Sixième Commission: l’action de l’ONU dans le domaine de l’état de droit sous le feu des critiques
Les délégations n’ont pas ménagé, aujourd’hui, à la Sixième Commission (affaires juridiques), leurs critiques à l’encontre de l’action des Nations Unies dans le domaine de l’état de droit, à l’occasion de la présentation par la Vice- Secrétaire générale de l’ONU, Mme Amina Mohammed, du dernier rapport sur le sujet, qui détaille notamment la Nouvelle vision du Secrétaire général. Certains orateurs se sont en effet inquiétés des ingérences et des impositions de certains concepts sous couvert d’état de droit, ce dernier devenant alors la « manifestation d’un impérialisme », selon l’expression de Sri Lanka.
Dans son rapport, le Secrétaire général rappelle que « du plus petit village jusqu’à la scène mondiale », l’état de droit est précisément « tout ce qui nous sépare d’une lutte violente pour le pouvoir et les ressources ». Or, nous ne sommes pas loin de basculer dans « l’état de non-droit » dans toutes les régions du monde, avertit le Secrétaire général, en notant le recul global de l’état de droit, de la démocratie et des droits des femmes.
Fort de ce constat, le Secrétaire général, comme l’a rappelé Mme Mohammed, propose une Nouvelle vision de l’état de droit qui consiste pour l’ONU à suivre une approche centrée sur les personnes, tenant compte des questions de genre, tournée vers l’avenir et enracinée dans la Charte des Nations Unies. « Nous nous sommes assurés que cette Nouvelle vision ne vienne pas redéfinir des termes et concepts préexistants », a expliqué Mme Mohammed.
« L’assistance technique fournie aux États par le système des Nations Unies doit se faire à leur demande, dans le respect des mandats des fonds et programmes, en tenant compte des réalités socioéconomiques et sans imposition de modèles », a battu en brèche l’Iran, au nom du Mouvement des pays non alignés, en demandant que les rapports sur le sujet soient neutres, pondérés et équilibrés. « L’usage d’indicateurs qui n’ont pas fait l’objet d’un agrément des États Membres est inacceptable. »
Même son de cloche du côté de la délégation des Philippines, qui, au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a reproché au rapport du Secrétaire général de ne « pas être directement lié à l’état de droit et de manquer de fondement en droit international ». Les États Membres ont le droit souverain de développer leur système juridique comme bon leur semble, a-t-elle défendu, en demandant, elle aussi, que les futurs rapports soient présentés de manière « objective, neutre et non partisane ».
Plus spécifiquement, Singapour a dénoncé le paragraphe du rapport informant que l’ONU a « continué de plaider en faveur de l’abolition universelle de la peine de mort », alors que chaque pays a le droit souverain d’élaborer ses systèmes juridiques et pénaux et qu’il n’existe pas de consensus sur son utilisation ou son interdiction, a fait remarquer son représentant. Il a estimé que l’inclusion de ce paragraphe, malgré les préoccupations de certains pays, atteste d’une utilisation du rapport en vue de promouvoir une « idéologie » à laquelle tous les États Membres n’adhèrent pas.
La réforme des institutions juridiques de l’État doit tenir compte des valeurs traditionnelles et du mode de vie des sociétés et ne pas être imposée par la violence ou les ingérences extérieures, a appuyé le délégué du Bélarus. Dans le même esprit, la Chine a fustigé les pays défendant un « ordre fondé sur des règles » sans que ce concept ne soit pour autant précisé.
Le Venezuela, au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, a, lui, constaté que certains gouvernements sapent la Charte en raison notamment de « politiques néocoloniales ». À ce titre, il est revenu sur « l’extension systématique, sans précédent et de plus en plus fréquente », des mesures unilatérales coercitives appliquées au nom du respect de certaines normes. Plusieurs pays, tels que la Chine, l’Iran et le Bélarus, ont également condamné ces sanctions.
« Que recouvre cette expression d’état de droit dans la conjoncture actuelle? » a lancé le délégué de Sri Lanka, en se demandant si ce débat n’est pas un exercice rhétorique dans un monde où le plus fort a raison. Il a néanmoins appelé à se « réconcilier » avec la notion d’état de droit qui doit être un guide pour l’action des États. « Nous ne pouvons pas parler de respect de l’état de droit et ignorer les violations du droit international humanitaire qui se déroulent sous nos yeux », a, de son côté, déclaré l’Afrique du Sud, l’une des délégations à avoir abordé la situation au Moyen-Orient.
Elle a exhorté Israël à permettre l’acheminement de l’aide à Gaza et demandé la libération de tous les otages israéliens détenus à Gaza. « La guerre israélienne contre Gaza est une punition collective contre plus de 2 millions de Palestiniens », a fustigé la Jordanie, au nom du Groupe des États arabes. « Les civils palestiniens ne sont pas moins humains que les autres civils », a-t-elle conclu, en demandant l’application de l’état de droit à Gaza.
La Sixième Commission poursuivra son débat demain, mercredi 18 octobre, à une heure qui sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.
Déclaration de la Vice-Secrétaire générale de l’ONU
Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, a présenté le rapport du Secrétaire général sur le renforcement et la coordination des activités des Nations Unies en matière d’état de droit, centré cette année sur la technologie au service de l’accès à la justice pour tous et toutes. Les technologies numériques offrent aux populations de nouveaux moyens d’accéder à des voies de recours effectives par l’intermédiaire de la justice formelle ou informelle, a-t-elle dit. « La numérisation peut favoriser l’accès à la justice en créant des mécanismes et des procédures de dépôt de plainte faciles d’utilisation. » Mais cela dépend d’un accès à un internet fiable, a-t-elle souligné, en ajoutant que la technologie, tout en étant un outil de progrès, peut aussi creuser les inégalités.
La Vice-Secrétaire générale a ensuite détaillé la Nouvelle vision de l’état de droit avancée par le Secrétaire général, en indiquant que cette vision est devenue réalité. La Nouvelle vision va guider nos efforts dans le domaine de l’état de droit à l’échelle du système onusien, a-t-elle expliqué. Il s’agit de restaurer la confiance dans l’information publique et de faire en sorte que « l’écosystème numérique » bénéficie aux populations plutôt que de leur porter préjudice. Nos efforts de renforcement des capacités seront cohérents avec cette vision, dans la pleine reconnaissance du principe d’appropriation nationale, qui est un élément clef de réussite, a-t-elle assuré.
