Soixante-dix-huitième session,
14e séance plénière - après-midi
CPSD/787

La Quatrième Commission adopte un projet de résolution qui reflète une inquiétude croissante face à la désinformation et la mésinformation

Au troisième et dernier jour du débat général consacré à l’information, la Quatrième Commission (chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation) a adopté sans vote, et sur recommandation du Comité de l’information, ses deux projets de résolution annuels, dont son texte phare sur les politiques et activités de l’ONU en matière de communication globale, dans lequel il fait part de sa « grande inquiétude » face à la montée de la désinformation et de la mésinformation visant les opérations de maintien de la paix de l’ONU.

Alors que la lutte contre ce phénomène a été au cœur de leurs préoccupations ces derniers jours, les États Membres ont placé leurs espoirs dans l’initiative lancée par le Secrétaire général pour établir un Code de conduite sur l’intégrité de l’information sur les plateformes numériques.  À l’instar du Royaume-Uni, ils ont été nombreux à applaudir les efforts en ce sens du Département de la communication globale (DCG) qui a donné le coup d’envoi d’une vaste consultation et s’apprête à lancer une enquête mondiale en vue de collecter des données à l’appui de ce processus.

Illustrant l’importance de ce débat, l’Ukraine et la Fédération de Russie d’un côté, et Israël et l’État de la Palestine de l’autre, se sont accusés mutuellement de propagande mensongère et de désinformation, confrontant leurs points de vue sur les enjeux de la manipulation de l’information et de l’ampleur de ce problème, y compris le rôle des médias qui relaient les « infox ».  

Si le Royaume-Uni n’a pas hésité à accuser la Fédération de Russie d’avoir fait du Conseil de sécurité une « instance de désinformation » depuis le début du conflit ukrainien, le Canada a mis en garde contre les répercussions de ce fléau, qui exacerbe la discrimination et la violence en créant des divisions au sein des sociétés, tant en ligne que dans la vie réelle, pour finir par réduire l’espace dévolu au dialogue démocratique.

Doté d’un dispositif de 161 paragraphes, le texte consacré aux politiques et activités de l’ONU demande au DCG d’appuyer, dans la limite des ressources existantes, les efforts déployés par les opérations de maintien de la paix de l’ONU pour fournir des contenus exacts, y compris dans les langues locales, afin d’aider à mieux faire comprendre leurs mandats, de gérer les attentes et de gagner la confiance et le soutien des parties prenantes concernées.  Il invite également le DCG à recommander que le système des Nations Unies utilise systématiquement dans ses communications la terminologie des résolutions adoptées par l’Assemblée générale. 

La Commission recommande en outre aux États Membres d’envisager de meilleurs moyens de coopérer pour écarter les menaces que pose l’utilisation des technologies de l’information et des communications (TIC) à des fins terroristes. 

Le projet consacré à l’information au service de l’humanité demande que tous les pays et organismes des Nations Unies coopèrent afin d’atténuer les disparités dans la façon dont l’information circule à tous les niveaux.  Il appelle également à ce que les journalistes puissent travailler librement et efficacement.  Un appel relayé aujourd’hui par le représentant du Myanmar, qui a dénoncé le sort réservé aux médias libres par la junte militaire au pouvoir dans son pays, ou par l’Ukraine, qui a fait état de 66 journalistes tués sur son territoire depuis le début du conflit qui l’oppose à la Fédération de Russie.

Tout en saluant les efforts déployés actuellement pour renforcer le multilinguisme dans la stratégie de communication des Nations Unies, certaines délégations ont remarqué qu’il reste néanmoins encore beaucoup à faire.  Pourtant, a argué le Canada, le multilinguisme de l’ONU est un « lubrifiant de la diplomatie multilatérale », essentiel à la communication entre les peuples.  De son côté, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) a observé une tendance au monolinguisme qui se renforce au détriment de la grande diversité des publics ciblés dans le monde par l’ONU.  Aussi attend-elle avec grand intérêt l’adoption du Cadre d’action stratégique pour le multilinguisme, sous l’égide du Secrétaire général de l’ONU, qui aura vocation à accélérer l’intégration du multilinguisme dans l’ensemble des processus onusiens.

