des droits humains auxquelles les Haïtiens sont confrontés quotidiennement.  Il a notamment condamné le recours systématique à la violence sexuelle par les gangs, ainsi que le ciblage des enfants et le recrutement de mineurs.  Se disant convaincu que la répression de la violence des gangs, voire leur désarmement, permettrait de favoriser les efforts de reconstruction des structures étatiques et du maintien de la paix, le représentant a indiqué que la Suisse maintenait sa présence dans différentes régions d’Haïti et entendait fournir une aide humanitaire en ces temps difficiles.  Pour lui, il est urgent de réduire de manière durable l’insécurité alimentaire, qui s’est aggravée ces deux dernières années.  C’est pourquoi, a-t-il précisé, la Suisse a augmenté son financement pour le Programme alimentaire mondial (PAM) et encourage les organisations humanitaires et de développement à continuer de fournir l’aide nécessaire. 

À cet égard, le représentant s’est déclaré préoccupé par les attaques continues des gangs contre le personnel médical et les infrastructures critiques, les enseignants et les acteurs humanitaires, avant d’appuyer l’appel lancé par le Secrétaire général pour leur protection.  Par ailleurs, après s’être félicité des quelques progrès accomplis au niveau politique, il a estimé que le renforcement du système judiciaire devait être accéléré sans délai.  L’impunité et la corruption doivent être combattues pour lutter efficacement contre l’autonomie et l’indépendance croissantes des gangs et pour briser le cycle de la violence.  Dans ce contexte, a-t-il conclu, la communauté internationale doit rester aux côtés des Haïtiens pour répondre à leurs besoins, les soutenir dans la recherche d’un consensus permettant de sortir de la crise politique et créer les conditions propices à des élections sûres et libres. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a jugé impératif pour Haïti de rétablir l’ordre public et de lutter contre la corruption et l’impunité des bandes armées, rejetant les méthodes brutales -extorsions, enlèvements et trafic de drogue- des gangs qui étouffent la capitale et le pays.  L’Albanie rejette l’idée que ces gangs existent de manière isolée et demande que tous ceux qui sont responsables de la propagation et du financement de la violence des gangs aient à rendre des comptes, y compris ceux qui, au sein de l’élite haïtienne, les utilisent ou en profitent.  Haïti ne peut pas aller de l’avant dans un contexte d’illégalité et de manque de légitimité de ses principales institutions, a ajouté le représentant, qui a souhaité davantage de sanctions pour traquer les chefs de gangs, les trafiquants d’armes et ceux qui profitent du chaos.

L’expérience montre que les forces de police haïtiennes, en sous-effectif, sous-payées et sous-équipées, ne sont pas en mesure de prendre le dessus, a déploré le représentant pour qui, plus cette situation durera, plus les gangs deviendront puissants et pourront dicter leurs conditions et se faire une place dans les sphères politiques et financières du pays.  C’est pourquoi l’Albanie soutient le projet de déploiement d’une force armée internationale spécialisée, préconisée par le Secrétaire général et le Premier Ministre haïtien.  Le représentant y a vu la seule réponse adéquate à la demande légitime d’assistance internationale du peuple haïtien. 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a estimé que la liste des exactions en Haïti ne peut laisser personne indifférente.  La priorité absolue doit être de rétablir la sécurité et de soutenir beaucoup plus efficacement la Police nationale haïtienne, qui a besoin d’équipements, de financement et de formation, a estimé la représentante.  La France est prête, avec ses partenaires, à faire davantage afin de redresser la situation sur le terrain.  Pour leur part, les Nations Unies doivent davantage appuyer Haïti sur le plan sécuritaire, via l’action du BINUH.  La représentante a demandé au Conseil d’adopter ses premières sanctions contre les criminels qui déstabilisent ce pays et a dit attendre les propositions du panel d’experts en ce sens. 

Mais les sanctions seules ne résoudront rien, a mis en garde Mme Broadhurst Estival, qui a appelé à reconstruire la justice en Haïti.  La lutte contre l’impunité doit être une priorité si l’on souhaite mettre fin à la violence, a-t-elle fait valoir, jugeant positive la nomination des membres de la Cour de cassation.

