Soixante-dix-huitième session,
30e et 31e séances plénières – matin & après-midi
AG/SHC/4388

Alors que l’extrême pauvreté guette, la Troisième Commission se penche sur les droits au logement convenable, à l’alimentation et à la justice

La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a dialogué aujourd’hui avec six titulaires de mandat qui ont attiré l’attention des délégations sur tout un éventail de problématiques, notamment le droit à un logement convenable, l’autonomisation juridique, l’aggravation de la crise alimentaire et la précarisation de l’emploi.  La question de l’impact des systèmes de surveillance sur les droits humains a également été abordée, de même que le fléau des féminicides.

Ouvrant la discussion, le Rapporteur spécial sur le logement convenable a alerté que 1,6 milliard de personnes dans le monde n’ont pas de logement adéquat, un chiffre qui pourrait atteindre 3 milliards d’ici à 2030 alors que l’on estime à 100 millions le nombre de personnes sans abri dans le monde.  Appelant à transcender le « paradigme de la propriété », il a notamment encouragé les États Membres à investir dans le développement de modèles alternatifs de logement abordable, notamment des fiducies foncières communautaires, et à mettre un terme à la privatisation des logements sociaux.  Il a également encouragé à reconnaître l’accessibilité économique comme partie intégrante du droit à un logement convenable dans leur droit national ou constitutionnel.  Évoquant par ailleurs la situation au Moyen-Orient, le Rapporteur spécial a appelé à reconnaître le domicide comme un crime international à part entière.

De son côté, le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, a fustigé l’utilisation croissante de la nourriture comme arme pour affamer les populations en situation de conflits et déclencher des nettoyages ethniques, exhortant les délégations à adopter une résolution prohibant l’utilisation de la famine et le blocage de l’aide humanitaire comme armes de guerre.  Il a également fait état d’une aggravation de la crise alimentaire dans le monde, imputant le phénomène à l’arrêt des programmes mis en place par les gouvernements pendant la pandémie de COVID-19, comme la gratuité des repas pour les écoliers et les aides financières directes aux ménages.  Face à cette situation, il a notamment appelé les États Membres à rendre les systèmes alimentaires résistants aux changements climatiques et à abandonner l’agriculture industrielle au profit de l’agroécologie, entre autres. Suite à son intervention, la Fédération de Russie a critiqué le fait que son rapport pose la situation en Ukraine comme un facteur d’augmentation de l’insécurité alimentaire dans le monde. 

Les délégations ont ensuite échangé avec le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté qui a rappelé aux États désireux d’améliorer leur compétitivité-coûts dans une économie mondialisée que les salaires de misère constituent une violation des droits humains, exhortant à garantir à chaque travailleur un salaire minimum vital.  À rebours des idées reçues, son rapport souligne en effet que l’emploi ne permet pas d’échapper à la pauvreté.  Un travailleur sur cinq dans le monde vit en dessous du seuil de pauvreté, s’est-t-il en effet alarmé, mettant en cause la faiblesse des salaires réels qui ont chuté l’an dernier pour la première fois depuis le début de ce siècle, alors même que les bénéfices des entreprises augmentent. 

Selon le Rapporteur spécial, cette situation s’explique essentiellement par la baisse des contrats de travail à temps plein au profit de contrats à temps partiel « occasionnels » mal rémunérés.  De nombreux travailleurs sont également classés à tort comme « travailleurs indépendants », notamment dans l’économie des petits boulots, tandis que des violations persistantes des droits syndicaux ces 30 dernières années ont miné la capacité des travailleurs à négocier, a-t-il indiqué. 

Venue attirer l’attention sur les 5,1 milliards de personnes privées d’un véritable accès à la justice dans le monde, la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, a vanté pour sa part les mérites de l’autonomisation juridique et a appelé à élargir l’écosystème juridique en appuyant les travailleurs de la justice de proximité qui, a-t-elle expliqué, reçoivent une formation plus limitée dans un domaine précis, notamment la négociation ou le plaidoyer. Ces travailleurs de la justice élargissent les possibilités offertes aux personnes confrontées à des problèmes juridiques, ou les orientent vers des avocats lorsqu’une expertise technique est nécessaire, contribuant ainsi à démocratiser l’état de droit.  Relevant cependant que nombre d’entre eux sont la cible d’attaques ou travaillent sous la menace d’une criminalisation pour avoir mené des activités d’autonomisation juridique considérées comme équivalant à une pratique juridique non autorisée, la Rapporteuse spéciale a appelé les États Membres à travailler avec les barreaux pour dépénaliser la fourniture de ce type d’assistance juridique. 

De son côté, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a attiré l’attention sur les meurtres fondés sur le genre ou l’orientation sexuelle, en particulier la « pandémie » des féminicides.  À ce propos, Chypre a signalé qu’en 2021, 80 000 femmes et filles avaient été tuées volontairement dont 45 000 par des membres de leur famille, faisant du foyer l’endroit le plus dangereux pour elles.  La Belgique s’est plus particulièrement préoccupée des féminicides commis par les États, rappelant qu’aujourd’hui, 5 000 femmes se trouvent dans le couloir de la mort dans au moins 41 pays.  La peine de mort constitue parfois un féminicide, en raison des discriminations préexistantes, a indiqué la délégation.  De son côté, le Chili a fait savoir qu’il avait inclus le délit de « suicide-féminicide » à sa législation.

Les délégations ont également dialogué avec la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, au sujet des conséquences sur les droits humains de l’utilisation des nouvelles technologies, notamment les drones armés, les données biométriques, les interfaces de programmation et les systèmes de surveillance.

La Troisième Commission poursuivra ses travaux, lundi 23 octobre, à partir de 10 heures. 

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS (A/78/198)

Déclarations liminaires des titulaires de mandat au titre d’une procédure spéciale et d’autres experts, suivies d’un dialogue interactif

Exposé

M. BALAKRISHNAN RAJAGOPAL, Rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard, a appelé à reconnaître les violations systématiques du droit à un logement convenable lors de conflits violents en tant que crime international à part entière.  Les violations systématiques du droit au logement doivent faire l’objet d’enquêtes et de poursuites devant les tribunaux nationaux et internationaux, a estimé le Rapporteur spécial, condamnant les tirs de roquettes aveugles du Hamas contre de nombreuses communautés en Israël, ainsi que la destruction d’immeubles d’habitation et d’infrastructures civiles à Gaza par les bombardements israéliens.  Le domicile, a-t-il insisté, doit être identifié et sanctionné. 

Passant à son rapport consacré à la crise climatique et au droit au logement (A/HRC/52/28), le Rapporteur spécial a appelé les États Membres à investir dans le développement de nouveaux logements sociaux neutres en carbone, résilients au climat et abordables pour tous, notant que le secteur du logement représente plus d’un tiers de toutes les émissions de dioxyde de carbone. Il a annoncé son intention d’examiner la problématique de la réinstallation en tant que question des droits humains, avant d’appeler les États Membres à s’attaquer au problème du sans-abrisme.