S’appuyant sur l’exemple des communiqués de presse qui, à ce jour, ne sont publiés qu’en anglais et en français, le Mexique a fait le lien entre les recommandations de la Quatrième Commission et leur traduction concrète au sein de la Cinquième Commission.  En effet, alors que dans les semaines à venir, la proposition visant à améliorer la disponibilité des communiqués de presse dans toutes les langues officielles de l’ONU y sera discutée, la délégation a mis en garde contre l’absence des « ressources budgétaires nécessaires », sans lesquelles les objectifs proposés ne resteront que des « vœux pieux ».  

La Commission poursuivra ses travaux, le mardi 24 octobre 2023, à partir de 10 heures.

QUESTIONS RELATIVES À L'INFORMATION (FIN)

Déclarations

Mme HELENA NDAPEWA KUZEE (Namibie) a rappelé le vieil adage qui dit que le savoir, c’est le pouvoir.  À une époque où le scepticisme règne quant à la valeur et à la pertinence du travail de l’ONU, il est essentiel, selon elle, d’avoir accès à des informations sur le « bon travail » qu’accomplit l’Organisation.  Dans le même temps, il est également utile de disposer de comptes rendus précis sur la situation humanitaire désastreuse dans les zones de conflit à travers le monde.  Les sources quotidiennes telles que ONU Info et les sites Web officiels de l’Organisation, les médias sociaux et autres plateformes numériques sont facilement accessibles et régulièrement mis à jour avec des informations utiles et pertinentes, a-t-elle remarqué.  À une époque où les campagnes de désinformation ont la capacité de déstabiliser la politique mondiale, en s’appuyant sur les outils numériques, il est important que les propositions relatives à un code de conduite et à un cadre pour contrer les lacunes dans l’espace d’information gagnent du terrain.  À cette fin, elle a appelé à une coordination avec les institutions nationales et régionales afin de garantir l’alignement sur les avancées significatives dans la lutte contre ces développements en saluant le projet de code de conduite sur l’intégrité de l’information sur les plateformes numériques du Secrétaire général.  Pour répondre à toutes ces questions, la déléguée a estimé que le Sommet de l’avenir sera une occasion à ne pas manquer.  Elle a souligné le rôle des centres régionaux d’information des Nations Unies dans la promotion du travail de l’Organisation. 

Mme REBECCA SUZANNE BRYANT (Australiea rappelé que l’an dernier, le groupe CANZ, dont fait partie son pays, a publié une déclaration en faveur de l’accès du public à une information impartiale et exprimant ses préoccupations croissantes à l’égard des tendances mondiales en matière d’intégrité de l’information.  Propulsée par les progrès technologiques tels que l’intelligence artificielle et l’amplification inauthentique, cette manipulation de l’information s’est encore aggravée depuis, a-t-elle constaté.  Dans la région Indo-Pacifique, des États autoritaires ont recours à des discours malveillants pour provoquer des divisions régionales, entraver la souveraineté nationale et perturber la cohésion sociale. Dans ce contexte, c’est l’architecture mondiale de l’information dans son ensemble qui pose un problème, selon la déléguée, en évoquant la propriété étrangère des médias, la corruption, la manipulation des algorithmes, la syndication exclusive et l’intimidation des journalistes. Pour sa part, l’Australie concentre ses efforts sur la sauvegarde d’un environnement ouvert et transparent, à même de préserver la diversité des points de vue à l’aide d’informations exactes et crédibles.  En outre, Canberra continue de revoir sa législation nationale et ses cadres réglementaires pour protéger ses citoyens par le biais notamment de l’intégrité électorale ainsi que la sécurité des données et des infrastructures de communication. 

