9307e séance – matin
CS/15262

Conseil de sécurité: l’Envoyé spécial pour les Grands Lacs appelle à soutenir les initiatives de paix régionales pour éviter « l’escalade vers la guerre »

Venu présenter, ce matin, au Conseil de sécurité, le dernier rapport semestriel du Secrétaire général sur la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région, l’Envoyé spécial pour la région des Grands Lacs a appelé à profiter de la « fragile accalmie » observée dans l’est de la RDC pour soutenir plus activement les initiatives de paix régionales et ainsi éviter « l’escalade vers la guerre ». 

Constatant que, ces dernières semaines, « les jours se succèdent sans affrontements majeurs » dans l’est de la RDC, M. Huang Xia a indiqué que le cessez-le feu entre les forces armées du pays et le Mouvement du 23 mars (M23) « semble tenir ».  Parallèlement, le déploiement de la Force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) se poursuit et les échanges « peu diplomatiques » entre la RDC et le Rwanda ont diminué, a-t-il relevé, sans cacher que la situation reste « contrastée ».  En effet, le retrait du M23 des localités occupées reste partiel, tandis que le désarmement et le cantonnement de ses combattants, prévus par la feuille de route de Luanda, se font attendre. 

Faute d’une solution politique négociée, le risque d’une reprise des combats est « réel », a alerté le haut fonctionnaire, selon lequel d’autres groupes armés locaux et étrangers, parmi lesquels les Forces démocratiques alliées (ADF), les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et la Résistance pour un État de droit au Burundi (RED-Tabara), continuent de semer la terreur et d’alimenter l’instabilité, sur fond de tensions persistantes entre Kinshasa et Kigali. Cela a des conséquences sociales et humanitaires « désastreuses », a-t-il ajouté, précisant que 600 000 personnes sont déplacées dans la seule province du Nord-Kivu et que plus de 38 000 Congolais sont devenus réfugiés entre octobre et février.

Dans ce contexte, M. Xia a exhorté le Conseil de sécurité et l’ensemble des partenaires de la région à profiter de la « petite fenêtre d’opportunités ouverte en ce moment » pour favoriser une réelle baisse des tensions et encourager la mise en œuvre intégrale de l’Accord-cadre.  Mais l’urgence est d’abord d’éviter « l’escalade vers la guerre », a-t-il dit, avant d’appeler à soutenir plus fortement les initiatives de paix régionales: le processus de Luanda, qui vise au rétablissement d’une relation apaisée entre la RDC et le Rwanda, et le processus de Nairobi, mené par la CAE, qui combine consultations politiques et efforts militaires. 

Alors que, le 6 mai prochain, doit se tenir la onzième réunion de haut niveau du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre, à Bujumbura, au Burundi, l’Envoyé spécial a souhaité que ce sommet soit l’occasion de renforcer la coordination et l’harmonisation des processus régionaux pour mettre fin à la crise actuelle.  À l’instar notamment du Brésil et de l’Albanie, la France a émis l’espoir que ce sommet donnera une « nouvelle impulsion » aux efforts de paix, en complément des processus de Nairobi et de Luanda.  Selon elle, l’établissement d’un bureau conjoint des mécanismes de vérification devrait permettre de favoriser les synergies entre ces différents instruments.    

De son côté, le Burundi a indiqué que ce sommet aura pour objectif de rendre plus opérationnels les différents mécanismes de sécurisation de la paix mais aussi de mieux comprendre les implications de la « transnationalisation » des violences dans l’est de la RDC.  Il a dit en attendre des tentatives de solutions tenant compte de la porosité des frontières, de la circulation des armes et de la question des richesses naturelles.  Sur ce dernier point, soulevé également par une majorité de délégations, le Président de la Commission de consolidation de la paix, M. Ivan Šimonović, a appelé à assurer la mise en œuvre effective de l’Initiative régionale contre l’exploitation illégale des ressources naturelles.  S’exprimant au nom des trois membres africains du Conseil, le Ghana a lui aussi insisté sur l’urgence d’une réponse au pillage des ressources naturelles par les groupes armés, qui financent ainsi leurs activités criminelles, alors que les pays de la région pourraient tirer parti de ces richesses pour bâtir un « espace de prospérité partagée ».  Une préoccupation partagée par la Fédération de Russie, la Suisse et les Émirats arabes unis, ces derniers appelant à « assécher » cette source de financement illégale. 

Au-delà de l’appel unanime aux groupes armés pour qu’ils déposent les armes et cessent de s’en prendre aux populations civiles, de nombreuses délégations ont affiché leur inquiétude face aux tensions entre la RDC et le Rwanda, l’Albanie évoquant même un risque de « spirale aux conséquences irréversibles ».  Les États-Unis ont, eux, renvoyé les deux pays dos à dos, enjoignant à Kigali de retirer ses troupes et de ne plus soutenir le M23, et appelant la RDC à mettre fin à toute coopération avec des groupes armés, à poursuivre la réforme du secteur de la sécurité, à dénoncer les discours de haine et à tenir comptables de leurs actes les individus responsables d’incitation à la violence. 

La préoccupation majeure de la RDC, a répondu son représentant, est de stabiliser la situation sécuritaire dans l’est du pays en désarmant le M23 et d’autres groupes terroristes étrangers et « locaux d’inspiration étrangère », tels que les ADF, la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) et RED-Tabara.  Il a d’autre part assuré que, contrairement aux « accusations mensongères » selon lesquelles l’armée congolaise soutient le FDLR, ce groupe armé a été « décapité » par les forces de la RDC fin 2022 et ne constitue plus une menace militaire pour le Rwanda.  Kigali, a-t-il accusé, se sert aujourd’hui du « résidu FDLR » comme d’un prétexte pour agresser la RDC et piller « allègrement » ses ressources naturelles. 