Mme Mohammed a fait observer que la Nouvelle vision de l’état de droit est inclusive et fondée sur les personnes, en vue d’appuyer des institutions plus représentatives. Elle contribue à la prévention des conflits et à la paix, a-t-elle dit. La Nouvelle vision met aussi l’accent sur l’ODD 16 du Programme de développement durable sur la paix et la justice et permettra un suivi des initiatives des États Membres dans ce domaine, a-t-elle dit, en ajoutant qu’elle trouve son fondement dans la Charte. « Nous nous sommes assurés qu’elle ne vient pas redéfinir des termes et concepts préexistants. » Enfin, la Vice-Secrétaire générale a salué le nouvel instrument international juridiquement contraignant portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (BBNJ). « C’est une avancée remarquable. »
L’ÉTAT DE DROIT AUX NIVEAUX NATIONAL ET INTERNATIONAL - A/78/184
Débat général – suite et fin
M. BAHRAM HEIDARI (République islamique d’Iran), s’exprimant au nom du Mouvement des pays non alignés, a déclaré que le respect de l’état de droit sur le plan international est primordial pour préserver la paix et promouvoir le développement durable. L’état de droit a besoin d’un soutien plus marqué des Nations Unies, a-t-il dit. Le délégué a jugé essentiel que les États s’engagent à suivre les règles du droit international, notamment en ayant recours aux mécanismes de résolution pacifique des différends et en s’abstenant de recourir à la force. Il a encouragé les États à contribuer à l’avènement d’un ordre mondial équitable, fondé sur la Charte. L’état de droit et la démocratie sont interdépendants, a assuré le délégué, en appelant à la protection des droits humains pour tous. Il a souligné l’importance de la liberté d’expression, en ajoutant que celle-ci doit être conciliée avec la moralité et l’ordre public. « La liberté d’expression n’est pas absolue et doit être conforme aux règles en vigueur dans les États. »
Le délégué s’est dit inquiet des conséquences des mesures coercitives unilatérales imposées à certains États. Aucun État n’a le droit de priver un autre État de ses droits dans le but de lui imposer sa volonté, en foulant le droit international, a-t-il martelé, en appelant les États à renoncer à toute « sélectivité ». Il a aussi déploré que le Conseil de sécurité empiète sur des sujets qui sont de la compétence de l’Assemblée générale et de l’ECOSOC. Par ailleurs, le renforcement des capacités et de l’assistance technique fourni aux États par le système des Nations Unies doit se faire à la demande de ces États, dans le respect des mandats des fonds et programmes, en tenant compte des réalités socioéconomiques et sans imposition de modèles, a tranché le délégué, en demandant que les rapports sur le sujet soient neutres, pondérés et équilibrés. « L’usage d’indicateurs qui n’ont pas fait l’objet d’un agrément des États Membres est inacceptable. » Le délégué a condamné toute ingérence dans les affaires intérieures des États du Mouvement, avant de dénoncer le joug sous lequel vit le peuple palestinien et d’appuyer la solution des deux États. Enfin, il a demandé que l’État de Palestine soit accepté comme membre à part entière de l’ONU.
Mme SIMONA POPAN, de l’Union européenne (UE), a déclaré qu’il est important de trouver de nouveaux moyens pour garantir un accès équitable à la justice pour tous. Selon sa délégation, la numérisation des systèmes de justice constitue l’une des priorités de l’Union européenne et l’une des pierres angulaires des efforts internationaux pour atteindre cet objectif. La représentante a fait état des initiatives de l’UE pour le développement de la justice en ligne, listant ses avantages à divers niveaux. Premièrement, la justice en ligne facilite la transmission de preuves, via des plateformes sécurisées, et permet des audiences internationales à distance, ce qui renforce la transparence, réduit le risque de corruption, et consolide la confiance envers le système judicaire. La justice en ligne permet aussi d’inclure les personnes marginalisées, a-t-elle analysé, citant le braille numérique qui renforce l’accès des personnes en situation de handicap aux procédures pénales et aux salles des tribunaux. Enfin, la justice en ligne accroît la participation des victimes et des témoins en permettant le dépôt de plaintes en ligne et en assurant le confort et la sécurité des victimes lors d’audiences virtuelles ou préenregistrées.
La représentante a également souligné l’intérêt de l’intelligence artificielle pour rendre les systèmes de justice plus efficaces et accessibles via le traitement de volumes élevés de données grâce à des filtres générés par l’intelligence artificielle. Appuyant la création d’un organe consultatif de haut niveau sur l’intelligence artificielle, elle a conclu en soulignant la nécessité de mettre en place des garde-fous.
Mme BAHIA TAHZIB-LIE (Pays-Bas), au nom de la Coalition d’action pour la justice, a indiqué que la Coalition vise à réaliser l’objectif de développement durable (ODD) no 16 sur l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes à tous, avant de souligner l’importance des nouvelles technologies pour promouvoir l’accès à la justice pour tous. Elle a salué la Nouvelle vision du Secrétaire général sur l’état de droit, avec notamment une justice axée sur les populations. Les systèmes de justice doivent être aisés d’accès et équitables pour tous, a insisté la déléguée, en appelant à leur transformation notamment par le biais des nouvelles technologies. Elle a aussi souhaité que l’égalité de genre soit davantage prise en compte. La justice ne commence ni ne finit dans une salle de tribunal, elle doit contribuer à autonomiser les populations, a conclu la déléguée.
M. ALEXANDER MARSCHIK (Autriche), au nom du Groupe des Amis de l’état de droit, a jugé particulièrement inquiétant le « déclin mondial » de l’état de droit mentionné dans le rapport du Secrétaire général tout en se félicitant du lancement par ce dernier de la Nouvelle vision de l’état de droit. Il a noté que l’égalité d’accès à la justice pour tous était un élément important et jugé que les nouvelles technologies pouvaient remédier aux obstacles sur cette question. La numérisation peut rendre les services juridiques plus accessibles et abordables, a-t-il expliqué, tout en soulignant les défis pour les droits humains, tels ceux liés à la confidentialité des données, à la fracture numérique, en particulier pour les femmes, les filles et les personnes vivant dans la pauvreté, ou encore à l’intelligence artificielle. Le représentant a donné plusieurs exemples de la façon dont la technologie faisait progresser l’accès à la justice, comme les systèmes de dépôt électronique et de tribunal électronique, l’accès à distance aux archives judiciaires ou aux salles d’audience virtuelles, ou encore les dialogueurs (chatbots) d’aide juridique susceptibles de « réduire l’inhibition des victimes qui hésitent à entrer en contact avec des experts juridiques ». Il a par ailleurs noté que certains litiges pourraient être réglés en ligne et insisté sur l’efficacité et la rentabilité de cette formule. Tout en insistant sur le nécessaire contrôle de cette technologie, le représentant a ajouté que l’intelligence artificielle pouvait elle aussi améliorer l’accès à la justice grâce aux outils de traduction linguistique ou d’apprentissage automatique pour faire avancer sur les dossiers.
