La Quatrième Commission entend les représentants et pétitionnaires de quatre territoires non autonomes inscrits à son ordre du jour
La Quatrième Commission, chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation, a entendu aujourd’hui les représentants et les pétitionnaires des Îles Vierges britanniques, de la Polynésie française, de Guam et de la Nouvelle-Calédonie, plusieurs exprimant leur impatience face à l’inachèvement des processus de décolonisation.
Le Président de la Polynésie française, M. Moetai Brotherson, a fait état d’une « vague bleue » qui a donné aux indépendantistes la majorité à l’Assemblée locale. Malheureusement, la « décennie silencieuse » qui vient de s’écouler a été marquée par la politique de la chaise vide de la Puissance administrante. « Mais les chose changent », a-t-il noté, en se félicitant de la reprise du dialogue, sur la base de discussions ouvertes entre partenaires. « Décoloniser, c’est aussi assurer un développement socioéconomique harmonieux et en phase avec notre identité, notre histoire, notre culture, nos ressources et nos contraintes », a-t-il ajouté.
M. Brotherson a souhaité l’avènement d’une « décolonisation de la paix », sans exclusion ni rupture, en coopération avec l’ONU et la Puissance administrante. Un dialogue sera donc engagé avec la France afin qu’un référendum d’autodétermination soit organisé, a-t-il précisé. À cet égard, les appels à retirer la Polynésie française de la liste des territoires non autonomes constituent selon lui un affront à la démocratie.
En réponse, la France a commencé par rappeler une « évidence »: « la Polynésie française n’a aucune place sur la liste des territoires non autonomes sur laquelle elle est inscrite depuis mai 2013 ». Cette décision, a ajouté son représentant, avait été prise contre l’avis du Gouvernement élu de la Polynésie française et de la France. L’élection, en avril dernier, du parti indépendantiste Tavini se veut selon lui une manifestation de l’alternance politique sur le territoire, qui n’a pas empêché la poursuite du dialogue au plus haut niveau ni la visite, en août, du Ministre de l’intérieur. Le représentant a donc demandé à nouveau le retrait de l’archipel de la liste des territoires non autonomes. « La Polynésie française est autonome, c’est un fait », a-t-il insisté, en rejetant tout parallèle avec la situation de la Nouvelle-Calédonie.
« La démocratie a parlé », ont contré les Îles Salomon, dénonçant les appels de la France à retirer la Polynésie française de la liste des territoires non autonomes. Sa représentante s’est cependant félicitée de la décision de la Puissance administrante d’initier un dialogue avec l’archipel.
Les pétitionnaires qui se sont succédé à la tribune ont dénoncé les conséquences humaines et environnementales profondes des 193 essais nucléaires français effectués dans le Pacifique sur le peuple maohi, confronté depuis des décennies à une « assimilation silencieuse », selon les mots de Mme Tiare Maohi Tairua, de l’Union chrétienne des jeunes gens de Polynésie.
« Quelle est, en 2023, la position de la Quatrième Commission? » s’est impatienté M. Oscar Temaru, de la Commune de Faa’a. « Nous n’avons plus le luxe du temps, de la démagogie et de la procrastination », alors que la France s’évertue depuis des décennies à « anesthésier » notre démocratie, a-t-il lancé. Un avis partagé par M. Ruben Teremate, de la Commission de l’éducation de l’Assemblée de la Polynésie française, pour qui le manque de mise en œuvre par l’ONU de ses propres résolutions entrave le processus de décolonisation de son pays. Pour M. Cliff Loussan, de la Commission du tourisme de l’Assemblée de la Polynésie française, la Puissance administrante ne devrait pas disposer d’un « veto » sur la mise en œuvre du mandat de décolonisation, sans quoi elle continuera de contourner ce processus.
Pendant ce temps, la Nouvelle-Calédonie s’apprête à franchir une phase « critique » de son histoire avec la sortie de l’Accord de Nouméa, « processus moderne et innovant d’émancipation et de décolonisation », s’est félicité M. Mickaël Forrest, Membre du Gouvernement du territoire. Les discussions entre les parties signataires de l’Accord de Nouméa sur l’avenir institutionnel du territoire ont ainsi débuté en mars 2023, ce qui témoigne selon lui de la volonté de l’archipel d’enraciner les fondements d’une émancipation engagée en 1988.
Depuis plus de 40 ans, Guam se présente devant cette Commission pour lui faire part de sa situation et lui demander de l’aider à surmonter les difficultés liées à son statut colonial afin de parvenir à une pleine autonomie, a rappelé le représentant de ce territoire, M. Melvin Won Pat-Borja. Or, la Puissance administrante affirme que la décolonisation ne peut être entreprise que dans les limites du cadre national américain, cadre qui perpétue sans les résoudre les « déficiences démocratiques » inhérentes au statut colonial. Toutefois, l’aval donné par le Gouvernement américain à une visite du Comité spécial de la décolonisation à Guam permettra selon lui un examen approfondi des défis auxquels est confrontée l’île.
S’agissant des Îles Vierges britanniques, le Premier Ministre M. Eliezer Benito Wheatley s’est félicité de l’engagement du Gouvernement britannique à lever, d’ici à mai 2024, le décret lui permettant de suspendre la gouvernance démocratique sur le territoire. M. Wheatley a exprimé son intention de discuter de la nature du lien entre le Royaume-Uni et les Îles Vierges britanniques à l’occasion du Conseil ministériel conjoint qui se tiendra à Londres entre le Gouvernement britannique et ses territoires d’outre-mer. « Le chemin des Îles Vierges britanniques vers l’autodétermination se poursuit », a assuré le Premier Ministre, avec des avancées sur des questions constitutionnelles par étapes.
Enfin, Gibraltar a demandé que son intervention soit reportée après la tenue des élections prévues le 12 octobre prochain.
La Commission poursuivra son examen des points relatifs à la décolonisation demain, le mercredi 4 octobre 2023, à compter de 15 heures.