Rapport de la CDI à la Sixième Commission: plusieurs visions s’affrontent sur l’interprétation et l’usage des principes généraux du droit
La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a poursuivi ce matin, son examen du rapport de la CDI, notamment des chapitres portant sur les principes généraux du droit et sur l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international.
Les principes généraux du droit ont largement été décryptés et commentés par les délégations, révélant un large spectre d’approches parmi les États Membres sur l’interprétation et l’usage qui doit être fait de ces principes.
Si l’Équateur et la République islamique d’Iran ont par exemple souligné que ces principes étaient source de droit au même titre que les traités ou la coutume, sans hiérarchie, le Bélarus a suggéré de ne pas accorder à ces principes « un rôle plus important qu’ils n’en ont actuellement », en exigeant des critères clairs de compatibilité avec le système juridique international.
Quand la Hongrie notait le rôle complémentaire de ces principes avec d’autres normes reconnues du droit international, et la Suisse celui du droit national « tant public que privé », comme source possible de ces principes, d’autres délégations étaient beaucoup plus sceptiques quant à leur transposition dans l’ordre juridique international. Ainsi les États-Unis, face au risque que des parties à des litiges internationaux « se servent des travaux de la CDI pour faire valoir des obligations sans l’approbation des États », ont-ils souligné que, le consentement des États demeurait nécessaire pour fonder un principe général de droit.
Un rare point de consensus a été la satisfaction partagée par plusieurs délégations, dont celles du Chili et de l’Estonie, autour de la suppression de la référence aux « nations civilisées » , remplacée par le terme « communauté des nations » dans le projet de conclusions adopté par la CDI.
Toutes les délégations ou presque, y compris celles des pays sans littoral, ont par ailleurs contribué à la poursuite d’un débat particulièrement riche et pertinent sur la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international.
Conscients de l’enjeu existentiel majeur pour les États insulaires, mais aussi des défis que ce phénomène représente au niveau juridique et pour la paix et la sécurité internationales, une majorité d’intervenants ont, comme l’Allemagne ou la Pologne, invoqué la stabilité juridique comme intrinsèquement liée à la préservation des zones maritimes.
Parmi les États qui disposent d’un littoral et sont donc concernés au premier chef, tous ont d’ailleurs insisté, à l’instar du Bangladesh, sur le fait que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer n’exigeait pas expressément des États parties qu’ils actualisent leurs lignes de base et les limites extérieures de leurs zones maritimes en raison des modifications de leur littoral résultant de l’élévation du niveau de la mer.
« Nos lignes de base légales restent mouvantes et n’ont pas été fixées », a pour sa part expliqué le représentant des Pays-Bas, en rappelant la spécificité du littoral néerlandais, en partie constitué de remblais de sable qui empêchent l’avancée trop rapide de la mer vers l’intérieur des terres. De façon plus ou moins nuancée, notamment sur la référence possible à d’autres normes telles que le principe selon lequel « la terre domine la mer », les délégations ont été unanimes dans leur soutien à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer en tant que cadre juridique applicable à ce sujet et comme « pilier fondamental de la gouvernance des océans », selon les termes de l’Estonie.
Les divergences de vue qui se sont exprimées sur la question des principes généraux du droit ont par ailleurs inspiré un commentaire critique sur les méthodes de travail de la Sixième Commission de la part du représentant du Portugal, qui a noté que face à l'opposition d’une « poignée d’États » aux recommandations de la CDI pour l’adoption de projets d’articles en vue de l’élaboration d’une convention, la Sixième Commission avait choisi de ne pas agir en privilégiant le consensus. Or « le consensus n’est ni une règle de procédure ni un dogme », a-t-il tranché, en suggérant aux délégations d’améliorer leurs méthodes de travail pour ne pas saper la contribution de la CDI au développement du droit international.