En venant à son rapport intitulé « Un lieu où vivre dans la dignité pour tous: rendre le logement abordable » (A/78/192), M. Rajagopal a alerté que 1,6 milliard de personnes dans le monde n’ont pas de logement adéquat, ni accès aux services de base.  Ce chiffre pourrait atteindre 3 milliards d’ici à 2030 et on estime en outre que 100 millions de personnes dans le monde sont sans abri. Il a appelé à redoubler d’efforts pour s’attaquer aux causes sous-jacentes du problème, notant que la crise du logement abordable se répercute de manière disproportionnée sur les groupes vulnérables.  Et dans de nombreux pays, qu’ils soient riches ou à faible revenu, le prix d’un logement adéquat est hors de portée du revenu moyen, contraignant des millions de personnes à vivre dans des établissements informels ou de qualité inférieure, renforçant ainsi la ségrégation spatiale. 

Parmi les facteurs de cette crise, il a cité la financiarisation du logement et le retrait de nombreux États des politiques de logement public.  En outre, l’augmentation des déplacements causés par des conditions météorologiques extrêmes ou les changements climatiques, les grands projets de développement ou les conflits violents ont tous contribué au sans-abrisme et à la crise de l’accessibilité économique, de même que le manque de terrains abordables pour la construction, a analysé le Rapporteur spécial.  En outre, les gouvernements locaux n’ont souvent pas l’autorité nécessaire pour réglementer les loyers ou l’utilisation des terres, tandis que les politiques fiscales ne fournissent pas à l’État une marge de manœuvre budgétaire suffisante pour rendre le logement abordable et lutter contre le sans-abrisme. 

Face à cette situation, le Rapporteur spécial a engagé les États à reconnaître l’accessibilité économique comme partie intégrante du droit à un logement convenable dans leur droit national ou constitutionnel.  Appelant à transcender le « paradigme de la propriété », il les a encouragés à investir dans le développement de modèles alternatifs de logement abordable, notamment des fiducies foncières communautaires et des logements communautaires.  Les gouvernements locaux doivent disposer de l’autorité nécessaire pour garantir des logements abordables grâce à des mesures telles que la réglementation des loyers, a-t-il ajouté.  De même, il a appelé les États à protéger les locataires des expulsions dues au non-paiement du loyer, à mettre un terme à la privatisation des logements sociaux, et à limiter la spéculation, recommandant, en outre, l’utilisation des banques foncières publiques.

Dialogue interactif

Après cet exposé, le Chili a voulu connaître les bonnes pratiques pour aborder les problématiques de genre dans la crise du logement, soulignant les difficultés rencontrées par les femmes.  Comment mieux réguler les marchés immobiliers afin de se prémunir des fluctuations et d’offrir un logement aux plus vulnérables, ont demandé El Salvador, le Brésil, et la Malaisie.  La Croatie, elle, s’est particulièrement interrogée sur l’accessibilité des jeunes au logement, tandis que la Chine s’est focalisée sur les personnes âgées et les personnes handicapées.  Quant au Cameroun, il s’est demandé quels modèles alternatifs pouvaient transcender le paradigme de l’accès à la propriété. 

L’Union européenne, de son côté, a noté que les logements accessibles sont souvent relégués loin des centres urbains, ce qui augmente les coûts de transport, et affecte de manière disproportionnée les groupes les plus vulnérables, les éloignant d’autres droits humains tels que le droit à l’éducation. Constatant qu’environ 1,5 million de personnes par an font l’expérience du sans-abrisme aux États-Unis, malgré les différentes mesures politiques visant à réduire ce nombre de 25% d’ici à 2025, le représentant américain a demandé au Rapporteur spécial quelles étaient, selon lui, les bonnes pratiques pour s’attaquer à ce problème.  Le Bangladesh a, pour sa part, témoigné de ses efforts pour fournir des terres et des logements aux sans-abri, dans un contexte rendu particulièrement difficile par les changements climatiques.  L’Ordre souverain de Malte a, d’ailleurs, mentionné l’aide qu’il avait fournie à ce pays, ainsi qu’au Myanmar et au Pakistan.  

L’Ukraine a essentiellement dénoncé la destruction de nombre de ses bâtiments par la Russie.  Depuis l’invasion de février 2022, ce ne sont pas moins de 4 500 logements résidentiels, 570 écoles, 150 centres de santé, et 59 bâtiments religieux qui ont été endommagés ou rasés, a-t-elle révélé.  La Fédération de Russie a insisté, pour sa part, sur son statut « d’État social », inscrit dans sa Constitution, contestant les allégations du Rapporteur spécial voulant que certains groupes y seraient discriminés. 

Regrettant d’avoir été pointé du doigt par le Rapporteur spécial dans son exposé, Israël a souligné qu’avant même de pouvoir se préoccuper du logement abordable, il devait investir dans des abris anti-bombes pour se protéger du Hamas.  Car depuis le 7 octobre, a détaillé la délégation, près de 7 000 roquettes sont tombées en Israël et plus de 100 000 personnes ont dû quitter leur foyer, sans parler des familles qui n’ont pas pu partir et ont été tuées chez elles.

Répondant à ces questions et commentaires, le Rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard a tout d’abord abordé la question du suivi, qualifiant d’insuffisantes les méthodologies employées pour assurer le contrôle des personnes faisant face à la crise du logement.  Le manque de données empêche notamment de connaître le nombre de personnes affectées. Il a également déploré que la question du sans-abrisme ne figure dans aucun des objectifs de développement durable (ODD), exhortant les États à se pencher sérieusement sur cette question. Relevant en outre que les caractéristiques du sans-abrisme varient d’une ville à l’autre, il a conseillé de privilégier un système de collecte de données libres, recommandant à cet égard le modèle kényan. 

Le Rapporteur spécial a ensuite fait observer que les mécanismes participatifs n’ont de sens que dans la mesure où les participants ont la conviction de pouvoir exercer une influence dans le processus de décisions.  Citant l’exemple du Brésil, il a invité à la mise en place de processus participatifs pour la planification, l’utilisation des terres, les revenus, ou la budgétisation, entre autres. 

Exposé

M. MICHAEL FAKHRI, Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, a confié avoir du mal à présenter son rapport sur le droit à l’alimentation, la reprise après la pandémie de COVID-19 et la transformation du système alimentaire car, a-t-il expliqué, « si la pandémie a pris officiellement fin en mai dernier, la crise alimentaire s’est aggravée ».  Il a imputé cette aggravation à l’arrêt des programmes spéciaux mis en place par les gouvernements, comme la gratuité des repas pour les écoliers et les aides financières directes aux ménages.  D’une manière générale, la faim et la malnutrition ont augmenté depuis 2015, a-t-il regretté, ajoutant qu’aucun pays n’a échappé à la crise alimentaire.  M. Fakhri a expliqué que, depuis au moins 60 ans, la production alimentaire mondiale dépasse toujours les besoins et que la persistance de la faim est causée par des échecs politiques.  Il a par ailleurs constaté que la nourriture est de plus en plus utilisée comme arme dans les conflits pour affamer les populations et déclencher des nettoyages ethniques, avant d’évoquer les événements récents dans le Haut-Karabakh ou à Gaza.

