La Troisième Commission entérine 10 textes, mais se divise sur la question de la glorification du néonazisme
La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a commencé, ce matin, à se prononcer sur ses projets de résolution en faisant siens 10 textes, dont deux nouveaux projets consacrés notamment à l’égalité d’accès à la justice. Si neuf des projets de résolution ont pu être adoptés par consensus, un vote a en revanche été requis pour entériner celui relatif à la « Lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée ».
Présenté par la Fédération de Russie, ce projet, qui a été adopté tel qu’amendé par 112 voix pour, 50 voix contre et 14 abstentions, prend note du rapport que la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée a établi pour faire suite à la demande formulée dans la résolution 77/204.
L’amendement, présenté par l’Albanie au nom d’un groupe de pays et adopté par 66 voix pour, 26 voix contre et 67 abstentions, prévoit l’insertion d’un nouveau paragraphe, par lequel l’Assemblée générale « constaterait avec inquiétude que la Fédération de Russie a cherché à justifier son agression territoriale contre l’Ukraine en invoquant l’élimination du néonazisme ».
La délégation albanaise a justifié sa demande d’amendement par le fait que le texte russe « manipule la vérité historique », rappelant que le même paragraphe avait été inclus dans le projet résolution voté l’an dernier. La Fédération de Russie cherche à utiliser ce type de désinformation pour justifier son invasion de l’Ukraine en violation du droit international, a-t-elle fustigé.
La délégation russe a dénoncé « un désir de politiser les questions abordées dans le projet de résolution ». Elle a également accusé les auteurs de l’amendement de tenter d’introduire dans le texte la justification de la diffusion d’idées et d’idéologies racistes, xénophobes et néonazies, en tant que « réalisation du droit à la liberté d’expression ».
L’Union européenne et le Japon ont fustigé un discours sans fondement qui mine la lutte réelle contre le néonazisme, tandis que l’Ukraine a accusé la Russie de chercher à justifier ses crimes, rappelant le bombardement du village de Hroza le 5 octobre dernier.
Le Nicaragua et le Venezuela, appuyés par le Bélarus, ont en revanche déploré un amendement qui mine les efforts pour lutter contre le racisme, la xénophobie et le néonazisme. De son côté, le Sénégal a dénoncé « l’indignation sélective » de certains, Cuba estimant pour sa part que d’autres contextes pourraient tout aussi bien être évoqués, notamment « le génocide commis par Israël à Gaza ». Préoccupé par la recrudescence des incidents antisémites dans le monde, « en progression de 500% depuis le 7 octobre », Israël a voté en faveur de l’amendement et du projet de résolution.
Texte inédit, le projet intitulé « Égalité d’accès à la justice pour tous et toutes » engage l’Assemblée générale à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer « en toute équité, transparence, efficacité et sans discrimination » des services qui facilitent l’accès à la justice, et encourage les États Membres à prendre des mesures efficaces pour garantir l’application de la loi pour tous et toutes. L’autre nouveau projet de résolution adopté aujourd’hui porte sur le renforcement de la contribution de la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale à l’accélération de la mise en œuvre du Programme 2030.
Outre un texte portant sur la célébration du soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Troisième Commission a fait siens plusieurs projets consacrés aux personnes atteintes d’albinisme, à la réduction de la récidive, et à la lutte contre le sans-abrisme.
Elle a également appelé à la proclamation d’une nouvelle Année internationale des coopératives en 2025 et recommande par ailleurs à l’Assemblée générale de décider que le thème principal du quinzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale, qui se tiendra en 2026, soit: « Accélérer la prévention du crime, la justice pénale et l’état de droit: protéger les populations et la planète et réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030 à l’ère du numérique ».
Enfin, le texte intitulé « Assistance technique fournie par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime dans le domaine de la lutte contre le terrorisme », appelle l’ONUDC à fournir aux États Membres qui le demandent une assistance technique pour leur donner les moyens d’évaluer les risques de financement du terrorisme, ainsi que pour les aider à lutter contre la menace que représentent les combattants terroristes étrangers.
La Troisième Commission poursuivra ses travaux mardi 7 novembre, à partir de 15 heures.