M. JOAQUÍN ALBERTO PÉREZ AYESTARÁN (Venezuela), au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, a constaté que certains gouvernements sapent la Charte des Nations Unies en raison notamment de politiques néocoloniales. À ce titre, il est revenu sur « l’extension systématique, sans précédent et de plus en plus fréquente », des mesures unilatérales coercitives appliquées au nom du respect de certaines normes. Selon lui, ces mesures « plus cruelles que jamais, illégales et inhumaines », contraires aux principes de la Charte et du droit international, exacerbent les effets des multiples crises, servent des intérêts interventionnistes, et promeuvent les pressions économiques et politiques sur des États souverains, souvent en développement. Leurs répercussions sur les populations sont incommensurables, a déploré le représentant, jugeant ces mesures « aussi léthales que des armes classiques et relevant du crime contre l’humanité » puisqu’elles privent des populations entières de leurs droits fondamentaux.
Il faut éviter un retour à la mentalité de la guerre froide, a mis en garde le représentant, prônant un renforcement du multilatéralisme et d’un système multipolaire fondé sur l’égalité souveraine, le dialogue politique, la tolérance, la coexistence pacifique, l’inclusion, la culture de la paix et la prise en compte des divergences existantes. Il a exhorté la communauté internationale à mettre un terme aux approches unilatérales et sélectives, au deux poids, deux mesures, ainsi qu’aux mentalités coloniales et suprémacistes. Aucun État ne peut priver un autre État de ses droits pour des raisons politiques, a-t-il tranché.
Mme NADIEN ISAM FRAIH BISHARAT (Jordanie), au nom au Groupe arabe, a demandé la cessation immédiate de la guerre israélienne contre Gaza et l’acheminement de l’aide humanitaire. Elle a condamné cette guerre en estimant qu’elle s’apparente à une punition collective contre plus de deux millions de Palestiniens. Les privations d’eau et de nourriture et l’affamement des Palestiniens de Gaza par Israël constituent des crimes de guerre, a tranché la déléguée. « Nous ne pouvons pas fermer les yeux devant la crise humanitaire à Gaza. » Elle a mis en garde contre tout déplacement de force de populations à l’intérieur de Gaza mais aussi vers l’Égypte et les pays voisins. Les transferts de force de population sont interdits par les Conventions de Genève et constituent une ligne rouge, a prévenu la déléguée, en rappelant qu’ils pourraient faire basculer une région où les souvenirs de 1948 sont encore vivaces. Parce que « les civils palestiniens ne sont pas moins humains que les autres civils », elle a demandé l’application du droit international humanitaire et de l’état de droit à Gaza. « Ne pas protéger les civils est une faillite morale », a conclu la déléguée.
Mme AZELA GUERRERO ARUMPAC-MARTE (Philippines), au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a fait part de la préoccupation de l’ASEAN concernant le rapport du Secrétaire général sur l’état de droit aux niveaux national et international, dont le point de vue, a-t-elle estimé, « n’est pas directement lié à l’état de droit et manque de fondement en droit international ». Les États Membres ont le droit souverain de développer leur système juridique comme bon leur semble, a-t-elle défendu, en demandant que les futurs rapports soient présentés de manière « objective, neutre et non partisane ».
La représentante a rappelé l’engagement de l’ASEAN sur la question de l’état de droit et fait part des nombreux instruments et déclarations adoptés par l’ASEAN pour renforcer la stabilité et la sécurité dans la région, soulignant notamment le rôle joué par la Convention des Nations Unies contre la corruption signée par tous les États membres de l’ASEAN et l’importance de la bonne gouvernance et de la culture d’intégrité à tous les niveaux des interactions gouvernementales. Elle a expliqué que l’ASEAN promouvait l’état de droit aux niveaux national et international par le biais de mécanismes bilatéraux et multilatéraux, dans le respect des principes d’égalité souveraine et de non-ingérence dans les affaires intérieures des États. S’agissant de l’utilisation de la technologie pour faire progresser l’accès à la justice, la représentante a insisté sur le renforcement des capacités des États Membres, notamment par la fourniture d’une assistance technique et l’utilisation des technologies numériques. Elle a également salué le soutien offert par le Programme d’assistance des Nations Unies aux fins de l’enseignement, de l’étude, de la diffusion et d’une compréhension plus large du droit international. Elle a conclu son intervention en insistant sur la mise en œuvre, au sein de l’ASEAN, des objectifs relatifs à la question de l’état de droit via des instruments tels que le Programme de développement durable à l’horizon 2030, notamment l’ODD no 16 sur la paix, la justice et des institutions fortes.
M. ERIK LAURSEN (Danemark), au nom du Groupe des pays nordiques, s’est félicité de l’augmentation de parties prenantes à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, « la constitution des océans » selon sa délégation. Il a applaudi l’adoption de la Convention de Ljubljana-La Haye qui représente une étape significative dans la lutte contre l’impunité. Le représentant a ensuite estimé que les technologies numériques, si elles sont utilisées correctement, peuvent permettre l’accès à une justice équitable pour tous. Une justice équitable doit être garantie pour tous les groupes sociaux, sans discrimination et dans le respect des droits humains, a-t-il précisé, prônant l’amélioration des compétences numériques des populations et des praticiens via la formation et l’éducation.
Le représentant a attiré l’attention sur l’état de droit en lien avec les questions d’égalité de genre. Les discriminations constituent un problème persistant et ma délégation souhaite appuyer l’action des États Membres pour contrer les obstacles en matière d’égalité de genres, a-t-il assuré. En effet, il a mis en garde contre une mauvaise utilisation des technologies qui pourraient « hypothéquer » les droits des femmes. L’état de droit est aussi un élément central pour la paix, a-t-il rappelé. À cet égard, il a exhorté la Russie à cesser ses opérations militaires en Ukraine. Il a souligné que les technologies numériques sont, dans ce contexte, essentielles pour collecter les preuves qui seront utilisées lorsque la Russie devra rendre des comptes. Enfin, en tant que candidat nordique pour un siège au Conseil de sécurité en 2025- 2026, il a réaffirmé la centralité de l’état de droit.