Le représentant du Rwanda a réfuté cette explication en affirmant que les FDLR, groupe reconnu comme génocidaire par l’ONU, bénéficient « du soutien et du bouclier politique » que la RDC leur fournit, au mépris du régime de sanctions onusien.  Il a d’autre part reproché au Président de la RDC, M. Félix Tshisekedi, d’entraver les efforts de paix régionaux et continentaux par son refus de négocier avec le M23.  Si des pourparlers n’ont pas lieu une fois que le M23 aura achevé son retrait, les mécanismes de paix pourraient à nouveau tomber dans une impasse, avec pour conséquence une récurrence des atrocités, a-t-il mis en garde. 

LA SITUATION DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS S/2023/237

Déclarations

M. HUANG XIA, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, a fait état d’une « légère amélioration » de la situation régionale.  Sur le plan militaire, une accalmie fragile s’est installée dans l’est de la RDC et les jours se succèdent sans affrontements majeurs, a-t-il indiqué, précisant que le cessez-le-feu entre l’armée de la RDC et le Mouvement du 23 mars (M23) semble tenir.  Parallèlement, le déploiement de la Force régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) se poursuit et les échanges « peu diplomatiques » entre Kigali et Kinshasa ont diminué.  Toutefois, a nuancé M. Xia, le retrait du M23 des localités occupées reste partiel, tandis que le désarmement et le cantonnement de ses combattants, prévus par la feuille de route de Luanda, se font attendre.  De fait, a-t-il dit, une solution politique négociée tarde à se matérialiser et le risque d’une reprise des combats reste réel.  En effet, des groupes armés locaux et étrangers, parmi lesquels les Forces démocratiques alliées (ADF), les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et la Résistance pour un État de droit au Burundi (RED Tabara) continuent de semer la terreur et d’alimenter l’instabilité, ce qui a des conséquences sociales et humanitaires « désastreuses ». Dans ce contexte, 600 000 personnes sont déplacées dans la seule province du Nord-Kivu, plus de 38 000 Congolais sont devenus réfugiés entre octobre et février, et les tensions persistent entre le Rwanda et la RDC, a-t-il noté. 

De l’avis de l’Envoyé spécial, cette situation « contrastée » exige du Conseil de sécurité et de l’ensemble des partenaires de la région qu’ils renouvellent et renforcent les efforts déployés.  Il faut selon lui profiter de la « petite fenêtre d’opportunités ouverte en ce moment » pour favoriser une réelle baisse des tensions.  Il importe aussi d’encourager la mise en œuvre intégrale de tous les engagements pris au titre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité, et la coopération pour la RDC et la région, accord qui reste « plus que jamais pertinent », à condition de lui redonner toute sa vigueur. Dans l’immédiat, cependant, l’urgence est de mettre fin à la crise et d’éviter « l’escalade vers la guerre », a-t-il soutenu, avant d’appeler à soutenir plus fortement les initiatives de paix régionales, à savoir le processus de Luanda, qui vise au rétablissement d’une relation apaisée entre la RDC et le Rwanda, et le processus de Nairobi, mené par la CAE, qui combine consultations politiques et efforts militaires.  Ces deux initiatives « vitales » sont les deux pistes complémentaires vers la résolution de la crise actuelle, a assuré M. Xia. 

Une fois cette étape franchie, les pays de la région devront se pencher sur la mise en œuvre de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, a poursuivi l’Envoyé spécial, pour qui les discussions en cours sur sa revitalisation marquent une étape importante. Si un consensus existe sur le fait que cet accord est important pour la stabilisation de la région, un autre consensus émerge autour de la nécessité de le revitaliser, a-t-il relevé, notant que le Conseil de paix et sécurité de l’Union africaine (UA) l’a souligné le 17 février dernier.  À sa suite, le 29 mars, la Commission de l’UA a réuni les représentants des institutions garantes de l’Accord-cadre et a formulé des recommandations, puis les pays signataires ont eu un premier échange sur le sujet les 12 et 13 avril à Nairobi, a précisé M. Xia, qui a coprésidé cette réunion du Comité d’appui technique pour la mise en œuvre de l’Accord-cadre.  Rappelant que, le 6 mai prochain, aura lieu la onzième réunion de haut niveau du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre, à Bujumbura, au Burundi, il a souhaité que ce sommet soit l’occasion de renforcer la coordination et l’harmonisation des processus régionaux pour mettre fin à la crise actuelle.

L’Envoyé spécial a indiqué que, ces prochains mois, il poursuivra ses missions de bons offices et continuera de souligner l’impératif du dialogue et d’une solution politique. À cette fin, son bureau continuera d’appuyer l’organisation de la prochaine réunion de haut niveau du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre, prévue au Burundi, et poursuivra son soutien à la cellule opérationnelle sur les mesures non-militaires, qui vise à désarmer et rapatrier les combattants des groupes armés étrangers présents dans l’est de la RDC, tout en renforçant les capacités d’accueil et de réintégration dans les pays d’origine.  M. Xia prévoit également d’intensifier ses efforts pour la mise en œuvre de la Stratégie des Nations Unies pour la région des Grands Lacs et ses initiatives phares, en collaboration étroite avec toutes les institutions onusiennes engagées, ainsi qu’avec les partenaires internationaux.  « Plus que jamais, la région des Grands Lacs a besoin du Conseil de sécurité », a-t-il conclu. 