La France continuera d’encourager les acteurs haïtiens à poursuivre un dialogue inclusif saluant les efforts fournis afin d’encourager une participation plus large à l’accord de consensus national, ainsi que l’installation du Haut Conseil de transition.  L’objectif demeure l’organisation d’élections démocratiques lorsque les conditions sécuritaires seront réunies, a précisé la représentante, qui a exhorté les acteurs politiques haïtiens à trouver un accord le plus large possible en vue de la nomination rapide d’un conseil électoral provisoire.  Elle a en outre annoncé qu’en 2023, l’aide humanitaire française avait déjà atteint 9 millions d’euros et que le pays travaillait à mobiliser des ressources supplémentaires.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a déploré l’escalade de la violence des gangs en Haïti et l’échec des autorités de l’État à organiser une réponse adéquate. Il a constaté qu’en raison de cette situation « consternante », le pays fait face à des niveaux élevés de déplacements internes, à une forte augmentation de l’insécurité alimentaire et à un accès limité aux services essentiels. Pour le Brésil, l’impasse politique actuelle, associée aux crises humanitaires et sécuritaires, a créé un « cercle vicieux » en Haïti, dans lequel « une crise renforce l’autre ».

Une percée dans le dialogue politique entre le Gouvernement et l’opposition est donc essentielle, a souligné le représentant, qui a déploré le manque de représentants gouvernementaux démocratiquement élus.  Ne pas remédier à ce vide de légitimité pourrait potentiellement plonger la nation dans une crise plus grave aux conséquences imprévisibles, a-t-il averti. Il a néanmoins salué l’initiative lancée le 21 décembre pour construire un consensus national pour une transition inclusive et des élections transparentes, observant que, depuis lors, certaines mesures positives ont été prises pour mettre en œuvre l’accord, telles que l’investiture du Haut Conseil de transition et la récente nomination de juges pour pourvoir les sièges vacants à la Cour de cassation.  Il a encouragé l’intensification des efforts visant à assurer un dialogue politique national large et inclusif afin que la normalité institutionnelle puisse être rétablie et que des élections soient organisées. 

Le représentant a cependant jugé nécessaire de contrôler les activités des gangs, afin de créer les conditions permettant l’organisation d’élections crédibles.  Il lui importe également de veiller à ce que les groupes politiques et économiques n’exploitent pas la crise humanitaire pour leurs propres intérêts.  Il a souhaité à cet égard que le régime de sanctions adopté en octobre dernier contribue à rompre le lien entre le pouvoir politique et économique et les gangs haïtiens. Il a donc appelé le Comité des sanctions à poursuivre ses délibérations pour imposer des sanctions avec le plein appui de la communauté internationale.  Enfin, le représentant a exhorté la communauté internationale à redoubler d’efforts pour favoriser le développement économique et social d’Haïti et l’empêcher ainsi de retomber dans la violence. 

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a suggéré que le Conseil mette à jour dès que possible la liste des personnes désignées pour faire l’objet de sanctions individuelles au titre de la résolution 2653 (2022), et veille à la pleine mise en œuvre de ces mesures.  Faisant part de sa profonde préoccupation face à la crise politique en Haïti, la représentante a exhorté les autorités haïtiennes à s’engager avec les groupes de la société civile pour construire le consensus le plus large possible sur une feuille de route pour aboutir à des élections libres et équitables. Pour Malte, il devrait s’agir d’un processus politique dirigé et pris en charge par les Haïtiens avec la participation pleine, égale et significative des femmes et des jeunes.  Cela nécessitera un investissement continu dans le renforcement des capacités des femmes et des jeunes leaders, a recommandé la représentante. 

La communauté internationale doit avoir pour priorité de renforcer le système judiciaire haïtien afin de lutter contre la corruption et l’impunité qui alimentent le cycle de la violence et de l’insécurité, a poursuivi la représentante, qui a estimé que les responsables de la poursuite de cette crise devront rendre des comptes. 