DÉCISION SUR LES PROJETS DE RÉSOLUTION
Déclaration liminaire
Dans une déclaration liminaire concernant l’ensemble des points abordés au cours de cette session, les États-Unis ont fait valoir que les résolutions de la Troisième Commission ne créent pas de nouvelles obligations en vertu du droit international. Réitérant leur plein engagement en faveur du Programme de développement durable à l’horizon 2030, ils ont rappelé que ce plan sur 15 ans est non contraignant, ne crée ni devoirs ni obligations. La délégation a ajouté que le droit au développement n’a pas de signification convenue au niveau international et que les États-Unis s’opposent à ce qu’il soit fait mention de ce terme dans les résolutions.
De même, les États-Unis n’acceptent pas que les sanctions soient présentées comme des violations des droits humains, a indiqué la délégation, pour qui ce type de mesure peut, au contraire, jouer un rôle précieux dans la prévention des violations des droits humains et dans l’obligation de rendre des comptes.
Développement social (A/C.3/78/L.10), (A/C.3/78/L.13)
Par le projet de résolution intitulé « Personnes atteintes d’albinisme » (A/C.3/78/L.10), présenté par le Malawi, également au nom de la République-Unie de Tanzanie, et adopté par consensus, l’Assemblée générale prierait les États Membres de continuer de s’acquitter de leur obligation de faire respecter les droits humains fondamentaux des personnes atteintes d’albinisme. À cette fin, elle les encouragerait à adopter des plans d’action et des textes de loi relatifs aux droits de ces personnes, à lutter contre les causes profondes de la discrimination et de la violence les visant, et à mettre fin à l’impunité des auteurs de violences à leur encontre, notamment de violences sexuelles et fondées sur le genre.
En outre, l’Assemblée générale demanderait aux États Membres de prendre des mesures pour garantir que ces personnes ne soient pas laissées-pour-compte. Elle engagerait également la communauté internationale à fournir une aide financière et technique aux États Membres pour qu’ils puissent proposer des services dermatologiques et ophtalmologiques abordables.
En vertu du projet de résolution intitulé « Politiques et programmes inclusifs pour lutter contre le sans-abrisme, notamment à la suite de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) » (A/C.3/78/L.13), présenté par Madagascar au nom du Groupe des États d'Afrique et adopté par consensus, l’Assemblée générale exhorterait les États Membres à tenir compte des personnes sans abri dans la conception de politiques visant à leur assurer une participation pleine et entière à la société et l’accès à un logement stable à un coût abordable.
L’Assemblée générale exhorterait les États Membres à lutter contre les facteurs structurels et les circonstances qui conduisent au sans-abrisme et encouragerait les pouvoirs publics à améliorer l’accès à un logement abordable au moyen de politiques du logement intégrées et de mesures de protection sociale. Elle engagerait également les États Membres à veiller, au lendemain de la pandémie de COVID-19 et dans d’autres situations du même ordre, à ce que les personnes sans abri aient accès à des traitements médicaux et des services de soins, ainsi qu’à des installations d’eau potable, d’assainissement et d’hygiène en quantité suffisante.
Incidence budgétaire
Le Secrétaire de la Commission a indiqué que si ce projet de résolution était adopté par l’Assemblée générale, il aurait une incidence d’un montant de 119 600 dollars sur le budget programme pour 2005, dont le projet sera examiné lors de la soixante-dix-neuvième session.
Explications de position
Avant l’adoption du projet de résolution, le Japon et le Canada, qui s’exprimait également au nom de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, ont regretté que la mise à jour du texte ait été diffusée tardivement. Ils ont prié le Secrétariat de la Commission de bien vouloir améliorer la gestion des délais pour permettre aux délégations d’évaluer les incidences budgétaires potentielles.
Après l’adoption, les États-Unis ont partagé les griefs exprimés précédemment et ont indiqué qu’ils soulèveraient cette question à la Cinquième Commission.
De son côté, le Royaume-Uni a indiqué qu’il n’appuie pas le contrôle du prix des loyers, estimant qu’une telle mesure décourage l’investissement dans le secteur et peut encourager la sous-location illégale. Il a, par ailleurs, invité le Secrétariat de la Commission à adopter une démarche plus efficiente.
