La Sixième Commission entend la présentation du rapport de la CDI et reconnaît les défis de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international
La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a entendu, ce matin, Mmes Patrícia Galvão Teles et Nilüfer Oral, qui ont présidé à tour de rôle la soixante-quatorzième session de la Commission du droit international (CDI), présenter le rapport annuel de la CDI. « Le rapport est connu pour sa rigueur et son exhaustivité », a souligné le Président de la Sixième Commission, M. Suriya Chindawongse, rappelant le rôle essentiel de la CDI pour l’élaboration et la codification du droit international. Cette présentation coïncide traditionnellement avec la semaine du droit international.
La dernière session, dont la première partie s’est déroulée du 24 avril au 2 juin 2023 sous la présidence de Mme Oral, et la deuxième du 3 juillet au 4 août 2023 sous la présidence de Mme Galvão Teles, a vu l’aboutissement d’un rapport de 122 pages faisant état de progrès substantiels sur plusieurs questions. La CDI a décidé qu’elle organiserait une manifestation commémorative en 2024 à Genève, pour marquer son soixante-quinzième anniversaire.
Cette année, la CDI a notamment adopté, en première lecture, 11 projets de conclusions relatifs aux principes généraux du droit. Elle a provisoirement adopté deux projets de directives sur le règlement des différends auxquels des organisations internationales sont parties et trois projets d’articles sur la prévention et la répression de la piraterie et du vol à main armée en mer. De plus, la Commission a reconstitué le Groupe d’étude sur l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, qui réfléchit notamment à la signification de la « stabilité juridique » en rapport avec ce phénomène, en particulier les lignes de base et les zones maritimes.
La CDI a également abordé les sujets « Moyens auxiliaires de détermination des règles de droit international » et « Succession d’États en matière de responsabilité de l’État ».
La Commission a reconstitué le « Groupe de travail sur les méthodes de travail », a tenu à souligner Mme Galvão Teles. Elle a noté avec satisfaction que le Secrétaire général a créé un fonds d’affectation spéciale pour l’assistance aux rapporteurs spéciaux ou aux présidents des groupes d’étude de la CDI, qui sera alimenté par des contributions volontaires.
La Sixième Commission a ensuite entamé l’examen d’un premier groupe de chapitres du rapport de la CDI: chapitres introductifs I à III, chapitre X (Autres décisions et conclusions de la Commission), chapitre IV (Principes généraux du droit), et chapitre VIII (Élévation du niveau de la mer au regard du droit international).
La question de l’élévation du niveau de la mer suscite un intérêt croissant auprès des États Membres, notamment -mais non exclusivement- ceux qui sont particulièrement touchés par l’élévation du niveau de la mer. C’est donc sans surprise qu’elle a été au cœur des interventions de plusieurs délégations, celles-ci rappelant que les dispositions de la CDI, à cet égard, doivent être en conformité avec la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui reste « la Constitution des océans », comme l’a souligné le délégué de l’Union européenne. Il a indiqué qu’il importait d’interpréter la Convention de manière à préserver les zones maritimes, appuyé en ce sens par plusieurs délégations dont le Danemark, Singapour, le Brésil, la France et le Royaume-Uni.
« L’élévation du niveau de la mer constitue une menace pour l’existence même de certains États, particulièrement les petits États insulaires », ont insisté les représentants de l’Australie et des Fidji, au nom du Forum des îles du Pacifique, appelant à examiner ce sujet dans le cadre des changements climatiques. Souhaitant la recherche de « solutions viables engageant la responsabilité commune de tous les États », les délégués du Danemark, au nom des pays nordiques, et du Brésil ont tenu à rappeler la responsabilité partagée mais différenciée qu’impliquent les changements climatiques, l’élévation du niveau de la mer étant intrinsèquement liée aux émissions de gaz à effet de serre produites depuis longtemps par les pays développés. Un lien de cause à effet également souligné par le Liechtenstein qui a prôné un statut sui generis pour les territoires submergés.