M. ALEXANDER AGNELLO (Canada), au nom de l’Australie, du Canada et de la Nouvelle-Zélande, a appelé tous les États à reconnaître l’importance du renforcement de l’état de droit à l’échelle nationale. Les populations doivent être au centre des initiatives liées à la justice, a-t-il considéré. Ces pays demandent notamment aux États de travailler ensemble pour « mettre fin à la pratique de la détention arbitraire de ressortissants étrangers comme moyen de pression sur d’autres pays ». Cette pratique compromet l’ordre international fondé sur des règles, a dit le délégué, en priant tous les États de veiller à ce que les citoyens d’autres États soient traités équitablement dans leurs systèmes judiciaires. Il a estimé que la Cour internationale de Justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI) sont deux institutions dont le travail est essentiel pour développer et clarifier le droit international et pour contribuer à la lutte contre l’impunité. Nous appelons tous les pays qui ne l’ont pas encore fait à accepter la juridiction obligatoire de la CIJ et à ratifier le Statut de Rome, a conclu le délégué.
M. OLEGS ILGIS (Lettonie), au nom des États Baltes, a rappelé que l’état de droit n’était pas simplement un concept, mais aussi le fondement sur lequel l’ONU a été fondée, mais que malheureusement, la primauté de la force continuait de prendre le pas sur la primauté du droit. Prenant l’exemple de la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre la nation souveraine de l’Ukraine, il a noté que les textes et principes de l’état de droit n’étaient pas seulement ignorés, mais complètement compromis à moins que la communauté internationale ne réagisse correctement pour garantir « une responsabilité globale ».
Le délégué a rappelé que l’état de droit était préservé par un système judiciaire indépendant et impartial, que ce soit au niveau international ou national. Il a réitéré l’engagement des États baltes à renforcer le travail de la Cour pénale internationale (CPI), en lui fournissant notamment un soutien financier et des ressources humaines. Il a dénoncé les mesures et les intimidations annoncées par la Russie contre le Procureur et les juges de la CPI, qui menacent le pouvoir judiciaire dans l’accomplissement de son devoir. L’état de droit n’est pas un idéal mais une nécessité pratique pour répondre aux problèmes mondiaux urgents, du changement climatique aux violations des droits humains, a-t-il conclu.
M. MARK SEAH (Singapour) a estimé que l’état de droit est essentiel pour les petits États et pour la sécurité mondiale, se félicitant notamment de l’augmentation des parties à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. En revanche, il s’est fermement opposé au paragraphe 89 du rapport du Secrétaire général qui indique que l’Organisation « a continué de plaider en faveur de l’abolition universelle de la peine de mort ». Selon lui, ce paragraphe n’est pas pertinent car le recours à la peine de mort n’hypothèque pas l’état de droit, chaque pays ayant le droit souverain d’élaborer son système juridique et pénal. En outre, le fait d’inclure un tel paragraphe dans le rapport sous- entend que la peine de mort est contraire aux normes internationales, « alors qu’il n’existe pas de consensus sur son utilisation ou son interdiction », a-réitéré le délégué, dénonçant la promotion d’une idéologie à laquelle tous les États Membres n’adhèrent pas. Le délégué a par ailleurs mentionné quelques initiatives prises par son pays pour renforcer la numérisation des services publics dans le cadre de l’accès à l’assistance juridique, telles qu’un système informatisé d’informations au public, un dialogueur (chatbot) fournissant des informations et des services juridiques par vidéoconférences, et la possibilité de déposer des plaintes en ligne.
Mme MYRIAM OEHRI (Liechtenstein) a indiqué que l’agression russe en Ukraine est une violation flagrante du droit, avant de se féliciter de « l’activation » de la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) sur le crime d’agression. Parce que le Statut de Rome n’est pas encore universel et que le Conseil de sécurité ne renvoie pas certaines situations à la CPI, la représentante s’est dite en faveur de la création d’un tribunal pour le crime d’agression comme le demande l’Ukraine. Enfin, elle a indiqué que le droit doit montrer la voie à suivre en ce qui concerne le défi climatique, véritable menace existentielle pour le monde. Elle a notamment appuyé la demande d’un avis consultatif à la Cour internationale de Justice (CIJ) sur cette question afin d’en clarifier les enjeux juridiques.
Mme CARLA MARIA RODRÍGUEZ MANCIA (Guatemala) a rappelé que l’état de droit renforçait les institutions et que la primauté du droit avait un impact clair sur tous les secteurs de la société, avec la réduction des inégalités ou la promotion de l’égalité hommes-femmes. Elle a insisté, dans la droite ligne de l’ODD 16, sur le fait que l’état de droit et la justice étaient des « piliers fondamentaux » pour prévenir et régler les conflits. Il est nécessaire, a-t-elle estimé, d’impliquer toute une palette d’acteurs aux niveaux national et international pour qu’ils œuvrent ensemble à renforcer l’état de droit pour tous, « sans aucun type de discrimination ». La déléguée a souligné le rôle crucial joué par le règlement pacifique des différends et a rappelé à cet égard que le Guatemala avait soumis son différend territorial, maritime et insulaire avec Belize à la Cour internationale de Justice (CIJ), témoignant de la confiance accordée à cet organe par son pays. La participation croissante des États à des affaires devant la CIJ témoigne aussi du développement du droit international. En conclusion, la déléguée a également salué le rôle de la Cour pénale internationale (CPI), dont le travail est « au cœur même du système international de justice ».
M. MARVIN IKONDERE (Ouganda) a rappelé, au nom du Groupe des États d’Afrique, que le respect de l’état de droit au niveau international exigeait son application cohérente, même dans des circonstances difficiles. Mais cette application se doit de rejeter l’ingérence dans les affaires et procédures judiciaires des pays en développement, a-t-il noté, en soulignant que l’impact d’une telle ingérence sur la promotion de l’état de droit était « considérable ». S’agissant du rôle de la technologie dans l’accès à la justice, le représentant s’est félicité de constater que plusieurs États Membres avaient fait face à l’impact de la pandémie de COVID-19 sur leurs systèmes judiciaires en recourant à l’utilisation des nouvelles technologies pour garantir l’accès à la justice. Il a cependant indiqué que son groupe restait préoccupé par les conséquences politiques et socio-économiques de la pandémie « qui pourraient alimenter la menace terroriste » et a appelé à la création de sociétés plus inclusives, durables et résilientes.
Le représentant a déclaré que la promotion d’un état de droit centré sur les personnes au niveau international comprenait des sujets tels que l’égalité d’accès aux vaccins ou encore l’éducation de qualité pour tous. Au niveau national, il a souligné l’importance de la promotion d’une culture de bonne gouvernance et a fait part du rôle crucial du Programme d’assistance à l’enseignement, à l’étude, à la diffusion et à une plus large appréciation du droit international des Nations Unies. Il a conclu son intervention en appelant au renforcement des capacités des États, notamment par le biais d’une assistance technique renforcée qui repose sur deux concepts interdépendants: l’efficacité et l’appropriation nationale.
