En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-septième session,
39e & 40e séances plénières, matin & après-midi
AG/J/3680

Sixième Commission: le Statut de Rome de la CPI omniprésent dans les travaux sur les projets d’articles concernant les crimes contre l’humanité

La Sixième Commission de l’Assemblée générale, chargée des questions juridiques, a poursuivi aujourd’hui ses échanges sur les projets d’articles concernant les crimes contre l’humanité rédigés par la Commission du droit international (CDI) en vue de l’élaboration éventuelle d’une convention à laquelle ils serviraient de base.  La définition de ces crimes qu’en donne le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) adopté en 1998 a très fortement marqué les discussions.

Les délégations ont d’abord achevé de s’exprimer sur le préambule et l’article 1 du projet d’articles, avant de discuter des articles 2 à 4, regroupés dans un groupe thématique portant sur la définition des crimes contre l’humanité et les obligations générales des États.  Qu’il s’agisse de l’article 2, qui définit les crimes contre l’humanité au sens de l’éventuelle future convention, ou du préambule, qui cite en référence la définition qu’en donne le Statut de Rome, ce dernier a dominé les déclarations et suscité plusieurs échanges interactifs.

Pour nombre d’intervenants, notamment l’Union européenne et ses États membres, mais aussi des délégations latino-américaines et africaines, le Japon ou encore la République de Corée, il est nécessaire, au nom de la cohérence du droit international, que la future convention donne une définition des crimes contre l’humanité qui soit alignée pour l’essentiel sur celle qu’en donne de l’Article 7 du Statut de Rome. 

À l’image de l’Australie, certains États ont toutefois reconnu qu’il fallait entendre les préoccupations des États non parties au Statut de Rome.  Un long échange interactif a eu lieu sur le sujet, durant lequel l’observateur de la Palestine a rappelé que la référence faite dans le préambule à la définition des crimes contre l’humanité donnée par le Statut de Rome ne préjugeait pas de la position de chaque État sur l’adhésion au Statut lui-même.  Nous ne sommes pas là pour adhérer au Statut de Rome mais celui-ci influencera nécessairement nos débats, a-t-il résumé.

En revanche, la Fédération de Russie, non partie au Statut de Rome, a demandé le retrait de la mention de cet instrument qui ne fait pas l’objet d’un appui universel.  Le Statut de Rome ne comptant qu’un nombre limité d’États parties, une définition des crimes contre l’humanité alignée sur celle du Statut ne peut constituer un bon point de départ pour des discussions, a fait valoir son représentant, appuyé par la Chine, qui a rappelé que la définition finale donnée par le Statut avait suscité de multiples controverses. 

Plusieurs autres délégations ont contesté la liste des crimes citée à l’article 2.  L’Iran a voulu y inscrire l’imposition de mesures coercitives unilatérales contre des civils.  El Salvador et l’Argentine ont souhaité élargir l’incrimination relative aux disparitions forcées, calquée sur celle du Statut de Rome, pour l’aligner sur celle, plus récente et plus précise, de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

L’Égypte comme la Gambie se sont quant à elles, inquiétées de certains aspects de la définition des crimes, jugés trop imprécis et, de ce fait, susceptibles de faire l’objet d’interprétations politiques.  Le représentant égyptien a estimé que l’incertitude juridique ainsi créée –qualifiée par le Cameroun de « destination inconnue »- pourrait dissuader d’adhérer à la future convention et donc avoir un effet contre-productif. 

Conscientes de telles préoccupations, la République tchèque comme la Colombie se sont prononcées pour une interprétation « stricte et étroite » de l’article, alors que le Japon souhaitait une discussion plus approfondie afin que les éléments constitutifs du crime soient clarifiés pour tous.  Plusieurs délégations ont néanmoins estimé que la définition proposée « reflète essentiellement le droit international coutumier, les traités existants et les pratiques nationales ».  De ce fait, la République de Corée s’est voulue optimiste sur les chances de surmonter les divergences d’opinions par une attitude constructive et positive des États Membres.

La flexibilité de la définition des crimes proposée dans le projet d’articles a été mise en avant, l’article 2 se définissant comme « sans préjudice de toute définition plus large prévue par tout instrument international, par le droit international coutumier ou par loi nationale ».  L’Italie a qualifié cette définition de « dénominateur commun minimum » et plusieurs délégations ont fait valoir qu’une tel libellé permettra aux États d’élargir ou d’affiner leur propre définition nationale des crimes contre l’humanité pour renforcer les enquêtes, les poursuites et la répression. 

L’obligation générale de prévention des crimes contre l’humanité prévue à l’article 3 a été largement saluée, en particulier parce que, comme l’a fait observer l’Union européenne, les États ont non seulement l’obligation de ne pas commettre de crimes contre l’humanité, mais aussi celle de les prévenir et de les punir, ce qui les amène à prendre des mesures proactives.  Plusieurs délégations se sont également félicitées de la clarification apportée par l’article, qui confirme que des crimes contre l’humanité peuvent être commis en dehors de conflits armés et exclut par ailleurs toute invocation de circonstances exceptionnelles pour justifier leur commission.  En revanche, l’Iran a voulu ajouter à la liste des obligations à la charge des États celle des États étrangers de ne pas intervenir dans les affaires intérieures d’autres États, une demande soutenue par la Fédération de Russie. 

La Commission poursuivra ses travaux demain, mercredi 12 avril, à partir de 10 heures. 

EXAMEN DU PROJET D’ARTICLES SUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL (CDI) 

Groupe thématique 1: dispositions liminaires (préambule et article 1)

Déclarations

M. YONG-ERN NATHANIEL KHNG (Singapour) a félicité la CDI d’avoir pu tenir compte des nombreux points de vue, y compris divergents, des États, ce qui éclaircit les réflexions et précise au fur et à mesure de son examen la portée juridique du projet d’articles.

Mme CROCKETT (Canada) a également salué le travail effectué jusqu’à présent par la CDI pour aboutir à une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Le présent échange de vues est utile, a-t-elle dit, et il nous tarde de discuter avec les cofacilitateurs dans le cadre de débats privés qui devraient se nourrir des vues exprimées par la société civile.  La déléguée a en outre souhaité qu’une place plus large soit accordée à la perspective de genre dans le projet d’articles.  Concernant le préambule, elle a salué les dispositions qui renforcent le sérieux des crimes perpétrés encore partout dans le monde.  Dans l’alinéa 9 reconnaissant le droit des victimes à un traitement équitable, il serait judicieux d’inclure des éléments sur l’expérience des rescapés de crimes contre l’humanité, a également souligné la déléguée, pour qui la portée de l’article 1 est appropriée. 

M. EVGENY A. SKACHKOV (Fédération de Russie) a jugé important d’établir un « équilibre » en indiquant qu’aucune disposition de l’alinéa 2 du préambule ne peut être interprétée comme empiétant sur les affaires intérieures des États.  Quant à l’alinéa 3, il devrait selon lui faire référence aux principes généraux du droit international, y compris les principes de l’égalité souveraine des États et de non-ingérence, et non à la seule Charte des Nations Unies.  Le délégué a en outre considéré qu’il n’est pas judicieux d’inclure dans le préambule l’interdiction des crimes contre l’humanité en tant que norme impérative du droit international.  Tous les États ne sont pas parties au Statut de Rome de la CPI, a-t-il rappelé, en demandant le retrait de la mention de cet instrument qui ne fait pas l’objet d’un appui universel. 

Mme ZOE RUSSELL (Nouvelle-Zélande) a vu dans le projet d’articles une occasion de combler une lacune dans le cadre juridique international, en particulier en ce qui concerne la coopération interétatique au niveau des lois nationales sur la prévention des crimes contre l’humanité, ainsi que dans le domaine de la responsabilité des États.  Il s’agit d’une étape importante dans les efforts visant à garantir la prévention et la responsabilisation, et la Nouvelle-Zélande soutient l’élaboration d’une convention sur leur base.  La déléguée a salué le fait que les projets d’articles aient été formulés d’une manière qui complète le Statut de la CPI, un élément important pour assurer la cohérence de l’ensemble du droit international.  C’est toutefois, a-t-elle rappelé, sur la substance de chaque projet d’articles que les discussions doivent se concentrer, et non sur le Statut de Rome.

Elle a jugé « convaincant » le raisonnement de la CDI concernant le caractère impératif de l’interdiction des crimes contre l’humanité, et apporté son appui à l’objectif général tel qu’énoncé dans le projet d’article premier.

Mme ALESSANDRA FALCONI (Pérou) s’est dite favorable à ce que le projet d’articles de la CDI serve de base à une future convention pour la prévention et la répression des crimes contre l’humanité et a rappelé la nécessité de prévenir de tels crimes et de mettre fin à l’impunité de leurs auteurs.  Elle a apprécié que le préambule précise que l’interdiction des crimes contre l’humanité est une norme impérative du droit international général et que ces crimes font partie des crimes les plus graves pour la communauté internationale dans son ensemble.  La représentante a jugé important que le projet d’articles prenne comme base la définition des crimes contre l’humanité contenue dans l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI, afin d’assurer un traitement cohérent de la question.  Elle a toutefois ajouté que cela ne devrait pas empêcher certains « ajustements » dans le texte, compte tenu de la différence d’objectif du Statut de Rome et du projet d’articles de la CDI.  Elle a jugé positif le fait que les droits des victimes soient explicitement pris en considération, de même que les droits des témoins et le droit des contrevenants présumés à un traitement équitable.  Elle a suggéré que le projet d’articles envisage aussi l’approche des groupes vulnérables, y compris la perspective de genre.  Elle a enfin noté que, conformément au libellé de l’article premier, les articles s’appliqueront à la prévention et à la répression des crimes contre l’humanité.