Les projets de conclusions relatifs aux principes généraux du droit n’ont pas été en reste durant le débat. La majorité des délégations ont souscrit à l’approche adoptée par la CDI d’appuyer ses conclusions sur la pratique des États, reconnaissant que les principes généraux du droit peuvent servir à combler les lacunes existantes dans les sources primaires du droit international. Appelant néanmoins à une prise en compte de la diversité des traditions juridiques, l’Union européenne a invité la CDI à s’inspirer de l’ordre juridique européen, dont les principes sont dérivés des systèmes juridiques des États membres, tandis que le Brésil et la Sierra Leone ont regretté l’absence de diversité géographique et linguistique dans les références aux différentes traditions juridiques.
Plusieurs délégations ont néanmoins émis des réserves concernant la catégorie des « principes généraux du droit formés dans le cadre du système juridique international », une approche qui risque, selon la France, d’entraîner une confusion dans le droit international entre les principes généraux de droit et la coutume, en tant que sources distinctes du droit international. Même réticence du côté de l’Australie et de Singapour qui se sont dites préoccupées par le manque de critères précis, selon lesquels un principe général de droit dans cette catégorie peut être identifié. Dans cet ordre d’idées, le Brésil a souhaité que le rapport évite de sous-entendre que les organisations internationales constituent des sources du droit international, tandis que le représentant de l’Union européenne a souhaité que le rôle joué par les organisations internationales, en tant qu’acteurs du droit international, soit davantage reflété dans le rapport.
La Sixième Commission poursuivra ses travaux demain, mardi 24 octobre, à 10 heures.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SES SOIXANTE-TREIZIÈME ET SOIXANTE-QUATORZIÈME SESSIONS - A/78/10
Présentation du rapport
Mme PATRÍCIA GALVÃO TELES, Présidente de la seconde partie de la soixante-quatorzième session de la Commission du droit international (CDI), a, tout d’abord, mentionné l’adoption d’une dizaine de projets de conclusion et les principales matières abordées dans le rapport à l’examen, soulignant l’esprit de collégialité et d’inclusivité qui règne à la Commission à l’entame de son nouveau quinquennat.
La CDI œuvre pour l’amélioration de ses méthodes de travail, a-t-elle expliqué, attirant l’attention sur le Groupe de travail créé à cette fin. La Commission a également demandé au Secrétariat d’élaborer un projet de guide de pratiques internes ou de manuel sur les méthodes et procédures de travail de la Commission. La Présidente a également noté que le Secrétaire général a établi un fonds d’affectation spéciale destiné à recevoir des contributions volontaires pour l’assistance aux rapporteurs spéciaux de la CDI ou aux présidents de ses groupes d’étude et appelé les États Membres, les ONG, les entités privées et les particuliers à contribuer à ce fonds.
Se réjouissant de la reprise complète des interactions avec les autres instances de droit international, la Présidente a annoncé que la soixante-quinzième session de la CDI se déroulerait à Genève du 15 avril au 31 mai et du 1er juin au 2 août 2024. 2024 serait une année commémorative, a-t-elle encore souligné. Mme Teles a ensuite détaillé chaque chapitre du rapport, en insistant sur les progrès accomplis.
Concernant les principes généraux du droit, la CDI a adopté, en première lecture, 11 projets de conclusion qui ont été transmis aux gouvernements pour commentaires et observations. Les projets abordent des aspects concernant les principes généraux du droit découlant des systèmes juridiques nationaux et les principes élaborés au sein du système international. Ils abordent également le rôle des décisions et des enseignements dans la détermination des principes.