M. IVAN ŠIMONOVIĆ (Croatie), Président de la Commission de consolidation de la paix, a réitéré son appel à tous les groupes armés pour qu’ils déposent immédiatement leurs armes et cessent les hostilités.  Il a également appelé à soutenir fermement les initiatives de paix régionales, notamment le processus de Luanda dirigé par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et le processus de Nairobi conduit par la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE).  Il a jugé essentiel que tous les États concernés mettent en œuvre les engagements de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région, tout en renforçant les mesures de confiance afin de créer un climat propice au dialogue.  Appelant à un soutien international accru pour atténuer la situation humanitaire extrême dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), il a aussi souhaité que l’accent soit mis sur l’inclusion pour faire avancer les objectifs de consolidation de la paix aux niveaux local, national et régional.  Dans cet esprit, il a encouragé la poursuite des efforts destinés à renforcer le rôle des femmes dans les processus et structures politiques et de paix à tous les niveaux.  Il importe également, selon lui, d’inclure les jeunes dans les processus politiques et le développement socioéconomique. 

Le Président de la Commission de consolidation de la paix a d’autre part appuyé les efforts en faveur d’une gestion durable et transparente des ressources naturelles, conformément aux recommandations de l’atelier de Khartoum 2021 visant à assurer la mise en œuvre effective de l’Initiative régionale contre l’exploitation illégale des ressources naturelles.  Il a également exprimé son soutien aux accords existants qui favorisent l’intégration économique et financière régionale et contribuent au développement durable.  Jugeant crucial de s’attaquer aux causes profondes des conflits dans la région en vue de parvenir à une paix, une sécurité et un développement durables fondés sur l’appropriation nationale, il a appelé à redoubler d’efforts pour promouvoir la réconciliation, la responsabilité, la justice transitionnelle et la lutte contre l’impunité dans la région. 

Il a par ailleurs réaffirmé son soutien aux partenariats avec les organisations régionales et sous-régionales, notamment l’Union africaine (UA), la CIRGL, la CAE et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), avant d’appeler au financement adéquat des activités de consolidation de la paix dans la région, notamment en sollicitant la participation du secteur privé et en demandant aux institutions financières internationales et régionales d’accélérer leur soutien aux programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR).  Enfin, il a réitéré l’importance d’une approche stratégique et cohérente de la part des Nations Unies et des parties prenantes dans la région pour pérenniser les acquis de la consolidation de la paix, en particulier dans le contexte de la transition de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO). 

M. ALEXANDRE OLMEDO (France) a déclaré que les instruments de paix régionaux, dont l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, doivent être mis en œuvre et soutenus, rappelant trois principes cardinaux de cet instrument régional: ne pas soutenir les groupes armés; respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale des États voisins; et ne pas héberger ni fournir de protection aux personnes accusées de crimes internationaux.  Le prochain sommet du Mécanisme régional de suivi devra donner une nouvelle impulsion à cet égard, en complément des efforts engagés dans le cadre des processus de Nairobi et de Luanda, a souligné le représentant.  L’établissement d’un bureau conjoint des mécanismes de vérification permettra de favoriser leurs synergies et la cohérence des travaux, s’est-il félicité. 

Le représentant a ensuite appelé à répondre à la dégradation de la situation humanitaire et lutter contre les causes profondes des conflits.  Il a indiqué que la France a soutenu le pont aérien de l’Union européenne à destination de Goma depuis mars dernier et qu’elle apporte, en 2023, une aide humanitaire d’un montant de 34 millions d’euros, notamment à Goma et dans les environs.  Assurant que l’Union européenne restera un partenaire engagé dans la région des Grands Lacs, il a également rappelé qu’en février dernier, l’UE a adopté une stratégie renouvelée pour la région des Grands Lacs assortie de trois objectifs: la paix, la gestion durable des ressources naturelles et l’intégration régionale.  Parmi les autres volets de l’engagement européen, le représentant a mentionné la stratégie Global Gateway, qui vise notamment à renforcer les interconnexions entre les réseaux électriques et les efforts pour accroître l’approvisionnement en énergies renouvelables. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) s’est inquiété de la violence récurrente des groupes armés, de l’aggravation des crises de sécurité humaine et des tensions croissantes entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda. Il a appelé les pays signataires, y compris la RDC, et les garants, à renouveler leur engagement à mettre pleinement en œuvre l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région.  Les initiatives de paix régionales en cours, notamment le processus de Nairobi et le processus de Luanda, ont un rôle essentiel à jouer, a-t-il ajouté, exhortant l’ensemble des groupes armés à s’engager pleinement dans ces processus.  Toute tentative de soutenir des groupes armés incompatibles avec les initiatives régionales ne saurait être tolérée et les mesures militaires et non militaires devraient être bien coordonnées et alignées sur les efforts actuels de la MONUSCO, a-t-il dit. 

Le représentant a estimé que l’aide internationale doit continuer à se concentrer sur la création d’un environnement propice à la réussite des initiatives et de la coopération régionales, insistant en outre sur l’importance des mesures de confiance et du dialogue entre les parties prenantes.  À la lumière de la complexité des défis auxquels la région des Grands Lacs est confrontée, il a prôné une approche globale et transfrontalière fondée sur le lien entre l’humanitaire, le développement et la paix.  Notant que l’un des principaux piliers de la Stratégie des Nations Unies pour la consolidation de la paix et la prévention et le règlement des conflits dans la région des Grands Lacs consiste à prévenir l’exploitation illégale des ressources naturelles, qui reste l’un des moteurs des conflits, il a souligné l’importance du renforcement des contrôles aux frontières et de la coopération judiciaire. Le Fonds pour la consolidation de la paix est, de l’avis du délégué, bien adapté pour soutenir les projets transfrontaliers et devrait jouer un rôle de catalyseur pour promouvoir d’autres initiatives régionales. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a tout d’abord exprimé sa solidarité avec le peuple du Soudan et s’est joint à la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) pour appeler à la fin immédiate des hostilités.  Il a également salué les efforts de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, de l’Union africaine et des Nations Unies pour résoudre cette crise au plus vite.  Il s’est ensuite déclaré inquiet de la détérioration de la situation sécuritaire dans l’est de la RDC et dans la région du fait de l’accroissement des activités des groupes armés, lesquelles créent notamment des tensions entre la RDC et le Rwanda.  Appelant les États signataires de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération à renouveler leur engagement en faveur de la stabilité régionale, le représentant a estimé que la coordination entre les processus de Luanda et de Nairobi, en particulier l’adoption d’un calendrier pour la mise en œuvre des actions prioritaires relatives aux groupes armés, est essentielle pour améliorer les relations entre la RDC et le Rwanda.  Il s’est réjoui à cet égard de la coopération de l’Angola dans la protection des membres du mécanisme ad hoc de vérification dans la région du Nord-Kivu. 