M. MARTÍN JUAN MAINERO (Argentine) a trouvé « difficile à justifier » l’inaction « persistante » de la Sixième Commission concernant le texte proposé par la CDI en vue de procéder rapidement à l’élaboration d’une convention sur les crimes contre l’humanité.  Pour surmonter les différentes visions qui s’opposent sur cette question, il a jugé important d’aménager un espace dédié pour identifier les zones de convergence et de divergence, dans l’esprit de la résolution 77/249 de l’Assemblée générale.  En ce qui concerne le groupe thématique 1, le délégué a considéré que le préambule fournit un cadre conceptuel adéquat, ajoutant que le caractère impératif de l’interdiction des crimes contre l’humanité justifie sa codification dans un instrument international.  De même, au sixième alinéa du préambule, il a estimé que la détermination à mettre fin à l’impunité des auteurs de ces crimes énonce tant l’objet que le but de l’instrument.  Le délégué a en outre soutenu la référence aux droits des victimes de crimes contre l’humanité contenue dans le préambule et dans le corps du projet d’articles.  Considérant qu’un instrument international juridiquement contraignant consolidera le cadre juridique international existant, il incombe aujourd’hui à la Sixième Commission de faire avancer ce processus, a-t-il conclu.

Échanges interactifs

Le représentant de la Slovaquie a voulu préciser certains propos tenus la veille par sa délégation et intervenir à la suite des propos de certains de ses collègues sur les références faites au Statut de Rome de la CPI.  À ses yeux, le Statut de Rome ne concerne pas seulement les États parties à la Cour pénale internationale (CPI), car il a fait l’objet d’intenses négociations par un nombre de délégations très supérieur au nombre d’États qui ont ensuite adhéré.  En particulier, a-t-il argué, le préambule du Statut de Rome faisait l’objet d’un très large accord, y compris par des États qui n’ont ensuite pas adhéré au Statut dans son ensemble.  Par ailleurs, le représentant a relevé que si le projet d’articles prévoit la possibilité de traités bilatéraux pour renforcer la coopération entre États dans la lutte contre les crimes contre l’humanité, le cadre multilatéral apporte un « plus ».  Les États doivent accomplir leur devoir en adoptant une législation nationale, mais cela ne limite pas la portée de la convention internationale, bien au contraire.  Encore une fois, les crimes contre l’humanité ne sont pas un concept nouveau, puisqu’ils sont mentionnés, sous un autre nom, dans les conventions de la Haye de 1907. 

Le représentant du Cameroun a répondu que le fait de contribuer à l’élaboration d’une convention n’engage pas les participants, c’est l’adhésion au texte adopté qui engage.  Par ailleurs, alors que le droit pénal repose sur le principe « nullum crime sine lege », cela n’a pas empêché que se tiennent les procès de Nuremberg, antérieurs à l’adoption des grandes conventions.  « Il existe donc bien un droit applicable en l’absence de conventions. »

Déclaration (suite)

Mme ZEBIB GEBREKIDAN (Érythrée) a estimé que les discussions en cours doivent se poursuivre pour établir une définition du crime contre l’humanité « par consensus ».  Sa délégation partage les préoccupations exprimées par d’autres pays quant aux références au Statut de Rome de la CPI dans le projet d’articles, lequel n’est pas reconnu de manière universelle, a-t-elle dit à son tour.  La destruction de l’environnement pourrait être considérée comme une catégorie de crime de cette sorte, a-t-elle par ailleurs signalé, appelant à développer le droit international comme l’y invite selon elle la présente reprise de session de la Sixième Commission. 

Échanges interactifs

Réagissant aux propos de l’Érythrée, le Nigéria a rappelé que nous devons avant tout renforcer le système juridique.  Pour élaborer une convention sur les crimes contre l’humanité, il a estimé que la Commission doit d’abord identifier les lacunes juridiques existantes afin de régler les problèmes qui subsistent et de renforcer le système juridique national. 

Il existe en effet différentes façons d’envisager les lacunes juridiques en ce qui concerne les crimes contre l’humanité, a relevé l’Égypte, pour qui il serait utile de répertorier les cas où l’absence de cadre national ou international juridique approprié a mené à l’impunité. 

Des instruments internationaux ad hoc ont créé le « socle juridique » sur lequel reposent les tribunaux internationaux, a rappelé la Slovaquie.  Il n’existe cependant pas de vide juridique sur le plan matériel, mais plutôt des lacunes « horizontales », élément fondamental qui explique à ses yeux la nécessité d’adopter une convention sur les crimes contre l’humanité. 

Le représentant du Portugal a rappelé que les crimes contre l’humanité étaient les seuls des trois catégories de crimes graves internationaux à ne pas faire l’objet d’une convention internationale dédiée à leur prévention et à leur répression, et à la coopération entre États à cette fin.  C’est à ses yeux ce qui justifie l’intérêt d’une convention. 

Le représentant du Mexique a considéré que lorsque le Statut de Rome de la CPI érige une infraction en crime, cela ne comble pas une lacune.  Ici, le domaine du projet d’articles est plus large: il est question à la fois de prévenir et de réprimer et on ne parle pas seulement de la responsabilité des individus.  Le représentant s’est dit d’accord avec le Cameroun sur la nécessité de bien définir les crimes, mais cela relèvera de la discussion sur l’article 2. 

La représentante de la Suisse s’est associée aux propos du Portugal et du Mexique.  La Convention représentera un « symbole fort » et réaffirmera la responsabilité première des États tout en avançant sur la question de la responsabilisation. 

Le représentant de la Gambie a rappelé que la convention ne se limitera pas à combler des lacunes existantes mais aura aussi une rôle dissuasif.  La prévention est parfois plus efficace, a-t-il estimé.  On mentionne dans cette enceinte les conventions sur les crimes de guerre ou le génocide, ou le Statut de Rome, car le droit a besoin de référence, a-t-il noté, mais nous ne faisons pas référence à « ces institutions établies et connues pour faire pression sur d’autres États afin qu’ils y adhèrent ». 

Le représentant du Cameroun a fait observer à son homologue du Mexique que c’est le préambule qui donne le « la » du texte dans son ensemble et qu’on ne peut donc pas attendre la discussion sur l’article 2.  Si c’est le préambule qui contient la référence à l’Article 7 du Statut de Rome, c’est parce que c’est le préambule qui oriente les articles.  La définition des crimes contre l’humanité est dans le préambule, et pas à l’article 2, c’est donc là qu’il faut en discuter. 

Le représentant de l’Égypte a estimé que les travaux de la CDI portaient sur des questions très litigieuses comme la compétence universelle.  Si l’on veut lutter contre l’impunité, on peut agir dans de nombreux domaines. 

L’observateur de l’État de Palestine a estimé que le Statut de Rome de la CPI, contrairement aux conventions citées par ailleurs, avait clairement défini les crimes contre l’humanité.  Nous ne sommes pas là pour adhérer au Statut de Rome mais celui-ci influencera nécessairement nos débats.  Il a noté que malgré tout ce qui pourra être dit au cours des présents échanges « aucun État ne deviendra partie au Statut de Rome s’il ne le souhaite pas ».  Les conflits en matière de définition sont complexes et constituent un frein sur la voie du développement de nouveaux instruments juridiques internationaux, a-t-il ajouté.  Il reste que nous pouvons faire fond sur le Statut de Rome de la CPI pour avancer sur notre propre voie.

La représentante d’El Salvador a salué l’intervention de l’Égypte, estimant que la communauté internationale n’en est encore qu’à un stade initial de l’étude du projet d’articles.  « C’est dans un second temps qu’il sera possible de renforcer les notions et définitions et d’aller plus loin en matière de collaboration horizontale ».  Elle a demandé de ne pas oublier le caractère progressif du droit international et jugé tout à fait possible d’approfondir le dialogue « si nous mentionnant les éléments figurant dans les systèmes en place et qui peuvent éclairer nos travaux ». 

Le représentant du Cameroun a repris la parole pour faire siens les propos de la Palestine, estimant qu’en effet les définitions « sont fondamentales dans un processus tel que celui-ci: elles fixent le cap en précisant le sens, l’orientation et l’esprit des mots ». 

Déclarations (suite)

M. MAJED S. F. BAMYA, de l’État de Palestine, s’est dit en accord dans l’ensemble avec le projet d’articles.  Il a salué la reconnaissance du fait que les crimes contre l’humanité menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde et jugé important de rappeler que l’interdiction de ces crimes relève du jus cogens, sans aucune dérogation possible.  Les règles du droit international coutumier continuent de régir les matières non régies par les dispositions du projet d’articles, a-t-elle ajouté.  Le représentant a apprécié que le préambule rappelle l’obligation des États en termes de prévention, mais aussi de poursuites: pour mettre fin à l’impunité, il ne suffit pas de dissuader ou d’empêcher la commission des crimes, il faut aussi assurer la responsabilité de ceux qui les commettent.  Sachant que la pratique des États au niveau national reste limitée, M. Bamya a jugé précieuse la référence à la définition des crimes contre l’humanité donnée par le Statut de Rome de la CPI, ajoutant qu’elle ne préjugeait pas de la position de chaque État sur l’adhésion au Statut de Rome lui-même.  Le représentant a salué la référence aux victimes et témoins dans le préambule, y voyant une reconnaissance explicite du rôle indispensable de ces deux catégories de personnes dans la prévention et la répression.  Le droit des victimes à la justice et à la réparation est l’un des objectifs de la justice pénale, a-t-il insisté.  Tout en se disant favorable à une référence à un traitement et à un procès équitables des accusés, il a toutefois estimé que ce point devrait être traité dans un paragraphe distinct de celui consacré aux droits des victimes ou témoins.  Au nom de la cohérence et du renforcement des obligations existantes, le représentant a en outre proposé de rappeler dans le préambule un certain nombre de conventions internationales et de faire référence à la Déclaration universelle des droits de l’homme. 

Groupe thématique 2: définition et obligations générales (articles 2, 3 et 4)

Mme SIMONA POPAN, de l’Union européenne, a noté que la définition des crimes contre l’humanité figurant dans le projet d’articles reproduit largement l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI et n’est donc pas nouvelle pour une grande majorité de délégations.  Elle s’est toutefois félicitée que la définition du genre figurant au Statut de Rome ait été supprimée.  Elle a rappelé que la présence de combattants parmi la population civile n’exclut pas le fait qu’une attaque peut être dirigée contre une population civile.  En outre, si cette attaque est généralisée ou systématique, elle n’implique pas nécessairement une vaste zone géographique.  Pour l’Union européenne, les auteurs de crimes contre l’humanité ne se limitent pas aux fonctionnaires ou aux agents de l’État, mais peuvent être le fait d’organisations ou de groupes ayant la capacité et les ressources nécessaires pour planifier et mener une attaque généralisée ou systématique.  La représentante a souligné que les États pouvaient prévoir dans leur législation nationale une définition allant au-delà de celle contenue dans le projet d’articles, et a évoqué des définitions plus larges contenues dans d’autres instruments internationaux ou dans le droit international coutumier.