Mme ELIZABETH MARYANNE GROSSO (États-Unis) a salué le plaidoyer de l’ONU pour la justice pour tous, y compris les femmes, qui prend en compte divers besoins. L’état de droit est un principe fondamental des Nations Unies pour la promotion de la démocratie et des droits humains, a-t-elle déclaré. Soulignant que les États-Unis appuient de nombreuses initiatives de renforcement de l’état de droit dans le monde, la déléguée a mentionné les efforts réalisés dans son pays, qui incluent la société civile et le secteur technologique dans les discussions. Elle a attiré l’attention sur la généralisation du système de justice, et appuyé les innovations locales et les solutions numériques. Les outils technologiques sont également utilisés pour renforcer la justice pour les crimes internationaux, a-t-elle poursuivi, mentionnant l’utilisation de technologies novatrices pour analyser les preuves de crimes commis pendant des conflits, comme le conflit entre la Russie et l’Ukraine. « L’état de droit est une valeur américaine fondamentale et un pilier de la bonne gouvernance. »
M. VICTOR SILVEIRA BRAOIOS (Brésil) a rappelé que le respect de l’état de droit au niveau international signifiait qu’aucun pays, aussi puissant soit-il, n’était exempté du respect rigoureux de ses obligations juridiques internationales. Il a souligné le rôle historique joué par son pays dans la définition du principe fondamental de l’interdiction du recours à la force, qui ne permet « aucune dérogation », a-t-il dit. S’agissant de l’utilisation de la technologie pour faire progresser l’accès à la justice, le représentant a insisté sur le fait que les technologies devaient être un outil pour améliorer l’accès à la justice, et non un obstacle ou une menace pour les garanties d’une procédure régulière. « Internet ne doit pas non plus devenir une condition sine qua non pour pouvoir saisir les tribunaux », a-t-il noté, rappelant comment la pandémie de COVID-19 avait révélé des inégalités dans la répartition des richesses et des ressources et dans la fourniture de services de base, notamment l’accès à Internet et autres technologies de l’information et de la communication. Le représentant a en outre souligné que les acteurs judiciaires devaient tenir compte du droit à la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, rappelant que son pays disposait d’un cadre réglementaire solide en la matière. Il a enfin évoqué la question de la représentation au Conseil de sécurité qui, malgré le soutien massif de membres en faveur de la réforme, n’avait pas progressé pour rendre le Conseil plus représentatif et plus efficace. « Le temps qui passe ne fait qu’aggraver le déficit de représentativité. »
M. PAVEL EVSEENKO (Bélarus) a dénoncé les tentatives visant à instaurer un ordre fondé sur de nouveaux concepts qui font fi des principes fondamentaux du droit international. Il a condamné les sanctions, adoptées au mépris de la Charte, et la logique d’extrême politisation qui les sous-tend. Ces nouveaux concepts sont dangereux, a lancé le délégué, en ce qu’ils ouvrent la voie à une « sélectivité. » Le délégué a pointé du doigt « l’ingérence flagrante de certains États dans les affaires souveraines des pays en développement sous couvert d’état de droit ». Il a souligné la nécessité d’une division claire entre la compétence des autorités nationales en matière d’état de droit au niveau national et la compétence de la communauté internationale pour assister les États, à leur demande. La réforme des institutions juridiques de l’État est un processus qui doit être mené exclusivement dans le domaine constitutionnel, en tenant compte des valeurs traditionnelles et du mode de vie de la société, et non par la violence ou les ingérences extérieures, a tranché le délégué.
M. ZERBE (Suisse) a constaté la mise en péril croissante des droits démocratiques et des droits des femmes, déplorant que plus de la moitié de la population mondiale vive dans des pays où l’état de droit est en déclin. Estimant que les droits de l’homme constituent le fondement de sociétés équitables et pacifiques, il a salué le lien entre les droits humains et l’état de droit établi dans le rapport du Secrétaire général. Le représentant a également jugé important de ne pas laisser sans réponse des questions nouvelles et émergentes, appelant à régir à la fois le monde physique et la sphère numérique et à garantir une utilisation responsable de l’intelligence artificielle et des nouvelles technologies. « L’état de droit à également un rôle à jouer dans la promotion de la justice climatique et la protection de l’environnement. » Par ailleurs, le représentant a salué le lien entre l’état de droit et les crimes graves internationaux. À ce titre, il a souligné le rôle essentiel que jouent les mécanismes d’enquête indépendants pour la collecte de preuves et la reddition de comptes, saluant la lutte contre l’impunité et le travail des institutions de justice internationales, telles que la Cour pénale internationale (CPI). Les situations en Ukraine et au Moyen-Orient nous rappelle qu’il est urgent de faire respecter l’état de droit, a-t-il conclu.
M. BAHRAM HEIDARI (République islamique d’Iran) a dénoncé l’unilatéralisme de certains États qui se retirent des traités internationaux, mènent des guerres commerciales contre certains pays, pratiquent le « terrorisme économique ou médical », ou encore instrumentalisent leur devise nationale. Ces exemples « malfaisants » menacent gravement l’état de droit au niveau international, a-t-il accusé, en rappelant que la Cour internationale de Justice (CIJ) avait décidé que certaines sanctions contre son pays n’avaient pas lieu d’être. Or, les États-Unis n’ont pas respecté cette décision de ce qui est pourtant le principal organe judiciaire de l’ONU, a déploré le délégué. Il a fait part de son rejet de la politique néocoloniale menée vis-à-vis du Sud, « par les mêmes puissances qui s’en sont déjà rendues coupables » avant la création de l’Organisation. Il a conclu son intervention en se disant préoccupé par l’apparition de nouveaux concepts « flous, imprécis et arbitraires » adoptés pour justifier des interventions, militaires ou non, ou l’ingérence dans les affaires intérieures des États.
M. PABLO AGUSTÍN ESCOBAR ULLAURI (Équateur) a fait valoir que le respect du droit international constitue une base solide pour une paix durable. Il a ainsi considéré que la technologie a le potentiel de contribuer au renforcement de l’état de droit au moyen de solutions innovantes, en renforçant la transparence et la mise en place de mécanismes de lutte contre la corruption. Dans le même temps, le développement et l’utilisation des nouvelles technologies peuvent constituer une menace pour l’état de droit si elles sont utilisées à mauvais escient, a averti le délégué, favorisant ainsi la cybercriminalité. Nous devons donc disposer de garanties éthiques visant à protéger les droits de l’homme, a-t- il dit, notamment pour la protection des données personnelles. Il importe à cette fin de réduire la fracture numérique qui subsiste entre pays développés et en développement, au moyen d’une assistance technique et financière.