Développement social, y compris les questions relatives à la situation sociale dans le monde et aux jeunes, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille (A/C.3/78/L.11),
Selon les termes du projet de résolution intitulé « Rôle des coopératives dans le développement social » (A/C.3/78/L.11), présenté par la Mongolie et adopté sans vote, l’Assemblée générale appellerait à la proclamation d’une nouvelle Année internationale des coopératives en 2025 et encouragerait tous les États Membres, ainsi que l’ONU et les autres parties prenantes concernées, à en tirer parti pour promouvoir les coopératives et sensibiliser à leur contribution à la mise en œuvre des objectifs de développement durable et au développement social et économique en général. En outre, elle encouragerait les gouvernements à se concerter avec les coopératives dans le cadre de la préparation de leurs examens nationaux volontaires en vue du forum politique de haut niveau pour le développement durable.
Explication de position
À l’issue de l’adoption, le Mexique s’est dissocié du paragraphe 12 du préambule, introduit en dehors des négociations, alors que les délégations présentes lors des consultations avaient déjà accepté une version différente de ce paragraphe. La délégation a souligné que toutes les négociations liées au Sommet social mondial de 2025 doivent se tenir dans le cadre de discussions publiques, transparentes et inclusives, avec les facilitateurs désignés à cet effet.
Élimination du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée (A/C.3/78/L.7),(A/C.3/78/L.58)
Aux termes du projet de résolution intitulé « Lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée » (A/C.3/78/L.7) , présenté par la Fédération de Russie et adopté tel qu’amendé par 112 voix pour, 50 voix contre et 14 abstentions, l’Assemblée générale se déclarerait profondément préoccupée par la glorification du mouvement nazi, du néonazisme et des anciens membres de l’organisation Waffen-SS.
Elle prendrait note du rapport que la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée a établi pour faire suite à la demande qu’elle a formulée dans sa résolution 77/204.
D’autre part, elle se déclarerait alarmée de ce que des groupes extrémistes, notamment les groupes néonazis, utilisent les technologies de l’information pour recruter de nouveaux membres et diffuser leurs messages haineux. Elle condamnerait sans réserve tout déni de l’Holocauste ainsi que toute manifestation d’intolérance religieuse, d’incitation à la haine, de harcèlement ou de violence à l’égard de personnes ou de communautés en raison de leur appartenance ethnique ou de leurs croyances religieuses.
Présentation d’un projet d’amendement
Au nom d’un groupe de pays, l’Albanie a présenté un projet d’amendement (A/C.3/78/L.58) demandant l’insertion, après le paragraphe 3 du dispositif du projet de résolution, d’un nouveau paragraphe, selon lequel l’Assemblée générale « constaterait avec inquiétude que la Fédération de Russie a cherché à justifier son agression territoriale contre l’Ukraine en invoquant l’élimination du néonazisme, et soulignerait qu’invoquer le néonazisme comme prétexte pour justifier une agression territoriale compromet sérieusement les mesures prises pour combattre réellement ce fléau ».
La délégation albanaise a rappelé que le même paragraphe avait été inclus dans le projet de résolution voté l’an dernier par la Troisième Commission. Elle a justifié sa demande d’amendement par le fait que le projet de résolution « manipule la vérité historique » et que la Fédération de Russie cherche à utiliser ce type de désinformation pour justifier son invasion de l’Ukraine en violation du droit international. Rappelant que la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée avait mis au jour cette stratégie, elle a relevé que l’amendement proposé reprend mot pour mot les termes de son rapport. Elle a appelé tous les États Membres à voter pour ce projet d’amendement qui, selon elle, « reflète plus précisément la réalité du monde ».
Mis aux voix, ce projet d’amendement a été adopté par 66 voix pour, 26 voix contre et 67 abstentions.