Le représentant a jugé que l’aggravation de la situation humanitaire pointe sur la nécessité de traiter des causes profondes des conflits.  Il a appuyé l’appel du Président de la Commission de consolidation de la paix à la création de sociétés plus inclusives par la voie du dialogue et souligné l’importance de la participation des femmes aux processus de paix et aux structures politiques nationales et locales.  Les organisations régionales, a-t-il conclu, représentent la « pierre angulaire » de la diplomatie préventive, en tant que garantes des processus de paix dans la région des Grands Lacs.  Elles disposent en effet des outils pour conduire une désescalade des conflits armés, notamment le déploiement rapide de forces sur le terrain. 

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a estimé que la stratégie régionale des Nations Unies pour les Grands Lacs est une initiative importante en vue de ramener la paix dans la région, exprimant également son soutien aux processus de Nairobi et de Luanda.  Malgré ces efforts, la situation dans la région des Grands Lacs continue de se détériorer et les tensions entre la République démocratique du Congo et le Rwanda demeurent, a-t-il observé, appelant toutes les parties à respecter leurs engagements, y compris le retrait total du M23 du sol congolais, suivi du désarmement de ses éléments.  Kigali doit également retirer ses troupes et cesser de soutenir le M23, a-t-il ajouté, rappelant que cette organisation est sous sanctions des Nations Unies.  En outre, le délégué a appelé le Gouvernement de la RDC à mettre immédiatement fin à toute coopération avec des groupes armés, à poursuivre la réforme du secteur de la sécurité, à continuer de dénoncer les discours de haine et à tenir comptables de leurs actes les individus responsables d’incitation à la violence.  Malheureusement, les Forces démocratiques alliées (ADF) ont profité de la situation et continuent de représenter une menace, a-t-il averti, soulignant que la communauté internationale ne doit pas perdre de vue ce défi sécuritaire pressant. 

Le représentant a également souligné la nécessité de se concentrer sur la grave crise humanitaire, notant que le conflit a provoqué le déplacement de plus d’un demi-million de personnes rien qu’en 2023.  Rappelant que son pays est le plus grand bailleur de fonds pour l’aide dans l’est de la République démocratique du Congo, le délégué américain a déclaré qu’il n’était pas possible d’attendre 10 ans de plus pour que la paix s’installe dans les Grands Lacs, car les habitants de la région la méritent maintenant.

M. ZHANG JUN (Chine) a appelé la communauté internationale à soutenir les pays de la région pour redynamiser le processus important initié par l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région de 2013.  Il a exhorté les pays signataires de cet accord-cadre à respecter les engagements qu’ils ont pris il y a 10 ans, notamment celui ne pas soutenir les groupes armés et de respecter la souveraineté nationale.  Il les a aussi exhortés à résoudre leurs différends par le dialogue.  Saluant le travail de l’Envoyé spécial, le représentant a insisté sur le rôle des organisations régionales et demandé à la communauté internationale de respecter l’approche « solutions africaines aux problèmes africains ». La nouvelle stratégie des Nations Unies pour la région des Grands Lacs est un cadre important pour renforcer la coopération régionale, a-t-il relevé, en annonçant que la Chine est prête à fournir une assistance dans le cadre du Fonds pour le développement Nations Unies-Chine.

Le représentant a également mis en avant l’importance du développement pour lier les intérêts des pays de la région et solidifier les fondements de leur sécurité commune.  Il a salué la mise en place de comités de coopération bilatérale, la signature d’accords commerciaux bilatéraux et les projets d’infrastructure régionaux.  Le Bureau des Nations Unies pour les Grands Lacs devrait contribuer à ces efforts, a-t-il souhaité, avant d’appeler au renforcement de la lutte contre le commerce illicite des ressources naturelles et d’encourager la communauté internationale à soutenir les efforts en ce sens. 

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) s’est dit profondément préoccupé par l’intensification de la violence et la détérioration de la situation humanitaire dans la région des Grands Lacs, en particulier dans l’est de la RDC, condamnant la poursuite des violences par tous les groupes armés, y compris le M23. Or, le redéploiement des ressources pour lutter contre ce groupe armé a également compromis la protection des civils ailleurs, victimes d’exécutions et d’attaques par les Forces démocratiques alliées (ADF) et la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO).  Après avoir appuyé les efforts diplomatiques déployés au niveau régional, y compris les processus de Nairobi et de Luanda, le représentant a instamment demandé à toutes les parties de respecter les engagements pris dans le cadre de ces processus, notamment le retrait du M23, la fin de tout soutien aux groupes armés et l’arrêt des discours de haine incendiaires.  Il s’est félicité que le M23 ait remis certaines localités à la force régionale de la CAE, tout en soulignant que tout retrait doit être complet et conforme au processus convenu dans le cadre de la feuille de route de Luanda.  Nous espérons que le prochain déploiement de troupes angolaises contribuera à renforcer ce retrait, a-t-il ajouté. 