Grâce aux travaux du Groupe d’étude sur l’augmentation du niveau de la mer au regard du droit international, a signalé Mme Teles, des progrès ont été réalisés sur les questions suivantes: signification de la « stabilité juridique » en rapport avec l’élévation du niveau de la mer, en particulier les lignes de base et les zones maritimes; immutabilité et intangibilité des frontières; changement fondamental de circonstances; effets de la situation potentielle dans laquelle les zones de chevauchement délimitées par des accords bilatéraux dans les zones économiques exclusives de deux États dont les côtes se font face ne se chevauchent plus; effets de la situation dans laquelle le point extrême d’une frontière terrestre convenue se retrouve situé en mer du fait de l’élévation du niveau de la mer; principe selon lequel « la terre domine la mer »; eaux, titres et droits historiques; équité; souveraineté permanente sur les ressources naturelles; perte ou gain éventuel d’avantages par des États tiers; les cartes marines et leur relation avec les lignes de base, les frontières maritimes et la sécurité de la navigation; pertinence d’autres sources de droit.
Mme NILÜFER ORAL, Présidente de la première partie de la soixante-quatorzième session de la Commission du droit international (CDI), a enchaîné avec la présentation du chapitre sur le règlement des différends auxquels des organisations internationales sont parties, un sujet intégré à son programme de travail l’année dernière. La CDI a provisoirement adopté les projets de directives 1 et 2 aux fins desquels l’expression « organisation internationale » s’entend d’une entité possédant sa propre personnalité juridique internationale, instituée par un traité ou un autre instrument régi par le droit international, qui peut comprendre parmi ses membres, outre des États, d’autres entités et qui est dotée au moins d’un organe capable d’exprimer une volonté distincte de celle de ses membres.
S’agissant de la prévention et répression de la piraterie et du vol à main armée en mer, la Présidente a informé que la CDI a provisoirement adopté les projets d’articles 1 à 3, qui définissent la piraterie et le vol à main armé en mer. La principale différence entre les deux crimes réside dans le lieu de l’acte, le premier en haute mer et le second dans les eaux territoriales, ce qui change la juridiction applicable. Dans le cas de la piraterie, il est reconnu que la compétence universelle s’applique, alors que dans le cas du vol à main armée, c’est l’État côtier qui possède la compétence exclusive.
Mme Oral a indiqué ensuite que le Rapporteur spécial a proposé cinq projets de conclusion sur la manière dont les moyens auxiliaires sont utilisés pour déterminer l’existence et le contenu des règles de droit international.
La succession d’États en matière de responsabilité de État a fait l’objet de quatre réunions, a continué Mme Oral, durant lesquelles une préférence pour une approche progressive a été exprimée. La Groupe de travail a recommandé à la Commission de poursuivre l’examen de ce sujet à la prochaine session sous la forme d’un groupe de travail à composition non limitée en vue d’entreprendre une réflexion plus approfondie.
Enfin, elle a souligné que la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, qui a fait l’objet de consultations informelles, ainsi que les accords internationaux juridiquement non contraignants, qui ont été intégrés dans le programme de travail de la Commission, seront, quant à eux, examinés lors de la prochaine session.
En conclusion, la Présidente a rappelé l’intérêt partagé de la CDI et de la Sixième Commission en matière de développement progressif et de codification du droit international, qui constitue une « lueur d’espoir » alors que nous nous trouvons dans un moment sombre de l’histoire.
Débat général sur le module 1: chapitres introductifs I à III, chapitre X (Autres décisions et conclusions de la Commission), chapitre IV (Principes généraux du droit) et chapitre VIII (L’élévation du niveau de la mer au regard du droit international)
M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone), au nom du Groupe des États d’Afrique, a souligné que la CDI compte une courte majorité de nouveaux membres par rapport aux membres ayant vu leur mandat renouvelé, ce qui est une « rareté. » Cela est l’occasion d’insuffler un nouveau dynamisme au travail de la CDI, a dit le délégué, en soulignant l’importance de son rôle. Il a pris note des efforts de la CDI visant à prendre en compte dans son travail les traditions juridiques dans toute leur diversité, avant d’inviter la CDI à développer sa relation de partenariat avec la Commission de l’Union africaine pour le droit international.