M. SUOOD RASHED ALI ALWALI ALMAZROUEI (Émirats arabes unis) a estimé que, pour aborder les crises à multiples facettes en Haïti, plusieurs plans étaient nécessaires, qui doivent inclure toutes les parties prenantes.  La priorité doit rester le renforcement des capacités de la Police nationale à effectuer son travail.  Il faut prendre des mesures pour lutter contre la corruption et le trafic illicite d’armes et les flux financiers illicites. 

En outre, il faut régler la situation humanitaire et lutter contre le recrutement des enfants et la fermeture des écoles, a poursuivi le représentant, pour qui les femmes et les jeunes doivent avoir voix au chapitre concernant l’avenir de leur pays. 

Se disant préoccupé par l’impunité dont jouissent les auteurs de crimes graves tels que la violence fondée sur le genre, le représentant a aussi appelé à faire en sorte que les institutions de l’État regagnent la confiance de la population. Il a enfin appelé à mieux financer les besoins humanitaires du pays. 

Mme SHINO MITSUKO (Japon) a jugé alarmante la détérioration de la situation sécuritaire au vu de l’augmentation rapide du nombre de cas d’enlèvements et de crimes violents.  Elle a déploré que des femmes et des enfants soient victimes de crimes graves, notamment de violences sexuelles et de recrutement forcé.  Soulignant la nécessité de protéger les droits les plus fondamentaux de la population, tels que la vie, l’eau, l’alimentation et la santé, ainsi que de respecter l’état de droit, la représentante a appelé au renforcement des capacités de la Police nationale d’Haïti et pris note de l’initiative prise par le Gouvernement pour se procurer les équipements nécessaires. 

Pour la représentante, bien que la responsabilité principale de la stabilité incombe à l’autorité haïtienne, les initiatives régionales et internationales devraient renforcer les efforts nationaux.  Dans ce cadre, le Japon continuera d’appuyer des initiatives telles que le fonds commun du Programme des Nations Unies pour le développement pour renforcer la Police nationale d’Haïti, a-t-elle indiqué, saluant également l’engagement continu de groupes régionaux comme l’Organisation des États américains (OEA) et la Communauté des Caraïbes (CARICOM). 

La représentante a d’autre part insisté sur le rôle des sanctions ciblées dans la lutte contre l’insécurité en Haïti.  Elle a indiqué, à ce sujet, que le Japon participera de manière constructive à la discussion visant à renforcer et à élargir les sanctions contre ceux qui se livrent à des activités criminelles et à la violence, sur la base des demandes d’inscription et par l’intermédiaire du Groupe d’experts. 

La représentante a enfin estimé que la sécurité devait aller de pair avec la résolution des crises politiques, y compris la tenue d’élections libres, justes et transparentes et la mise en place d’un système judiciaire responsable et efficace.  Après s’être félicitée des progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’accord du 21 décembre, elle a exhorté les acteurs politiques et toutes les parties prenantes à participer à sa mise en œuvre et à progresser par la voie du dialogue. 

M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) s’est dit est profondément préoccupé par la détérioration de la sécurité au cours du dernier trimestre, illustrée par une augmentation de 21% des homicides et de 63% des enlèvements.  Les cas de viols collectifs et d’autres formes de violence sexuelle perpétrés par des gangs dans le but de semer la peur dans les communautés sont très répandus.  Le recrutement d’enfants dans les gangs, les tirs aveugles de snipers dans les zones civiles et la forte insécurité alimentaire ont contribué à ce « cauchemar vivant », a déploré le représentant.  Jugeant effroyable que le peuple haïtien, en particulier les femmes et les enfants, continue de vivre cette horreur au quotidien, il a apporté le ferme soutien du Royaume-Uni à la nomination d’un expert en droits de l’homme en Haïti au début de ce mois.