La Sixième Commission poursuivra ses travaux demain, mercredi 25 octobre, à partir de 10 heures.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SES SOIXANTE-TREIZIÈME ET SOIXANTE-QUATORZIÈME SESSIONS - A/78/10
Suite du débat général sur le module 1: chapitres introductifs I à III, chapitre X (Autres décisions et conclusions de la Commission), chapitre IV (Principes généraux du droit) et chapitre VIII (L’élévation du niveau de la mer au regard du droit international)
M. ANDREI POPKOV (Bélarus) a relevé que les conclusions de la Commission clarifient la nature juridique des principes généraux de droit en tant que sources secondaires et autonomes du droit international au sens de l’Article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice (CIJ). Il a jugé pertinent que la CDI poursuive son étude des fondements conceptuels de deux types de principes généraux de droit ayant une portée juridique internationale: les principes généraux issus des systèmes juridiques nationaux et les principes généraux formés au sein du système juridique international. Le délégué a salué la volonté de la CDI de promouvoir une notion plus universelle et plus neutre des principes généraux de droit, acceptés par l’« ensemble des nations » en lieu et place des « nations civilisées ». Le droit international moderne devrait être étranger à toute discrimination et à toute gradation des États sur la base du critère « civilisé » ou « non civilisé ». S’agissant de la transposition de principes généraux du droit provenant de systèmes juridiques nationaux, le délégué a craint que, dans le processus d’incorporation, la signification originale ne soit considérablement déformée ou que son interprétation par un petit groupe d’États influents ne devienne dominante dans le droit international. Afin d’éviter un tel scénario, il lui a semblé important d’énoncer dans le projet de conclusions les critères clairs permettant de déterminer qu’un principe général de droit est logique et compatible avec le système juridique international. Le délégué a estimé qu’il n’est pas justifié de donner aux principes généraux de droit un rôle plus important dans le droit international que celui qu’ils ont actuellement. Par ailleurs, si un principe général de droit provenant des systèmes juridiques nationaux est identifié, il convient d’établir qu’il n’est pas en contradiction avec les normes impératives du droit international avant de l’incorporer dans le droit international.
Au sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le délégué a réitéré que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer jouerait un rôle central pour résoudre des problèmes liés à la délimitation des zones maritimes en cas d’élévation du niveau de la mer. Dans le même temps, il a estimé que d’autre normes applicables du droit international général pouvaient être utilisées, notamment le principe selon lequel « la terre domine la mer, » la liberté de navigation, ou encore les engagements en matière de règlement pacifique des différends et de protection des droits des États côtiers insulaires.
M. KONRAD BÜHLER (Autriche) s’est montré sceptique au sujet de la distinction faite entre deux catégories de principes généraux du droit: ceux qui proviennent des systèmes juridiques nationaux et ceux qui peuvent se former dans le cadre du système juridique international, estimant qu’il est très difficile de les distinguer dans la pratique. Il a également jugé peu convaincante la détermination des principaux généraux du droit formés dans le cadre du système juridique international qui figure dans le projet de conclusion 7. Par exemple, la nature du principe de l’uti possidetis est controversée, de l’avis de la délégation, puisque la Commission considère qu’il est intrinsèque au système juridique international alors qu’il plonge également ses racines dans les systèmes juridiques nationaux ainsi que dans le droit international coutumier. Par ailleurs, le représentant a préféré le terme « communauté internationale » au terme « communauté des nations » parce que le terme « nation » a plusieurs sens et qu’il est politiquement sensible. En outre, la « communauté des nations » exclurait les organisations internationales et d’autres sujets de droit international. S’agissant de la conclusion 8 consacrée aux « décisions de juridictions », la délégation a proposé d’utiliser plutôt le terme « jurisprudence » à la place de « décisions », puisque celles-ci font généralement référence à des actes contraignants.