Le délégué a également invité la CDI à puiser son inspiration auprès des principaux systèmes juridiques contemporains, « y compris les sources africaines ». Il a souligné l’importance que les sujets traités par la CDI possèdent une véritable « valeur ajoutée » pour la communauté internationale dans son ensemble. Lors de la précédente session, mon groupe avait déploré qu’il n’y ait qu’un seul rapporteur spécial originaire d’Afrique et plaidé pour une approche équilibrée en ce qui concerne le choix desdits rapporteurs, a déclaré le délégué. « Nous nous réjouissons des progrès accomplis à cet égard. » La prochaine étape consiste désormais à apporter les ressources nécessaires aux rapporteurs spéciaux afin qu’ils puissent s’acquitter de leur travail, a conclu le délégué.
M. STEPHAN MARQUARDT, de l’Union européenne, a noté que les 11 projets de conclusions sur les principes généraux du droit s’appuyaient sur la pratique des États et des juridictions internationales et que les références à la pratique de l’Union européenne (UE) dans ces projets étaient, pour l’instant, restées limitées, notant que les commentaires du projet de conclusions ne faisait référence « qu’une seule fois » à la pratique de la Cour de justice de l’Union européenne. L’UE considère que sa pratique peut constituer un « point de référence important » et suggère d’analyser entre autres la méthodologie de la Cour de justice de l’UE pour identifier les principes du droit de l’UE, dérivés des systèmes juridiques des États membres. Le représentant a souligné à ce titre que dans l’ordre juridique de l’UE, les principes généraux qui émanent des États membres constituaient « une source autonome de droit ». S’agissant de la référence à la reconnaissance des principes généraux du droit par la « communauté des nations » au projet de conclusion 2, il a indiqué que pour l’UE, le terme de « communauté des nations » ne reflétait pas pleinement le rôle joué par les organisations internationales en tant que sujets du droit international et a donc invité la CDI à envisager l’utilisation de l’expression « communauté internationale » dans son projet d’article.
En ce qui concerne le projet de conclusion 4 sur les étapes nécessaires à l’identification des principes généraux de droit issus des systèmes juridiques nationaux, et notamment le choix du terme de « transposition » mentionné au point (6) du commentaire du projet, le représentant a souligné que pour l’UE, il devrait être clair que cette exigence soit comprise comme signifiant que ces principes sont « susceptibles d’être transposés » dans le système juridique international. Il a par ailleurs noté que l’exigence de principes dérivés « communs aux différents systèmes juridiques du monde » devrait faire référence à des systèmes juridiques aussi nombreux et représentatifs que possible. Il a invité la CDI à examiner la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et à la mentionner dans les commentaires relatifs au projet de conclusion 8. S’agissant enfin du projet de conclusion 10, le représentant a rappelé que le recours aux principes généraux de droit se faisait principalement quand d’autres règles de droit international ne permettaient pas de résoudre une question et suggéré une formulation qui soit « cohérente » avec l’esprit de l’article correspondant dans le Statut de la Cour internationale de Justice, qui énumère trois sources de droit international « sans indiquer de relation hiérarchique entre elles ».
S’agissant de l’élévation du niveau de la mer, M. THOMAS RAMOPOULOS, de l’Union européenne, a pris le relais pour souligner le soutien de l’UE à l’intégrité de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, reconnue comme la « Constitution des océans » qui reflète le droit international coutumier. Il a donc rappelé que toutes les solutions proposées dans le rapport de la CDI sur la question devaient être conformes au cadre juridique établi par la Convention. Cette dernière ne devrait pas être amendée, a-t-il considéré, et la CDI devrait plutôt enraciner son travail dans les règles internationales existantes. Il a en outre mis en garde contre la prise en compte des pratiques des États régionaux et de l’opinio juris sur ce point, jugeant que les « principes universellement applicables » devaient être appliqués de manière uniforme dans toutes les régions du monde. Le représentant a ensuite évoqué la question de la stabilité juridique et de l’intangibilité des frontières, en soulignant que l’élévation du niveau de la mer menaçait de nombreux États, notamment les petits États insulaires. Aucun État n’a contesté la notion de stabilité juridique et de préservation des zones maritimes et un nombre croissant d’États ont souligné que la Convention précitée pouvait permettre de traiter efficacement la question de l’élévation du niveau de la mer, a-t-il insisté, en rappelant que les États membres de l’UE avaient pour leur part souligné l’importance d’interpréter la Convention dans le sens d’une préservation des zones maritimes.