Le représentant a encouragé les partenaires internationaux à collaborer pour soutenir les efforts déployés par les Haïtiens afin de s’attaquer aux causes sous-jacentes de la violence des gangs.  Il a enfin jugé nécessaire de répondre à la demande d’aide internationale supplémentaire formulée par Haïti.

Pour M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération du Russie), ce qui se passe aujourd’hui en Haïti est une véritable catastrophe humanitaire, socioéconomique et politique. Ni les Haïtiens ni la communauté internationale n’ont une conception claire de la manière de résoudre les problèmes du pays et de l’empêcher de tomber dans l’abîme, a ajouté le représentant, pour qui le Conseil de sécurité doit accorder la priorité aux questions politiques et de sécurité.  Il a regretté que le « soi-disant consensus national » censé restaurer un gouvernement légitime et stable, n’ait fait, après quatre mois, que peu de progrès réels pour assurer la transition politique et les préparatifs pour la tenue des élections.  Il s’est aussi étonné de l’absence de résultats de l’enquête sur l’assassinat du Président Jovenel Moïse, il y a deux ans, estimant que ce silence ne faisait qu’accroître la défiance du public envers les autorités.  L’extradition de suspects vers les États-Unis annihile tout espoir d’un processus judiciaire indépendant, a-t-il estimé. 

Les solutions qui ne reflètent pas les réalités locales ne doivent pas être imposées aux Haïtiens, a prévenu le représentant, qui a dénoncé les tentatives d’ingérence dans le processus politique en Haïti en utilisant l’instrument des sanctions unilatérales.  Pour M. Nebenzia, la crise haïtienne est en grande partie le résultat d’une « ingénierie politique externe et de politiques néocoloniales ».  De telles approches ne remédieront certainement pas à la situation, a-t-il averti. 

Pour le représentant, la crise institutionnelle et la violence des gangs en Haïti sont les deux faces d’une même pièce.  Appelant à régler la question de la collusion des cercles politiques et économiques du pays avec les gangs criminels, il a invité le Groupe d’experts du Comité des sanctions du Conseil de sécurité à faire son travail à cet égard. 

M. Nebenzia a également constaté que, face au flux illégal d’armes en provenance de l’étranger, les autorités avaient perdu le contrôle des ports et des points de passage transfrontaliers, librement utilisés par les criminels.  Le représentant a fait observer que la part du lion des armes entrant dans l’île provient des États-Unis, avant de s’inquiéter de l’utilisation croissante d’Haïti comme plaque tournante du trafic de drogues d’Amérique latine et des Caraïbes vers les États-Unis.  Ces trafics sont impossibles sans la participation des partenaires américains des gangs haïtiens, a-t-il estimé.  C’est là qu’il faut intervenir pour « couper les ailes » du crime organisé en Haïti, a suggéré le représentant. 

M. JEAN VICTOR GENEUS, Ministre des affaires étrangères et des cultes d’Haïti, a fait état d’une détérioration considérable de la situation sécuritaire de son pays ces dernières 48 heures.  Les scènes « épouvantables » de violence enregistrées dans les rues de la capitale Port-au-Prince traduisent, selon lui, « la colère extrême d’un peuple qui ne veut plus accepter de subir passivement la violence des gangs ». Face à ce « spectre effrayant », il a appelé à « agir vite avant qu’il ne soit trop tard ». 

Le Ministre a rappelé que son gouvernement a fait sien l’appel du Secrétaire général en faveur du déploiement urgent d’une force armée spécialisée internationale.  Associé au soutien stratégique et consultatif du BINUH pour renforcer les capacités de la police, le déploiement d’une telle force reste essentiel pour aider les autorités nationales à endiguer la violence et les violations des droits humains, à rétablir l’état de droit et à créer des conditions propices à la tenue d’élections crédibles, a-t-il plaidé. 

