La Quatrième Commission entame les auditions de pétitionnaires sur le Sahara occidental
Une cinquantaine de pétitionnaires ont, cet après-midi, confronté leurs visions contrastées de l’avenir du Sahara occidental, l’un des 17 territoires non autonomes inscrits à l’ordre du jour de la Quatrième Commission, chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation. Les partisans du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui et ceux du plan d’autonomie avancée prôné par le Maroc pour ses provinces du sud ont tour à tour défendu leurs positions.
Au nom du Front POLISARIO, M. Sidi Mohamed Omar a déclaré que « c’est une honte et une insulte à l’ONU et à sa Charte que de voir un État voyou, tel que l’État occupant du Sahara occidental -le Maroc-, venir devant cette Commission avec ses “apologistes” invoquer le “droit international” et les “droits humains”, alors qu’il continue d’occuper illégalement des parties d’un territoire inscrit à l’ordre du jour de cette Commission et d’opprimer son peuple depuis des décennies ». Il s’agit selon lui d’une situation « inadmissible » qui ne peut en aucun cas être « tolérée ».
Rappelant des éléments qu’il a jugés fondamentaux depuis que la question du Sahara occidental a été inscrite à l’ordre du jour de cette Commission en 1963, M. Omar a revendiqué le droit inaliénable et non négociable à l’autodétermination et à l’indépendance de son peuple, qui ne saurait être altéré ni par le passage du temps, ni par la politique de fait accompli menée depuis 1975 par « l’État occupant du Maroc » dans ce territoire.
De nombreux pétitionnaires en provenance des îles Canaries, dont Mmes Leticia Hernández González, Victoria Travieso Hernandez, Palmira Déniz Verona ou encore M. Jose Luis Gonzalez Sanchez, ont exigé à l’unisson le respect du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, dénonçant au passage « la complicité » du Gouvernement espagnol - « Puissance administrante de jure du Sahara occidental » - avec le Maroc et « ses forces d’occupation », qui empêchent l’organisation d’un référendum depuis 1992. Ils ont sommé la Quatrième Commission de veiller au respect du droit international et de ses résolutions pertinentes sur cette question.
À l’instar de celle de Mme Maria del Mar Molina Garcia-Alcañiz, de Plataforma 8M Toledo, plusieurs voix se sont élevées pour exiger que la communauté internationale mette fin aux violations des droits humains du peuple sahraoui, et notamment de ses femmes, une tâche pour laquelle la Mission des Nations Unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO) devrait être mandatée, comme certains l’ont suggéré, dont le juriste Juan Carlos Gomez Justo, de l’Université Pablo Olavide de Séville.
Le Maroc doit arrêter de piller les ressources naturelles du Sahara occidental, notamment minières et halieutiques, sur lesquelles le peuple sahraoui a un droit légitime, comme l’a exigé M. Pablo de la Vega, de l’Association équatorienne d’amitié avec le peuple sahraoui. Abondant en ce sens, M. Juan Ramon Crespo Aguilar, de l’Observatoire des droits humains pour le Sahara occidental de Castilla-La Mancha, a dénoncé les compagnies transnationales qui collaborent à cette « spoliation des ressources », avançant même l’idée de sanctions civiles et pénales. Ces entreprises tirent profit de cette situation aux dépens du peuple sahraoui, s’est emporté M. Sergio Ramirez Galindo, de l’association Siembra Canaria.
Pourtant, a rétorqué Mme Ana Roios, ces ressources sont susceptibles d’apporter la prospérité non seulement à la population locale, mais aussi à l’ensemble de la région, et le Maroc fait preuve d’un engagement fort en faveur de leur gestion responsable. Le Royaume a investi dans le développement régional, notamment de ses infrastructures, à travers la construction et l’amélioration des axes routiers, des aéroports et des ports. Il a également lancé des projets d’énergie renouvelable qui sont particulièrement importants au regard des obligations de l’Accord de Paris et du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) de l’Union européenne, encouragé le développement agricole et développé la gestion durable des pêches, a souligné l’intervenante.