Quant aux obligations générales prévues à l’article 3, l’Union européenne rappelle que les États ont l’obligation de ne pas commettre de crimes contre l’humanité, mais aussi celle de les prévenir et de les punir.  En outre, l’obligation de ne pas commettre est double:  les États doivent ne pas s’engager par l’intermédiaire de leurs propres organes, ni par l’intermédiaire de personnes sur lesquelles ils exercent un contrôle si étroit que leur comportement est attribuable à l’État.  La représentante a noté que les crimes contre l’humanité n’ont pas besoin d’être liés à un conflit armé et peuvent se produire en temps de paix.  Que cela soit précisé dans l’article 3 est donc pour l’Union européenne « une clarification bienvenue » qui règle un différend de longue date sur la nécessité d’un lien avec un conflit armé, et aligne les crimes contre l’humanité sur le génocide, contrairement aux crimes de guerre qui sont toujours commis en période de conflit armé.  « La triste réalité est que des crimes contre l’humanité ont été largement infligés à des civils dans de nombreuses situations en dehors des conflits armés », a fait observer la représentante, qui s’est également félicitée de la précision selon laquelle « aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier les crimes contre l’humanité ».

Enfin, la représentante a rappelé à propos de l’article 4 que l’obligation de prévention n’est pas spécifique au projet d’articles sur les crimes contre l’humanité mais existe aussi dans d’autres conventions.  Comme la plupart des crimes susceptibles d’être qualifiés de crimes contre l’humanité ont déjà été largement interdits dans de nombreux États, l’inclusion de la prévention en plus de l’interdiction est donc basée sur la pratique des traités précédents.  Si certains États ont estimé que la portée de cette obligation n’était pas claire, elle a rappelé que l’article 4 reflète la jurisprudence de la Cour internationale de Justice (CIJ) et que les États disposent de divers outils pour satisfaire à cette obligation.  Enfin, elle s’est félicitée de l’intention sous-jacente du projet d’articles d’encourager la coopération internationale.

Mme JULIA FIELDING (Suède), au nom des pays nordiques, a soutenu fermement la décision de la CDI de conserver, dans le projet d’article 2, la définition de l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI comme base matérielle de la définition du crime contre l’humanité.  Elle a toutefois salué la décision de la CDI de ne pas retenir la définition du « genre » figurant dans le Statut de Rome, qui ne reflète pas selon elle le droit international actuel.  La représentante a réitéré l’importance du principe de légalité en droit pénal, lequel ne permet pas d’élargir la définition d’une infraction par analogie au détriment d’une personne poursuivie, comme le suggère l’alinéa k) du paragraphe 2 du projet d’article 2.  En ce qui concerne les projets d’articles 3 et 4 (obligations générales et prévention), les pays nordiques réaffirment qu’une éventuelle convention comblerait une importante lacune du droit international et du droit des traités en mettant l’accent sur l’obligation des États de prévenir et de punir les crimes contre l’humanité.  Toutefois, les obligations de coopération interétatique en général, et en matière de prévention en particulier, ne peuvent être interprétées de manière à limiter les obligations existantes à l’égard d’autres crimes.

Mme ELVIRA CUPIKA-MAVRINA (Lettonie), au nom des pays baltes, a estimé que la définition des crimes contre l’humanité figurant à l’article 2 est « claire et complète » et salué son caractère inclusif ainsi que la diversité des circonstances dans lesquelles ces crimes peuvent être commis.  La représentante a constaté que la définition était centrée sur les victimes, et donc conçue pour protéger les droits et les intérêts de la population civile.  Cette orientation est importante, car elle garantit que l’accent reste mis sur la prévention et la répression des crimes qui ont un impact significatif sur les civils, a-t-elle estimé. 

En établissant une définition claire, le projet d’articles garantira que les crimes contre l’humanité sont correctement identifiés et traités, et que les auteurs sont tenus pour responsables de leurs actes, a poursuivi la représentante.  S’ils sont adoptés et mis en œuvre, les articles favoriseront ainsi le respect des droits de l’homme et de l’état de droit et rendront justice aux victimes et aux survivants de tels crimes.  Mme Cupika-Mavrina a estimé que l’obligation générale de prévention des crimes contre l’humanité prévue à l’article 3 représentait une évolution « positive et nécessaire » du droit pénal international.  Ladite obligation encourage les États à prendre des mesures proactives pour empêcher que ces crimes odieux soient commis.  Elle envoie aussi un message fort, à savoir que ces crimes ne seront pas tolérés, et reflète l’engagement de la communauté internationale à défendre les droits humains. 

M. AHMED ABDELAZIZ AHMED ELGHARIB (Égypte) a souligné l’importance du principe de la légitimité, qui exige que soient revus les alinéas de l’article 2 faisant référence selon lui à une catégorie trop large d’actes inhumains de caractère analogue.  Il a ajouté que les définitions des crimes contre humanité proposées dans le projet d’articles ne sont ni les meilleures ni idéales, ne serait-ce que par ce qu’elles ne seront pas acceptées par les États qui ne sont pas parties au Statut de Rome de la CPI.  Avec tant d’inconnues, a-t-il douté, accéder à une convention sera difficile voire impossible pour la plupart des États.  Le délégué a émis d’autres réserves par rapport à l’article 2.  En effet, il a jugé que la Commission avait décidé d’elle-même d’aborder la question visée, « ce qui n’était pas nécessaire, ce qui représente un dépassement de son mandat de la Commission et contrevient aux compétences d’autres enceintes onusiennes ». 

M. MICHAEL HASENAU (Allemagne) a jugé que la définition des crimes contre l’humanité contenue dans l’article 2 du projet d’articles, directement basée sur l’Article 7 du Statut de Rome, semblait constituer une proposition solide et équilibrée, car elle évite de trop entrer dans les détails.  Cette définition laisse ainsi de la place à une législation nationale plus prescriptive qui pourrait déjà exister ou qui serait considérée comme appropriée à l’avenir, a estimé le représentant.  Il a aussi abordé l’article 3, qui énonce l’obligation des États de ne pas commettre, de prévenir et de punir les crimes contre l’humanité.  Pour lui, ce texte représente la disposition la plus importante de la Convention.  L’obligation, a-t-il rappelé, couvre les actes accomplis par les propres organes des États ou par des personnes sous leur contrôle, et interdit les crimes contre l’humanité, qu’ils soient ou non commis en période de conflit armé.  Il a également estimé que l’article 4, en promouvant un réseau de prévention et de coopération multilatérale en réponse aux crimes de masse, ajoute une valeur réelle au cadre existant du droit pénal international.

Intervenant brièvement dans le cadre des échanges interactifs, la représentante de l’Inde a relevé que la CDI n’a pas inclus l’utilisation d’armes nucléaires et les actes de terrorisme dans sa définition des crimes contre l’humanité.  « Ces actes ne sont-ils pas assez graves pour entrer dans cette définition? »

M. EMIL RUFFER (République tchèque) a estimé que l’article 2 garantit l’objectif d’harmoniser la définition des crimes contre l’humanité dans les législations nationales des États.  Il a salué l’approche de la CDI consistant à prendre comme point de référence l’Article 7 du Statut de Rome, lequel contient « la première définition conventionnelle complète, largement reconnue et acceptée » de cette catégorie de crimes.  Pour la République tchèque, tout élargissement ou rétrécissement de la définition pourrait brouiller les lignes de la définition en vertu du droit des traités.  Le représentant a estimé que la souplesse était suffisamment garantie dans l’article, qui prévoit que ce texte est sans préjudice de toute définition plus large prévue par un instrument international, le droit international coutumier ou le droit national.  Il s’est toutefois dit conscient de certaines préoccupations concernant l’interprétation de la définition proposée et s’est prononcé pour une interprétation « stricte et étroite ». 

À propos des obligations générales, le représentant a rappelé que l’article 3 énonce explicitement l’obligation des États de ne pas commettre de crimes contre l’humanité, ce qui vient appuyer la conclusion de la CIJ dans l’affaire du génocide bosniaque.  Les États ne doivent pas commettre de tels crimes et doivent aussi veiller à ce que les personnes placées sous leur juridiction et leur contrôle, « y compris les forces armées, les groupes rebelles et les autres acteurs non étatiques », n’en commettent pas non plus.  Il a jugé bon que l’article 3 oblige à punir les crimes contre l’humanité, qu’ils soient ou non commis en période de conflit armé, et insiste sur le fait qu’« aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit », ne peut être invoquée pour les justifier. 

Le représentant a par ailleurs jugé indispensable l’article 4 sur la prévention, qui exige de la part des États qu’ils mettent en place une infrastructure contre la survenance de crimes contre l’humanité.  Il a rappelé qu’il s’agissait d’obligations similaires à celles figurant dans différents traités internationaux largement approuvés, y compris la Convention contre la torture.  Il a toutefois estimé que l’article 4 pourrait mentionner certains exemples concrets de mesures préventives.  Il a également appuyé le fait que ces mesures doivent être prises « en conformité avec le droit international ».

Mme LIGIA LORENA FLORES SOTO (El Salvador) a insisté sur l’importance d’inclure les violences sexuelles dans toute convention internationale pour la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Elle a également souhaité que la définition des disparitions forcées comme crimes contre l’humanité inclue les disparitions due à des personnes ou groupes de personnes agissant avec l’appui, le consentement ou l’assentiment d’États, ce qui, a ajouté la représentante, serait conforme à la définition donnée par la Convention sur les disparitions forcées.  El Salvador juge en outre fondamental d’encourager un débat sur les enquêtes visant l’appropriation d’enfants liée à des crimes de disparitions forcées.  Selon la représentante, une convention comme celle qui est à l’étude permettra d’améliorer la coopération et l’entraide juridique internationales. 