Signalant à ce sujet que plusieurs experts des droits humains ont fait état hier d’un risque de génocide contre le peuple palestinien, le Rapporteur spécial a indiqué aux États Membres qu’ils avaient la possibilité de réduire ce risque à Gaza et ailleurs dans le monde.  Il les a appelés à voter rapidement une résolution solide réaffirmant en premier lieu que toutes les parties à tous les conflits doivent respecter le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme.  Selon lui, ce texte doit aussi s’appuyer sur la résolution 2417 (2018) du Conseil de sécurité, qui prohibe l’usage de la famine et du blocage de l’aide humanitaire comme armes de guerre, et sur la résolution 52/16 adoptée cette année par le Conseil des droits de l’homme, qui s’inquiète de l’effet de tous les conflits armés sur le droit à l’alimentation.  « Hier, nous avons sonné l’alarme, aujourd’hui c’est à vous d’agir », les a-t-il exhortés. 

Face à ce sombre tableau, le Rapporteur spécial a indiqué que son rapport propose un plan de redressement postpandémie et une transformation des systèmes alimentaires à plus long terme.  Il a appelé les États à mener trois types d’actions interdépendantes: adopter des plans nationaux, élaborer une stratégie internationale coordonnée et rendre les systèmes alimentaires résistants aux changements climatiques et compatibles avec la préservation de la biodiversité.  M. Fakhri leur a également recommandé d’abandonner l’agriculture industrielle au profit de l’agroécologie, de cesser de donner la priorité aux marchés mondiaux pour soutenir les marchés territoriaux, de limiter la dépendance vis-à-vis des entreprises pour renforcer l’économie sociale et solidaire et de renforcer le multilatéralisme. 

Le Rapporteur spécial a rappelé qu’au début de son mandat en 2021, la situation était mauvaise mais que les résolutions sur le droit à l’alimentation de 2021 et 2022 avaient donné de l’espoir au monde.  Ce droit est aujourd’hui énergiquement défendu par un nombre croissant d’États dans les forums internationaux, a-t-il salué, se félicitant notamment de voir les droits humains et la transformation des systèmes alimentaires enfin figurer à l’ordre du jour des conférences des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP). Enfin, concernant le projet de résolution sur le droit à l’alimentation, il a souhaité que les défis structurels, tels que la crise de la dette et le fonctionnement des institutions financières internationales, soient traités dans le contexte plus large de la coopération multilatérale. 

Dialogue interactif

Réagissant à cet exposé, l’Union européenne a demandé des exemples de coopération et de partenariats internationaux favorisant la réalisation du droit à l’alimentation et la transition vers des systèmes alimentaires durables.  Le Lesotho a dit craindre que les effets de la pandémie sur la sécurité alimentaire durent plusieurs décennies.  Cuba a ensuite établi un lien entre un ordre international injuste et l’insécurité alimentaire, avant de dénoncer l’embargo que lui imposent les États-Unis depuis six décennies, le qualifiant « d’acte de génocide ». La délégation a également exprimé sa solidarité avec le peuple palestinien, « victime lui aussi d’un blocus illégal ».  Le Cameroun a, pour sa part, déploré l’augmentation des prix des denrées alimentaires dans le monde, demandant quelles mesures peuvent être prises pour venir en aide aux plus pauvres, surtout ceux qui n’ont même pas accès aux filets de sécurité sociale.  Le Brésil, évoquant à son tour la situation à Gaza, a souligné que le droit international comprend des dispositions pour que les civils ne soient pas privés de nourriture.  La Roumanie a, elle, déploré les effets néfastes de la guerre en Ukraine sur la sécurité alimentaire mondiale, avant de demander au Rapporteur spécial comment la coopération internationale peut se traduire en actes. 

Plus critique à l’égard de M. Fakhri, le Bélarus a regretté que certaines des mesures proposées dans son rapport ne tiennent pas compte de l’ampleur de la « tragédie alimentaire ».  Il a également regretté que les conclusions ne fassent pas mention des mesures coercitives unilatérales, qui sont devenues l’un des principaux obstacles à la reprise postpandémie.  Le Maroc a détaillé les efforts nationaux déployés pour éliminer la faim, tout en avertissant que 600 millions de personnes risquent de souffrir de ce fléau d’ici à 2030 si des changements n’interviennent pas.  Exprimant lui aussi ses inquiétudes, El Salvador a demandé quelles mesures devraient prendre les États sur le plan commercial afin d’honorer les engagements pris dans le cadre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels pour assurer une répartition équitable des aliments, une interrogation reprise par la Malaisie.  S’exprimant au nom du Mouvement des pays non alignés, l’Azerbaïdjan a, quant à lui, exprimé sa préoccupation face à la forte volatilité des prix des denrées alimentaires dans le monde, laquelle remet en cause le droit à l’alimentation. 

De son côté, Israël a affirmé que c’est le Hamas et non son pays qui prive la population de Gaza de son droit à l’alimentation.  Il est honteux de porter de telles accusations à Israël, s’est indignée la délégation.  Dans ce contexte, a-t-elle ensuite demandé, comment être sûr que les fournitures envoyées aux populations civiles ne soient pas utilisées par la machine de mort terroriste qu’est le Hamas?  Pour sa part, la République dominicaine a demandé des exemples de mesures concrètes permettant de protéger les petits producteurs alimentaires dans les situations pandémiques ou de crise climatique.  Abordant un tout autre sujet, la Fédération de Russie a critiqué le point 50 du rapport, qui pose la situation en Ukraine comme un facteur d’augmentation de l’insécurité alimentaire dans le monde.  Elle a rappelé que, le 5 juin, elle a signé un accord sur les exportations de denrées et d’engrais russes qui n’a malheureusement pas porté ses fruits, les pays occidentaux bloquant les paiements et interdisant les livraisons.  Tout au contraire, l’Ukraine a présenté la guerre sur son sol comme un facteur d’insécurité alimentaire dans le monde entier, assurant tout faire pour que ce conflit n’affecte pas le reste du monde.

À la suite de la Chine, qui s’est félicitée d’avoir pu garantir le droit à l’alimentation à plus d’un milliard de personnes malgré la pandémie, la République arabe syrienne a accusé Israël et ses alliés de tenter de justifier leurs crimes contre le peuple palestinien.  Permettre aux Gazaouis d’accéder à de l’eau potable représente-t-il un danger pour la sécurité d’Israël? s’est interrogée la délégation.  Le Japon a, lui, rappelé l’importance de la promotion d’une pêche durable pour parvenir à la sécurité alimentaire, tandis que la République islamique d’Iran dénonçait les effets dévastateurs des mesures coercitives unilatérales pour la sécurité alimentaire des pays visés.  Enfin, l’Ordre souverain de Malte a détaillé l’aide alimentaire qu’il fournit au Pakistan et au Soudan du Sud, avant de dénoncer les effets des mesures coercitives unilatérales sur la sécurité alimentaire des populations. 

Répondant aux questions et remarques des délégations, le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation a mis en avant les bonnes pratiques observées pendant la pandémie de COVID-19, comme la gratuité de l’alimentation scolaire, les aides financières aux ménages et le soutien aux marchés locaux.  Il a aussi plaidé en faveur du soutien à l’agriculture locale afin d’éviter la dépendance aux marchés mondiaux, faisant le même constat concernant les engrais.  M. Fakhri a par ailleurs dénoncé les mesures coercitives unilatérales et l’occupation illégale de territoires comme des actions causant des dommages aux civils.  Évoquant l’Initiative de la mer Noire, il a estimé que cet accord céréalier, aujourd’hui interrompu, avait prouvé que même des parties ennemies devaient coopérer sur cette question, le système alimentaire international étant interdépendant. 