Déclarations et explications de vote sur le projet d’amendement
Avant le vote sur le projet d’amendement, l’Espagne, qui s’exprimait au nom de l’Union européenne (UE), a dénoncé la suppression du paragraphe ajouté dans la résolution de l’an dernier. Il s’agit, selon elle, d’une instrumentalisation flagrante du texte pour « justifier l’injustifiable » et commettre de graves violations du droit international. Elle a appelé à voter pour l’amendement présenté par l’Albanie. L’Australie a rappelé qu’elle avait présenté le même amendement l’an dernier pour dénoncer, à l’instar du Rapporteur spécial sur cette question, l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine sous prétexte de néonazisme. Le Japon a estimé que le discours « sans fondement » de la Russie sur le néonazisme en Ukraine mine la lutte réelle contre cette idéologie. « Nous ne pouvons permettre que la mémoire et l’histoire soient utilisées à des fins politiques », a-t-il souligné. Sur la même ligne, l’Ukraine a dénoncé la tentative de manipulation russe pour justifier ses crimes, rappelant que le bombardement russe du 5 octobre dernier contre le village de Hroza, dans la région de Khakiv, a été justifié par le Chef de la délégation russe aux Nations Unies par la présence de néonazis dans la zone. Elle a indiqué que les conclusions du rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), publiées lundi, font apparaître que les victimes ne faisaient pas partie des forces armées ukrainiennes et encore moins de groupes néonazis. Rappelant que des millions d’Ukrainiens ont perdu la vie en luttant contre le nazisme durant la Seconde Guerre mondiale, elle a qualifié cette résolution de « manipulation de l’histoire ».
De son côté, demandant instamment aux États Membres de ne pas « tomber dans le piège de la provocation procédurale », la Fédération de Russie les a appelés à voter contre la proposition d’amendement. Elle a fait valoir que le texte qu’elle soumet à la Commission est une résolution thématique et non une résolution spécifique à un pays, « ce en quoi l’amendement la transformerait ». Quant à la proposition en elle-même, elle a dénoncé « un désir de politiser les questions abordées dans le projet de résolution ». Elle a également accusé les auteurs de l’amendement de tenter d’introduire dans le texte la justification de la diffusion d’idées et d’idéologies racistes, xénophobes et néonazies, en tant que « réalisation du droit à la liberté d’expression ».
Après le vote du projet d’amendement, le Bélarus, s’exprimant au nom de l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC), a rappelé que certains pays ont consenti des dizaines de millions de morts pour stopper le nazisme. Il a rejeté toute tentative visant à glorifier d’anciens nazis, d’ériger des monuments en leur mémoire et de nommer des rues en leur honneur.
Déclarations et explications de vote sur le projet de résolution
Avant le vote sur le projet de résolution, l’Espagne, s’exprimant au nom de l’Union européenne (UE), a rejeté l’usage du terme « dénazification » pour justifier la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Elle a estimé que la Fédération de Russie cherche ainsi à semer la désinformation, ce qui justifie le choix de l’UE de voter contre ce texte.
L’Ukraine a, pour sa part, jugé que bien qu’amendé, le projet de résolution en l’état peut encore servir de justification aux violations massives des droits humains commises par la Fédération de Russie sur son territoire, permettant ainsi de considérer le « génocide contre les Ukrainiens » comme un « mal acceptable ». Elle a dénoncé l’hypocrisie de la Fédération de Russie et appelé à voter contre le projet de résolution.
L’Indonésie a, quant à elle, souligné le besoin urgent de lutter contre la montée du racisme, ce qui justifie selon elle d’adopter ce projet de résolution. Dénonçant un amendement qui introduit un « deux poids, deux mesures », elle a estimé que ce qui se passe à Gaza ne peut être ignoré car « les actions d’Israël entraînent une tragédie humaine qui porte l’empreinte de l’apartheid ». Après avoir dénoncé le fait qu’une résolution soit condamnée sélectivement en fonction de son auteur et pas des violations commises, elle a appelé à voter pour le texte.
Israël s’est ensuite inquiété de la recrudescence des incidents antisémites dans le monde, « en progression de 500% depuis le 7 octobre », dénonçant les appels à tuer les Juifs et les nombreuses autres violations des droits humains dont ils font l’objet. Il a appelé les États Membres à adopter un outil contraignant définissant l’antisémitisme. La délégation a enfin indiqué qu’elle voterait pour le projet de résolution, tout en rejetant toute référence infondée aux crimes du nazisme.
Après le vote sur le projet de résolution, la Fédération de Russie a une nouvelle fois dénoncé des provocations procédurales et s’est dissociée du paragraphe 4 ajouté au texte. Elle a rejeté les accusations des délégations qui lui ont reproché de ne pas avoir organisé des négociations substantielles, assurant que ces dernières ont refusé d’y prendre part. Le Bélarus s’est lui aussi dissocié du paragraphe 4, qui « transforme une résolution thématique en résolution spécifique dédiée à un pays ». Dans la même veine, le Nicaragua et le Venezuela ont dénoncé un amendement qui mine les efforts pour lutter contre le racisme, la xénophobie et le néonazisme, s’en dissociant tout en validant le reste du texte.