Mme AGNES A. HARM (Fidji), au nom du Forum des îles du Pacifique, a rappelé que les changements climatiques représentent une menace pour sa région. À ce titre, elle a souhaité que l’élévation du niveau de la mer soit examinée dans le cadre des changements climatiques. La déléguée a souligné que le Forum a organisé une conférence sur les États et les personnes touchées par ce phénomène, ce qui a permis d’identifier des solutions au regard du droit international dans un projet de déclaration. Le Forum des îles du Pacifique a déjà adopté, en 2021, une déclaration sur la préservation des zones maritimes face à l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques. Il s’agit également de se pencher sur les incidences de ce phénomène sur les droits humains et la biodiversité dans les zones qui ne relèvent pas des juridictions nationales, a indiqué la déléguée. Selon elle, les progrès réalisés par le Forum dans ce domaine montrent que les îles du Pacifique souhaitent conserver leur souveraineté et préserver leurs zones maritimes, en n’excluant pas pour autant des actions collectives.
Mme MARIE-LOUISE KOCH WEGTER (Danemark), au nom des cinq du Groupe des pays nordiques, a souligné que les exemples de pratiques nationales sont particulièrement pertinents pour nombre des sujets à l’examen de la Commission. S’agissant des principes généraux du droit, les pays nordiques souscrivent à l’approche générale du Rapporteur spécial, jugeant important que les conclusions soient correctement liées à la pratique et à l’opinion des États. Reconnaissant qu’il n’existe pas de hiérarchie entre les sources primaires du droit international, les pays nordiques sont d’avis que les principes généraux du droit ont, dans la pratique, un rôle subsidiaire, en tant que moyen d’interprétation, pour combler des lacunes ou éviter des situations de non liquet. En outre, ils jugent indispensable d’établir une distinction claire et systématique entre la pratique soutenant l’existence d’un principe général, ou de principes généraux en tant que source de droit, et les cas où l’invocation du terme « principe » peut ne pas être voulue ou justifiée comme une référence à un principe général au sens de l’Article 38 (1) c du Statut de la CIJ. Les pays nordiques soutiennent dans l’ensemble les projets de conclusions et leurs commentaires.
Au sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, a poursuivi la représentante, les pays nordiques estiment que la recherche de solutions viables relève de la « responsabilité commune de tous les États », et certainement pas de la seule responsabilité de ceux qui seront le plus durement touchés, en particulier les petits États insulaires en développement. L’ampleur de l’élévation du niveau de la mer dépendra de la vitesse à laquelle les pays réduisent les émissions de gaz à effet de serre, comme le souligne le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). « Les pays nordiques s’accordent à dire que l’élévation du niveau de la mer est directement liée à la question de la paix et de la sécurité internationales. » La représentante a conseillé toutefois de faire preuve de prudence lors de l’utilisation de concepts encore indéfinis en droit international, tels que celui d’« État spécialement touché ». Si la délimitation de lignes de base ou de limites extérieures de la mer territoriale peut effectivement apporter une stabilité juridique, ce concept doit être abordé avec prudence, dans le plein respect de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, et en tenant compte de toutes les implications possibles, notamment pour les droits et obligations existants en vertu du droit international. Pour l’heure, la Convention ne contient aucune disposition relative à la mise à jour par les États parties de ces lignes de base et limites extérieures, a fait remarquer la représentante. Les pays nordiques sont tout à fait d’accord avec le fait qu’il est « difficile » d’amender la Convention et estiment que la Commission ne devrait pas se concentrer sur cette option.