Le Rapporteur spécial a indiqué qu’il se rendrait dès demain à Rome pour la réunion annuelle du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) afin d’établir un plan d’action pluriannuel.  Il a estimé qu’une résolution solide sur le droit à l’alimentation à l’Assemblée générale permettrait d’enhardir les négociateurs réunis au CSA en vue d’une planification multilatérale ambitieuse. Évoquant la Conférences des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP) qui se tiendra dans quelques semaines aux Émirats arabes unis, il a, là aussi, jugé qu’une résolution solide sur le droit à l’alimentation contribuerait à faire avancer les négociations.  S’agissant de l’aspect commercial, il s’est félicité que de nombreux pays soient prêts à inclure la question du droit à l’alimentation au menu de la Deuxième Commission.  Il s’est également réjoui de constater qu’au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), de plus en plus de pays considèrent les produits alimentaires comme un droit humain et non comme des denrées commerciales, « ce qui aurait été inimaginable il y a trois ans seulement ». 

Exposé

M. OLIVIER DE SCHUTTER, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté a déclaré qu’à mi-chemin de l’échéance du Programme 2030, les progrès en matière d’éradication de la pauvreté sont compromis. Le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté est plus élevé qu’il y a quatre ans, 165 millions de personnes sont tombées dans la pauvreté entre 2020 et 2023, et si la tendance actuelle se poursuit, 575 millions de personnes vivront encore dans l’extrême pauvreté en 2030, a-t-il averti.

En venant à la présentation de son rapport, il a indiqué que l’emploi ne permet pas d’échapper à la pauvreté, précisant que plus d’un travailleur sur cinq dans le monde vit en dessous du seuil de la pauvreté national, y compris 6,3 millions de personnes aux États-Unis, soit 4,1% des travailleurs de ce pays.  Et dans l’Union européenne, environ 8,5% de la population active, soit près de 20 millions de personnes, sont menacées de pauvreté.  En cause essentiellement: la faiblesse des salaires. Depuis les années 80, a-t-il expliqué, la part du travail en pourcentage du PIB diminue, et pour la première fois depuis le début du siècle, les salaires réels ont chuté en 2022, alors même que les bénéfices des entreprises augmentent. 

Selon le Rapporteur spécial, cette situation s’explique essentiellement par la baisse des contrats de travail à temps plein au profit de contrats à temps partiel « occasionnels » mal rémunérés.  De nombreux travailleurs sont également classés à tort comme « travailleurs indépendants », notamment dans l’économie des petits boulots, tandis que des violations persistantes des droits syndicaux ces 30 dernières années ont miné la capacité des travailleurs à négocier.  Il en résulte un cercle vicieux: la précarisation du travail entraînant un déclin de la syndicalisation, et inversement. 

Les salaires de misère sont une violation des droits humains, a souligné le Rapporteur spécial, appelant les gouvernements à garantir à chaque travailleur un salaire minimum vital.  Or, le salaire minimum légal est rarement fixé à un niveau adéquat, a-t-il déploré, pointant la volonté constante des pays d’améliorer leur compétitivité-coûts dans une économie mondialisée « comme si condamner les travailleurs à la pauvreté afin de rester attractifs pour les acheteurs ou les investisseurs était une stratégie de développement viable ».  Et même lorsque le salaire minimum légal est adéquat, les employeurs sont systématiquement autorisés à ignorer cette exigence en toute impunité, notamment dans le cas des travailleurs informels ou des travailleurs migrants sans papiers.

Citant une étude de l’Organisation internationale du Travail, le Rapporteur spécial a relevé, en outre, que les travailleurs considérés comme essentiels durant la pandémie de COVID-19 gagnaient en moyenne 26% de moins que les autres travailleurs.  Dénonçant une situation absurde, il a exhorté les gouvernements à lister les professions les plus utiles socialement et à garantir des salaires décents aux travailleurs de ces secteurs, ainsi qu’à plafonner les salaires dans les secteurs qui imposent des coûts élevés à la société. 

Dialogue interactif

Réagissant à la présentation du Rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits humains, le Cameroun a alerté sur l’échec annoncé de l’ODD 1 sur la réduction de la pauvreté; échec que sa représentante attribue notamment au fardeau de la dette et à l’injustice de l’architecture financière internationale.  Quelles mesures peuvent prendre les gouvernements des pays en développement pour instaurer un salaire minimum et prendre en charge les travailleurs pauvres? a-t-elle ainsi demandé.  Le Bangladesh s’est interrogé sur la meilleure façon d’éliminer la pauvreté et de mobiliser davantage de ressources pour mettre en place des systèmes de protection sociale ambitieux, surtout dans le contexte actuel de crise financière. 

Par la suite, reconnaissant que leurs efforts pour éliminer la pauvreté ont été perturbés par la pandémie de COVID-19, plusieurs pays ont demandé au Rapporteur spécial quelles étaient les meilleures pratiques pour garantir une rémunération équitable.  C’est le cas de l’Indonésie; du Pakistan, qui a par ailleurs insisté sur la nécessité de régulariser le travail domestique et le travail informel; de la Malaisie, qui a évoqué le rôle crucial des entreprises aux côtés de l’État; et du Chili, qui veille à aider les petites entreprises pour compenser les augmentations de salaire minimum.  Le Pérou a, pour sa part, demandé au Rapporteur spécial s’il avait des éléments de comparaison entre la situation des travailleurs pauvres en Amérique latine et dans le reste du monde.  Quant au Brésil, il a cherché à faire le lien entre la justice fiscale et le salaire minimum. 

L’Union européenne (UE) a rappelé que plus de 28 millions de personnes sur le continent travaillent par l’intermédiaire d’une ou de plusieurs plateformes numériques, et qu’en 2025, ce nombre devrait atteindre 43 millions de personnes.  Souhaitant mettre en place de nouvelles règles afin d’améliorer les conditions de travail et les droits sociaux de ces travailleurs, l’UE a demandé au Rapporteur spécial ce qu’il attend des négociations sur le sujet au sein de l’Organisation internationale du Travail (OIT).  Quant à la France, elle a voulu savoir comment, dans un contexte post-COVID-19 et de fortes contraintes budgétaires, les États pourraient financer au mieux le nouveau contrat écosocial afin de briser le cycle de la pauvreté. 

Cuba a interrogé le Rapporteur sur l’effet des mesures coercitives unilatérales sur la réduction de la pauvreté.  La Fédération de Russie a précisé qu’elle avait adopté une approche diversifiée pour assurer des opportunités professionnelles et une protection sociale à sa population, tandis que la Chine, qualifiant la sortie des travailleurs ruraux chinois de leur état d’extrême pauvreté de réussite historique, a expliqué que l’élimination de la pauvreté avait toujours été sa première priorité. 