Mme ANASTASIIA TOKARSKA (Ukraine) s’est inquiétée de voir « l’État agresseur » persister à utiliser de manière abusive le cadre de l’ONU, et en particulier le Conseil de sécurité, pour diffuser une propagande agressive et de fausses informations dans le but de détourner l’attention des États Membres de ses propres violations flagrantes de la Charte des Nations Unies, du droit international humanitaire et du droit international.  Mettant en garde contre les répercussions que cela peut avoir sur la crédibilité du Conseil, elle a insisté sur la pertinence de la disposition relative à l’inadmissibilité de toutes les formes de propagande susceptibles de provoquer ou d’encourager une menace à la paix ou un acte d’agression, et qui figure dans la résolution adoptée en 2022 à l’initiative de l’Ukraine sur les politiques et activités de communication globale des Nations Unies. Accusant l’État qui viole la Charte de tenter d’instrumentaliser le langage pour rejeter la responsabilité du conflit sur la partie attaquée, elle a appelé à empêcher ces tentatives, en particulier au sein de l’ONU, en se servant d’une formulation précise pour éviter toute manipulation ou interprétation erronée de la part de l’État agresseur dans le but de dissimuler sa propre responsabilité et de rejeter la faute du conflit sur un État qui se défend. 

Depuis le début du conflit en Ukraine, 66 professionnels des médias ont été tués, dont 10 journalistes, 14 journalistes ont disparu, 22 ont été enlevés par les troupes russes et 24 blessés, a précisé le représentant.  Il a plaidé pour une approche globale et systémique pour s’attaquer à toutes les tentatives de falsification de l’information et d’utilisation de celle-ci comme outil pour légitimer les violations de la Charte et les guerres d’agression, ainsi que pour porter atteinte à la sûreté, à la paix et à la sécurité.  La désinformation et la propagande de guerre, ainsi que ceux qui se livrent à ces activités, doivent être clairement dissociés du journalisme professionnel et des journalistes, a tranché le délégué, en pointant du doigt les médias russes.  À l’approche de la Semaine mondiale de l’éducation aux médias et à l’information 2023, il a donc encouragé les États Membres à se concentrer sur le problème de la désinformation et de la mésinformation, en vue de rendre l’information plus sûre et plus propice au développement durable et au règlement des problèmes mondiaux. 

M. JEAN LUC NGOUAMBE WOUAGA (Cameroun) a félicité l’ONU des réformes en cours qui portent leurs fruits, avec la planification des activités des centres régionaux d’information des Nations Unies dans le domaine des partenariats et de l’innovation, afin d’amplifier le message de l’ONU.  Il a soutenu la stratégie de communication du DCG pour lutter contre la désinformation et la prolifération des discours de haine, particulièrement sur les plateformes numériques.  Le délégué a également soutenu l’élaboration d’un code de conduite afin de garantir la responsabilité des autorités publiques.  Il a encouragé l’utilisation des technologies de l’information et des communications (TIC) en complément des médias classiques comme la télévision, la radio ou la presse écrite, pour que la voix de l’ONU soit entendue aux quatre coins du monde.  Sur un autre plan, il a jugé indispensable que la parité linguistique soit respectée, y compris dans le cadre des processus de négociations.  Aussi le représentant a-t-il exhorté le DCG à prendre des dispositions pour corriger la tendance à se limiter à de simples traductions de textes anglais au lieu de diversifier les contenus originaux.  Le multilinguisme doit également être amélioré sur les plateformes numériques tout en conservant sa pertinence sur les moyens de communication traditionnels. 

Mme SARAH AHMED AHMED AL-MASHEHARI (Yémen) a salué les efforts déployés par le DCG pour une communication fluide, précise et efficace dans les situations de crise. Notant la prévalence des discours de haine, de l’islamophobie, de la discrimination et du racisme, la déléguée a appelé à soutenir un dialogue constructif et à renforcer les valeurs d’harmonie et de respect mutuel entre les cultures.  Consciente du rôle croissant joué par les plateformes numériques, elle a mis en garde contre la désinformation et la manipulation de l’information sur ces supports en exigeant que des mesures soient prises pour y répondre. Elle a cité l’exemple de la crise humanitaire en cours à Gaza pour illustrer son propos, en exigeant que la communauté internationale condamne ces crimes, veille au respect du droit international et mette fin à la politique de deux poids, deux mesures.  La représentante a également insisté sur l’impératif d’acheminer sans entraves de l’aide humanitaire à Gaza, d’éviter un déplacement massif de Palestiniens, et d’instaurer un cessez-le-feu.  Avant de conclure, la représentante a demandé le respect du multilinguisme sur toutes les plateformes utilisées par le DCG.