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a rappelé qu’il y a 10 ans, les pays de la région signaient l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région.  Aujourd’hui, les faits sur le terrain contrastent avec l’espoir d’une paix durable qui prévalait au moment de la signature, a-t-il observé, indiquant que le Président de la Confédération suisse l’a constaté par lui-même lors de sa visite en RDC la semaine passée.  Rappelant le soutien de la Suisse aux processus de Nairobi et de Luanda, le représentant a estimé qu’une sortie de crise suppose davantage de coopération à l’échelle régionale.  À cet égard, il s’est alarmé de la dégradation des relations entre la RDC et le Rwanda, avant de saluer le leadership des États de la région qui encouragent la recherche d’une solution pacifique dans l’est de la RDC. 

Dans ce contexte, le représentant a jugé impératif que les attaques contre les populations et les infrastructures civiles cessent immédiatement.  Après avoir appelé toutes les parties à respecter leurs obligations en vertu du droit international, il a mis l’accent sur le statut des réfugiés et des déplacés internes qui, selon lui, nécessite des solutions concertées au niveau régional.  Il a aussi réaffirmé le soutien de la Suisse à l’intégrité territoriale et à la souveraineté de la RDC, condamnant toute aide aux groupes armés locaux ou étrangers. Le délégué a par ailleurs appelé à traiter les causes profondes qui nourrissent les conflits dans la région, ce qui passe par le renforcement de l’état de droit, le déploiement de l’État et le respect des droits fondamentaux.  Il importe en outre d’instaurer une gestion viable des ressources naturelles et de s’attaquer aux flux financiers illicites, a-t-il plaidé.  Enfin, après avoir rappelé que les impacts négatifs des changements climatiques, illustrés par les récentes inondations en RDC et au Burundi, contribuent à l’instabilité régionale, le délégué a plaidé pour davantage de dialogue et de mesures de confiance entre les États de la région, la société civile et les partenaires internationaux. 

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a souligné l’unité du Conseil face aux acteurs impliqués dans la crise de l’est de la RDC et estimé que les processus de Nairobi et de Luanda sont essentiels pour parvenir à une paix et une sécurité durables.  Alignée sur celle des Nations Unies, a-t-elle expliqué, la stratégie renouvelée que l’Union européenne vient d’adopter a en son cœur la promotion de la démocratie, de la bonne gouvernance, de l’état de droit, des droits humains et du droit international humanitaire.  Pour Malte, les priorités sont l’organisation d’élections libres et équitables, la mise en place d’une justice transitionnelle et la lutte contre l’impunité et la corruption.  Briser le cycle de la violence dans la région, a poursuivi la représentante, c’est placer les femmes, les jeunes, les groupes marginalisés, la société civile et le secteur privé au centre des préoccupations.  Elle a encouragé la RDC et le Rwanda à reprendre le dialogue et les groupes armés à déposer leurs armes, à désamorcer la crise et à s’engager dans le processus de désarmement.  Quant aux causes profondes du conflit, elle a mis en exergue l’impératif d’une bonne gestion des ressources naturelles qui doit faire partie des efforts collectifs. Elle a conclu sur la situation humanitaire dans l’est de la RDC et constaté qu’une nouvelle fois, ce sont les femmes, les enfants, les réfugiés et les déplacés qui sont touchés de manière disproportionnée. 

M. SUOOD RASHED ALI ALWALI ALMAZROUEI (Émirats arabes unis) a estimé que face à la situation actuelle, il faut déployer plus d’efforts pour restaurer les relations de bon voisinage, surmonter les différends et approfondir la coopération régionale.  Il s’est félicité des initiatives régionales en cours, notamment les processus de Luanda et de Nairobi.  À cet égard, il a dit espérer que la déclaration adoptée par le mini-sommet conjoint de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) contribuera à la convergence des efforts régionaux et aidera à garantir leur complémentarité.  Il s’est également félicité de la reconnaissance par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine de la nécessite de revitaliser l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région, ajoutant que la volonté politique sera déterminante.

Pour le délégué, la quête d’une paix pérenne impose de répondre aux défis sécuritaires, et notamment au problème des groupes armés dans l’est de la RDC.  Comme ces groupes criminels financent leurs activités par l’exploitation illégale des ressources naturelles, il est urgent d’assécher ces sources de financement, a-t-il dit, rappelant que la dixième Conférence de Dubaï sur les métaux précieux, organisée au mois de novembre dernier, a mis l’accent sur les moyens de résoudre ce problème, notamment par le renforcement de la coopération régionale.  Constatant enfin que la crise humanitaire dans la région est exacerbée par les violences des groupes armés, il a estimé que pour éviter de nouveaux déplacements de population, il est impératif que tous ceux qui ont pris les armes se conforment au droit international humanitaire, notamment en matière de protection des civils.  S’agissant enfin de la situation sanitaire, marquée par des flambées épidémiques, le représentant a salué les actions menées par l’Ouganda pour lutter contre la propagation du virus Ebola.  