Au sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le représentant a fait savoir que l’Autriche y attachait une grande importance, même si elle est un pays sans littoral. « Les effets des changements climatiques ne concernent d’ailleurs pas que les pays côtiers ou insulaires, puisque l’Autriche est confrontée à la fonte massive des glaciers. » La délégation est favorable à la stabilité juridique et opposée à toute modification de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
M. SLAWOMIR MAJSZYK (Pologne) a estimé que le paragraphe 2 du projet de conclusion 7 sur les principes généraux du droit doit être supprimé. Ce paragraphe semble conclure que les principes généraux peuvent être formés dans le système juridique international alors que la CDI ne fournit pas de critères pour les déterminer, créant ainsi des incertitudes sur les sources du droit. Plusieurs termes et principes doivent être davantage élaborés, a-t-il relevé, notamment le terme « intrinsèque » et les principes du « consentement à la juridiction » et uti possidetis, appelant à la prudence sur la détermination de ces principes en tant que principes généraux. En outre, sa délégation soutient l’utilisation limitée des principes généraux quand d’autres règles du droit ne permettent pas de répondre à un problème, appelant à préciser, dans le commentaire relatif du projet de conclusion 10, que les principes généraux ne remplacent pas les normes coutumières ou les traités.
Concernant le chapitre sur l’élévation du niveau de la mer, son objectif est d’interpréter la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer au regard de ce problème, a rappelé le délégué. La Convention étant acceptée universellement, des discussions sont nécessaires sur les règles coutumières applicables aux enjeux émergents. Le caractère intangible des frontières est fondamental pour le maintien de la paix et de la sécurité, a-t-il déclaré, estimant que ladite Convention et le droit coutumier correspondant permettent de conserver la stabilité de ces frontières. Concernant les accords internationaux juridiquement non contraignants, le délégué a salué l’intégration de cette question dans le programme de travail de la CDI mais a souhaité l’utilisation du terme « instruments ». Enfin, il a demandé une analyse méticuleuse sur l’état d’avancement du processus législatif sur les normes impératives du droit international général au sein de la CDI.
Mme KERLI VESKI (Estonie) s’est félicitée que le projet de conclusions de la CDI sur les principes généraux du droit ne fasse plus référence aux « nations civilisées », terme remplacé par « communauté des nations ». Elle a convenu que le projet ne devrait pas utiliser l’expression « communauté internationale des États dans son ensemble » dans le contexte des normes de jus cogens, parce qu’elle fixe un seuil « inutilement élevé ». Cependant, bien qu’il soit nécessaire d’évaluer les positions des États pour déterminer si un principe général de droit a été identifié et reconnu, il n’est pas possible d’exclure que les organisations internationales puissent également apporter des contributions utiles, a fait valoir la déléguée. Elle a en outre invité la CDI à examiner plus avant les relations entre les principes généraux du droit et les normes impératives du droit international général.
Au sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, la déléguée a reconnu que les questions de stabilité juridique liées aux accords de délimitation des zone maritimes, en particulier dans le contexte de l’analyse du principe du changement fondamental de circonstances (rebus sic stantibus) et du principe selon lequel « la terre domine la mer », sont difficiles à résoudre. Selon elle, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer doit rester le cadre applicable à ce sujet, en tant que pilier fondamental de la gouvernance des océans, et il faut éviter tout conflit dans les relations internationales. Si le principe du changement fondamental de circonstances s’appliquait dans le cas de l’élévation du niveau de la mer, cela amènerait les États à devoir renégocier les frontières maritimes, ce qui modifierait les droits et obligations au regard des relations internationales et entraînerait une instabilité, a prévenu la déléguée. Lorsque le territoire d’États sera complètement submergé ou deviendra inhabitable, le véritable défi sera de lire la Convention avec un regard nouveau et d’interpréter le droit international coutumier en gardant l’esprit ouvert.
M. CSONGOR CSERGŐ (Hongrie) a salué le travail effectué par la CDI sur les accords internationaux juridiquement non contraignants et appuyé la décision de la Commission d’organiser un événement commémoratif pour son soixante-quinzième anniversaire à Genève en 2024, qui sera « une occasion unique » d’identifier des questions d’actualité et de trouver un juste équilibre entre les sujets.