Mme DAPHNE HONG (Singapour) a salué l’adoption du projet de conclusions de la CDI relatif aux principes généraux du droit, avant de noter la richesse du débat sur la seconde catégorie de ces principes visés à la conclusion 3, à savoir ceux qui peuvent se former dans le cadre du système juridique international. Elle s’est félicitée que le commentaire relatif à ladite conclusion reflète toutes les positions sur la question. Si elle a salué les efforts faits pour remédier aux préoccupations des États Membres, elle a noté quelques difficultés, notamment en ce qui concerne la conclusion 7 relative à la détermination des principes généraux du droit formés dans le cadre du système juridique international. Cette conclusion, dans son paragraphe 1, rappelle que l’ensemble des nations doit avoir reconnu ce principe comme intrinsèque au système juridique international. La représentante a trouvé l’emploi du terme « intrinsèque » peu clair. Elle a également jugé « trop large » le libellé du paragraphe 2 de cette conclusion, selon lequel le paragraphe 1 est sans préjudice de la question de l’existence éventuelle d’autres principes généraux du droit formés dans le cadre du système juridique international.
S’agissant de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, la représentante a plaidé pour la stabilité juridique, en particulier concernant les lignes de base et les zones maritimes. Elle a également demandé que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer soit appliquée avec équité, à la lumière des conséquences de ce phénomène pour les petits États insulaires en développement. Elle a ensuite insisté sur la pratique limitée des États en ce qui concerne les droits maritimes historiques. En conclusion, la représentante a regretté que la CDI ne soit pas en mesure de se réunir, à New York, pour la première partie de ses deux prochaines sessions.
M. ADAM MCCATHY (Australie) a tout d’abord noté que, s’agissant des commentaires sur les principes généraux du droit formés dans le cadre des systèmes juridiques nationaux, son pays hésitait encore quant à l’inclusion des clauses dans le projet de conclusion 7 sur la détermination des principes généraux du droit formés dans le cadre du système juridique international, cette conclusion ne précisant pas les critères selon lesquels un principe général de droit dans cette catégorie pouvait être identifié, a-t-il expliqué.
S’agissant de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le délégué a rappelé que les changements climatiques demeuraient la plus grave menace pour les moyens de subsistance, le bien-être et la sécurité des peuples du Pacifique et que l’élévation du niveau de la mer liée à ces changements représentaient une « menace existentielle » pour les États du Pacifique. L’Australie a participé à la Conférence régionale sur la préservation de la condition étatique et la protection des personnes dans le contexte de l’élévation du niveau de la mer qui s’est tenue aux Fidji, en mars dernier, et qui a permis de faire progresser la réflexion sur l’évolution du droit international face à ce défi, a-t-il noté. Le délégué a réitéré l’appui de son pays à ses voisins du Pacifique sur ces questions et rappelé que les dirigeants qui avaient participé à ce forum avaient notamment adopté une déclaration en soutien à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Il a réitéré son soutien au travail de la CDI pour ce qui est de la mise en commun des pratiques récentes des États sur ce sujet, notant que cette approche joue un rôle essentiel pour le développement progressif du droit international.
Pour finir, le délégué s’est félicité des décisions de la CDI de reconstituer son groupe de travail sur ses méthodes de travail pour mieux adapter ses travaux aux réalités. Il a insisté sur l’amélioration de la « relation symbiotique » entre la CDI et la Sixième Commission et invité les membres de la Commission à tirer parti des méthodes de travail virtuel pour renforcer le dialogue intersessions.