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) s’est dit préoccupé par la menace que les groupes armés font peser sur la région des Grands Lacs, avant de souhaiter que la prochaine réunion du mécanisme de surveillance de l’Accord-cadre, prévue au mois de mai à Bujumbura, apporte des éclaircissements sur la voie à suivre pour régler la grave crise sécuritaire et humanitaire dans la région.  Dans un contexte aussi difficile, nous n’insisterons jamais assez sur l’importance pour les parties d’adopter des mesures de confiance et de remettre le processus de paix sur la bonne voie, a dit le représentant qui a jugé impératif d’accélérer la mise en œuvre du programme de désarmement et de démobilisation.  Il est tout aussi impératif, a-t-il poursuivi, de renforcer le pilier « réintégration » et de veiller à ce que les anciens combattants, les femmes et les jeunes aient des opportunités économiques qui leur permettent d’améliorer leurs revenus.  Il a également souligné l’importance de l’appropriation nationale pour parvenir à une paix et une prospérité durables dans la région et a fait écho à l’avis de la Commission de consolidation de la paix en faveur d’un soutien à l’intégration économique et financière des pays de la région.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana, Mozambique) s’est dit profondément préoccupé par la détérioration de la situation sécuritaire dans la région, y compris les graves exactions quotidiennes subies par les populations civiles, aux mains de groupes armés et terroristes en RDC comme les M23, les Forces Démocratiques Alliées (ADF), la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO), les Maï-Maï, le groupe Zaïre et d’autres, qui entraînent des déplacements massifs de population en RDC mais aussi dans les pays voisins. Il a demandé le retrait de tous les groupes armés étrangers de la RDC, la cessation immédiate de tout soutien extérieur aux groupes armés, l’adhésion au processus de Nairobi par les groupes armés locaux et leur participation au processus de DDR et de stabilisation.  Il a également appelé à la mise en œuvre intégrale des résultats du mini-sommet de Luanda du 23 novembre 2022.  La prochaine conférence de Nairobi IV doit être l’occasion pour tous les groupes armés locaux de se réengager à faire taire les armes en RDC et adhérer au processus politique en cours, a souligné le représentant. 

Le représentant a vu dans les processus de Luanda et de Nairobi le témoignage de l’engagement continu de l’Afrique pour la stabilisation des Grands Lacs.  Pour que les processus de médiation régionale soient efficaces, il est impératif que les massacres contre les civils cessent, et que le dialogue et la confiance soient rétablis entre tous les acteurs concernés de la région, a-t-il fait valoir.  Saluant la décision de l’Union africaine de soutenir le déploiement de la force de la CAE grâce à une allocation de ressources provenant de la réserve de crise du Fonds pour la paix, le représentant a invité les partenaires internationaux à fournir une expertise financière, logistique, matérielle et technique à la Force et à la mission régionale en cours. 

S’agissant de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région, le délégué a jugé essentiel de procéder à sa revitalisation urgente, avec une réelle volonté politique de tous les pays signataires de respecter leurs engagements.  La mobilisation de la communauté internationale est indispensable et doit être concertée et coordonnée en appui aux initiatives régionales de Nairobi et de Luanda, qui sont, pour les A3, les seules voies crédibles de sortie de crise. Rappelant qu’il ne peut y avoir de développement sans paix, il a également insisté sur l’urgence d’aborder la situation sécuritaire dans la région des Grands Lacs en se penchant sur la question du pillage des ressources naturelles, notant que le développement des richesses en ressources naturelles offre aux pays de la région des Grands Lacs l’opportunité de construire un espace de prospérité partagée.  À cet égard, les efforts visant à intégrer les économies de la région en renforçant la coopération économique et le commerce doivent se poursuivre, a estimé le délégué.  Il a par ailleurs relevé que la région des Grands Lacs compte environ 9,4 millions de personnes déplacées, dont 6,2 millions en RDC, ce qui fait que des millions d’enfants non scolarisés dont l’avenir est compromis.  Il a donc exhorté la communauté internationale à poursuivre sa mobilisation pour le financement des plans de réponse humanitaire des pays de la région.

M. ARIAN SPASSE (Albanie) a constaté que, 10 ans après la signature de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région, la situation sécuritaire continue de se dégrader, malgré le calme relatif de ces derniers jours, ce qui érode les progrès en matière de coopération régionale et d’intégration économique.  Avertissant que les tensions accrues entre la RDC et le Rwanda peuvent déclencher « une spirale aux conséquences irréversibles », il a exhorté les deux parties à s’abstenir de propos incendiaires et à parvenir à un règlement raisonnable dans le cadre des mécanismes régionaux existants.  Par ailleurs, alors que des groupes armés ont repris les armes et formé de nouvelles alliances, il importe que la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC soient respectées et que tout soutien au M23 cesse, a poursuivi le représentant.  Après avoir appelé le M23 à opérer un retrait complet de tous les territoires qu’il contrôle, il a demandé instamment à tous les groupes congolais de participer au processus de désarmement et aux groupes armés étrangers de quitter le pays.  Face au nombre alarmant de réfugiés et de personnes déplacées du fait de ces violences, il a exhorté les États de la région à ne ménager aucun effort pour adopter une approche globale et durable pour permettre leur retour et améliorer leurs conditions de vie. 

Jugeant que les processus de Luanda et de Nairobi sont complémentaires et cruciaux pour désamorcer politiquement les tensions régionales et amener les groupes armés à la table des négociations, le délégué a appelé les États de la région à soutenir ces dispositifs et à renouveler leur engagement à mettre pleinement en œuvre l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération. Il a également souhaité que le onzième sommet du mécanisme régional de surveillance, reporté en mai, soit l’occasion d’avancer sur ces dossiers.  Il a enfin estimé que la région ne pourra trouver la paix sans s’attaquer aux sources sous-jacentes du conflit, à commencer par l’exploitation illicite des ressources naturelles qui permet aux groupes armés de financer leurs « horreurs ».  Il a donc encouragé les pays de la région, de transit et de destination, à renforcer leur coopération pour lutter contre le commerce illicite en améliorant la transparence et le suivi de toute la chaîne d’approvisionnement. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est dit préoccupé par la situation actuelle dans la région des Grands Lacs, en raison des affrontements entre les Forces armées congolaises et le M23 au Nord-Kivu, et des tensions entre Kinshasa et Kigali.  Il a noté que la concentration dans cette région de l’armée congolaise, de la Force de la MONUSCO et des Forces régionales de la CEA est exploitée ailleurs par d’autres groupes armés illégaux, qui multiplient les activités illégales, attaquent les civils, exploitent les ressources naturelles en toute impunité et renforcent leurs positions.  Partisane d’un règlement diplomatique du conflit, y compris dans le cadre des processus de Luanda et Nairobi, la Fédération de Russie, a indiqué le représentant, est convaincue que la tâche prioritaire est de parvenir à une cessation des hostilités et à un dialogue global et inclusif. 