La représentante de l’Arabie saoudite a déclaré que les « autres actes inhumains » dont il est question à l’alinéa k) du paragraphe 1 du projet d’article 2 seraient difficiles à identifier.  Au paragraphe 2 de l’article 3 (obligations générales), la représentante a jugé redondant de préciser qu’il s’agit de crimes au regard du droit international puisque le projet d’articles définit déjà les crimes contre l’humanité. 

M. CHANAKA LIAM WICKREMASINGHE (Royaume-Uni) a souscrit à la définition des crimes contre l’humanité utilisée à l’article 2, laquelle découle de 75 ans de pratique non sans être acceptée explicitement par les 123 États parties au Statut de Rome de la CPI.  Cette définition repose de plus sur une vaste jurisprudence tant à l’échelle nationale qu’internationale, a-t-il ajouté, et revient à codifier le droit international coutumier, « comme l’estiment les experts ».  Il a ensuite noté que la persécution ne relève des crimes contre l’humanité que si elle est liée à un autre acte au sens du projet d’article 2(1), cette approche étant selon sa délégation plus étroite que celle adoptée dans le Statut de Rome et ailleurs.  Le Royaume-Uni salue la politique de la CPI sur le crime de persécution fondée sur le genre récemment publiée et estime qu’elle peut être un outil d’interprétation utile en ce qui concerne ces crimes, a-t-il encore signalé.  À ce sujet, le délégué a encore fait remarquer que la définition contenue dans le projet d’article antérieur n’était effectivement plus appropriée, « car la persécution de personnes qui ne se considèrent pas comme des hommes ou des femmes risquait de tomber hors du champ d’application des crimes contre l’humanité ».  C’est pourquoi il a salué et appuyé la décision de la CDI de ne pas inclure la définition du genre figurant dans le Statut de Rome dans le projet d’article 2. 

M. MOHAMMAD GHORBANPOUR NAJAFABADI (Iran) a exprimé son désaccord avec les définitions présentées à l’article 2, estimant que l’imposition de mesures coercitives unilatérales contre des civils constitue un crime contre l’humanité.  Les obligations à la charge des États, et notamment celle des États étrangers de ne pas intervenir dans les affaires intérieures d’autres États, devraient à son avis être précisées dans les articles 3 et 4.  Il incombe également aux États d’empêcher que des actes de provocation, d’incitation ou d’instigation ne se produisent sur leur territoire ou sur les territoires qu’ils contrôlent, a-t-il ajouté, afin d’éviter les perturbations au sein d’États souverains ainsi que la commission de crimes contre l’humanité.  Le représentant a ainsi proposé l’ajout d’un nouveau paragraphe 2 au projet d’article 4 disposant qu’aucun État ne peut organiser ou faciliter des activités subversives, terroristes ou armées visant à renverser par la violence le régime d’un autre État, ni s’immiscer dans les troubles civils dans un autre État. 

M. MATTHIJS BOERMA (Pays-Bas) a estimé important d’utiliser la définition du Statut de Rome de la CPI, les différences entre les définitions du droit international devant être évitées pour garantir la sécurité juridique, tant au niveau international que dans la mise en œuvre nationale.  Remettre en cause les définitions du Statut de Rome peut conduire à compromettre certaines réalisations, a-t-il averti, en évoquant la pratique d’autres tribunaux internationaux et du Conseil de sécurité.  En ce qui concerne l’obligation de prévenir, le délégué a noté qu’elle dépend de la capacité des États à influencer d’éventuels auteurs de crimes contre l’humanité, conformément à la Convention sur le génocide et à la jurisprudence internationale, lesquelles peuvent selon lui être appliquées de manière analogue à ce projet d’articles.  Le délégué a jugé que ce point de vue est conforme à la décision de la Cour internationale de Justice (CIJ) dans l’affaire « Bosnie-Herzégovine contre Serbie-et-Monténégro » de 2007.  Les Pays-Bas sont ainsi d’avis que l’obligation de prévenir est correctement précisée dans la jurisprudence de la CIJ, qui fournit des critères juridiques utiles pour évaluer la capacité d’influence d’un État. 

Mme RICCARDA CHRISTIANA CHANDA (Suisse) a rappelé le soutien de son pays au travail de la CDI et à sa recommandation d’élaborer une convention sur la base du projet d’articles, afin de combler la lacune qui subsiste face aux crimes contre l’humanité, des décennies après la codification du génocide et des crimes de guerre.  Elle a rappelé que la future convention doit compléter le droit conventionnel sur les crimes internationaux principaux et sa valeur universelle, par-delà les systèmes et les cultures juridiques, ce qui constituera « un symbole fort ».  Selon la représentante, elle aidera en outre les États à mettre en œuvre leur responsabilité première d’enquêter sur ces crimes et favorisera la coopération interétatique en matière d’enquêtes, de poursuites et de sanctions.  Elle constituera ainsi un outil essentiel pour garantir la reddition des comptes et traduire en justice les auteurs de ces crimes. 

Elle a salué la définition des crimes contre l’humanité donnée dans le projet d’article 2, qui reprend celle du Statut de Rome de la CPI.  Elle a en effet jugé important d’éviter une définition qui s’en écarterait, la CPI étant « appelée à jouer un rôle central dans la poursuite et le jugement » des crimes contre l’humanité.  La représentante a ajouté qu’il était essentiel que le projet d’articles s’efforce plus généralement de prévenir tout conflit avec les textes conventionnels existants.  Elle a également appuyé la disposition selon laquelle la définition donnée l’est sans préjudice de toute définition plus large prévue par tout instrument international, par le droit international coutumier ou par le droit national.  La représentante a aussi salué l’importance donnée à la prévention des crimes contre l’humanité, la jugeant tout aussi importante que la répression des crimes commis.  Elle a estimé bienvenue l’exclusion au projet d’article 3 de toute circonstance exceptionnelle pour justifier de tels crimes.  Rappelant que son pays est résolument engagé dans la lutte contre l’impunité, Elle a souhaité que les discussions interactives soient productives et s’est dite prête à s’y engager de manière constructive.

La représentante de Cuba a jugé ambigu l’alinéa a) du paragraphe 2 du projet d’article 2, notamment en ce qui concerne une attaque envers une population civile.  De même, l’alinéa g) du paragraphe 2 du projet d’article 2 ne présente pas de définition claire du concept de persécution, tandis qu’à l’alinéa i) la définition de la privation de liberté est à ses yeux incomplète. 

M. ALEXANDER MARSCHIK (Autriche) a signalé que, pour des raisons humanitaires, il est du devoir de la communauté internationale de lutter contre l’impunité des auteurs de crimes contre l’humanité et de faire en sorte que justice soit rendue pour les victimes.  À la lumière des crimes horribles auxquels nous assistons en Ukraine, au Myanmar, en Syrie et dans d’autres parties du monde, une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité est devenue plus importante que jamais, a-t-il fait valoir.  Une telle convention comblerait une lacune existante dans le droit des traités internationaux, a-t-il encore dit, avant d’attirer l’attention sur le fait que la définition des crimes contre l’humanité à l’article 2 du projet d’articles codifie le droit international coutumier en vigueur.  Selon le délégué, d’un point de vue juridique, la définition n’est pas « fondée » sur l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI.  En outre, s’il est évident que le Statut de Rome et le projet de convention sont deux instruments juridiques distincts, ils ont en commun la définition des crimes contre l’humanité en vertu du droit international coutumier, ce qui est important pour éviter la fragmentation et assurer la cohérence du système juridique international.  Par ailleurs, le délégué a salué l’obligation des États de « ne pas se livrer à des actes qui constituent des crimes contre l’humanité » formulée à l’article 3 ainsi que l’ajout relatif à l’obligation explicite de prévenir les crimes contre l’humanité. 

M. SERGIO AMARAL ALVES DE CARVALHO (Portugal) a jugé logique que la CDI suive pour sa définition des crimes contre l’humanité celle de l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI qui a été le fruit de longues négociations.  En outre, cet alignement permet d’éviter la fragmentation du droit international.  Cela ne signifie pas qu’une future convention doive reprendre en « copier-coller » la définition donnée par le Statut de Rome, a-t-il néanmoins fait observer, avant de rappeler que la CDI a abandonné la notion de genre mentionnée dans le Statut de Rome.  Il s’est par ailleurs dit ouvert à des modifications concernant la question des disparitions forcées.  Le représentant a rappelé la nécessité de maintenir un équilibre entre la cohérence du droit international et son développement progressif.  Il a pris note des déclarations de ses homologues, y compris les préoccupations exprimées par l’Égypte.  Il a aussi parlé de respect des législations nationales et de coopération juridique internationale.  L’obligation de prévenir n’est pas spécifique au projet d’articles sur les crimes contre l’humanité, a souligné le représentant, rappelant qu’on la trouve aussi dans plusieurs autres conventions internationales.  Il a enfin insisté sur le fait que les mesures prises par un État pour prévenir la commission de crimes contre l’humanité doivent respecter le droit international. 

M. MATÚŠ KOŠUTH (Slovaquie) s’est dit heureux de constater que les définitions contenues dans le projet d’article 2 reflètent dans une large mesure celles de l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI.  Les définitions du Statut de Rome se fondaient sur des travaux substantiels antérieurs de la CDI ainsi que sur une série de réunions préparatoires en vue de la conférence diplomatique de 1998 auxquelles ont participé plus de 160 États, a-t-il rappelé.  Le délégué a donc jugé « légitime et raisonnable » de fixer le point de référence dans le Statut de Rome, ajoutant que cela n’affecte en rien les droits et obligations des États non parties.  S’agissant des définitions contenues dans le projet d’article 2, il a considéré l’exigence qu’une attaque soit « généralisée » ou « systématique » comme « disjonctive ».  Par ailleurs, le délégué a noté avec satisfaction que les deux premières dispositions du projet d’article 3 sont conformes à la jurisprudence pertinente de la Cour internationale de Justice (CIJ).  Quant au projet d’article 4, le délégué a expliqué qu’il précise l’obligation active des États de prévenir et de punir les crimes contre l’humanité, ainsi que l’obligation de diligence raisonnable pour prévenir les crimes contre l’humanité ab initio

M. ENRICO MILANO (Italie) a rappelé que son pays avait toujours été parmi les États souhaitant aligner la définition des crimes contre l’humanité du projet d’articles sur celle de l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI, afin d’éviter les incohérences entre instruments juridiques internationaux.  L’Italie appuie donc l’article 2 tel qu’il est rédigé, d’autant qu’il suit aussi la jurisprudence internationale sur le fait qu’il n’est pas nécessaire que l’attaque constitutive du crime contre l’humanité ait été commise par un fonctionnaire ou un agent de l’État.  Les crimes contre l’humanité peuvent émaner d’entités et d’organisations non étatiques, telles que des groupes politiques de facto, des rebelles ou même des organisations criminelles, a commenté le représentant.  M. Milano s’est également félicité de ce que la définition proposée ne constitue qu’un dénominateur commun minimum, qui ne préjuge pas des définitions plus larges contenues dans d’autres instruments internationaux, le droit international coutumier ou la législation nationale.  L’Italie peut également appuyer l’article 3 sur les obligations générales dans sa forme actuelle, a expliqué le représentant, notant qu’il prévoit que les crimes contre l’humanité ne sont pas nécessairement commis en période de conflit armé.  Enfin, en ce qui concerne l’obligation de prévention définie à l’article 4, il a jugé important que cette dernière doive être menée « conformément au droit international ».  La prévention des crimes contre l’humanité en interne n’implique pas la violation des droits fondamentaux de l’homme, a-t-il fait observer.  Et en externe, elle ne justifie pas des mesures qui dépassent les limites imposées par droit international, y compris en ce qui concerne le recours à la force militaire.