M. MUNGO WOODIFIELD (Royaume-Uni) a salué le DCG pour ses travaux d’élaboration d’un code de conduite pour l’intégrité de l’information sur les plateformes numériques.  Ces plateformes ont changé notre accès à l’information, ce qui offre des opportunités mais aussi crée aussi des risques.  Le représentant s’est inquiété de la menace « généralisée » que représentent la désinformation et la manipulation de l’information, lesquelles portent atteinte à nos libertés et à nos sociétés, notamment en temps de crise.  À cet égard, l’ONU a un rôle important à jouer pour fournir une information précise et basée sur des faits.  Il incombe donc aux États Membres de protéger l’intégrité de l’ONU en tant que source d’informations fiables.  Or, des États diffusent des informations faussées sur l’ONU, en particulier sur les opérations de maintien de la paix, ce qui constitue une menace pour le personnel de l’ONU déployé sur le terrain. Le délégué a donné son aval au projet du DCG de développer un laboratoire de l’intégrité de l’information afin de soutenir les informations diffusées par l’ONU sur le terrain. Depuis le début de son invasion de l’Ukraine, la Fédération de Russie a fait du Conseil de sécurité une « instance de désinformation », a poursuivi le délégué, une action sans précédent dans l’histoire de cet organe.  La Russie a ainsi invité des dizaines d’individus à propager des théories du complot sur la guerre en Ukraine, malgré les dénégations des experts et des responsables de l’ONU.  Selon lui, les États Membres et les plateformes ont une responsabilité commune de mieux comprendre les nouvelles technologies pour mieux les encadrer. 

Mme GUZIK DUNO (Mexique) a salué les efforts déployés actuellement pour renforcer le multilinguisme dans la stratégie de communication des Nations Unies, tout en notant qu’il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.  Il est important de souligner que les conclusions auxquelles les délégations parviennent sur cette question et sur d’autres au sein du Comité de l’information doivent être reflétées dans les négociations qui se déroulent au sein de la Cinquième Commission, a fait valoir la représentante, en rappelant que dans les semaines à venir, la proposition visant à améliorer la disponibilité des communiqués de presse dans toutes les langues officielles de l’ONU y sera discutée. En l’absence des ressources budgétaires nécessaires, les objectifs proposés ne seront que des vœux pieux, a-t-elle concédé. 

La déléguée a ensuite appelé le DCG à s’appuyer sur des données dans sa stratégie, y voyant des outils essentiels dans des domaines tels que la lutte contre les discours de haine et la désinformation. Cette question revêt selon elle une importance particulière dans les contextes où opèrent les opérations de paix qui, ces dernières années, ont fait l’objet de véritables campagnes hostiles qui mettent en danger la vie et l’intégrité des personnels déployés. L’analyse des données peut également aider à prendre des décisions éclairées sur le contenu à mettre en priorité à la disposition du public dans certaines langues.  Notant que les hispanophones constituent le deuxième groupe linguistique le plus important à fréquenter le site d’information de l’Organisation, la déléguée a espéré que cette demande se traduira par une offre comparable en termes de quantité et de diversité des informations disponibles en espagnol.