L’État de Palestine a exigé un cessez-le-feu et un accès humanitaire immédiat dans la bande de Gaza, qualifiant le blocus et les bombardements quotidiens menés par Israël de crimes de guerre.  Israël, en réponse, a déploré une tentative de réécrire l’histoire, arguant que le seul châtiment collectif est celui imposé à la population gazaouie par le Hamas, qui l’utilise comme bouclier humain.  Prenant la parole à la suite, la République arabe syrienne a estimé que l’agresseur n’est autre que l’État hébreu et que son audace à nier cette réalité est « inouïe ».  Puis, abordant le contenu du rapport, il a mis en exergue le concept de travailleur pauvre, dont il a dit comprendre personnellement les souffrances, puisqu’une grande partie de la population syrienne entre dans cette catégorie du fait des mesures coercitives unilatérales. 

Achevant cette série d’interventions, l’Ordre souverain de Malte a rappelé que selon l’ONU, 575 millions de personnes vont vivre dans l’extrême pauvreté d’ici à 2030, assurant qu’il est à pied d’œuvre pour soutenir les plus démunis, comme au Soudan du Sud où des semences sont offertes. 

Reprenant la parole, le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté a affirmé que les pays en développement étaient très souvent victimes d’une sorte de chantage de la part des entreprises qui contrôlent les chaînes mondiales d’approvisionnement et qui les menacent de partir ou de ne plus leur acheter de matières premières si les salaires augmentaient.  La seule réponse pour les gouvernements est de mettre en place et de garantir le respect d’un salaire minimum vital.  « C’est un droit élémentaire », a-t-il souligné.  Il a espéré que ce sujet figure en bonne place dans les négociations qui s’ouvraient lundi au Conseil des droits de l’homme pour l’élaboration d’un instrument juridique contraignant relatif aux entreprises et aux droits humains.  Citant l’exemple du Bangladesh qui ne peut augmenter les salaires dans le domaine textile de crainte de voir les acheteurs se tourner vers le Myanmar, il a estimé que les États étaient tous perdants dans cette course au moins-disant. 

Rappelant que l’Union européenne s’apprête à légiférer sur la question des travailleurs de l’économie numérique, le Rapporteur spécial a indiqué que de nombreuses plateformes mettaient en concurrence des travailleurs du monde entier dans des domaines tels que la comptabilité et l’édition avec une réserve de personnes prêtes à accepter des salaires très faibles à l’échelle mondiale. Il a indiqué que le salaire moyen sur ces plateformes mondialisées était de 3,40 dollars de l’heure et que la moitié travaillaient pour moins de 2,10 dollars de l’heure.  Évoquant les négociations en cours à l’Organisation mondiale du Travail (OIT)concernant les travailleurs des plateformes, il a affirmé que la question du salaire minimum serait centrale.  Les travailleurs du monde entier finiront tous perdants en cas de mise en concurrence généralisée, a-t-il mis en garde. 

Abordant la question du secteur informel en Amérique latine, il a expliqué que certains prônaient une réduction des protections des travailleurs dans le secteur formel afin d’encourager les employeurs à déclarer leurs employés, regrettant que cette position soit souvent adoptée par la Banque mondiale. S’opposant à ce point de vue, il a affirmé qu’il convenait, au contraire, d’élargir les protections existantes à tous les travailleurs.  Il s’est inquiété de l’existence de conditions d’emploi proches de l’esclavage dans le secteur agricole et a exhorté les États à faire respecter les législations existantes.  Abordant la question du financement de la transition « écosociale », il a appelé les pays développés à arrêter de subventionner les énergies fossiles, indiquant que le montant total de ces subventions atteignait 7 000 milliards de dollars en 2022 soit 7,1% du PIB mondial.  Il y a vu une source de financement considérable pour l’éducation, la santé et la protection sociale.  Enfin, il a proposé d’augmenter les taxes de succession, notant que, dans de nombreux pays, les inégalités de patrimoine étaient supérieures aux inégalités de revenu, et qu’elles progressaient plus vite.  S’agissant de la réforme de l’architecture financière mondiale, il a plaidé pour une restructuration de la dette en échange d’investissements dans la protection sociale, appelant en outre les États Membres à lutter contre l’optimisation fiscale. 

Exposé

Mme MARGARET SATTERTHWAITE, Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, a d’abord regretté une époque « très douloureuse » où le pouvoir de la loi semble bien trop faible face au fracas des armes. Elle s’est inquiétée de la grande vulnérabilité des opérateurs judiciaires indépendants dans le monde, déplorant que les juges soient menacés et harcelés ou l’objet de sanctions administratives et disciplinaires en raison de leur travail.  Elle s’est aussi inquiétée des attaques contre les avocats, en particulier ceux qui représentent les défenseurs des droits humains et les figures de l’opposition politique.  Nombre d’entre eux sont surveillés, criminalisés, détenus et même tués, a-t-elle rapporté. 

Poursuivant, la Rapporteuse spéciale a indiqué que 5,1 milliards de personnes, soit les deux tiers de la population mondiale, n’ont pas d’accès véritable à la justice.  Elle a évoqué la situation des travailleurs sans papiers qui n’ont aucune voie de recours s’ils ne sont pas payés, ainsi que celle des communautés contraintes d’abandonner leurs sources hydriques lorsque celles-ci sont polluées par les déchets toxiques des sociétés minières.  Il existe parfois des lois qui permettent de remédier à ces problèmes, mais les personnes concernées peuvent ne pas en être informées ou ne pas avoir moyen d’en faire usage, a-t-elle expliqué.  En outre, le nombre d’avocats et de juges est loin d’être suffisant pour combler ce déficit de justice, a-t-elle déploré.

Face à ce problème, la Rapporteuse spéciale a vanté les mérites de l’autonomisation juridique qui consiste à soutenir la capacité des communautés à connaître, utiliser et façonner elles-mêmes le droit.  Et cette méthode relativement peu coûteuse a déjà fait ses preuves, s’est-elle réjouie.  Elle a également appelé à élargir l’écosystème juridique en appuyant les travailleurs de la justice de proximité qui, a-t-elle expliqué, reçoivent en général une formation plus limitée dans un domaine précis, notamment la négociation ou le plaidoyer.

Souvent issus des communautés elles-mêmes, ces travailleurs de la justice élargissent les possibilités offertes aux personnes confrontées à des problèmes juridiques, ou les orientent vers des avocats lorsqu’une expertise technique est nécessaire, contribuant ainsi à démocratiser l’état de droit.

Pourtant, nombre d’entre eux sont la cible d’attaques ou de campagnes de dénigrement, ou travaillent sous la menace d’une criminalisation pour avoir prodigué des conseils ou mené d’autres activités d’autonomisation juridique qui sont parfois considérées comme équivalant à une pratique juridique non autorisée.  La Rapporteuse spéciale a donc appelé les États Membres à travailler avec les barreaux pour dépénaliser la fourniture d’une assistance juridique par des travailleurs de la justice de proximité ayant reçu une formation. 