Échanges interactifs

Le représentant de l’Égypte s’est demandé comment s’entendre sur une définition du crime contre l’humanité alors qu’il existe déjà des obligations faites aux États Membres en la matière pour pénaliser ces crimes. 

Réagissant à l’intervention de l’Égypte, la représentante du Nigéria a souligné que le document de la CDI n’est pas un document juridique de négociation mais un document de travail orientant les échanges de la reprise de session.  Sur la définition des crimes contre l’humanité, elle a noté que celle du Statut de Rome de la CPI a été acceptée par 123 pays.  Il faut éviter, a-t-elle dit, de s’écarter des définitions préexistantes agréés sur le plan international, qui s’ajoutent en outre aux définitions nationales.  Au lieu d’ajouter une nouvelle définition, elle a plaidé pour un renforcement des législations nationales par le biais d’une coopération juridique accrue, « plutôt que d’ambitionner une nouvelle convention ».

La représentante de Malte a tenu à souligner que le Statut de Rome est une source d’inspiration constante, et non problématique, des travaux de la CDI.

La représentante de l’Australie, quant à elle, a estimé que la clause « sans préjudice de » n’est qu’un ajout qui permettra aux États de proposer ultérieurement des définitions plus larges.

La représentante de Malte a tenu à souligner que le Statut de Rome est une source d’inspiration constante, et non problématique, des travaux de la CDI. 

La représentante de l’Australie, quant à elle, a estimé que la clause « sans préjudice de » n’est qu’un ajout qui permettra aux États de proposer ultérieurement des définitions plus larges. 

Déclarations (suite)

M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a déclaré, au sujet de l’article 2, que, « sans surprise », la définition des crimes contre l’humanité y est une reprise mutatis mutandis de la définition consacrée par le Statut de Rome de la CPI.  Sa délégation, a-t-il dit, campe sur sa position par rapport à cet instrument et s’en trouve « vivement préoccupée ».  Selon lui, la définition des crimes contre l’humanité restituée in extenso esquive « à dessein » le paragraphe 3 in fine de l’Article 7 du Statut de Rome, son absence n’étant selon lui qu’« un trompe œil, tant il est que les juristes chevronnés et éprouvés que vous êtes, savent que le préambule est élément entier du bloc de conventionnalité ».  Pour définir les crimes contre l’humanité, c’est la référence faite au paragraphe 7 du préambule qui fera foi, a continué le représentant.  Or, en tant que pays qui n’est pas partie au Statut de Rome, le Cameroun rappelle que cette définition n’est pas universelle et ne peut donc pas inspirer celle d’un autre texte. 

Le représentant a réitéré sa position selon laquelle l’emploi du terme « sexe » renvoie au sexe masculin et féminin.  C’est pourquoi, s’agissant de la définition du genre, il a noté que l’article qui en dispose ne tient pas compte des mutations des crimes contre l’humanité.  En ce sens, il a également appelé à la prise en compte dans les définitions de l’exploitation non durable des ressources, du pillage qui met en péril ces ressources, « les hypothèques pour les générations futures, compromet ainsi la vie de milliers de personnes appauvries, affamées, sans dignité et transformée pour ainsi dire en de véritables damnés de la terre ».  Prévenons et condamnons aussi ce type de crimes contre l’humanité! s’est-il encore exclamé.  Il a ajouté qu’il faudrait tout autant intégrer parmi les crimes contre l’humanité la destruction des lieux inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, la dépossession illicite, la confiscation ou la destruction des objets d’art ou tout élément lié à la valorisation de la culture.

S’agissant de l’article 3, M. Nyanid a souhaité que les obligations générales des États soient rattachées d’abord aux lois nationales, ensuite aux obligations librement consenties dans le cadre des mécanismes prévus par le droit international afin de s’assurer de la conformité de ces obligations avec l’esprit et la lettre du droit international.  En conséquence, pour sa délégation, l’interdiction de se livrer aux actes constitutifs de crimes contre l’humanité doit être précise et consacrer la capacité de l’État à punir.  Pour ce qui est de l’article 4 relatif à l’obligation de prévention, le représentant a estimé que l’on pourrait encourager les États à rendre les crimes contre l’humanité imprescriptibles afin de dissuader les éventuels criminels.  « Il serait également souhaitable de mettre en exergue le renforcement des capacités et l’appui aux États qui le souhaitent. »

M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone) a soutenu l’approche adoptée par la CDI au projet d’article 2, qui porte sur les définitions, pour assurer la cohérence avec l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI.  La suppression par la CDI du paragraphe 3 de l’Article 7, qui définit le terme « sexe », peut selon lui servir un objectif « pragmatique » dans l’examen d’un éventuel traité horizontal sur les crimes contre l’humanité.  D’un point de vue politique, le représentant a appuyé une approche de cohérence générale afin de sauvegarder le principe de complémentarité du Statut de Rome.  Il a noté à cet égard que le paragraphe 3 de l’article 2 contient une clause « sans préjudice » qui précise que l’inclusion de la définition du Statut de Rome est sans préjudice de toute définition plus large existant dans d’autres instruments internationaux. 

Après avoir rappelé que la définition des crimes contre l’humanité donnée par la CPI est plus étroite que celle qui a cours en vertu du droit international coutumier, le délégué s’est demandé si des ajustements mineurs pourraient être y apportés afin de tenir compte de la jurisprudence.  Il a par ailleurs identifié des lacunes juridiques qui se traduisent par une « impunité manifeste » pour les crimes d’esclavage et de traite des esclaves en vertu du Statut de Rome, qui devraient à ses yeux figurer dans un éventuel traité.  En ce qui concerne l’obligation de prévention énoncée au projet d’article 4, il a jugé fondamental l’engagement des États à prévenir les crimes contre l’humanité pour assurer la conformité avec la Charte des Nations Unies, tout en précisant que cet objectif ne doit jamais servir de prétexte à une intervention dans les affaires intérieures d’autres États.

Mme ALEXANDRA HUTCHISON (Australie) a reconnu que tous les États Membres de l’ONU ne sont pas parties au Statut de Rome de la CPI, ajoutant qu’elle aimerait continuer à entendre ces derniers afin de connaître leurs préoccupations concernant la définition des crimes contre l’humanité donnée dans le projet d’articles.  Elle a néanmoins insisté sur les avantages qu’il y a à s’inspirer de la définition du Statut de Rome, qui bénéficie d’une acceptation large et interrégionale.  Elle a aussi mis en avant le besoin de trouver un équilibre entre la nécessité d’empêcher une fragmentation inutile du droit international et l’impératif de veiller à ce que la définition reste adaptée à son objectif.  Pour l’Australie, la définition donnée par la CDI est équilibrée et ne comporte que des modifications mineures à la définition du Statut de Rome, afin de s’adapter à un contexte différent. 

La représentante a salué la suppression de la définition du « genre » donnée dans le Statut de Rome, y voyant un moyen de tenir compte d’une « compréhension évolutive de sa signification ».  Elle a rappelé que des termes tels que « religieux » et « racial » n’ont pas non plus été définis.  L’Australie, a-t-elle ajouté, réfléchit à la manière de mieux intégrer l’égalité des sexes en tant que question transversale dans l’ensemble du projet d’articles.  Elle reste « ouverte à l’examen d’ajustements qui garantiraient que toute future convention reste adaptée à son objet ».  La représentante a ensuite appuyé la caractérisation des obligations générales des États définie à l’article 3, conforme à la responsabilité première de l’État en matière de prévention et de répression des crimes internationaux.  Elle a appuyé le fait que des crimes contre l’humanité peuvent être commis aussi bien en temps de paix qu’en temps de conflit armé.  L’Australie se félicite également de l’approche de la CDI concernant l’obligation de prévention et souhaite que la future convention soit explicite sur la nécessité d’un fort contrôle de l’État sur un territoire donné pour que des obligations internationales lui soient imposées au regard de ce qu’il se passe sur ce territoire.

Au titre du mini débat, la République tchèque a répondu à l’Égypte que les commentaires de la CDI au paragraphe 46 sont limpides, comme les orientations de la Commission qui en découlent. 

À l’Australie, le Cameroun a répondu que l’inclusion du Statut de Rome pose un problème car la règle de droit international obéit au caractère de la relativité.  On ne peut pas appliquer une règle de droit du Statut de Rome à un État qui n’y est pas partie.  

Mme RUBINSHSTEIN (Israël) a estimé que la définition du crime contre l’humanité devrait être acceptée le plus largement possible afin de rallier le soutien de la communauté internationale le plus vaste et le plus net.  Or, citer le Statut de Rome de la CPI dans les définitions du projet d’articles peut difficilement permettre de parvenir à cette fin, car le projet d’articles devra in fine s’appliquer dans les législations des États Membres non parties au Statut.  Ainsi la déléguée a-t-elle appelé à trouver un outil pouvant être utilisé par les tribunaux nationaux pour lutter contre les crimes contre l’humanité. 