Il a espéré que les accords conclus lors du vingtième Sommet extraordinaire de la CEA à Bujumbura et à la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, contribueront au retrait du M23 des zones occupées.  Il a souhaité que le contingent angolais joue un rôle constructif, à cet égard, en appuyant le mécanisme ad hoc de vérification. Après avoir dénoncé les attaques perpétrées contre les Casques bleus, le délégué s’est dit convaincu que le plan de retrait de la MONUSCO devra être exécuté en fonction de la situation réelle sur le terrain et sans délais artificiels.  Nous attendons, a-t-il dit, les propositions du Secrétaire général sur la reconfiguration de la Mission, à la lumière des consultations en cours avec Kinshasa.  Évidemment, il est impossible de parvenir à une normalisation durable dans l’est de la RDC par des moyens exclusivement militaires, a reconnu le délégué, avant de réaffirmer la disponibilité de son pays à contribuer à la stabilisation de la région des Grands Lacs et à encourager le dialogue et la coopération entre les États concernés. 

M. CLAVER GATETE (Rwanda) a rappelé que l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région avait reconnu qu’une approche holistique qui s’attaque aux causes profondes à multiples facettes est le seul moyen de mettre fin à l’instabilité.  Si le Rwanda espérait que cet accord-cadre mènerait à la paix, la sécurité, la stabilité et au développement, 10 ans après la situation ne s’est pas améliorée, a-t-il déploré, rappelant qu’une évaluation de l’Accord-cadre est attendue depuis longtemps pour déterminer son efficacité et les défis découlant de son manque de mise en œuvre.  Il a vu dans le retrait du M23 de certaines régions de la RDC la démonstration de la productivité des efforts régionaux.  Il a reproché au Président Tshisekedi de la RDC d’avoir déclaré le 13 avril, lors d’une conférence de presse conjointe tenue avec le Président de la Suisse, à Kinshasa, qu’il ne négocierait pas et qu’il n’y aurait pas de dialogue politique avec le M23.  La position de la RDC est inquiétante car elle entrave clairement tous les efforts régionaux et continentaux visant à parvenir à la paix dans l’est de la RDC, a regretté le représentant.  Si les négociations ne sont pas sur la table, une fois que le M23 aura achevé son retrait, les mécanismes de paix pourraient à nouveau tomber dans une impasse avec pour conséquence une récurrence des atrocités, a-t-il mis en garde. 

Le représentant a ensuite affirmé que le groupe terroriste sanctionné par l’ONU qui a perpétré le génocide contre les Tutsis au Rwanda est toujours en fuite en RDC.  Les FDLR bénéficient du soutien et du bouclier politique que le Gouvernement de la RDC leur fournit tout en violant activement les sanctions de l’ONU, a-t-il dénoncé.  Il a estimé que l’attitude du Président Tshisekedi envers les FDLR est problématique, rappelant que lors de la conférence de presse précitée, ce dernier aurait affirmé que ce groupe ne représente plus une menace pour le Rwanda. Pourtant, a-t-il noté, la Conseillère spéciale du Secrétaire général pour la prévention du génocide a publié à deux reprises des déclarations indiquant clairement que les FDLR sont très actives et propagent l’idéologie du génocide. 

Considérant que la situation en RDC est à la fois complexe et facile à régler, le délégué a estimé que les déclarations des dirigeants de la RDC concernant la situation et les FDLR vont à l’encontre des efforts régionaux et des processus de paix tels qu’envisagés dans l’Accord-cadre.  Le Gouvernement de la RDC ne fait pas le moindre effort pour mettre en œuvre les accords signés, a-t-il fustigé.  Appelant néanmoins à reconnaître les progrès réalisés dans certains domaines, le délégué a salué le déploiement en cours des contingents de la Force régionale de la CAE en RDC et le retrait en cours du M23, soulignant ensuite que toutes les parties impliquées mettent en œuvre les accords régionaux à l’exception de la RDC.  Il a exhorté l’ensemble des parties au conflit à respecter strictement les accords de cessez-le-feu, et à mettre en œuvre les feuilles de route des accords régionaux dans l’espoir de négociations pacifiques, et, à terme, d’un règlement pacifique.  

M. ZÉPHYRIN MANIRATANGA (Burundi) a réaffirmé la pertinence de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région, au moment où l’est de la RDC continue de faire face à une crise sécuritaire et humanitaire qui affecte la stabilité régionale.  Face à cette situation, a-t-il dit, la communauté internationale se doit d’appuyer les efforts inlassables de la CAE et de la CIRGL, qui se matérialisent par une force régionale et des sommets au niveau de la région.  Selon le représentant, la situation d’insécurité dans l’est de la RDC a en effet entraîné la pérennisation des conflits en Afrique des Grands Lacs, avec pour corollaire la multiplication des groupes rebelles locaux et étrangers, dont le but est essentiellement le contrôle et l’exploitation des ressources minières.  Mettant en garde contre des risques d’ « embrasement régional », il a souhaité que le Conseil de sécurité soit attentif à cette « permanence de l’insécurité » qui tend à régionaliser le conflit. 