Dialogue interactif

Le Lesotho a admis que son système judiciaire est sous-financé, mais a détaillé ses efforts pour y remédier, notamment via une aide internationale.  Reconnaissant l’importance d’englober dans l’écosystème judiciaire tous les travailleurs de la justice communautaire, afin d’améliorer son accessibilité aux personnes en situation de vulnérabilité, particulièrement dans le contexte de la violence sexuelle et sexiste, l’Union européenne a d’abord demandé à la Rapporteuse spéciale de citer les meilleures pratiques en ce qui concerne une approche multipartite et communautaire de la réalisation de l’ODD 16.3, avant de poser la question de l’impartialité et de l’indépendance du pouvoir judiciaire.  Quel est l’impact de la corruption sur l’accès à la justice pour tous et que peuvent faire les États Membres face à l’intimidation des juges? a demandé le Liechtenstein, qui s’est inquiété des mandats d’arrêt émis par la Fédération de Russie contre des juges de la Cour pénale internationale. 

Le Chili a indiqué qu’il allait recevoir la Rapporteuse spéciale l’année prochaine, avant de s’intéresser aux mesures capables d’améliorer l’éducation juridique, notamment concernant les groupes vulnérables.  La Colombie a demandé plus de détails sur le lien entre l’accès à l’information juridique et l’ODD 16.6, tandis que l’Indonésie a souhaité savoir comment mettre les recommandations en pratique en tenant compte des disparités de ressources entre les États. 

Les États-Unis ont regretté que, dans de nombreuses régions du monde, les juges prennent leurs décisions sur ordre des gouvernements.  Comment susciter une plus grande prise de conscience sur l’importance de l’indépendance de la justice pour protéger les droits humains? La Fédération de Russie s’est inquiétée de la violation systématique des droits humains des personnes ne partageant pas les points de vue officiels.  Elle s’est également préoccupée de la situation aux États-Unis où les personnes noires se voient imposer des peines plus sévères et constituant la majorité des détenus, demandant des explications à la Rapporteuse à ce sujet.

Le système judicaire russe était le premier à être soumis au pouvoir politique, a affirmé l’Ukraine qui a demandé instamment l’arrêt des violations massives des droits humains dans les territoires ukrainiens occupés, et plus particulièrement en Crimée.  La Chine a appelé à respecter la diversité des traditions judiciaires dans le monde, suivie de l’Ordre souverain de Malte qui a souligné l’importance d’un financement adéquat du système judiciaire. 

Répondant aux questions et remarques des délégations, la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats a de nouveau exhorté les États à soutenir la dépénalisation des activités des travailleurs de la justice de proximité, déplorant, à nouveau, qu’ils fassent l’objet de campagnes de calomnies.  Quand l’expertise des avocats et des juges est requise, ces derniers devraient collaborer avec les États.

Abordant le volet des bonnes pratiques, la Rapporteuse spéciale a cité l’exemple d’une communauté autochtone qui, grâce à la formation de certains de ses membres, avait pu dénoncer des activités illicites nuisant à son environnement et demander un appui juridique pour y mettre un terme.  Les approches communautaires peuvent également être utiles face à la corruption, a-t-elle ajouté. 

La Rapporteuse spéciale a ensuite déploré la pénurie de données pertinentes sur l’ODD 16.3, tout en assurant qu’il est néanmoins possible d’effectuer des enquêtes sur les besoins judiciaires des populations.  C’est la manière la plus efficiente de déterminer si les services de justice en question fonctionnent, ou pas, a-t-elle indiqué. Elle a également vanté les mérites de la collecte de « petites données », qui peuvent être compilées à un niveau national, et ainsi permettre de jauger où un État se situe sur le chemin de la promotion de la justice pour tous. 

Exposé

M. MORRIS TIDBALL-BINZ, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, présentant les conclusions de son rapport, s’est alarmé du nombre important de victimes d’exécutions, y compris de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, dans le monde.  Ces victimes, a précisé le Rapporteur spécial, sont le plus souvent des femmes, des enfants et des personnes âgées, mais aussi des dissidents politiques, des défenseurs des droits humains et de l’environnement, des journalistes, ou des représentants de minorités et de groupes vulnérables. 

S’attardant sur les meurtres fondés sur le genre ou l’orientation sexuelle, en particulier les féminicides qu’il a qualifiés de « pandémie entraînant des centaines de milliers de morts dans le monde », M. Tidball-Binz a regretté que ceux-ci fassent souvent l’objet d’enquêtes insuffisantes de la part des autorités.  Il a ainsi appelé à mettre fin à cette « tragédie mondiale, inacceptable et choquante » qui, a-t-il souligné, engage sérieusement la responsabilité des États.  Il s’est, par ailleurs, lamenté que la peine de mort continue d’être utilisée de manière discriminatoire et en violation flagrante du droit international. 

Pour contrer le fléau des exécutions sommaires, en particulier des femmes et des filles, y compris les transgenres, le Rapporteur spécial a avancé des recommandations fondées sur des normes internationales et des bonnes pratiques. Il a notamment évoqué le modèle de protocole latino-américain d’enquête sur les morts violentes de femmes pour des raisons de genre, élaboré par le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et ONU-Femmes.  Le devoir des États de respecter et de protéger le droit à la vie « n’est pas une option, mais une obligation », a-t-il conclu. 

Dialogue interactif

Le Pakistan s’est inquiété des féminicides organisés dans le Jammu-et-Cachemire, occupé par l’Inde, et a demandé au Rapporteur spécial de se pencher sur cette question.  Que faire pour que les autres titulaires de mandat s’en saisissent également?  L’Ukraine a souligné que des centaines de civils ukrainiens ont été victimes d’exécutions sommaires ou arbitraires aux mains des forces russes et a espéré que la prochaine visite, en décembre, du Rapporteur spécial en Ukraine permettra d’ouvrir des enquêtes.  Le Mexique s’est inquiété de la prévalence de l’impunité pour les cas de féminicides.  Que faire pour lutter contre la violence domestique et particulièrement les féminicides aux mains du conjoint?  Au nom des pays nordiques, la Suède a noté l’intérêt de la proposition du Rapporteur spécial d’élaborer un addenda au Protocole du Minnesota afin d’améliorer les enquêtes concernant les crimes basés sur le genre et a demandé quelles étaient les étapes à venir à cette fin. 

La Colombie a expliqué comment elle mettait en œuvre le Protocole du Minnesota, suivie de la Belgique qui s’est préoccupée des féminicides commis par les États, rappelant qu’aujourd’hui, 5 000 femmes se trouvent dans le couloir de la mort dans au moins 41 pays.  La peine de mort constitue parfois un féminicide, en raison des discriminations préexistantes, a fait observer la délégation qui a demandé comment améliorer l’intégration d’une perspective de genre dans les enquêtes des forces de police.  Quelles sont les trois mesures immédiates les plus importantes à adopter pour mieux enquêter sur les féminicides dans le monde, a renchéri le Royaume-Uni.  Le représentant du Myanmar a regretté l’absence d’action décisive du Conseil de sécurité pour faire cesser les violations massives des droits humains commises par la junte au pouvoir dans son pays et a demandé au Rapporteur spécial comment faire pour que les États Membres se mobilisent à cette fin.  L’Union européenne a appelé à traiter les causes profondes des discriminations de genre, insistant en outre sur l’importance d’améliorer la collecte de données liées au féminicide. 