M. SINA ALAVI (Liechtenstein) a estimé que la persécution, telle que définie dans le projet d’article 2, ne peut constituer un crime contre l’humanité que si elle est commise « en relation avec » l’un des autres actes énumérés au paragraphe 1 de ce projet d’article.  Toutefois, en vertu de l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI, la persécution peut constituer l’acte fondateur d’un crime contre l’humanité lorsqu’elle est liée à l’un quelconque des autres actes susceptibles de constituer un crime contre l’humanité, ou lorsqu’elle est en lien avec tout crime relevant de la compétence de la CPI, notamment les crimes de guerre, le génocide et le crime d’agression.  Le délégué a donc proposé d’amender l’alinéa h) du paragraphe 1 du projet d’article 2 pour incorporer une référence à ces trois crimes.  Les définitions des principaux crimes contenues dans le Statut de Rome, y compris les crimes contre l’humanité, ont été utilisées dans différents contextes et ont prouvé leur valeur dans la pratique, a expliqué le représentant. 

M. ALAA NAYEF ZAID AL-EDWAN (Jordanie) a réaffirmé que la convention, si elle est adoptée, ne portera pas atteinte à la souveraineté des États ni à leurs immunités en vertu du droit international.  En outre, a-t-il ajouté, rien dans le projet d’articles n’empiète sur la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) ni n’aide la Cour à exercer son mandat.  Il a ensuite estimé que le préambule incarnait l’objet et le but du projet d’articles et jouerait un rôle important dans son interprétation et sa mise en œuvre.  Le représentant a salué le fait que la définition contenue dans l’article 2 suit largement celle du Statut de Rome, lequel reflète la définition et les éléments des crimes en vertu du droit international coutumier.  En outre, la jurisprudence et les évolutions du droit pénal international, depuis les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo sur les crimes contre l’humanité, s’incarnent dans une telle définition, a-t-il ajouté, avant d’appeler à prendre en compte la jurisprudence de la CPI et celle d’autres cours et tribunaux internationaux et nationaux. 

Le représentant a jugé inutile de dire à l’article 3 que « tout État a l’obligation de ne pas se livrer à des actes constitutifs de crimes contre l’humanité » car, a-t-il argué, ce sont des individus -et non des États- qui commettent de tels crimes.  Ceci est incompatible avec le cœur du projet d’articles qui vise les auteurs individuels de crimes.  Il a rappelé que l’obligation de prévention figurant à l’article 4 était un élément central du projet d’articles et que les mesures prises par un État à cette fin devaient être licites.  Il a en outre estimé que les codes militaires devraient contenir des interdictions, des obligations et des sanctions spécifiques à l’égard de la commission de crimes contre l’humanité. 

M. ANDY ARON (Indonésie) a estimé qu’à ce stade, la Commission gagnerait à examiner plus avant les préoccupations exprimées par plusieurs États Membres au sujet du projet d’article 2 et à discuter de manière approfondie de la nature de la liste des infractions définies comme « crimes contre l’humanité ».  S’il est vrai que les États doivent prendre des mesures pour prévenir la commission de tels crimes par des mesures législatives, administratives ou judiciaires efficaces, il conviendra de clarifier la phrase « ou d’autres mesures préventives appropriées » à l’article 4, qui, en l’état, semble imposer aux États une obligation excessive de prévenir.  Une telle expression laisse également de multiples interprétations ouvertes car l’on ne sait pas dans quelle mesure « d’autres mesures préventives appropriées » s’appliquent dans la pratique, a encore pointé le délégué. 

Mme ALIS LUNGU (Roumanie) s’est félicitée de l’approche de la CDI consistant à ne pas s’écarter de la définition des crimes contre l’humanité du Statut de Rome de la CPI afin d’assurer la cohérence et de prévenir la fragmentation normative.  Les projets d’articles sont à ses yeux le reflet d’une définition contemporaine des crimes contre l’humanité largement acceptée.  Compte tenu des explications fournies dans les commentaires de la CDI, la déléguée a approuvé la décision de ne pas inclure dans les projets d’articles la définition du genre contenue dans le Statut de Rome.  Concernant le projet d’article 3, La déléguée a relevé que l’obligation générale de ne pas se livrer à des actes qui constituent des crimes contre l’humanité comporte deux aspects, à savoir une obligation pour l’État de ne pas commettre ces crimes par l’intermédiaire de ses propres organes ou de personnes sous son contrôle, et une obligation de ne pas aider un autre État dans la commission de tels actes.  Elle a également jugé utile la précision apportée au paragraphe 2, selon laquelle les crimes contre l’humanité sont des infractions au regard du droit international, qu’ils aient été commis dans le cadre d’un conflit armé ou en temps de paix.  Le projet d’article 4 est à cet égard un « pilier » du texte, a-t-elle argué, qui fait explicitement obligation aux États de prévenir la commission de crimes contre l’humanité.

Au titre du mini-débat, le Cameroun, qui réagissait à l’intervention de l’Australie, s’est notamment demandé quelle était la valeur juridique des commentaires de la CDI invoqués par cette délégation.

Mme MARUBAYASHI (Japon) a jugé souhaitable que le projet d’article 2 obtienne un large soutien et recommandé à cette fin que la discussion sur cet article soit approfondie, en prenant en compte la clarté des éléments constitutifs du crime, qui est un principe général du droit pénal.

M. ELIJAH WATERMAN (États-Unis) a reconnu que le projet d’article 2 est tiré presque intégralement de la définition des crimes contre l’humanité figurant à l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI.  Nous convenons que les États parties au Statut de Rome puissent avoir intérêt à garantir que la définition des crimes contre l’humanité dans le projet d’articles soit cohérente avec celle du Statut, a-t-il dit.  « Bien que les États-Unis ne soient pas parties au Statut de Rome, nous reconnaissons que l’Article 7 fournit la liste la plus complète d’actes constitutifs de crimes contre l’humanité dans tout instrument multilatéral, y compris en ce qui concerne le viol et d’autres formes de violence sexuelle. »  S’agissant du projet d’article 3, M. Waterman a salué le fait que le projet d’article s’inspire de l’article 1 de la Convention sur le génocide, en prévoyant que les États s’engagent à prévenir et à punir les crimes contre l’humanité et en précisant que les crimes contre l’humanité constituent des crimes au regard du droit international, qu’ils soient ou non commis en temps de conflit armé.  Concernant le projet d’article 4, il s’est félicité de la précision selon laquelle les efforts visant à prévenir les crimes contre l’humanité doivent être entrepris conformément au droit international « applicable ».  Selon lui, il serait utile de préciser qu’un tel droit applicable suppose également les garanties d’un procès équitable.

Mme CHANG WUN JEUNG (République de Corée) a déclaré qu’une convention visant à prévenir et à punir les crimes contre l’humanité est nécessaire pour combler une lacune majeure du droit international.  La République de Corée juge nécessaire une convention internationale globale pour interdire ces crimes et pour faciliter la coopération entre les États, aussi bien pour les prévenir que pour les réprimer.  Pour la représentante, le projet d’articles, s’il est adopté, fournira une base juridique appropriée, surtout en l’absence de traités bilatéraux sur l’entraide judiciaire ou l’extradition.  Soulignant que le Statut de Rome de la CPI avait contribué à l’introduction d’une loi nationale sur la répression des crimes relevant de la compétence de la Cour et à la sensibilisation du public à ces crimes, Mme Chang a estimé qu’il en serait de même pour le projet d’articles une fois adopté. 

La représentante a noté les opinions et préoccupations variées sur les projets d’articles mais a rappelé que la plus grande partie de leur contenu, y compris la définition des crimes contre l’humanité, reflète essentiellement le droit international coutumier, les traités existants et les pratiques nationales.  Elle s’est donc voulue optimiste sur les chances de surmonter les divergences, grâce à une attitude constructive et positive de la part des États Membres.

Mme Chang a jugé très important d’assurer la conformité des projets d’articles de la CDI avec les dispositions du Statut de Rome pour éviter toute confusion sur la définition des crimes contre l’humanité au niveau international.  La République de Corée soutient donc le libellé des projets d’articles actuels, qui vont dans ce sens, d’autant qu’il est souple et permet aux États d’élargir ou d’affiner leur propre définition des crimes contre l’humanité pour renforcer les enquêtes, les poursuites et la répression.  Se disant consciente qu’il n’est pas possible de satisfaire tous les États Membres avec une seule convention, la représentante a néanmoins estimé qu’il était temps que ceux-ci montrent leur volonté collective de prévenir les crimes contre l’humanité et de protéger les innocents.

M. MARTÍN JUAN MAINERO (Argentine) a approuvé les critères adoptés par la CDI dans la formulation de l’article 2, sur la base de la définition largement acceptée de l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI.  Bien que tous les États ne soient pas parties au Statut, c’est la première fois dans l’histoire du droit pénal international qu’une définition est obtenue par des moyens conventionnels, du fait de l’évolution du droit international coutumier et de la jurisprudence des tribunaux nationaux et internationaux.  Si la définition contenue dans le Statut de Rome consolide le processus de codification des crimes contre l’humanité, elle n’est pas pour autant « gravée dans le marbre », a-t-il assuré, car l’essence même du droit international est son évolution, conforme à la pratique des États.  Les projets d’articles établissent également que les définitions qu’ils contiennent sont sans préjudice d’autres définitions plus larges prévues dans d’autres instruments internationaux ou dans le droit interne, a ajouté le délégué. 

M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a estimé que les articles 2, 3 et 4 reflètent un équilibre entre la codification et le développement progressif du droit international.  S’agissant de la définition des crimes contre l’humanité figurant à l’article 2, il a fait observer que son libellé reprend les progrès normatifs réalisés dans les statuts des tribunaux pénaux internationaux, dans leur jurisprudence et dans d’autres documents pertinents pour l’étude de la CDI.  Autre exemple de cette évolution normative déjà reprise dans le Statut de Rome: les éléments des crimes inclus dans le paragraphe 1, à savoir que les crimes contre l’humanité doivent être commis dans le cadre d’une « attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile ».  Le représentant s’est ensuite félicité de ce que le projet d’articles ne contient pas de définition de la notion de « genre »: ce changement important tient compte de l’évolution du droit international des droits humains et du droit pénal international.  Il a également considéré que l’inclusion de la clause « sans préjudice » au paragraphe 3 de l’article est pertinente, car le projet d’articles laisse la possibilité à d’autres instruments ou à la législation nationale d’avoir des définitions plus larges.