M. KYAW MOE TUN (Myanmar) a considéré que préserver des médias libres et indépendants est la clé de voûte de la promotion de la démocratie et des droits humains.  L’information, notamment sur les plateformes numériques, joue un rôle vital, mais encore faut-il pouvoir y accéder, ce qui n’est pas le cas dans son pays depuis le coup d’état illégal de la junte, qui a contraint à la fermeture 13 médias.  Les réseaux sociaux sont souvent hors d’accès, des journalistes ont été menacés, voire tués, le Myanmar étant le pays où l’on emprisonne le plus d’entre eux au monde, s’est indigné le délégué. Condamnant la désinformation à laquelle se livre l’armée, il a cité les tentatives de blâmer d’autres acteurs pour une attaque commise contre un camp de déplacés dont la junte était responsable. Raison de plus pour que toutes les populations dans des situations de conflit armé aient accès à des informations vérifiables.

Mme REUT SHAPIR BEN NAFTALY (Israël) a commencé par rappeler les faits survenus en Israël le 7 octobre, à savoir l’attaque terroriste du Hamas, « qui s’est livré à des actes haineux dans le seul but de massacrer des Juifs ». Nous sommes en guerre, a-t-elle déclaré, et œuvrons sans relâche pour protéger nos citoyens.  Mais l’autre bataille à remporter selon elle se situe sur les plateformes numériques, en faisant référence aux « infox » qui y sont diffusées par l’« organisation terroriste » Hamas.  Elle a mis en garde tous les médias et individus qui relaient de telles informations, en accusant certains fonctionnaires de l’ONU de l’avoir fait, en citant le cas de l’attaque de l’hôpital Al-Ahli à Gaza, pour laquelle Israël a été accusé avant d’attendre que les responsabilités soient clairement établies.  La déléguée a appelé à répondre à ces phénomènes de manipulation de l’information et de désinformation.  Elle a ensuite salué le rôle joué par le Programme de communication sur l’Holocauste et les Nations Unies qui continue de sensibiliser la communauté internationale à cette tragédie, notant toutefois que, ces derniers jours, on assiste à des niveaux sans précédent d’antisémitisme.

M. FEDOR K. STRZHIZHOVSKIY (Fédération de Russie) a pris acte des succès du Département concernant les métadonnées et la traduction du site de l’ONU dans les six langues officielles.  Les services de l’information de l’Organisation ont la responsabilité de vérifier les faits et de fournir des informations impartiales, sans publier de « citations biaisées qui nient les faits ».  Selon lui, les représentants des différentes structures de l’ONU renvoient à des données non vérifiées.  Leurs opinions « politisées » ne doivent pas selon lui remettre en question les normes des médias et de l’ONU.  Le représentant a dit suivre avec attention les initiatives du Secrétaire général en matière d’information, notamment l’élaboration du Code de conduite pour l’intégrité de l’information sur les plateformes numériques.  À ce titre, il a jugé « inacceptable » que l’ONU, dans ce cadre, ne soit représentée que par des ressortissants occidentaux issus d’un petit groupe de pays.  La Fédération de Russie, a-t-il ajouté, soutient inlassablement la mise en place d’un cadre réglementaire international concernant les activités numériques.  Il est à ses yeux indispensable que les entreprises numériques respectent la législation des États où elles sont situées et où elles opèrent.  Le délégué a encouragé les délégations qui « s’attaquent à son pays », en particulier celle de l’Ukraine, à participer aux discussions sans transformer leurs interventions en « plateforme de désinformation politique ».  Selon le représentant, « l’attaque informationnelle » lancée contre son pays consiste à imposer à la communauté internationale une interprétation biaisée de ce qui se passe dans le monde et à écraser toute source d’information alternative, notamment les médias russes. 

Mme CARMEN ROSA RIOS (Bolivie) a rappelé qu’à une époque où l’information circule plus rapidement que jamais, des défis nouveaux ont émergé, avec les réseaux sociaux et à présent l’intelligence artificielle.  Toutefois, cette abondance d’information n’est pas sans danger, l’un des problèmes les plus graves étant le manque de véracité, de nature à entraîner des conséquences désastreuses.  Elle s’est félicitée que les TIC aient permis aux femmes de pouvoir s’exprimer de façon nouvelle.  Pourtant, la déléguée a souligné que le harcèlement touche de façon disproportionnée celles-ci, victimes d’une fracture numérique par rapport aux hommes.  Elle a lancé un appel pour que tous les documents de l’ONU puissent être traduits dans toutes les langues officielles.  Prenant l’exemple de son pays, la représentante a déclaré que le caractère plurinational de la Bolivie se traduit dans sa Constitution, qui reconnaît 36 langues autochtones, raison pour laquelle elle a encouragé à traduire les traités internationaux dans les langues autochtones. 