Au cours de cette séance, le Front POLISARIO a également été épinglé par plusieurs intervenants. Pour n’en citer que certains, Mmes Amanda DiCianni, de Rescue & Relief International, et Elizabeth Jordan Dail, de la Classical Conversations Foundation, ont dénoncé les conditions de vie dans les camps de Tindouf, évoquant la pauvreté, la répression, l’éducation de qualité médiocre, mais aussi le recrutement d’enfants et d’adolescents par cette organisation, en violation flagrante du droit international et des principes humanitaires fondamentaux.
De son côté, Mme Nancy Huff, de Teach the Children International, a sollicité l’aide de la Quatrième Commission pour enquêter sur le détournement de l’aide humanitaire par le Front POLISARIO, qu’un rapport de l’Office européen de lutte antifraude en date de 2015 avait déjà révélé, ainsi qu’un récent rapport du Programme alimentaire mondial (PAM), qui confirme des vols massifs de nourriture dans les camps de Tindouf. Pour y remédier, Mme Vivian Eads, entre autres, a proposé que soit recensée la population des réfugiés sur place, ce qui n’a pas été possible jusque-là. La solution « la plus humaine, la plus rapide et la plus pacifique » serait, aux yeux de ces pétitionnaires, que l’ONU adopte rapidement le plan marocain d’autonomie.
Cela a été aussi l’avis des parlementaires sahraouis des provinces du sud, venus contester la légitimité du Front POLISARIO, en leur opposant la leur, délivrée par les urnes. Mme Hayat Laarich a ainsi parlé d’un face-à-face entre une démocratie locale et la force imposée par la junte du POLISARIO, « qui a pris en otage les Sahraouis vivant dans l’enfer de Tindouf », comme l’a décrit le journaliste péruvien Ricardo Sánchez Serra. De leur côté, M. Ahmed Aly et Mme Leila Dahi ont défendu le projet d’autogouvernance du Maroc et la contribution du Royaume au développement de cette région, « en passe de devenir une plateforme de transit commercial pour toute l’Afrique ».
Partageant ce point de vue, M. Alphonse Zozime Tamekamta, de l’Université de Yaoundé I au Cameroun, a jeté un éclairage sur la position africaine relative au Sahara occidental. Il a rappelé que l’agenda géopolitique du pays hôte des camps de Tindouf fût à l’origine de profondes divisions parmi les nations africaines et au sein même de l’Union Africaine. En effet, cet État a parrainé la proclamation sur son territoire d’une prétendue « République sahraouie » et l’a faite admettre en toute illégalité à l’Organisation de l’unité africaine (OUA), avec la complicité du Secrétaire général de l’époque.
Cette décision illégale, a-t-il rappelé, a suscité de vives réprobations de la part de plusieurs pays africains et aujourd’hui, la majorité écrasante d’entre eux œuvre activement à rectifier cette « erreur historique », en appuyant le plan marocain d’autonomie. Quarante pour cent des États africains ont ouvert à ce jour des consulats généraux à Laâyoune et à Dakhla, reconnaissant ainsi la souveraineté du Maroc sur le Sahara, a-t-il précisé, en faisant valoir que, sur le plan économique, le Sahara marocain participe à l’émergence de l’Afrique au travers de nombreux projets dans les domaines de la formation, des énergies renouvelables, ou encore de l’agriculture.
En cours de séance, le représentant du Maroc a présenté une motion d’ordre pour que la Présidente de la Commission contraigne les pétitionnaires à s’arrêter de parler lorsqu’ils s’en prennent aux institutions des États Membres.
Cette année, pas moins de 161 pétitionnaires devraient, trois jours durant, s’exprimer lors de ces auditions.
La Quatrième Commission entendra d’autres pétitionnaires demain, jeudi 5 octobre 2023, à partir de 15 heures.