Le Chili a indiqué qu’il avait inclus le délit de « suicide-féminicide » à sa législation, et prévoyait une pension pour les enfants des victimes de féminicides et de suicides-féminicides.  Par ailleurs, comment obtenir un consensus afin d’inclure une perspective de genre dans les résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme?  Chypre a rappelé qu’en 2021, 80 000 femmes et filles avaient été tuées volontairement dont 45 000 par des membres de leur famille, ce qui signifie que cinq femmes et filles sont tuées par des membres de leur famille chaque heure, faisant du foyer l’endroit le plus dangereux pour elles.  La délégation a ajouté que l’an dernier, Chypre avait adopté une loi spécifique sur le féminicide qui en faisait un crime distinct dans le code pénal, soit une première en Europe. 

Soulignant que la notion de féminicide n’était pas encore largement reconnue sur la scène internationale, la Fédération de Russie a appelé à se concentrer sur les questions d’exécutions extra-judiciaires, s’inquiétant de la propagation du phénomène particulièrement de la part des soldats ukrainiens.  Le Maroc a indiqué qu’il observait un moratoire sur la peine de mort, suivi de l’Inde qui a détaillé les mesures adoptées pour protéger les femmes de la violence, notamment à travers des postes de police spécialement conçus pour leur permettre de porter plainte dans un environnement rassurant.  La délégation a par ailleurs condamné la propagande du Pakistan la prenant pour cible. 

Les États-Unis se sont préoccupés de l’impunité persistante dans les cas d’exécutions extrajudiciaires, notamment commises par des individus d’un État sur le territoire d’un autre État.  Notant que les communautés vulnérables étaient particulièrement touchées, ils se sont intéressés aux meilleurs pratiques pour rétablir la confiance en l’État au sein de ces communautés et dans le cadre de processus de justice transitionnelle.  La Chine a défendu sa politique de maintenir la peine de mort avec un contrôle très strict, ce qu’elle a qualifié de choix prudent adapté à son contexte national.  De son côté, l’Ordre souverain de Malte a relayé l’appel du Pape pour abolir la peine de mort. 

Reprenant la parole après ces questions et commentaires, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a souligné l’importance de s’engager dans des politiques publiques concrètes pour lutter contre les féminicides, un crime qui reste largement impuni dans de nombreux pays.  « Ce n’est donc pas la peine de réinventer la roue », a-t-il martelé, insistant sur l’adoption de mesures fondées sur de bonnes pratiques internationales, notamment celles déjà mises en pratique en Amérique latine. 

Le Rapporteur spécial a relevé l’absence de législation sur le féminicide dans la plupart des pays du monde, avant d’affirmer que la caractérisation juridique précise de ce délit était essentielle pour l’efficacité des enquêtes. Ainsi, le Mexique lui est apparu comme un exemple à suivre, où des procureurs spécialisés ont les moyens de bien mener leurs enquêtes.  Il est par ailleurs fondamental de protéger les victimes, a-t-il ajouté, en mentionnant l’initiative chilienne de créer un fonds spécialisé pour les mineurs dont la mère a été victime de féminicide.  En conclusion, il s’est à nouveau référé à la coopération internationale, notamment Sud-Sud, et à la mise en pratique des mesures développées par des organisations comme ONU-Femmes. 

Exposé

Mme FIONNUALA NÍ AOLÁIN, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a tout d’abord évoqué les récents actes de terrorisme commis en Israël, à Bruxelles et au Pakistan, ainsi que les attaques continues contre des civils au Sahel, plaidant pour une prévention du terrorisme qui aille « au-delà de la compassion ».  Au titre de ses activités de l’année écoulée, elle a fait état de visites effectuées en Bosnie-Herzégovine, en Allemagne, en Macédoine du Nord, aux États-Unis, au camp de détention de Guantanamo, à Cuba, et dans le nord-est de la Syrie. 

La Rapporteuse spéciale a précisé que son rapport, présenté en mars au Conseil des droits de l’homme, traite des conséquences sur les droits humains de l’utilisation des nouvelles technologies, notamment les drones armés, les données biométriques, les interfaces de programmation et les systèmes de surveillance.  Elle a par ailleurs attiré l’attention de la Commission sur les conclusions de l’étude mondiale sur les effets de la lutte contre le terrorisme sur la société civile et l’espace civique.  Ces conclusions ne sont pas « abstraites », a-t-elle affirmé, constatant que les atteintes aux activités légitimes de la société civile empêchent de plus en plus cette dernière d’effectuer son travail vital. 

Depuis des décennies, a-t-elle relevé, les organisations de la société civile et les mécanismes de défense des droits humains des Nations Unies mettent en garde contre la persistance et le défi que représente l’utilisation abusive des mesures de lutte contre le terrorisme et de protection de la vie privée. Les données ainsi collectées ont pourtant été ignorées ou rejetées, a regretté Mme Ní Aoláin, avant de former le vœu que l’extraordinaire consolidation de données de l’étude en question permettra d’alimenter le débat sur la nature, la forme et les conséquences des violations des droits humains perpétrées au nom de la lutte contre le terrorisme et/ou l’extrémisme violent.

Si la matrice des préjudices varie selon les communautés et les pays, l’étude constate que la multiplicité des mesures décrites est constante: lorsque les États déploient des mesures de lutte contre le terrorisme ou de protection des témoins, ils entrent dans un domaine d’exceptionnalité, où les déficits en matière de droits humains sont omniprésents et où les règles normales de respect des droits et de protection procédurale ne s’appliquent généralement pas, a expliqué Mme Ní Aoláin.  Concrètement, a-t-elle détaillé, l’utilisation abusive de la lutte contre le terrorisme et de la protection de la vie privée entraîne le recours abusif à des mesures antiterroristes à l’encontre des minorités religieuses, ethniques et culturelles, des femmes, des filles, des LGBT et des personnes de sexe différent, ou encore des communautés autochtones.

Or, bien que ces abus généralisés et systématiques aient des conséquences directes sur les droits de la société civile, il n’existe que peu de recours adéquats, et ce, en dépit des recommandations adressées aux États Membres, aux Nations Unies et autres acteurs dans le but de transformer ce statu quo, a déploré la Rapporteuse spéciale.  Selon elle, l’étude fait apparaître la résilience et les innombrables contributions de la société civile à la dignité humaine et à l’égalité, malgré les immenses pressions auxquelles elle est confrontée. 

Abordant ensuite sa visite technique aux États-Unis et au camp de détention de Guantanamo, Mme Ní Aoláin s’est réjouie de l’important précédent que représentent ces déplacements, peu de pays ayant « le courage d’examiner leur passé douloureux en matière de droits humains ».  Exposant ses conclusions, elle a noté que, malgré des améliorations depuis l’ouverture du centre, les conditions de détention continuent d’atteindre le « niveau de traitement cruel, inhumain et dégradant prévu par le droit international ».  Elle a insisté sur les « défis extrêmes » en matière de droits humains auxquels sont confrontés les anciens détenus, notamment la pénurie, les problèmes de santé persistants, l’absence de réadaptation à la torture, la surveillance et, dans certains cas, le ré-emprisonnement et la retorture. 