Mme ANDREA MEGAN TURNBULL (Canada) a noté que l’exposé de la Secrétaire générale adjointe nous a rappelé l’importance de prendre des décisions sur la base d’informations exactes.  Presqu’au même moment, nous avons entendu, dans les couloirs de l’ONU, des récits très différents sur l’identité des responsables de l’explosion dévastatrice dans un hôpital de Gaza.  C’est dans de tels moments que les délégués et les citoyens se tournent vers l’ONU pour obtenir des informations, a-t-elle ajouté.  La déléguée a fait siennes les inquiétudes exprimées à propos de la prolifération de la désinformation, qui peut exacerber la discrimination et la violence en créant des divisions dans les sociétés, tant en ligne que hors ligne. Il importe donc que les démocraties aient accès à des sources d’information fiables afin que leurs citoyens puissent se forger leur propre opinion, demander des comptes aux gouvernements et participer au débat public. 

La représentante réitéré son appui à la nature multilingue de l’Organisation, y voyant un « lubrifiant de la diplomatie multilatérale » essentiel à la communication entre les peuples.  Membre de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), le Canada s’est joint à l’appel en faveur d’initiatives visant à rétablir l’équilibre entre les six langues officielles de l’ONU, dont le français, dans les produits de communication traditionnelle et numérique.  La déléguée a en outre salué l’action du Département pour ses efforts dans la promotion de la diversité linguistique, tout en conservant son rôle crucial de source d’informations crédibles et impartiales. Elle a pris acte des efforts déployés par le DCG pour consulter les États Membres sur l’élaboration d’un code de conduite pour l’intégrité de l’information sur les plateformes numériques. 

M. MARTHINUS CHRISTOFFEL JOHANNES VAN SCHALKWYK (Afrique du Sud) a salué les efforts du Département de la communication globale (DCG) qui doit avoir au cœur de son travail la diffusion d’informations équilibrées et précises.  Il a également salué les nouvelles initiatives du Département et l’a encouragé à mettre l’accent sur la paix et la sécurité ainsi que les questions liées à l’environnement.  Le rapport du Secrétaire général, a-t-il poursuivi, fait état de l’intérêt du public pour le multilinguisme.  Il est donc essentiel que l’ONU prête l’attention voulue à cet intérêt pour informer le plus de gens possible.  Le représentant a conclu en se félicitant des efforts de lutte contre la désinformation. 

Mme. ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar) a fait part des préoccupations de son pays face aux développements dans la bande de Gaza, en appelant à un cessez-le-feu et en condamnant les attaques et les meurtres de civils innocents tout comme la politique de punition collective.  Exigeant l’ouverture de couloirs humanitaires dans le territoire, elle a également mis en garde contre le danger que représente le déplacement forcé de ses habitants.  Se procurer des informations fiables revêt une importance capitale, a noté la déléguée, et le DCG, avec son réseau de Centres régionaux d’information des Nations Unies, joue un rôle primordial à cet égard pour promouvoir les activités des Nations Unies avec transparence et crédibilité et en temps opportun.  La parité des langues officielles de l’ONU est à cet égard particulièrement importante.  La représentante a appelé à prendre les mesures techniques et règlementaires nécessaires pour pallier les phénomènes de la désinformation et de la mésinformation. Elle a également mis en garde contre le rôle des plateformes numériques dans la dissémination des discours de haine, de la violence et de l’extrémisme, sa délégation attachant une importance particulière à la numérisation des documents historiques de l’ONU. 