M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a rappelé que l’état de droit doit être appliqué pour être efficace. Que recouvre cette expression dans la conjoncture actuelle? a lancé le délégué, en se demandant si ce débat n’est pas un « exercice rhétorique ». Il a dénoncé les violations flagrantes de la justice et de l’équité, la raison du plus fort l’emportant. L’état de droit serait alors un « pur concept manipulé par les plus riches et les plus puissants à leur avantage », a regretté le délégué, en ajoutant qu’il serait la manifestation d’un impérialisme. L’état de droit est un guide pour l’action des États, a-t-il néanmoins estimé en en appelant à se réconcilier avec cette notion.
Mme MARIAM SAO (Mauritanie) a rappelé que la Constitution mauritanienne consacre les droits de l’homme, ajoutant également que les instruments ratifiés au niveau international ont été intégrés dans le droit interne pour que les juges soient tenus de les appliquer. En outre, son pays a mis en place des politiques d’égalité des salaires et d’accès aux services publics. La déléguée a fait remarquer qu’un sujet comme la lutte contre l’esclavage est obligatoire dans les curriculums des juristes, journalistes et forces de l’ordre. Par ailleurs, elle a attiré l’attention sur la Commission nationale des droits humains qui organise régulièrement, avec les partenaires de la société civile, des actions pour la promotion des droits de la personne. Son pays a également observé de nettes améliorations dans le développement humain grâce à ses efforts de réduction de la pauvreté, et des progrès dans la réforme du système électoral avec la création d’une commission électorale indépendante. Enfin, la Mauritanie lutte aussi contre la corruption, et pour la promotion de l’état de droit, le renforcement du système juridique et judicaire, et la redynamisation du système public. La réforme des institutions des finances publiques s’inscrit, quant à elle, dans la logique d’une décentralisation pour créer une administration de gouvernance forte aux niveaux local, national et régional, a-t-elle conclu.
M. SURIYA CHINDAWONGSE (Thaïlande) a assuré que son pays est attaché à l’état de droit aux niveaux national et international. Il a reconnu le potentiel de la technologie pour faciliter l’accès à la justice, lequel doit être garanti pour tous. La justice a pu continuer à être rendue pendant la pandémie grâce à la technologie, a noté le délégué. Enfin, il a salué le rôle capital de la CDI pour promouvoir l’état de droit.
Mme MELINA LITO (Royaume-Uni) a souligné l’importance de la technologie pour faciliter l’accès de toutes et tous à la justice. Nous devons néanmoins disposer de garde-fous afin d’empêcher certains acteurs de saper l’état de droit par ce biais-là, a dit la déléguée. Elle a détaillé la loi adoptée par son pays concernant la sûreté sur Internet qui vise à ce que les entreprises de réseaux sociaux soient responsables de ce qui est publié en ligne. Cette loi facilitera l’accès à la justice pour toutes celles et ceux qui éprouvent des difficultés à obtenir réparation pour des abus endurés sur Internet, a déclaré la déléguée.
M. MARTÍN JUAN MAINERO (Argentine) a déploré le déclin de l’état de droit qui est pourtant fondamental pour garantir des sociétés justes, une justice impartiale et la sécurité internationale. Il faut donc passer de la justice pour certains à la justice pour tous, a-t-il estimé, appelant à mettre la personne « au cœur des besoins juridiques ». Selon le délégué, les communautés doivent être à même de comprendre les lois, tout comme les obstacles administratifs et financiers entravant l’accès à la justice doivent être levés. À ce titre, la technologie peut faciliter l’accès à la justice, a-t-il estimé. La pandémie de COVID-19 a montré la nécessité de mettre en place des solutions novatrices pour faciliter l’accès à la justice, telles que les audiences virtuelles, a-t-il fait remarquer. Afin que la justice devienne plus inclusive et accessible, il est nécessaire de réduire la fracture numérique et de s’assurer du respect des droits humains, a conclu le délégué.
Mme MARITZA CHAN VALVERDE (Costa Rica) a fait part de la préoccupation de son pays eu égard à la détérioration globale de l’état de droit, qui s’accompagne de défis tels que la polarisation politique ou l’affaiblissement des institutions judiciaires. Elle a noté comme points positifs le progrès de l’égalité hommes-femmes, le lien entre les avancées technologiques et l’amélioration de l’accès à la justice pour tous, et le rôle des médias libres et indépendants. Certains progrès comme la réparation financière pour les victimes de violences sexuelles liées aux conflits et le renforcement de la capacité des États à lutter contre le terrorisme tout en respectant les obligations internationales en matière de droits humains valent aussi d’être mentionnés, a poursuivi la représentante. Elle a relevé que le rapport du Secrétaire général déplorait un recul de la démocratie et des droits de la femme, notant que les femmes se voyaient refuser l’accès à la santé et à l’éducation et étaient souvent victimes de violences sexistes et de discours haineux, en particulier en ligne. Elle a plus généralement rappelé que les normes les plus fondamentales de protection des droits humains étaient ignorées et violées chaque jour. « Il semble que nous ayons accepté que la force fasse le droit », a-t-elle regretté, soulignant que cette tendance pouvait et devait « être inversée ».
Mme ALESSANDRA FALCONI (Pérou) a déclaré que la garantie du dialogue politique et la réalisation du Programme 2030 ne sera possible que si un ordre international basé sur des règles est défendu. Dans ce contexte, les technologies peuvent être décisives pour rendre la justice accessible pour tous, a-t-elle estimé. La déléguée a expliqué que son pays a lancé des plateformes numériques pour les citoyens, y compris les communautés dans les régions isolées, ce qui facilite l’accès à la justice et augmente la transparence. Les plateformes de médiation en ligne ont également facilité l’accès à la justice, tout en réduisant la charge des tribunaux et en proposant des solutions moins coûteuses. « Dans mon pays, la numérisation n’exclura personne », a-t-elle promis. Par ailleurs, la déléguée a fait état de nombreuses violations du droit international, estimant qu’il est fondamental que des enquêtes soient menées à travers le monde via des mécanismes internationaux impartiaux et indépendants afin que les auteurs de crimes graves répondent de leurs actes.