Concernant l’article 3 sur les obligations générales, le représentant s’est dit d’accord avec l’approche selon laquelle les obligations générales de ne pas commettre d’actes constituant des crimes contre l’humanité, de prévenir et de punir ces crimes, ainsi que de ne pas invoquer de circonstances exceptionnelles, doivent être expressément incorporées dans le projet d’articles.  Il faut selon lui analyser ces obligations à la lumière du projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, en particulier les articles 41 et 58.  Enfin, la formulation de l’article 4 en termes généraux permet une interprétation large.  Lors d’une future négociation, la pertinence d’inclure une liste d’actions spécifiques pourrait être discutée. 

En réponse au Mexique, le Cameroun a déclaré que du moment que les projets d’articles ont été adoptés, les commentaires de la CDI ne peuvent servir qu’à appuyer les débats des délégations.

M. ABDULRAHMAN ABDULAZIZ F. A. AL-THANI (Qatar) a souligné la nécessité de maintenir la formule de « l’attaque générale et systématique » qui signifie qu’il y a de nombreuses victimes dans le cadre d’une projet politique prémédité.  Il a rappelé que les termes utilisés dans la définition ont déjà été utilisés dans d’autres enceintes. 

M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a appelé à enrichir et peaufiner le projet d’articles, le classement des définitions devant renvoyer aux torts infligés.  Or, qu’il s’agisse de questions substantielles ou juridiques, le terme « ennemi » n’a pas de valeur, à l’inverse de ce celui de crime, a-t-il dit.  Pour l’examen de la situation des belligérants et des accusés, le représentant a appelé à garder à l’esprit la qualité d’être humain.  Par ailleurs, notant que la compétence universelle renvoie au concept d’extraterritorialité, il a souligné que les travaux de la CDI se penchent sur la nature territoriale en explorant des normes capables de couvrir tous les méfaits.  À cet égard, il a indiqué que nombre d’experts plaident pour des procédures « humaines » de reddition de comptes, cela pour « réaffirmer l’humanité face aux crimes les plus inhumains ».  Le représentant a en outre souhaité que la définition de l’extermination soit revue en raison d’un libellé trop large en l’état. 

M. YANG LIU (Chine) a fait valoir que la communauté internationale aura du mal à trouver un consensus sur l’article 2, qui reprend presque mot pour mot les définitions contenues dans le Statut de Rome de la CPI.  Selon lui, l’Article 7 du Statut de Rome n’est pas le reflet du droit international coutumier, et les définitions varient considérablement en fonction des États.  De plus, les définitions de l’article 2 sont « trop larges », et certaines font déjà l’objet de conventions spécifiques.  Le représentant a estimé que les discussions doivent se poursuivre afin de déterminer si des crimes contre l’humanité peuvent être commis en temps de paix, ou encore en cas de conflit extérieur ou civil.  Le paragraphe 1 de l’article 3, qui interdit aux États de commettre des crimes contre l’humanité, est superflu, a-t-il estimé, car selon les commentaires de la CDI, les États ne peuvent se rendre coupables de tels crimes. 

M. AMADOU JAITEH (Gambie) s’est félicité des obligations générales définies aux articles 3 et 4 du projet, notamment l’obligation faite aux États de ne pas commettre de crimes contre l’humanité et celle de prévenir et de punir de tels crimes, qu’ils soient commis en temps de conflit armé ou pas.  De même, il a approuvé l’idée qu’aucune circonstance exceptionnelle ne puisse servir de justification pour commettre des crimes contre l’humanité.  Invoquant les « valeurs conservatrices » de la population gambienne, tant musulmane que chrétienne, le représentant a jugé inacceptable le refus de la CDI de reprendre la définition internationalement acceptée et largement acceptée du genre, selon notamment l’Article 7 du Statut de Rome. 

Il a demandé la suppression du point du projet d’article 2 définissant comme crime contre l’humanité « d’autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale », ainsi que la disposition disant que le projet d’article définissant les crimes contre l’humanité est « sans préjudice de toute définition plus large prévue par tout instrument international, par le droit international coutumier ou par la loi nationale ».  Il les a jugés trop ambigus, vagues et porteurs du risque de conduire à des définitions litigieuses.  Il s’est en revanche félicité des suggestions faites lors de la discussion pour élargir la liste des crimes et a notamment appuyé les suggestions du Cameroun.

Mme ZOE RUSSELL (Nouvelle-Zélande) a noté que le projet d’articles représente une occasion de combler une lacune dans le cadre juridique international, en particulier en ce qui concerne la coopération entre États sur la prévention des crimes contre l’humanité ainsi que dans le domaine de la responsabilité de l’État.  À cet égard, il constitue une étape importante dans les efforts internationaux visant à garantir la prévention des crimes graves et l’établissement des responsabilités.  La déléguée a exprimé son appui à l’élaboration d’une convention basée sur le projet d’articles, qui a été formulé de manière à compléter le Statut de Rome de la CPI et d’assurer la cohérence du droit international.  Il serait toutefois utile d’orienter les discussions sur la substance de chaque article plutôt que sur le Statut de Rome, a fait valoir la représentante.

Mme LUCIA TERESA SOLANO RAMIREZ (Colombie) a déclaré au sujet de l’article 2 qu’outre l’utilité d’avoir une définition précise des crimes en cause dans un instrument de droit pénal international, la définition proposée est nécessaire du point de vue du droit interne.  Il ne fait en effet aucun doute que lorsque l’État se conforme à cette obligation, la définition matérielle du comportement punissable inscrite dans la législation nationale doit être totalement compatible avec la définition générique envisagée à l’article 2, a-t-elle ajouté.  Par ailleurs, la représentante a estimé que la définition de la persécution est peut-être trop étroite et qu’il serait préférable d’utiliser des concepts plus larges contenus dans le droit international coutumier et dans la jurisprudence des tribunaux régionaux tels que la Cour interaméricaine des droits de l’homme.  En ce qui concerne le projet d’article 3, la représentante a souligné que sans préjuger de la nature pénale des crimes contre l’humanité, une interdiction expresse est établie pour les États de se livrer à ces actes.  Cette interdiction est pertinente, et la Colombie se félicite que cet article traite des crimes contre l’humanité non pas exclusivement d’un point de vue punitif, mais reconnaisse plutôt l’obligation de chaque État de ne pas commettre de tels actes.  Enfin, elle a noté avec satisfaction que le projet d’article 4 approfondit l’obligation de prévenir les crimes contre l’humanité établis au paragraphe 2 du projet d’article 3, cette obligation étant élargie à la prévention d’actes pouvant être constitutifs de crimes contre l’humanité.

À la suite d’interventions sur la définition de la persécution, le représentant du Brésil s’est demandé si une telle définition ne risque pas de mener à l’interprétation qu’il ne s’agit pas d’un crime indépendant, mais d’une simple facette des crimes contre l’humanité.  À ses yeux, la persécution devrait être considérée comme un crime en soi. 

M. EVGENY A. SKACHKOV (Fédération de Russie) a rappelé que le Statut de Rome ne compte qu’un nombre limité d’États parties et qu’en conséquence, une définition du crime contre l’humanité alignée sur celle dudit Statut ne peut constituer un bon point de départ pour les discussions.  En outre, la définition de ce crime donnée par le Statut de Rome ne se retrouve pas forcément dans les législations nationales des pays qui l’ont défini.  Il faut aussi garder à l’esprit, a poursuivi le représentant, que le Statut de Rome n’est pas le seul traité international qui donne une définition de ce crime.  Il a cité la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité qui reprend la définition du crime donnée par le Statut du Tribunal militaire de Nuremberg.  Pourquoi ne pas nous en inspirer? a-t-il demandé. 

Le représentant a par ailleurs regretté que le projet d’articles énumère différents éléments qui font que l’on ne comprend pas très bien ce qu’est un crime contre l’humanité.  Une telle situation pourrait compliquer l’application du droit, notamment pour les États qui disposent déjà dans leur législation nationale de leur propre définition, a-t-il prévenu.  Il a cité les propos de certaines délégations sur la définition des disparitions forcées donnée dans l’article 2, laquelle reprend celle du Statut de Rome, mais est différente de celle donnée par la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.  La Russie, a-t-il avoué, n’est pas convaincue qu’une « énumération mécanique » de crimes soit la bonne voie.  Le représentant a jugé « intéressantes » les propositions de plusieurs autres délégations, comme l’Iran ou le Cameroun.  Il a aussi suggéré que la privation de l’accès d’une population à l’alimentation, le renversement d’un Gouvernement ou le néonazisme pourraient également être considérés comme des crimes contre l’humanité.  Il a par ailleurs reproché à l’article 3 de ne pas préciser ce que pourraient être les « circonstances exceptionnelles » que des États pourraient être tentés d’invoquer pour échapper à leur obligation générale de prévenir des crimes contre l’humanité.  Concernant l’article 4 relatif à la prévention, il a estimé qu’il ne fait pas assez référence aux législations internes des États. 

Mme GRANDJEAN (Belgique) s’est réjouie de voir que l’article 2 définit le crime contre l’humanité dans des termes similaires à ceux de l’Article 7 du Statut de Rome.  Il s’agit également de la définition que la Belgique a introduite en 1999 dans son Code pénal lors de l’incrimination en droit belge des crimes contre l’humanité, a-t-elle fait observer, avant de saluer la suppression de la définition du genre telle que reprise dans le Statut de Rome.  Comme expliqué dans le commentaire du projet d’article 2, il convient de tenir compte des développements intervenus au cours des vingt-cinq dernières années en droit international des droits humains et en droit pénal international, et particulièrement en ce qui concerne les crimes sexuels et à caractère sexiste, a-t-elle estimé.  Pour la déléguée, une convention qui ne refléterait pas, dans sa définition du genre, l’état actuel du droit international pourrait marginaliser les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres ou intersexuées (LGBTQI+) ainsi que d’autres groupes, et risquerait d’entraîner une plus grande impunité pour les crimes sexuels et à caractère sexiste qui constitueraient des crimes contre l’humanité.