Dénonçant les différentes exactions qui constituent le « mode opératoire » des gangs criminels dans le pays, le Ministre a averti que ces actes terrifiants affectent également les États voisins et ceux de la région, notamment sur le plan migratoire.  « Haïti est en danger et a besoin de l’aide d’urgence de la grande famille des Nations Unies pour sortir de cette zone de turbulence », a-t-il ajouté, affirmant attendre la concrétisation des promesses de coopération faites au Gouvernement haïtien.  Aussi importantes soient-elles, elles ne suffiront toutefois pas à répondre à la réalité actuelle, a prévenu M. Généus, pour qui l’emploi de la force, comme « première étape », est indispensable pour vaincre les gangs et rétablir l’ordre. 

L’utilisation de cette « violence légitime » ne suffira pourtant pas, à elle seule, à résoudre le problème, a poursuivi le Ministre, qui a appelé à prendre en compte le développement socioéconomique pour s’attaquer durablement à l’extrême pauvreté, « source de tous les maux ».  Il a expliqué cette dernière par un « lourd héritage » résultant d’un ensemble complexe de facteurs socioéconomiques et politiques, sans oublier les épidémies et les catastrophes naturelles.  Alors que l’économie nationale s’est contractée tout au long des cinq dernières années, avec un taux de croissance négatif et une inflation incontrôlable, 4,9 millions de personnes se trouvent aujourd’hui dans l’insécurité alimentaire qui a atteint un niveau record, a-t-il alerté.

M. Généus a noté que le fonctionnement normal des institutions démocratiques était une condition indispensable pour sortir du marasme.  Il a affirmé que le Premier Ministre Daniel Henry entendait avancer « inexorablement » vers le processus de normalisation de la vie politique malgré l’énorme défi sécuritaire.  Il a fait valoir que, conformément à l’accord du 21 décembre 2022 pour un consensus national, le Haut Conseil de transition avait été constitué, la Cour de cassation complétée et le cap mis sur la formation du conseil électoral provisoire, organisme indépendant chargé de la réalisation des élections. 

Évoquant ensuite le régime de sanctions établi par la résolution 2653 (2022), le Ministre a félicité le Comité des sanctions pour le travail déjà accompli et a encouragé le Groupe d’experts à accélérer ses travaux afin de parvenir rapidement à la publication de la liste de tous ceux qui alimentent l’instabilité.  Il a également noté que les sanctions imposées par le Canada, les États-Unis et la République dominicaine commencent à produire des effets encourageants, même si les gangs semblent gagner en puissance. 

Mais, pour rétablir l’ordre public et répondre aux grands défis socioéconomiques, le Gouvernement haïtien mise d’abord sur une aide internationale robuste à la Police nationale d’Haïti, a réaffirmé M. Généus, qui a lancé un appel pressant à la coopération pour aider à la sécurisation du pays et l’accompagner financièrement, à moyen et long terme.

M. ROBERTO ÁLVAREZ GIL, Ministre des affaires étrangères de la République dominicaine, a décrit une situation intenable qui touche non seulement Haïti, mais aussi son pays, se disant étonné qu’aussi catastrophique soit-elle, cette situation n’ait pas encore réussi à émouvoir ou à sensibiliser ceux qui doivent prendre les décisions finales en faveur des Haïtiens.  Il a notamment dit ne pas comprendre pourquoi il a fallu tant de temps à cet organe vital qu’est le Conseil pour faire le nécessaire et fournir l’aide demandée par Haïti, alors que d’autres pays en crise ont pu bénéficier d’initiatives pour lesquelles l’aide internationale n’a pas eu à emprunter un chemin « aussi sinueux ».  Les pays sont aidés en fonction d’une géométrie variable, a-t-il tranché.

Le Ministre a critiqué l’insuffisance des réponses apportées pour aider le peuple haïtien à retrouver un minimum de normalité.  Dans ce long calvaire, la situation humanitaire s’aggrave à tel point que, selon le dernier rapport du Programme alimentaire mondial (PAM), durant la période allant de mars à juillet prochain, près de 18 millions de personnes risquent de se trouver dans une situation d’insécurité alimentaire, a-t-il rappelé.  Dès lors, s’est-il interrogé, comment rester témoin passif d’une situation humanitaire aussi scandaleuse, où les plus vulnérables, les enfants et les femmes, sont les plus touchés.  Il s’est demandé ce que devaient faire de plus les autorités haïtiennes en termes d’appel à l’aide pour faire face aux bandes criminelles, qui sont les principales responsables de ce désastre humanitaire aujourd’hui.