La représentante de la Slovénie a salué le thème retenu cette année dans le rapport à l’examen. Elle a pointé les difficultés dans l’accès à la justice et la fracture numérique entre les pays. La technologie peut être un outil puissant à condition que toutes et tous y aient accès, a insisté la déléguée. Elle a dénoncé l’utilisation à mauvais escient de la technologie par certains pays pour limiter les libertés et droits de certaines catégories, comme les journalistes. « La technologie n’est pas un privilège mais un droit pour tous. »
Mme LUCIA TERESA SOLANO RAMIREZ (Colombie), notant l’augmentation du nombre de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, de réfugiés et d’apatrides dans le monde, a relevé que l’ONU avait mis l’accent sur l’accès à la justice des populations déplacées et rappelé le travail conjoint entre l’Organisation et son pays en la matière. Elle salué la mise en œuvre de processus de justice transitionnelle inclusifs et spécifiques au contexte particulier des pays concernés, et centrés sur les victimes. S’agissant de la Colombie en particulier, la représentante s’est félicitée de l’aide apportée à son pays par les Nations Unies, qui ont notamment appuyé la dimension de genre en défendant l’inclusion des femmes dans le cadre du processus de justice transitionnelle. Rappelant l’importance de la complémentarité des efforts entre l’ONU et ses États Membres dans le domaine de l’état de droit, elle a indiqué que son pays croyait en une justice « axée sur l’humain » et souligné que la justice y était de plus en plus accessible. La Colombie, a-t-elle conclu, est prête à partager avec d’autres pays son expérience en la matière.
M. LI LINLIN (Chine) a appelé au respect du multilatéralisme et de l’égalité souveraine des États. Il faut éviter toute approche de deux poids, deux mesures, a-t-il déclaré, en dénonçant les sanctions. Chaque pays doit pouvoir régler pacifiquement ses différends de la façon qu’il souhaite. Le délégué a rappelé l’interdiction de toute ingérence dans les affaires intérieures des États. Certains pays défendent un ordre fondé sur des règles sans ce que le concept d’état de droit ne soit précisé, a regretté le délégué, en prônant la prudence. Il a détaillé les apports de la technologie pour favoriser l’accès à la justice en Chine, avec notamment la mise en place de guichets uniques via des plateformes numériques.
M. MOSAAD (Égypte) a rappelé que les efforts du Secrétariat pour renforcer l’état de droit devraient être alignés sur les principes du droit international, regrettant l’inclusion du paragraphe 89 dans le rapport. Ce paragraphe est, selon sa délégation, en complète contradiction avec l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui accorde aux États le droit d’appliquer la peine de mort pour les crimes graves. Selon le délégué, l’état de droit sur le plan international semble vidé de son sens à la suite notamment du « crime de guerre » perpétré aujourd’hui par Israël qui a causé « la mort de plus de 500 martyrs ». « Le sentiment d’impunité internationale d’Israël doit cesser », s’est-il indigné, exhortant la communauté internationale à mettre un terme à « cette boucherie » et à demander des comptes aux auteurs. Le délégué s’est interrogé sur la crédibilité du sujet à l’heure où de nombreux États « ne condamnent pas mais justifient les crimes d’Israël ».
Mme AZELA GUERRERO ARUMPAC-MARTE (Philippines) a expliqué que la pandémie de COVID-19 avait accéléré l’utilisation de la technologie dans le système judiciaire philippin et que la Cour suprême de son pays avait reconnu le potentiel des technologies émergentes en lançant un plan stratégique pour les innovations judiciaires. Il s’agit de relever plusieurs défis institutionnels en s’appuyant sur les principes consistant à offrir une justice rapide et équitable, dans un contexte de transparence, d’égalité et d’inclusivité. S’agissant de l’état de droit au niveau international, la déléguée a souligné que son pays travaillait avec toutes les nations pour préconiser le règlement pacifique des différends et promouvoir le rôle des tribunaux internationaux. Elle a par ailleurs rappelé que son pays avait adhéré à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, en tant que cadre juridique régissant toutes les activités dans les océans, et rappelé que la primauté de la Convention avait été affirmée par une sentence arbitrale de 2016 sur la mer de Chine méridionale, qui a définitivement réglé le statut des droits historiques et des droits maritimes dans cette région.
Mme KEKE MANTSHO ANNASTACIA MOTSEPE (Afrique du Sud) a indiqué que la privation de nourriture, d’eau et d’électricité de la population à Gaza est une violation flagrante des Conventions de Genève et du droit international humanitaire (DIH). Nous ne pouvons pas parler de respect de l’état de droit et ignorer les violations du DIH qui se déroulent sous nos yeux, a tranché la déléguée. Elle a cité le libellé de l’article 14 de la Convention de Genève qui interdit l’affamement des civils comme tactique de guerre. La déléguée a appelé à la cessation des hostilités et exhorté Israël à entendre l’appel du Secrétaire général afin d’acheminer une aide humanitaire à Gaza. Elle a enfin demandé la libération de tous les otages israéliens détenus à Gaza.
M. AMMAR MOHAMMED MAHMOUD MOHAMMED (Soudan) a assuré que son pays attache énormément d’importance à la défense de l’état de droit aux niveaux national et international. Précisant que les efforts nécessaires sont réalisés pour que les institutions s’acquittent de leurs fonctions conformément à la Constitution, il a réitéré l’importance de l’appui de l’ONU à l’état de droit afin de créer une société où la justice et la paix règnent. La Charte des Nations Unies représente un cadre concret pour l’état de droit au niveau international, a-t-il estimé, rappelant qu’elle se fonde, notamment, sur le dialogue, le respect de la souveraineté et le règlement pacifique des conflits. Les processus pour maintenir ces fondements doivent être transparents afin que tous les États Membres puissent participer aux initiatives du Secrétariat, a rappelé le délégué. Par ailleurs, il a appelé à renforcer les capacités nationales afin d’équilibrer les dimensions nationales et internationales de l’état de droit.
M. ALKAABI (Qatar), après avoir dénoncé le bombardement d’un hôpital à Gaza et la pratique du « châtiment collectif » de la part de la Puissance occupante, Israël, a appelé à l’ouverture de couloirs humanitaires à Gaza. Si l’état de droit, a-t-il dit, est la « pierre angulaire » du droit international, le respect des principes de la Charte est fondamental. Le délégué a rappelé que la communauté internationale avait souligné son attachement à la promotion de l’état de droit axé sur l’individu. Son pays, a-t-il indiqué, s’est efforcé d’assurer la complémentarité entre les instruments internationaux et les lois du pays et de parvenir à des institutions efficaces et ouvertes à tous. Le Qatar a ainsi ouvert un centre de lutte contre la corruption, notamment pour organiser des colloques et des formations, et il décerne un prix pour récompenser les efforts de lutte contre la corruption menés partout dans le monde.