Regrettant que l’amendement adopté introduise des mentions spécifiques contre un pays dans le projet d’une résolution thématique, Cuba a estimé que d’autres contextes pourraient tout aussi bien être évoqués, notamment la situation des minorités ethniques et religieuses aux États-Unis ou encore « l’apartheid contre le peuple palestinien et le génocide commis par Israël à Gaza ». Elle a aussi dénoncé la position des délégations qui ont voté contre le projet de résolution, malgré l’adoption de l’amendement qu’elles avaient elles-mêmes proposé. Elle s’est dissociée du paragraphe 4 et a indiqué avoir voté en faveur du texte. Déployant des arguments similaires, la Malaisie a dit avoir voté pour en se dissociant du paragraphe 4. Elle a jugé extrêmement triste et préoccupant de voir qu’un pays use de la terminologie associée à cette période sombre de l’histoire mondiale pour « justifier une agression indiscriminée contre une population entière ».
L’Égypte a dénoncé l’approche politisée et sélective qui consiste à introduire un amendement dans une résolution thématique. Elle s’est demandé pourquoi les promoteurs de l’amendement ne condamnent pas de la même manière « l’agression et le génocide israéliens contre la population civile de Gaza, qu’ils justifient en violation du droit international », y voyant un exemple flagrant de « deux poids, deux mesures ». C’est pourquoi elle a rejeté l’amendement, tout en votant pour le texte. À sa suite, la République arabe syrienne a dénoncé les tentatives de l’Occident de faire obstruction à cette résolution. Elle s’est étonnée que les États-Unis parlent d’un « stratagème politique honteux » au sujet de ce projet de résolution, alors qu’ils se livrent avec leurs alliés à la définition de ces termes en soutenant aveuglément la « guerre génocidaire » menée par la Puissance occupante contre le peuple palestinien. Elle a considéré « peu crédible » la position qui consiste à voter contre la résolution en prétendant s’opposer au néonazisme. Elle s’est dissociée du paragraphe 4, « preuve évidente de l’hypocrisie occidentale », estimant qu’en fin de compte, il disparaîtra alors que la résolution restera. Indiquant avoir voté pour cette « importante résolution », le Sénégal a dénoncé « l’indignation sélective » des pays qui ont voté contre ce texte qui tente de politiser le débat, y voyant un « deux poids, deux mesures ».
Sri Lanka s’est également dissocié du paragraphe 4 et s’est étonné de la position des États qui ont voté contre le texte après avoir fait adopter leur amendement. L’Afrique du Sud s’est élevée contre l’ajout d’un paragraphe qui introduit des libellés spécifiques à un pays dans une résolution thématique. Le Soudan a estimé que l’amendement politise le texte, un avis partagé par le Nigéria, qui a appelé à rejeter toute sélectivité dans le traitement des droits humains. L’Algérie a, elle, indiqué qu’elle s’est abstenue sur l’amendement, en vertu de son opposition à la politisation des travaux des Nations Unies, tout en votant pour la résolution dans son ensemble.
À son tour, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a dénoncé le paragraphe 4, dénonçant une manœuvre politique, tandis que la Chine estimait que le libellé ajouté n’avait pas sa place dans une résolution thématique. Selon la délégation chinoise, certains auteurs de l’amendement falsifient l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et refusent de reconnaître leurs propres crimes de guerre, notamment des violences sexuelles de masse. À l’inverse, Singapour a jugé utile de voter pour la résolution, ainsi que pour le paragraphe 4, à l’heure où les manifestations du racisme se multiplient.
Sur le fond, le Japon a estimé que la résolution ne couvre pas de manière globale les manifestations modernes du racisme et de l’intolérance. Il a réaffirmé son rejet de la manipulation par la Fédération de Russie de la lutte contre le nazisme pour justifier son agression contre l’Ukraine. De son côté, la Nouvelle-Zélande s’est déclarée préoccupée par la manière dont ce projet de résolution déforme les obligations des États Membres et s’est inquiétée de l’absence de référence à des formes modernes de racisme. De même, le Canada a estimé que l’ensemble du texte reste problématique car il ne reflète pas les formes actuelles de racisme et menace la liberté d’expression. L’Australie a qualifié la tentative d’instrumentalisation de l’Holocauste et du nazisme par la Fédération de Russie de « violation grossière du droit », ce qui justifie son vote contre le projet de résolution.