M. MAJED S. F. BAMYA, Observateur permanent adjoint de l’État de Palestine, a déclaré: « on nous a appris que la déshumanisation est le premier outil de la guerre, celui qui permet tous les crimes ».  Or, Israël mène en ce moment-même une campagne d’information pour faire précisément cela.  De hauts responsables israéliens ont appelé les Palestiniens de Gaza des « animaux humains », affirmant sans ambages et dans une promesse tenue, « s’ils veulent l’enfer, ils l’auront ».  Cette déshumanisation a été reprise dans les médias car nous avons le sentiment que le monde semble nier la douleur des Palestiniens.  L’Observateur s’est dit surpris que la représentante d’Israël ait parlé de l’horreur du 7 octobre sans mentionner ce qui a eu lieu après.  Les Israéliens, a-t-il fait remarquer, partent du principe que les Palestiniens sont responsables de leur propre mort allant jusqu’à dire « nous ne pardonnerons jamais aux Arabes de nous avoir forcé à tuer leurs enfants ».  Ce n’est donc jamais de leur faute, malgré les annexions, le blocus de Gaza, la colonisation et les meurtres de ces 75 dernières années. 

Ces derniers jours, s’est lamenté l’Observateur permanent adjoint, 4 000 Palestiniens ont perdu la vie, Mais combien de morts faut-il pour susciter l’indignation? Ne faisons-nous pas partie de la famille humaine? a-t-il lancé aux gouvernements qui ont eu du mal à reconnaître l’égalité des droits et des obligations entre toutes les nations, alors que des millions de gens manifestent dans leurs capitales.  Quand est-ce qu’on rendra Israël comptable de ses actes? Pourquoi lui accorde-t-on le droit de tuer en toute impunité?  Aujourd’hui Israël demande à la population de Gaza d’aller vers le sud puis bombarde les convois.  Il demande que l’on évacue les hôpitaux sans s’émouvoir que les gens ne sachent où aller? L’Holocauste, a ajouté l’Observateur permanent adjoint, est la pire horreur du XXe siècle et c’est lui qui a conduit à la Charte des Nations Unies et aux Conventions de Genève.  Alors n’invoquez pas l’Holocauste pour commettre des crimes de guerre et ne désacralisez pas la mémoire des morts pour tuer les autres.  L’ONU, a-t-il conclu, doit faire entendre sa voix pour mettre fin au bain de sang et au massacre et faire respecter le droit international et le droit international humanitaire.  Nous voulons que les Palestiniens vivent.  Nous voulons que les Israéliens vivent.  Nous voulons pouvoir coexister, a martelé l’Observateur permanent adjoint. 

Mme NASRIA ELARDJA FLITTI, de la Ligue des États arabes, a déclaré que les médias de l’ONU constituent la plateforme idoine pour mettre en évidence la façon dont l’Organisation traite de questions fondamentales sur les plans régional et international.  Elle s’est félicitée de l’accent mis sur les médias émergents dans notre Programme commun et son appel à promouvoir la transparence.  De même, le DCG joue un rôle central dans la présentation des questions d’importance pour la région arabe, en particulier sa couverture de la cause palestinienne.  Les événements récents ont démontré à quel point les fausses nouvelles peuvent répandre des idées erronées qui contribuent à la destruction de sociétés entières.  À cet égard, la Ligue des États arabes réaffirme l’importance du plan stratégique des médias arabes pour couvrir les souffrances des peuples sous occupation, et au premier chef les Palestiniens. 

L’observatrice a ainsi comparé la couverture intensive des diverses crises, dont l’Ukraine, à la question palestinienne.  Nous devons soutenir le discours médiatique sur les plans régional et international afin d’appuyer le concept d’État national et réfuter les idées extrémistes.  La représentante a souligné l’importance qu’il y a à véhiculer des informations en langue arabe dans les médias traditionnels, en particulier dans les régions moins développées où l’accès aux nouvelles technologies est limité.  Comme le démontrent les événements de Gaza, il est nécessaire de codifier l’interdiction de cibler les journalistes dans les zones en conflit.  Afin de contrer la désinformation, elle a appelé à la réglementation des réseaux sociaux sur les plans national et régional, tout en promouvant le rôle des médias au moyen de législations appropriées.  Enfin, la déléguée a plaidé pour le multilinguisme et la sensibilisation du public aux questions vitales du monde arabe, et ce, sans la politique de deux poids, deux mesures, s’agissant en particulier de la question palestinienne. 