Mme Ní Aoláin a également parlé de sa visite technique, en juillet dernier, dans des lieux de détention du nord-est de la République arabe syrienne, remerciant le Gouvernement syrien de l’avoir facilitée.  Rappelant les violations du droit international commises par le groupe terroriste Daech, elle a constaté que la population est confrontée à des défis quotidiens et que des violations flagrantes des droits de l’enfant continuent d’être perpétrées, notamment dans les camps de Hol et Roj et dans la prison d’Alaya.  La grande majorité de la population détenue, estimée à 70 000 personnes, est constituée d’enfants, a-t-elle rapporté, décrivant le nord-est de la Syrie comme « le plus grand site de détention d’enfants pour cause de terrorisme au monde ».  Selon la Rapporteuse spéciale, l’ampleur, la portée et l’étendue des pratiques abusives dans ces lieux de détention « peuvent atteindre le seuil des crimes contre l’humanité en vertu du droit international ».  Enjoignant à tous les acteurs de cesser de saper les droits de l’enfant et d’adopter une position de protection, elle a également appelé les États à rapatrier leurs ressortissants car, a-t-elle dit, « c’est la seule solution aux multiples violations des droits humains et du droit international humanitaire, et à la crise humanitaire sur ce territoire ». 

Dialogue interactif

Réagissant l’exposé de la Rapporteuse spéciale, la Suisse a rappelé que les mesures antiterroristes sont utilisées trop souvent contre des défenseurs des droits humains.  Elle a voulu en savoir plus sur les mesures susceptibles de garantir leur protection.  Le Maroc a fait état d’un renforcement de sa riposte antiterroriste, et ce, dans une approche régionale associant les Nations Unies.  La délégation a demandé des exemples de mesures permettant d’empêcher le recrutement d’enfants à des fins terroristes.  Le Mexique a condamné sans équivoque les attaques perpétrées le 7 octobre en Israël, appelant toutefois ce pays à autoriser sans délai le passage de l’aide humanitaire à Gaza.  S’élevant contre l’extrémisme « anti-islamique néofasciste », le Pakistan a condamné les mesures antiterroristes servant à réprimer les peuples occupés, comme au Jammu-et-Cachemire et en Palestine.  Pour sa part, Cuba a condamné les « pratiques cruelles et inhumaines » des États-Unis dans le camp de détention de Guantanamo, la Fédération de Russie estimant, elle, que ce camp de détention « ne devrait même pas exister ».  La délégation russe a d’autre part signalé que 34 enfants ont été récemment rapatriés de Syrie vers la Russie et que beaucoup d’autres devraient bientôt revenir.  La Belgique a elle aussi fait état du rapatriement 33 enfants belges des camps du nord-est de la Syrie.  La République de Corée a insisté sur l’impact délétère des nouvelles technologies sur les droits humains dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. 

L’Irlande a ensuite exhorté tous les États à mettre les droits humains au cœur de leur riposte antiterroriste.  L’Égypte a quant à elle indiqué que sa stratégie antiterroriste prévoit un soutien aux victimes de ce fléau, avant d’interroger la Rapporteuse spéciale sur le rôle que les ONG peuvent jouer dans cette lutte.  L’Union européenne, s’alarmant des cas de refus d’accès humanitaire, ainsi que des violations des droits humains qui pourraient impliquer des crimes fondamentaux subis par les enfants, a souhaité savoir comment rendre prévisibles de tels accès.  À sa suite, l’Afrique du Sud s’est alarmée du blocus imposé à la bande de Gaza. De son côté, la République arabe syrienne s’est félicitée qu’« enfin quelqu’un parle de ce qui passe dans le nord-est du pays ».  Elle a cependant reproché à la Rapporteuse spéciale d’avoir omis de préciser que la force qui détient des enfants dans ce territoire syrien est constituée de milices séparatistes, soutenues par les États-Unis, lesquels sont présents dans toute cette région. « Coopérez avec nous pour rapatrier toutes les personnes de toutes les nationalités détenues en Syrie », a‑t‑elle exhorté. 

Après avoir décrit le terrorisme comme « l’ennemi commun de l’humanité », la Chine a appelé les États Membres à travailler collectivement pour lutter contre ce fléau et à s’opposer à la politique de « deux poids, deux mesures » sur cette question.  L’Inde a, elle, rejeté les allégations du Pakistan concernant le Jammu-et-Cachemire, qui fait « partie intégrante » de son territoire, jugeant inutile de répondre à cette « propagande ».  L’Ukraine s’est déclarée en accord avec la Fédération de Russie quand celle-ci affirme que tous les États doivent rendre les enfants à leurs familles, l’accusant d’une politique de « deux poids, deux mesures » en la matière puisqu’elle se livre à une politique d’enlèvements d’enfants ukrainiens.  Elle a demandé leur retour immédiat et a dénoncé le « lavage de cerveau agressif » auquel les enfants ukrainiens sont soumis, en violation de la Quatrième Convention de Genève et de la Convention relative aux droits de l’enfant.  Enfin, l’Ordre souverain de Malte a souhaité savoir comment les agences humanitaires peuvent collaborer pour empêcher l’exploitation de l’aide humanitaire à des fins terroristes. 

Reprenant la parole après les nombreuses questions des délégations, la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste a partagé sa position sans équivoque concernant les victimes du terrorisme: « elles sont fatiguées de votre compassion et de votre solidarité; ce dont elles ont vraiment besoin, c’est de l’application de leurs droits et de la prévention du terrorisme », a-t-elle affirmé.  Répondant à la question de la Suisse et de la Belgique sur l’usage abusif du contreterrorisme, la Rapporteuse spéciale a expliqué que les États qui ciblent les journalistes ou les humanitaires ne se contentent pas de violer les droits humains, « ils pratiquent également un mauvais contre-terrorisme ».  Car la société civile est en réalité la mieux placée pour prévenir la violence à long terme, a-t-elle fait valoir.

Abordant la question des ressortissants détenus en Syrie, notamment des enfants, la Rapporteuse spéciale a réitéré la nécessité pour les États de les rapatrier, martelant qu’il s’agit là de « la seule solution conforme au droit international » et saluant les efforts déjà faits en ce sens par de nombreux pays, dont les États-Unis, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, la Belgique, la France, la Fédération de Russie ou l’Iraq.  À propos des enfants dans les conflits armés, justement, elle a regretté l’échec collectif à observer la Convention relative aux droits de l’enfant.  En ce qui concerne l’accès humanitaire, elle a appuyé l’appel du Secrétaire général à garantir un tel accès dans tous les contextes, y compris à Gaza.  Elle a en outre fermement condamné la prise d’otages par des groupes armés tels que le Hamas. Interrogée sur la discrimination dans le contre-terrorisme, elle a rappelé que le terrorisme « sous toutes ses formes » doit être rejeté.

Pour ce qui est du rôle des technologies de surveillance dans le contre-terrorisme, Mme Ní Aoláin a dénoncé l’utilisation de logiciels espions commerciaux, « menace existentielle pour la société civile », avant d’appeler à leur régulation immédiate.  Concernant les installations de détention, elle a encouragé les autres États à suivre l’exemple des États-Unis en permettant leur accès sans restriction, même lorsqu’ils sont de haute sécurité.  Enfin, elle a mis en lumière l’usage problématique du terme « extrémisme », de plus en plus « synonyme de terrorisme ».  À ses yeux, cette confusion sert mal l’état de droit et mine les engagements fondamentaux en matière de contre-terrorisme. 

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