Dans le même esprit, les États-Unis ont dénoncé la désinformation propagée par la Fédération de Russie, qui manipule l’Holocauste et utilise de faux exemples de nazisme pour justifier son agression contre l’Ukraine. Ils ont estimé que ce projet de résolution n’est pas un effort sérieux pour lutter contre le racisme, la xénophobie et le nazisme mais « un affront aux victimes de l’Holocauste et à tous ceux qui ont lutté contre le nazisme », doublé d’un « stratagème politique honteux ». Ils ont rejeté les libellés qui justifient des restrictions à la liberté d’expression, regrettant également que la délégation russe n’ait pas organisé de négociations suffisantes pour rapprocher les positions.
Au nom des pays nordiques et baltes, la Suède a estimé que, même s’il y a des libellés importants dans le texte, il reste impossible d’accepter le cynisme qui consiste à utiliser le prétexte de la dénazification pour envahir un pays voisin. Malgré l’adoption de l’amendement, elle a estimé que le projet de résolution contient des libellés hautement problématiques utilisés par la Fédération de Russie pour dénoncer la glorification du nazisme dans des États souverains anciennement occupés par l’URSS. Déplorant à son tour l’insuffisance des négociations, elle a appelé la Russie à renoncer à son rôle sur ce texte afin que se tienne à l’avenir un débat franc sur ces questions très pertinentes. Pour toutes ces raisons, les pays nordiques et baltes ont voté contre le texte dans son ensemble, a-t-elle indiqué.
L’Autriche a condamné l’agression russe contre l’Ukraine et rejeté le terme de « dénazification » contenu dans la résolution. La Slovénie a également rejeté la tentative russe de justifier cette agression par le biais de la lutte contre le néonazisme. Le Liechtenstein a considéré que, même amendé, le projet de résolution représente mal les obligations au titre du droit international. Tout en reconnaissant que le texte adopté contient des éléments importants pour la lutte contre le racisme, la Suisse a dénoncé le terme de « dénazification », y voyant « un manque total de respect pour les victimes du nazisme ». Elle a aussi regretté que les formes contemporaines de racisme ne soient pas reflétées dans le projet de résolution.
Promotion et protection des droits humains (A/C.3/78/L.25)
Par le projet de résolution intitulé « Célébration du soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme » (A/C.3/78/L.25), adopté sans vote, l’Assemblée générale exhorterait les États à redoubler d’efforts pour honorer leur obligation de promouvoir et de protéger tous les droits humains et libertés fondamentales, et à appliquer les dispositions inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans la Déclaration et le Programme d’action de Vienne.
Prévention du crime et justice pénale (A/C.3/78/L.2), (A/C.3/78/L.3), (A/C.3/78/L.4), (A/C.3/78/L.5), (A/C.3/78/L.6)
Aux termes du projet de résolution « Suite à donner au quatorzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale et préparatifs du quinzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale » (A/C.3/78/L.2), adopté par consensus, l’Assemblée générale déciderait que le thème principal du quinzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale, qui se tiendra en 2026, serait: « Accélérer la prévention du crime, la justice pénale et l’état de droit: protéger les populations et la planète et réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030 à l’ère du numérique ».
Sa durée ne dépasserait pas huit jours, et son ordre du jour aborderait notamment les formes de criminalité nouvelles, émergentes et évolutives.
Incidence budgétaire
Le Secrétariat a indiqué que les paragraphes 13, 14 et 18 du texte auraient une incidence budgétaire, précisant que le montant exact sera déterminé ultérieurement.
En vertu du projet de résolution intitulé « Réduction de la récidive grâce à la réadaptation et à la réinsertion » (A/C.3/77/L.3), adopté sans vote, l’Assemblée générale encouragerait les États Membres à élaborer des stratégies ou des plans d’action globaux propres à réduire la récidive; à donner aux personnes délinquantes accès à des programmes de formation professionnelle et technique; et à promouvoir des approches et des programmes de réadaptation dans leurs systèmes judiciaires habilités à traiter des questions sociales ou de santé mentale.