Concernant l’article 3, elle a signalé que la Belgique estime que l’obligation de prévention et celle de répression constituent deux obligations distinctes même si la poursuite des crimes contre l’humanité participe sans aucun doute à la prévention de ces derniers, par effet de dissuasion.  Par ailleurs, elle a jugé particulièrement utile que l’article 3 précise explicitement, en son paragraphe 3, qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de conflit armé, d’instabilité politique intérieure ou d’un autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier des crimes contre l’humanité.  Enfin, s’agissant de l’article 4, la représentante a mis l’accent sur la nécessaire coopération internationale entre États, mais également sur la coopération des États avec les organisations intergouvernementales pertinentes.  Si ces dernières ont sans aucun doute un rôle à jouer en termes de prévention, elles ont également des responsabilités importantes en matière de répression des crimes contre l’humanité, a-t-elle conclu.

M. JOSE JUAN HERNANDEZ CHAVEZ (Chili) a souscrit à l’approche générale de l’article 2 en ce sens qu’il fournit une définition conforme au Statut de Rome de la CPI.  Il a toutefois estimé que ce critère général peut faire l’objet d’ajustements pour tenir compte de l’évolution réglementaire depuis 1998 et d’un deuxième aspect de fond, à savoir que l’objet du projet d’articles est différent du Statut de Rome, puisque le projet d’articles ne vise pas à conférer ou délimiter la compétence d’un tribunal international, mais plutôt à prévenir et punir la commission de crimes contre l’humanité.  Selon le représentant, une future convention devrait être appliquée par des tribunaux nationaux disposant d’une base juridictionnelle pour poursuivre tous les crimes contre l’humanité.  À cette fin, le Chili ne propose pas de s’écarter complètement du Statut de Rome, qui constitue une base très raisonnable pour discuter de la définition des crimes contre l’humanité, mais il considère que, dans une future négociation, les États pourraient envisager d’incorporer certains éléments dans les comportements définis à l’article 2, en vue d’assurer la cohérence dans la mise en œuvre future d’un instrument juridiquement contraignant. 

S’agissant de l’article 3, le représentant a estimé qu’il constitue une base acceptable pour entamer une discussion sur la manière de mettre en œuvre les obligations découlant du droit coutumier en la matière, tant pour prévenir que pour réprimer les crimes contre l’humanité.  Les trois paragraphes de ce projet d’article reflètent les obligations découlant de l’interdiction coutumière de ces faits illicites, a-t-il convenu, avant de proposer que le premier paragraphe débute par les mots « Chaque État a l’obligation... ». 

M. YONG-ERN NATHANIEL KHNG (Singapour) a exprimé son accord avec la disposition de l’alinéa b) du projet d’article 4 qui fait obligation aux États de s’efforcer de prévenir les crimes contre l’humanité en coopération avec d’autres États et organisations internationales.  Il faudrait toutefois selon lui préciser la portée d’une telle obligation, et notamment le lien qui existe entre ce projet d’article et l’obligation de prendre des mesures liminaires au regard de l’article 9 et de garantir l’entraide judiciaire visée à l’article 14. 

Mme CROCKETT (Canada) a appuyé la décision de la CDI de ne pas définir le sexe dans le projet de convention, compte tenu de l’évolution des crimes sexuels.  Elle s’est ensuite demandé si la définition de certains crimes contre l’humanité doit être élargie et a soutenu du concept d’omission.  Il faudrait en outre préciser plus avant la définition de violences sexuelles et fondées sur le genre, constitutives pour certaines de crimes contre l’humanité, a encore souligné la déléguée.  Par ailleurs, le Canada ne recommande pas de laisser entendre que seuls des motifs universellement reconnaissables en regard du droit internationale peuvent conduire à la répression des crimes.  Quant à la définition d’une attaque contre une population civile, elle a appelé à une réflexion afin de savoir s’il faut garder la notion que cet acte est commis conformément à une politique.  Enfin, elle a salué le fait que le projet d’article 4 précise qu’une convention ne modifierait pas le droit international humanitaire.

M. ERKAN (Türkiye) a estimé que, dans la définition du crime contre l’humanité, la notion d’attaques « généralisées et systématiques » menées contre des populations civiles est pour le moins ambiguë.  Afin d’éviter toute ambiguïté à ce sujet, il a proposé que les termes « généralisées » et « systématiques » soient traités comme des éléments distincts.  Le représentant a d’autre part rappelé que le Statut de Rome indique que les personnes sont responsables de la commission de crime de génocide.  Il a ajouté qu’à l’article 4 de la Convention sur les crimes de génocide, il est dit que la personne se rendant coupable de génocide ou d’autres actes visés à l’article 3 doit être punie.  Il a également relevé que, selon le premier paragraphe de l’article 3 du projet, l’État a l’obligation de ne de pas se livrer à des actes constitutifs de crime contre l’humanité.  Comme l’État ne peut pas être coupable de crime de génocide, il ne peut pas non plus être coupable de crime contre l’humanité, a-t-il fait valoir, jugeant dès lors que les commentaires de l’article 3 ne sont pas convaincants.  Il s’est donc dit favorable à la suppression du premier paragraphe de l’article 3.  Enfin, pour ce qui est de l’article 4 sur l’obligation de la prévention, le délégué a estimé que l’approche actuelle présente des obligations bien trop nombreuses et trop vastes. 

Mme ALINA J. LLANO (Nicaragua) a souhaité la mise en place d’une justice pénale internationale impartiale, non politisée et complémentaire des juridictions nationales.  Elle s’est toutefois inquiétée du lien existant entre les définitions proposées dans le projet d’articles et le Statut de Rome de la CPI, qui n’a pas de portée universelle.  Les pays qui demandent de faire avancer cette question sans consensus ne semblent pas se préoccuper, avec la même urgence, des causes fondamentales du sous-développement, de la pauvreté et des problèmes structurels à la base des conflits, a fait observer la représentante.  Il incombe à chaque État souverain de choisir sa législation interne, y compris son droit pénal, a-t-elle insisté. 

La représentante des Philippines a indiqué qu’en l’état, son pays pourrait soutenir l’article 2, avec les révisions suggérées: l’article 2(1)(a) pourrait, a-t-elle dit, se lire « homicide volontaire » au lieu de meurtre.  Il faudrait ajouter à l’article 2(1)(d) le mot « arbitraire » pour lire « la déportation arbitraire ou le transfert forcé de population », et, à l’article 2(1)(h) « l’orientation sexuelle » après le mot « genre » de sorte que la liste inclue la persécution fondée sur ce motif, a poursuivi la représentante.  Elle a également soutenu le projet d’article 2(3) étant entendu que si un État souhaitait adopter ou conserver une définition plus large dans sa législation nationale, le projet d’articles ne l’en empêcherait pas.  D’autre part, la représentante a fait remarquer qu’en vertu du droit philippin, aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier des crimes contre l’humanité, ce que le paragraphe 3 de l’article 3 le précise également.  Enfin, elle a indiqué que son pays s’est depuis longtemps conformée à l’obligation contenue dans l’article 4 (a), en prenant des mesures législatives pour prévenir les crimes contre l’humanité.

Mme ALESSANDRA FALCONI (Pérou) a jugé essentiel de préciser à l’article 2 que les crimes contre l’humanité peuvent être commis en temps de conflit armé, en temps de guerre mais aussi en temps de paix, ce qui est conforme à la pratique internationale.  Pour ce qui est de l’article 3, où apparaît la définition du crime contre l’humanité, elle a estimé que la persécution d’un groupe, évoquée à l’alinéa h) du premier paragraphe, doit être comprise comme un acte de crime contre l’humanité, sans lien avec le crime de génocide ou le crime de guerre.  En outre, a-t-elle poursuivi, la disparition forcée des personnes abordée à l’alinéa e) du premier et du deuxième paragraphes ne devrait pas comporter la mention « pendant une longue période ».  Enfin, après avoir plaidé pour une approche préventive, grâce à des mesures législatives, réglementaires et judiciaires, elle a souhaité que la répression de ces crimes soit abordée dans une future convention. 

M. MHD. RIYAD KHADDOUR (Syrie) a fait remarquer que la principale lacune des définitions n’a pas trait aux catégories des violations, qui sont déjà acceptées par tous.  Il a cependant proposé d’y ajouter les blocus, la condamnation à la famine ou encore la déstabilisation des États.  Qui peut décider s’il y a eu attaque généralisée ou systématique contre des populations civiles sinon un autre État? s’est demandé le représentant.  Il ne suffit pas de reproduire des notions vagues et de les promouvoir comme si c’étaient des acquis, a-t-il argué, avant de trancher: la définition proposée est vague et se borne à mentionner des attaques généralisées contre des civils, sans définir aucun de ces termes.

Mme LOUREEN SAYEJ, de l’État de Palestine, a appuyé une définition plus large de « toute population civile », notamment en ce qui concerne la qualification d’une population comme civile dans les conflits armés et la nature collective du crime.  Quant au « en connaissance de l’attaque », la déléguée s’est dite en accord avec la jurisprudence et les commentaires de la CDI, selon lesquels le motif de l’auteur pour avoir participé à l’attaque n’est pas pertinent.  Rien ne justifie des attaques généralisées ou systématiques contre une population civile, a-t-elle ajouté.  S’agissant de « conformément à ou dans le prolongement d’une politique de l’État ou d’une organisation », la déléguée s’est dite d’avis qu’une telle politique n’a pas nécessairement besoin d’être formalisée et peut être déduite de la manière dont les actes se produisent.  Il est important que nous puissions déduire une politique de la manière dont les actes sont commis, a-t-elle insisté.  En ce qui concerne les articles 3 et 4, Mme Sayej a rappelé que l’idée centrale du projet d’articles est de renforcer les lois et la juridiction nationale en ce qui concerne les crimes contre l’humanité et de placer les États parties dans une relation de coopération pour prévenir et punir ces crimes.  Elle a donc jugé essentiel que l’obligation de prendre des mesures internes ne violent pas les normes du droit international, y compris les règles relatives à l’usage de la force et aux droits de l’homme.

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