S’agissant de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le représentant a indiqué que tout en étant un pays enclavé, la Hongrie reconnaissait les défis posés par ce phénomène et était favorable à une analyse « claire et transparente » des réglementations juridiques internationales relatives aux changements climatiques, y compris le sujet connexe de l’élévation du niveau de la mer. Tout en prenant note des conclusions sur la question des zones maritimes et sur le fait qu’il n’existe pas d’obligation de mise à jour régulière des lignes de base, et tout en s’accordant sur le caractère essentiel du maintien de la « stabilité juridique », il a proposé une réflexion plus poussée sur la forme la plus appropriée pour refléter ces conclusions. Il s’est en outre dit favorable aux discussions futures sur la reconnaissance du statut d’État et sur les questions liées à la protection des personnes en cas d’élévation du niveau de la mer.
Mme TANIA VON USLAR-GLEICHEN (Allemagne) a abordé le sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, en plaidant pour une interprétation « contemporaine » de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer afin de relever « ce défi existentiel ». Cette Convention n’exige pas des États côtiers qu’ils se livrent à un examen et une mise à jour de leurs lignes de base et de leurs zones maritimes, même s’ils peuvent le faire, a dit la déléguée, en se félicitant de la convergence de vues des États dans ce domaine. Elle a demandé que le principe de « stabilité juridique » s’applique aussi aux zones maritimes partant d’îles et de rochers. Elle s’est dite confiante que les difficultés juridiques dans ce domaine seront réglées dans le cadre de ladite Convention et grâce à la tenue de discussions constructives. Enfin, elle a évoqué la situation des petits États insulaires face à l’élévation du niveau de la mer et plaidé pour l’élaboration de solutions fiables sur la base du droit.
M. RENÉ LEFEBER (Pays-Bas) a noté les divergences d’opinion des membres de la CDI sur l’existence de principes généraux de droit dans le système juridique international et suggéré de « supprimer ce désaccord » du projet de commentaires. Il a par ailleurs indiqué que son pays avait demandé un rapport sur ce sujet au Comité consultatif néerlandais sur les questions de droit international public et partagerait ses conclusions avec la CDI, avec la réponse du Gouvernement.
S’agissant de l’élévation du niveau de la mer, et notamment la question de l’obligation ou non d’examiner et d’actualiser régulièrement les lignes de base et les limites extérieures des zones maritimes, le représentant a noté que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ne contenait pas d’obligation à cet égard et précisé que les Pays-Bas n’avaient « pas encore de position à ce sujet ». Selon lui, l’expression « littoral de base », tel qu’utilisée dans les contributions des Pays-Bas aux travaux, fait référence au littoral néerlandais préservé par des remblais de sable et ne doit pas être confondue avec les lignes de base. Il a expliqué que ces remblais constituaient une mesure préventive de protection du littoral contre une avancée trop rapide de la mer vers l’intérieur des terres. « Nos lignes de base légales restent ambulatoires et n’ont pas été fixées », a indiqué le représentant. Il s’est par ailleurs félicité de l’étude complémentaire réalisée sur la sécurité de la navigation concernant les cartes marines, en notant toutefois que ces cartes ne reflétaient pas les lignes de base de son pays.
S’agissant des accords internationaux juridiquement non contraignants, le représentant a rappelé que les travaux réalisés dans différentes enceintes devaient contribuer à une meilleure compréhension du sujet sans perdre la souplesse nécessaire pour que les États puissent recourir à ce type d’accords quand cela est approprié. Il a conclu son intervention en rappelant que son pays avait accueilli un colloque sur les conseils indépendants, organisé par le Comité consultatif néerlandais sur le droit international public, auquel Mme Patricia Galvão Teles, membre de la CDI, avait participé, participation qu’il a jugé « très utile » pour « améliorer les contribution des Pays-Bas » au travail de la CDI.