M. PEDRO MUNIZ PINTO SLOBODA (Brésil) a expliqué que, si l’expression « nations civilisées » est dépassée, « l’ensemble des nations » laisse penser que les organisations internationales peuvent également former des principes généraux du droit. Afin d’éviter cette ambiguïté, il a recommandé l’usage de « principes généraux de droit reconnu par les États », estimant que ces principes doivent dériver des systèmes juridiques nationaux et représenter la diversité linguistique des textes. À ce sujet, le délégué a regretté que les documents de l’ONU ne reflètent pas l’importance de la tradition juridique des États de langue portugaise, encourageant la CDI à ajouter une référence explicite aux différentes langues du monde. Il est ensuite revenu sur les décisions des cours internationales mentionnées par la CDI comme sources du droit international. Or, le Brésil ne reconnaît que la valeur normative de ces principes et non leur existence en tant que sources du droit international, appelant la CDI à s’abstenir d’inclure des principes juridiques formés dans le système juridique international.
Concernant l’élévation du niveau de la mer, des solutions devraient être identifiées en conformité avec la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, a estimé le délégué, rappelant que la pratique des États ne suffit pas pour identifier des lignes de base fixes ou mobiles et que le consentement des États est nécessaire pour toute règle future. Étant donné que les émissions, produites principalement par les pays développés, se sont accumulées au fil du temps, il s’agit également de prendre en compte le principe de responsabilités communes mais différenciées afin de guider l’action individuelle et collective contre les conséquences des changements climatiques, y compris l’élévation du niveau de la mer. Le délégué s’est réjoui des progrès accomplis sur les sujets de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État et des accords internationaux juridiquement non-contraignants, pour lequel il a recommandé l’utilisation d’« instruments » à la place d’« accords internationaux ».
M. DIEGO COLAS (France) s’est dit convaincu que l’avenir de la CDI est prometteur, « dès lors que celle-ci reste fidèle à sa vocation originale d’être tout à la fois un organe ouvert sur la diversité du monde et au service des États Membres de l’ONU ». Résolument attaché au multilinguisme, il a estimé que son renforcement au sein de la Commission va dans la bonne direction et permet de favoriser la prise en compte des spécificités propres aux différents systèmes juridiques nationaux et aux cultures juridiques dans leur diversité. « Il en va de l’autorité de ses travaux. » Il a ensuite souligné la nécessité de poursuivre les efforts en faveur d’une amélioration des méthodes de travail de la Commission et, en particulier, la fluidité du dialogue avec les États au sein de la Sixième Commission.
En ce qui concerne d’abord le sujet « Principes généraux du droit », le représentant a jugé décevant que la Commission ait décidé d’ignorer la distinction qui existe, en langue française, entre les principes généraux « du » droit, qui renvoient en réalité à la coutume, et les principes généraux « de » droit mentionnés à l’Article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice (CIJ) en tant que source autonome. « Cette distinction est, de l’avis de ma délégation, importante et la Commission pourrait utilement s’appuyer dessus pour ses travaux à venir sur le sujet. » Il a ensuite dit sa « perplexité » devant la catégorie des « principes généraux du droit formés dans le cadre du système juridique international », évoqués dans la conclusion 7. « La direction dans laquelle nous entraîne l’approche adoptée dans cette conclusion risque de générer une confusion entre les principes généraux de droit et la coutume, en tant que sources distinctes du droit international », a ainsi déclaré le représentant. Il a rappelé que cette catégorie de principes généraux, non étayée par la pratique, suscite la controverse parmi les États.
Sur « l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international », il s’est félicité du fait que la CDI ait confirmé la pertinence du cadre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, afin de trouver des solutions aux effets de l’élévation du niveau de la mer. Il a aussi noté les opinions majoritairement en faveur de lignes de base fixes. Le représentant a souligné l’importance des procédures consultatives pendantes devant la Cour internationale de Justice (CIJ) quant aux obligations des États en matière de changements climatiques et devant le Tribunal international du droit de la mer. Ma délégation a toute confiance dans la capacité de la Commission à tirer toutes les conséquences de ces procédures, le moment venu, afin de renforcer une lecture cohérente et systémique du droit international sur ces questions essentielles pour l’avenir, a-t-il conclu.