M. DANG HOANG GIANG (Viet Nam) a souligné l’importance du respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, y compris les principes de souveraineté, d’indépendance et d’intégrité territoriale des États, et de non-recours à la force. Il faut également éviter le deux poids, deux mesures et l’interprétation et la mise en œuvre sélectives du droit international, a-t-il averti. Tous les différends et conflits doivent être résolus par des moyens pacifiques conformément au droit international. Et à cet égard, les mécanismes judiciaires et arbitraux internationaux, notamment la Cour internationale de Justice (CIJ), jouent un rôle central. Le représentant a assuré qu’au niveau régional, les membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) se consacrent à transformer l’Asie du Sud-Est en une région de paix, de stabilité et de prospérité. À cet égard, les récents développements en mer Orientale (également connue sous le nom de mer de Chine méridionale) restent une source de préoccupation, car ils compromettent la paix, la sécurité et la stabilité dans la région. Le représentant a donc appelé les parties à s’acquitter de bonne foi de leurs obligations au titre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et à renforcer la confiance mutuelle. Pour sa part, le Viet Nam reste déterminé à mettre en œuvre la Déclaration de conduite par des parties en mer de Chine méridionale et à œuvrer à l’achèvement d’un code de conduite efficace et substantiel.
M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a jugé difficile de prôner les vertus de l’état de droit à l’heure où une frappe contre l’hôpital Ahli Arab, situé dans la ville de Gaza, vient de provoquer la mort de centaines de Palestiniens déjà blessés ou malades. « Cet assassinat de civils, cette boucherie, constitue un crime de guerre qui a éliminé tout vestige de sympathie du public pour Israël », a-t-il asséné, condamnant les États qui ont permis à Israël de mener cette attaque en refusant la proposition de résolution de la Russie au Conseil de sécurité hier, qui n’a donc pu appeler au cessez-le-feu immédiat. Le délégué a demandé l’ouverture de couloirs humanitaires et s’est opposé vivement au déplacement des Palestiniens dans la bande de Gaza. L’occupation prolongée et illicite, ainsi que l’oppression et les violations massives des droits humains commises, par Israël sont la raison des évènements d’aujourd’hui, a-t-il affirmé. Le délégué a fait valoir que les pays sous occupation étrangère ont le droit d’utiliser tous les moyens dont ils disposent pour récupérer leur liberté, et que les en empêcher est illégal.
M. MORA FONSECA (Cuba) a souligné que tout mécanisme d’accompagnement d’un État Membre dans le domaine de l’état de droit ne pouvait se faire sans son consentement. Il a rappelé qu’un « réel état de droit » commençait par la réforme de l’ONU elle-même, qui doit incarner la transparence et la participation de toute la communauté internationale pour résoudre « les enjeux de notre temps ». Dans le cadre de cette réforme, c’est à l’Assemblée générale que revient le développement progressif du droit international, a noté le délégué, en se disant préoccupé par l’extension des activités du « point focal » pour l’état de droit, alors même que cet organisme ne dispose « d’aucun mandat » de la Sixième Commission. Le délégué a indiqué qu’une nouvelle constitution avait été adoptée à Cuba au terme d’un ample débat et d’une « analyse approfondie ». Les efforts de Cuba pour renforcer l’état de droit au niveau national sont délibérément entravés par les États-Unis, a-t-il toutefois dénoncé, en affirmant que les efforts de changement de régime dirigés contre son pays « ne porteraient pas leurs fruits ». Il a par ailleurs insisté sur l’importance du développement économique pour le renforcement de l’état de droit. S’agissant de l’utilisation des nouvelles technologies, il a rappelé que son pays n’était pas en reste et avait engagé une approche « centrée sur l’humain ».
M. JAIME HERMIDA CASTILLO (Nicaragua) a estimé que l’état de droit aux niveaux national et international sont complémentaires. Selon sa délégation, l’état de droit doit respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale des États, la non-ingérence dans leurs affaires intérieures et le non-recours à la force. Par ailleurs, chaque pays a le droit souverain de se doter des institutions juridiques et judiciaires qui lui conviennent le mieux, a-t-il rappelé. Le délégué a rappelé le cas porté par son pays contre les États-Unis devant la Cour internationale de Justice (CIJ) et dans le cadre duquel il attend toujours des réparations. En outre, il a déploré que les principes de la Charte des Nations Unies soient bafoués par certaines puissances qui souhaitent entraver l’indépendance politique des pays en développement. Les mesures coercitives unilatérales, délétères pour le droit au développement, doivent cesser immédiatement, a-t-il exhorté, rappelant que son pays fait son possible pour résister aux agressions néocoloniales.
M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a pris note de la Nouvelle vision de l’état de droit avancée par le Secrétaire général le 11 mai dernier, même s’il s’est dit réservé sur certains aspects. Selon le représentant, il revient aux États d’œuvrer pour endiguer l’émergence de zones grises, qui peuvent permettre de basculer dans « l’état de non-droit ». « Il s’agit d’une entreprise ardue, qui exige sérénité, méthode, persévérance et qui s’accommode mal des diktats et des pressions. » Le représentant a salué les efforts de l’ONU pour faire en sorte que les technologies soient utilisées pour faciliter l’accès aux informations juridiques. Il s’est toutefois interrogé sur l’opérationnalisation de cette idée, surtout dans des pays sous-développés qui font face à plusieurs défis basiques et pour lesquels « l’usage de la technologie est à ses fonds baptismaux et ne saurait être érigé en norme ». Par ailleurs, a-t-il averti, recourir à ces technologies requiert un savoir-faire que certains États n’ont pas encore entièrement apprivoisé. La numérisation tous azimuts pourrait donc conduire à un schisme, à un véritable « apartheid juridique ». Dans ce contexte, le représentant a suggéré d’aider plutôt les États à former davantage de magistrats et à renforcer leurs capacités. Il a aussi préconisé de former les citoyens à la connaissance de leurs droits.
Droit de réponse
Le délégué de la Chine a souhaité répondre aux déclarations des Philippines et d’autres délégations en précisant qu’elle a toujours respecté la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, rappelant cependant que celle-ci ne couvre pas toutes les questions. L’arbitrage sur la mer méridionale est nul et non avenu pour la Chine, a-t-il déclaré, car il ne relève pas du droit international mais d’un tribunal arbitral. Nous continuerons les négociations avec les Philippines afin de régler les problèmes liés à la mer de Chine méridionale, a-t-il assuré.