M. RICHARD VISEK (États-Unis) a tout d’abord rappelé que son pays avait coparrainé la résolution 77/249 de l’Assemblée générale pour permettre la poursuite de l’examen sur le projet d’articles de la CDI relatif à la prévention et à la répression des crimes contre l’humanité, car une telle convention comblerait une lacune importante dans le cadre juridique international. S’agissant des principes généraux du droit, le représentant a noté le risque que des parties à des litiges internationaux s’appuient sur les travaux de la CDI pour faire valoir des obligations sans l’approbation des États. Il a donc recommandé que la Commission ne s’engage pas dans un exercice de développement progressif « sur un sujet qui concerne une source du droit international ». Sur le critère qui permet de déterminer si les principes généraux du droit provenant des systèmes juridiques nationaux ont été transposés sur le plan international, il a souligné que l’automaticité ne semblait « ni évidente, ni justifiée ». Pour les États-Unis, le consentement des États est nécessaire pour trouver un principe général de droit.
Concernant l’élévation du niveau de la mer, le représentant a noté que de « nouvelles tendances » se dessinaient dans les pratiques des États sur la nécessité d’avoir des zones maritimes stables. À cet égard, il a souligné le caractère « universel et unifié » de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Dans un objectif de stabilité, de sécurité, de certitude et de prévisibilité des droits maritimes, les États-Unis se sont engagés à ne pas contester les lignes de base et limites des zones maritimes établies légalement et non mises à jour suite à l’élévation du niveau de la mer, et encouragent d’autres États à faire de même. Reconnaissant que l’élévation du niveau de la mer ne menace pas seulement les droits maritimes, mais aussi les communautés côtières et États insulaires du monde entier, le représentant a informé que son pays avait annoncé en septembre qu’il considérait que l’élévation du niveau de la mer provoquée par les changements climatiques d’origine humaine ne devait pas faire perdre à un pays son statut d’État, ou sa qualité de membre de l’ONU.
S’agissant des méthodes de travail de la CDI, le représentant a fait part de l’intérêt de son pays pour des propositions telles que l’élaboration d’orientations sur la nomenclature des textes et instruments adoptés, afin de clarifier ce qui, dans le travail de la CDI, relève de la codification ou au contraire du développement progressif du droit international. Pour finir, il a pris note du programme de travail provisoire « très ambitieux » de la CDI pour ces cinq prochaines années et demandé à la Commission de prévoir dans ses délibérations suffisamment de temps pour « prendre en compte les contributions des États Membres ».
M. MATEUS KOWALSKI (Portugal) s’est félicité de la tenue de la première partie de la soixante-dix-septième session de la CDI prévue à New York en 2026. Cela permettra de renforcer l’interaction entre celle-ci et les autres organes onusiens. Il a estimé que l’ONU et les États Membres pourraient en faire davantage en ce qui concerne la codification du droit international. Dans certains cas où la CDI a expressément recommandé l’adoption de projets d’articles en vue de l’élaboration d’une convention, cette Commission a choisi de ne pas agir et de privilégier le consensus, alors que seule une « poignée d’États » s’oppose à aller de l’avant, a déploré le délégué. Il a rappelé que « le consensus n’est ni une règle de procédure ni un dogme » et qu’il n’a pas valeur de veto. Si nous ne cherchons pas à régler cette question et à améliorer nos méthodes de travail, nous risquons de gravement saper la contribution de la CDI et de cette Commission, a-t-il averti.
Le délégué a invité la CDI à se pencher davantage sur la question des principes généraux du droit, et notamment sur la différence « très ténue » entre les principes provenant des systèmes juridiques nationaux et les principes se formant dans le cadre du système juridique international. La distinction entre ces derniers et le droit coutumier n’est pas aussi claire qu’elle le devrait. S’agissant de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le délégué a rappelé que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer n’exige pas des États qu’ils se livrent à un examen constant des lignes de base et de la délimitation de leurs zones maritimes. Enfin, il a estimé fondamental de déterminer dans quelle mesure le principe d’équité est juridiquement pertinent dans un contexte d’élévation du niveau de la mer.