M. SINA ALAVI (Liechtenstein) a réitéré que le droit à l’autodétermination des États les plus immédiatement touchés doit être au cœur de l’examen de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international. Bien qu’il ne soit pas État partie à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, le Liechtenstein salue les efforts visant à institutionnaliser la délimitation des zones maritimes, afin qu’elles ne puissent pas être remises en question ou réduites en raison de l’élévation du niveau de la mer, comme l’a proposé le Forum des îles du Pacifique. Le délégué a exprimé son accord avec l’interprétation faite au paragraphe 153 du Rapport de la CDI, selon laquelle le Groupe d’étude devrait envisager un statut sui generis pour les territoires submergés en raison de l’élévation du niveau de la mer, en particulier parce que cette élévation n’est pas un phénomène naturel mais est causée par l’activité humaine.
Mme SALLY LANGRISH (Royaume-Uni) a salué la décision de la Commission d’inclure le sujet des accords internationaux juridiquement non contraignants dans son programme de travail, et jugé essentielle la terminologie utilisée pour distinguer les instruments non contraignants des traités. Elle a toutefois suggéré à la CDI d’intituler le thème « Instruments et arrangements internationaux juridiquement non contraignants ». S’agissant des principes généraux du droit, elle a indiqué que son pays soumettrait ses commentaires écrits détaillés sur le projet d’articles dans le délai fixé par la Commission, pour décembre 2024.
Passant à l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, la représentante a indiqué que ce sujet intéressait non seulement le Royaume-Uni mais aussi les petits États insulaires en développement, et averti des risques liés à tout changement d’interprétation de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dont l’intégrité doit être préservée, a-t-elle souligné. En outre, le consensus sur la préservation des frontières maritimes existantes ne devrait pas s’appliquer aux revendications incompatibles avec ladite Convention pour des raisons sans rapport avec l’élévation du niveau de la mer, a-t-elle expliqué, en relayant les appels à la prudence du Groupe d’étude lors de l’examen de cette question. Selon elle, le mandat de ce groupe est un « exercice de cartographie impliquant une analyse du droit existant ». La représentante a en outre invité le Groupe d’étude à la prudence dans son interprétation du silence de certains États sur cette question, un silence qui ne reflète pas nécessairement leur position sur l’interprétation de la Convention. Elle a prédit que les États souhaiteront examiner le rapport de synthèse du Groupe d’étude qui sera publié en 2025 « avant de tirer des conclusions à son sujet ».
M. STEFANO ZANINI (Italie), abordant les principes généraux du droit, a souscrit au projet de conclusion 6 sur la détermination de la transposition d’un principe commun aux différents systèmes juridiques du monde dans le système juridique international, pour autant qu’un tel principe est compatible avec le système juridique international. À ce titre, il a souhaité que l’analyse se poursuive, notant que si l’évaluation de la transposition se fait par des juges au cas par cas, la CDI devrait identifier des caractéristiques essentielles à cette fin. De plus, l’Italie estime que la distinction entre les principes généraux du droit et les normes ou principes du droit coutumier doit faire l’objet d’études plus approfondies. À cet égard, a précisé le délégué, la réflexion devra porter sur les caractéristiques essentielles communément reconnues des principes généraux afin d’éviter de passer outre la volonté des États dans la création de normes de droit international, compte tenu du fait que les principes généraux peuvent être une source autonome de droits et d’obligations.
Concernant l’élévation du niveau de la mer, le délégué a insisté sur l’importance de la préservation des zones maritimes qui ont précédé l’élévation du droit de la mer. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer n’empêche pas de considérer les lignes fixes, a-t-il déclaré, sa délégation estimant que ce phénomène ne devrait pas affecter les limites maritimes établies.