Elle encouragerait en outre vivement les États Membres à participer activement à la réunion du groupe intergouvernemental d’experts à composition non limitée chargé d’élaborer des stratégies types propres à réduire la récidive qui pourraient être utiles aux États Membres.
Par le projet de résolution intitulé « Renforcer la contribution de la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale à l’accélération de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 » (A/C.3/78/L.4), adopté sans vote, l’Assemblée générale inviterait la Commission à continuer d’élaborer des initiatives de politique générale et de sensibilisation de portée mondiale pour accélérer la réalisation des objectifs de développement durable, notamment de l’objectif 16, qui consiste à promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement durable.
Elle prierait en outre la Commission d’encourager les États Membres qui présentent des examens nationaux volontaires au forum politique de haut niveau pour le développement durable à faire part de leur expérience, des progrès accomplis et des difficultés et obstacles rencontrés lors de la mise en œuvre des aspects du Programme 2030 qui intéressent les travaux de la Commission.
En vertu du projet de résolution intitulé « Assistance technique fournie par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime dans le domaine de la lutte contre le terrorisme » (A/C3/78/L.5), adopté sans vote, l’Assemblée générale prierait l’ Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) de continuer à fournir aux États Membres qui le demandent une assistance technique aux fins de l’adhésion aux conventions et protocoles internationaux existants relatifs à la lutte contre le terrorisme.
Elle prierait également l’ONUDC de veiller à ce que l’assistance fournie aux États Membres pour les aider à prévenir et à combattre le terrorisme corresponde et réponde aux besoins prioritaires des États demandeurs; et lui demanderait de continuer de fournir une assistance technique pour donner aux États Membres les moyens d’évaluer les risques de financement du terrorisme, entre autres.
En outre, l’ONUDC serait priée de fournir une assistance pour aider les États Membres à lutter contre la menace que représentent les combattants terroristes étrangers; et de les aider à mettre en œuvre des programmes de développement des capacités visant à renforcer les mesures de prévention de la criminalité et de justice pénale prises face à la destruction et au trafic de biens culturels par des terroristes.
L’Assemblée générale prierait enfin l’ONUDC de continuer d’aider les États Membres à empêcher l’implication d’enfants dans des groupes armés et des groupes terroristes et à veiller à ce que les enfants soupçonnés, accusés ou reconnus coupables d’avoir enfreint la loi, en particulier s’ils sont privés de liberté, les enfants victimes ou témoins d’infractions et ceux nés des suites de violences sexuelles commises par des groupes armés ou terroristes, soient traités d’une façon respectueuse de leurs droits, de leur dignité et de leurs besoins.
En vertu du projet de résolution intitulé « Égalité d’accès à la justice pour tous et toutes » (A/C3/78/L.6), adopté sans vote, l’Assemblée générale s’engagerait à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer en toute équité, transparence, efficacité et sans discrimination des services qui facilitent l’accès de tous et toutes à la justice, notamment à l’assistance juridique.
Elle encouragerait les États Membres à garantir l’égalité d’accès à la justice et l’application de la loi pour tous et toutes, notamment en prenant des mesures efficaces fondées sur des données pertinentes, telles que les données relatives à l’âge et au genre. De même, elle affirmerait qu’il importe que certains membres de la société, comme les enfants, les personnes handicapées, les personnes en situation de vulnérabilité et les victimes d’actes de violence, bénéficient d’une protection supplémentaire afin de pouvoir accéder aux systèmes judiciaires.
L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) serait prié pour sa part de convoquer pendant la période intersessions une réunion lors de laquelle des experts désignés par les États Membres échangeraient des informations sur les difficultés rencontrées, les enseignements tirés, les meilleures pratiques suivies et les facteurs propices requis pour améliorer le fonctionnement des systèmes de justice pénale afin de garantir à tous et à toutes un accès égal à la justice.
Explication de position
À l’issue de l’adoption, les États-Unis, coauteurs du texte, se sont félicités de l’adoption du projet de résolution, « premier du genre », et ont appelé l’ensemble des États Membres à appuyer sa mise en œuvre.