Mme FANNY RATHE (Suisse) a salué « l’approche concluante, logique et exhaustive » adoptée par la CDI sur les principes généraux du droit. Elle a jugé « pertinente » la constatation selon laquelle tous les principes découlant des systèmes juridiques nationaux ne se prêtaient pas forcément à une application dans le système juridique international. S’agissant de la détermination d’un principe commun aux différents systèmes juridiques du monde, elle a estimé que ce terme devait être interprété « dans sa forme la plus large possible » et souligné que toutes les branches du droit national, tant public que privé, étaient pertinentes pour déterminer l’existence d’un principe général du droit.
La déléguée a par ailleurs salué le travail en cours mené, d’une part, sur l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, qu’elle a qualifiée de question « urgente » à traiter, et, d’autre part, sur les moyens auxiliaires de détermination des règles de droit international, un ajout « utile » aux travaux de la CDI sur les sources du Statut de la Cour internationale de Justice (CIJ).
M. NASIR UDDIN (Bangladesh) a rappelé que le paragraphe 2 de l’Article 7 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer stipule qu’il n’est pas nécessaire de modifier les lignes de base en cas d’érosion des côtes, car une telle modification poserait des difficultés pour les zones maritimes. Selon sa délégation, les lignes de base doivent donc demeurer inchangées, même en cas d’élévation du niveau de la mer. Soulignant que les petits États insulaires sont menacés par ce phénomène, il a souligné le caractère immuable et intangible des frontières selon le principe « la terre domine la mer ». Tous les travaux de la CDI doivent donc être conformes à ladite Convention qui, en tant que « Constitution des océans », régit toutes les activités en mer, a-t-il conclu.
M. CLAUDIO TRONCOSO REPETTO (Chili) a rappelé que les principes généraux du droit sont une source autonome du droit, comme le dispose l’Article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice (CIJ). Il s’est félicité que la CDI ait abandonné l’expression « nations civilisées » visé par ledit Article. Il a évoqué les principes se formant dans le cadre du système juridique international, en rappelant qu’ils doivent être « spécifiques » à ce système. Il a noté que certains États ont des « hésitations » quant à l’existence de cette seconde catégorie de principes et souhaité une révision du projet de conclusion 7 paragraphe 2.
S’agissant de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le délégué a rappelé la gravité des conséquences des changements climatiques. Le travail de la CDI est capital, a-t-il reconnu, en rappelant l’importance de la stabilité juridique des lignes de base et des zones maritimes. Cette question est vue par les États comme devant se régler dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, a noté le délégué, en ajoutant que c’est la position du Chili. Les interprétations de la Convention permettant le statu quo en ce qui concerne les lignes de base et les zones maritimes doivent être accueillies favorablement. Enfin, il a salué l’inclusion dans le programme de travail de la CDI de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État et la désignation d’un Chilien comme Rapporteur spécial.
M. NOAM CAPPON (Israël) a commencé par rappeler les évènements en cours dans son pays qui subit toujours « les attaques de l’organisation génocidaire Hamas ». Depuis le 7 octobre, a-t-il témoigné, « le temps s’est arrêté. » L’État d’Israël continuera de protéger ses citoyens dans le respect du droit international, a-t-il assuré, rappelant que son pays demande la libération des otages gardés en violation flagrante du droit international. Alors que nous débattons du droit international, la Sixième Commission doit être informée des actes qui foulent le droit au pied, a-t-il estimé, appelant les conseillers juridiques présents dans la salle à condamner les actes « barbares » du Hamas et à appuyer Israël.