À moins de trois semaines du onzième sommet des chefs d’État et de gouvernement du mécanisme régional de mise en œuvre de l’Accord-cadre, qui se tiendra le 6 mai prochain, il importe, a estimé le représentant, d’utiliser tous les moyens dont la communauté internationale dispose pour arrêter la guerre, neutraliser les forces terroristes, entamer un dialogue et lancer un mécanisme de DDR préconisé par le processus de Nairobi.  La contribution financière et logistique des Nations Unies et de l’Union africaine aux coûts des forces régionales de la CAE s’avère capitale, a-t-il ajouté.  Il a attiré l’attention sur la « diplomatie tous azimuts » que son pays déploie, en cherchant à rallier tous les partenaires régionaux et multilatéraux à sa vision de construction d’une architecture de paix régionale. 

Le représentant a indiqué que le sommet du 6 mai à Bujumbura aura pour objectif de rendre plus opérationnels les différents mécanismes instaurés pour la sécurisation de la paix dans la région.  Il s’agira également de mieux comprendre les différentes implications de la « transnationalisation » des violences dans l’est de la RDC et dans la région, avant de soumettre des tentatives de solutions tenant compte de la porosité des frontières, de la circulation des armes et de la question des richesses naturelles qui semblent être les principaux facteurs de l’instabilité dans les Grands Lacs.  Ce sommet sera enfin l’occasion de revisiter le mécanisme que l’Accord-cadre instaure en matière de prévention et de gestion des conflits pour une paix et un développement durables, a indiqué le délégué, non sans rappeler que son pays entretient d’excellentes relations avec tous ses voisins. 

M. GEORGES NZONGOLA-NTALAJA (République démocratique du Congo) a déclaré que le Rwanda, « qui opère avec le M23 », est un des pays signataires de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba.  La préoccupation majeure de la RDC, a-t-il indiqué, est dans l’immédiat de stabiliser la situation sécuritaire dans l’est du pays en désarmant le M23 et d’autres groupes terroristes étrangers et locaux « d’inspiration étrangère », comme les ADF-MTN, CODECO et Résistance pour un État de droit au Burundi (RED-Tabara).  Le représentant a insisté sur l’importance du pré-cantonnement des éléments du M23 dans un camp dans le territoire congolais de Kiwandja, loin du Rwanda, lequel est « indispensable » pour un véritable désarmement de ces terroristes et la cessation des massacres de masse, comme ceux de Kishishe survenus entre le 22 novembre et le 1er décembre 2022.  Le représentant a demandé aux membres du Conseil de se joindre à la RDC pour sanctionner les auteurs de ces atrocités. 

Il a ensuite tenu à clarifier un point mentionné dans le rapport du Secrétaire général au sujet des FDLR.  Contrairement aux « accusations mensongères » selon lesquelles l’armée congolaise collabore et soutient ce groupe armé, il a cité cinq opérations d’envergure unilatérales et conjointes que les Forces armées congolaises (FARDC) et les Forces de défense rwandaises (RDF) ont menées contre les FDLR entre janvier 2009 et février 2022.  Le « résidu FDLR » dont le leadership a été « décapité » par l’armée congolaise, au cours de ces opérations, ne constitue plus une menace militaire pour le Rwanda, a affirmé le délégué, pour qui il est plutôt une source d’insécurité socioéconomique en RDC, et ce, « au profit du Rwanda ». Ce dernier, a-t-il dit, est le plus grand bénéficiaire du « résidu FDLR » car c’est un prétexte qui lui permet d’agresser la RDC et de piller « allègrement » ses ressources naturelles.

Nous entendons souvent des Rwandais fidèles au « régime dictatorial de Paul Kagame » dire que les Congolais menacent leur pays par leur collaboration avec les FDLR et la haine ethnique contre les locuteurs du kinyarwanda. Or jusqu’à présent, a fait observer le représentant, nous n’avons pas vu d’exemples crédibles de violences xénophobes comparables à celles perpétrées dans d’autres pays.  Une autre accusation formulée par les Rwandais, a-t-il relevé, est que les Congolais ne feraient que se plaindre, alors qu’ils sont responsables de leurs problèmes et manifestement incapables d’analyser les causes profondes de leurs faiblesses.  Or, les racines de la crise congolaise sont le fait du Rwanda et non du Congo, a rétorqué le représentant. 

Lors de sa récente conférence de presse à Cotonou, le Président du Rwanda a dévoilé ses visées expansionnistes, en soutenant que certaines régions de la RDC et de l’Ouganda appartenaient au Rwanda avant la colonisation, a également relevé le représentant.  Ce n’est pas la première fois, a-t-il accusé, que les dirigeants rwandais propagent ces mensonges alors que les historiens ont prouvé qu’aucun roi du Rwanda précolonial n’avait réussi à conquérir ne serait-ce qu’un petit morceau du Congo actuel. « Mais Kagame, qui vient d’une famille royale, aimerait accomplir ce que ces ancêtres ont échoué à faire », a taclé le délégué.  Il s’est ému des récentes déclarations « dangereuses », appelant à redéfinir la démarcation des frontières dans la région des Grands Lacs.  Ces propos, que le Conseil de sécurité doit condamner et rejeter, révèlent des velléités expansionnistes qui exacerbent les tensions dans la région.  Pour rappel, a précisé le représentant, l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation est un principe clef qui a été consacré par l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) dès le 21 juillet 1964 au Caire.  La RDC défendra chaque pouce de son territoire, a prévenu le délégué, en conclusion.

 

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