M. NKALWO, de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), a souligné qu’en dépit des efforts remarquables accomplis pour développer des supports de communication dans plusieurs langues, d’importantes disparités entre l’usage de l’anglais et celui des cinq autres langues officielles persistent.  À cet égard, les visuels et bannières qui ont accompagné le Week-end d’action et le Sommet sur les objectifs de développement durable ont illustré de manière préoccupante cette tendance au monolinguisme qui se renforce au détriment de la grande diversité du public ciblé dans le monde. L’Observateur a par ailleurs dit attendre l’adoption du Cadre d’action stratégique pour le multilinguisme, sous l’égide du Secrétaire général de l’ONU, qui aura vocation à accélérer l’intégration du multilinguisme dans l’ensemble des processus onusiens.  Pour lutter contre la désinformation, l’Observateur a recommandé d’élargir l’accès aux informations objectives et fiables dans les différentes langues sur les plateformes numériques des Nations Unies. De plus, il convient de capitaliser sur le savoir-faire des vérificateurs de faits opérant dans diverses langues. 

La contribution de l’OIF sur cet axe s’illustre dans le développement de la plateforme ODIL, la plateforme francophone des initiatives de lutte contre la désinformation.  Il s’agit d’un espace unique pour s’informer en français sur l’actualité de la lutte contre la désinformation, et promouvoir les ressources et les initiatives de lutte contre la désinformation en langue française et dans les langues locales.  Cette plateforme est un précieux répertoire de solutions innovantes qui enrichit les réponses multilatérales à la désinformation, a-t-il déclaré.  Il est crucial de soutenir les capacités de recherche sur la désinformation dans les différentes langues et dans les différents contextes culturels.  C’est un axe important du projet phare « Lutte contre la désinformation » de l’OIF, qui a contribué, entre autres, à l’élaboration d’une cartographie des capacités de recherche francophone sur la désinformation, a-t-il déclaré. 

Droits de réponse

En réponse aux propos de la Fédération de Russie, l’Ukraine a déploré que l’agresseur se fasse une fois de plus passer pour la victime, considérant les propos de la Russie sur les journalistes comme un affront pour tous les journalistes dignes de ce nom. 

Israël a accusé le représentant de l’État de Palestine d’avoir refusé de condamner les attaques du Hamas contre son pays.  Sa représentante a réfuté les allégations de déshumanisation du peuple palestinien par Israël.  Elle a demandé au délégué palestinien de s’abstenir d’évoquer l’Holocauste. 

Chypre a répondu aux allégations russes à propos d’un journaliste expulsé de l’île.  Sa représentante a considéré cette mesure justifiée par des préoccupations sérieuses quant à sa sécurité nationale, en raison des activités de cet individu.  À Chypre, a-t-elle assuré, la liberté de la presse est respectée. 

L’État de Palestine s’est opposé aux propos d’Israël en refusant de justifier le meurtre de qui que ce soit.  Sa représentante, a-t-il poursuivi, parle de paix et prétend lutter contre la désinformation, alors que son pays bombarde les populations civiles avec des bombes au phosphore, propage le terrorisme et justifie des crimes de guerre. À ce titre, il s’est demandé de quel côté se trouvait la propagande, fustigeant l’instrumentalisation de l’Holocauste pour justifier le meurtre de Palestiniens.  Il a assuré ne pas nier la réalité de cet évènement, l’une des pires horreurs du XXe siècle.  Dans ce cadre, il a exhorté Israël à prier son gouvernement de cesser la tuerie de civils, refusant les leçons de morale d’Israël.

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