Le délégué a souligné ensuite que, les commentaires des gouvernements sur les projets de textes doivent être pris en compte, appelant la CDI à redoubler d’efforts pour les intégrer, particulièrement avant la deuxième lecture. La CDI doit aussi enquêter sur la pratique des États, a-t-il estimé, insistant sur le fait que la CDI doit être consciente de la distinction entre codification et développement progressif du droit international. Les travaux sur les principes généraux du droit constituent une valeur ajoutée pour la détermination des sources du droit international à long terme, a reconnu le délégué, mais une analyse comparative des systèmes juridiques permettrait de déterminer l’existence de principes généraux. S’il a salué l’appel à la cohérence dans le projet de conclusion 10 sur les fonctions des principes généraux du droit, il a toutefois émis des réserves sur la seconde catégorie de principes généraux formés au niveau international. Selon lui, cette catégorie n’est pas étayée par la pratique des États, puisque les principes généraux sont avant tout de nature nationale, et risque d’entraîner une confusion avec d’autres catégories. Par ailleurs, la méthode pour les déterminer reste vague et ne permet pas une application systématique, a-t-il conclu.
M. SEYED ALI MOUSAVI (République islamique d’Iran) a rappelé que, s’il n’existe pas de hiérarchie entre les sources de droit international, les principes généraux sont moins invoqués que les conventions internationales ou le droit coutumier en raison de leur opacité. Ils ne sont pas pour autant subsidiaires, a-t-il estimé, puisqu’ils constituent des principes généraux pour de nombreuses juridictions, ayant contribué à combler certaines lacunes dans le droit international. Le délégué s’est ensuite demandé si la formation de principes généraux au sein du système juridique international ne serait pas compromise par la formation des principes généraux au sein des systèmes juridiques nationaux, appelant à établir une distinction claire entre les principes généraux émanant du Statut de la Cour internationale de Justice (CIJ) et les principes de droit international énumérés dans divers instruments. De même, les décisions judicaires devraient avoir plus de poids que les enseignements pour déterminer les principes généraux.
Concernant l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le délégué a estimé que le sujet doit être considéré à la lumière des apports de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et de la Convention de Montevideo sur les droits et les devoirs des États. Le principe « la terre domine la mer » pose néanmoins question quant aux lignes de démarcation lors de la perte de territoire, a-t-il remarqué, émettant des doutes sur les principes uti possidetis juris et rebus sic stantibus, leur préférant le principe d’intégrité territoriale et souhaitant la poursuite de l’étude du principe d’équité. Le délégué a également appelé la CIJ à considérer les changements climatiques de manière holistique, rappelant les conséquences des mesures coercitives unilatérales sur les engagements environnementaux. Enfin, il a requis la création d’un groupe de travail pour « contrebalancer » l’expérience du Rapporteur spécial sur la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.
M. PABLO AGUSTÍN ESCOBAR ULLAURI (Équateur) a indiqué que sa délégation était en accord avec l’approche en deux étapes, adoptée par la CDI pour identifier les principes généraux du droit, qui comprend la vérification de l’existence d’un principe commun d’un part, et sa transposition dans l’ordre juridique international d’autre part. Il a cependant noté qu’il fallait faire preuve de souplesse pour déterminer la transposition et que, dans certains cas, un principe dérivé des systèmes juridiques nationaux pouvait être considéré comme non applicable dans un domaine du droit international, tout en l’étant dans un autre. Le délégué a estimé que s’agissant de la conclusion 7 sur l’existence d’autres principes généraux formés dans le système juridique international, d’autres exemples pouvaient être analysés, même s’ils ne sont pas considérés comme intrinsèques. Il a notamment cité les principes de Nuremberg, qui concernent la responsabilité individuelle pour les crimes de droit international. S’agissant de la relation des principes généraux du droit avec les autres sources du droit international, il a souligné qu’il n’y avait pas pour sa délégation de hiérarchie entre les trois sources du droit international que sont les traités, la coutume et les principes généraux de droit. Ces sources peuvent coexister, et les questions d’interprétation, être résolues par les règles et principes d’interprétation et de résolution des conflits acceptés en droit international.
Le délégué a ensuite salué les progrès réalisés au sein du Groupe d’étude sur l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, un sujet « complexe » qui porte notamment sur des aspects relatifs aux frontières maritimes et aux droits humains, et qu’il faut analyser sur la base des traités applicables, comme la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, sachant qu’il n’y a pas de normes coutumières directement applicables.