Le Ministre a fait valoir l’importance du travail du Comité des sanctions créé par la résolution 2653 (2022) concernant Haïti, qui a récemment commencé ses travaux. Ces efforts contribueront sans aucun doute à établir les responsabilités et, espérons-le, à imposer des sanctions efficaces, a-t-il ajouté.  Il a fait observer que son gouvernement avait imposé des interdictions d’entrée à un certain nombre de ressortissants haïtiens afin de sauvegarder sa sécurité et son intégrité territoriale, et soutenir ainsi les efforts du Conseil de sécurité. Il a aussi salué la récente résolution adoptée par le Conseil des droits de l’homme, approuvant la nomination d’un expert indépendant en matière de droits de l’homme pour Haïti.

D’autres mesures sont nécessaires pour mettre un terme définitif à l’insécurité, dont on sait où elle se trouve et comment elle opère, a poursuivi le Ministre, qui a réitéré son appel urgent aux membres du Conseil pour qu’ils prennent toutes les mesures appropriées pour empêcher les flux d’armes et de munitions vers Haïti. 

Si la souveraineté d’un État implique l’obligation de protéger son propre peuple, le Ministre a rappelé qu’en cas de défaillance de celui-ci, cette responsabilité passait à la communauté internationale.  Dans le cas d’Haïti, les autorités haïtiennes ont demandé à plusieurs reprises une force spéciale pour soutenir la Police nationale en proie à des épisodes tragiques qui se répètent sans cesse, a-t-il rappelé.  Alors que la situation à Port-au-Prince est comparable à celle d’un conflit armé interne, toute inaction de la part du Conseil de sécurité équivaudrait à une abdication de sa responsabilité, a conclu le Ministre. 

Au nom des 22 membres du Groupe consultatif ad hoc du Conseil économique et social (ECOSOC) sur Haïti, M. ROBERT KEITH RAE (Canada) a expliqué que ces pays s’étaient engagés à accompagner le développement socioéconomique à long terme d’Haïti.  Le Groupe consultatif a mis l’accent sur l’importance du rétablissement de la sécurité pour aider à soulager les souffrances des Haïtiens, permettre aux gens de quitter leur domicile en toute sécurité et renforcer la confiance des investisseurs dans le pays. 

Il faut freiner le flux d’armes et de munitions, renforcer la Police nationale d’Haïti et l’état de droit, protéger les droits humains et réduire la violence communautaire, a déclaré le représentant.  Le Groupe consultatif encourage le dialogue politique national inclusif afin de tracer la voie à suivre pour remettre le pays sur la voie de la stabilité et du développement durable, notamment par la tenue d’élections crédibles, libres, justes et transparentes.  La communauté internationale doit agir rapidement pour répondre aux besoins humanitaires immédiats des Haïtiens tout en investissant dans le développement durable du pays pour accroître sa résilience aux chocs futurs, a encore suggéré le représentant.

Pour le Groupe consultatif, des mesures doivent être prises d’urgence pour répondre aux besoins alimentaires d’urgence des Haïtiens, tout en fournissant une aide d’urgence aux moyens de subsistance pour construire un environnement plus résilient et un système alimentaire productif.  Les mesures pour rétablir la sécurité doivent s’accompagner d’efforts pour s’attaquer aux causes de la violence dans le pays en particulier l’extrême pauvreté, la corruption, l’impunité et la collusion entre les sphères politique et économique.  Les sanctions sont un outil important pour aider à briser le pouvoir des gangs armés et le Groupe consultatif encourage les travaux du Comité d’experts et du Comité des sanctions mis en place par la résolution 2653 (2022).  Les solutions à cette crise doivent être trouvées par les Haïtiens eux-mêmes, a conclu le représentant.

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