Soixante-dix-septième session,
37e & 38e séances plénières, matin & après-midi
AG/J/3679

La Sixième Commission reprend ses travaux de fond sur les crimes contre l’humanité et la recommandation de la CDI pour une convention internationale

La Sixième Commission de l’Assemblée générale, chargée des questions juridiques, est appelée à se pencher à nouveau cette semaine sur la question des crimes contre l’humanité et sur la possibilité d’élaborer une convention universelle suivant la recommandation de la Commission du droit international (CDI) faite en 2019.

À l’ouverture de la session, ce matin, le Président de la Sixième Commission, M. Pedro Comissário Afonso (Mozambique), a rappelé que l’Assemblée générale avait décidé en décembre dernier que la Commission reprendrait sa session pendant cinq jours, du 10 au 14 avril 2023, et pendant six jours, du 1er au 5 avril et le 11 avril 2024, afin d’échanger des opinions de fond, « notamment de façon interactive », sur tous les aspects du projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, adopté par la CDI. 

Par cette résolution**, inédite depuis 2006, l’Assemblée a également demandé à la Sixième Commission d’examiner plus avant la recommandation formulée par la CDI concernant l’élaboration, par elle ou par une conférence internationale de plénipotentiaires, d’une convention fondée sur ledit projet. 

Le document à l’étude est composé d’un projet de préambule, de 15 projets d’articles et d’un projet d’annexe, avec les commentaires relatifs.  La Sixième Commission a décidé de structurer ses échanges de vues autour de cinq groupes thématiques (clusters): groupe 1–dispositions liminaires (préambule et article 1); groupe 2-définition et obligations générales (articles 2, 3 et 4); groupe 3- mesures nationales (articles 6, 7, 8, 9 et 10); groupe 4- mesures internationales (articles 13, 14 et 15 et annexe);groupe 5-garanties (articles 5, 11 et 12). 

Dans la tradition des « mini débats » de la CDI, un format interactif a été adopté pour permettre aux délégués de réagir aux déclarations de leurs homologues lors des réunions plénières.  Trois cofacilitateurs ont été nommés pour guider les interventions: Mme Sarah Zahirah Binti Ruhama (Malaisie), M. Edgar Daniel Leal Matta (Guatemala) et Mme Anna Pála Sverrisdóttir (Islande). 

Près d’une cinquantaine de pays ont pris la parole aujourd’hui sur le premier groupe thématique, notamment le projet de préambule.

L’Union européenne a estimé que, de manière générale, le projet d’articles ne soulève pas de questions nouvelles.  C’est le résultat de cinq années de travail intense de la part de la CDI, un organe d’experts juridiques respecté, a rappelé la représentante.  Ledit projet constitue donc selon elle une « base importante et solide » pour préparer une convention qui comblerait la lacune existante en droit international conventionnel, un argument appuyé par les États-Unis, le Mexique, l’Afrique du Sud ou l’Australie.

La persistance d’idées très divergentes sur le projet d’articles fait peser un doute sur la viabilité même de son devenir, a pour sa part tranché la Fédération de Russie.  Elle a reproché à « un groupe de pays » d’avoir décidé que le système existant était lacunaire.  Outre la Russie, la Chine, l’Égypte et l’Inde ont critiqué la mention du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) dans le préambule, soulignant qu’il ne s’agit pas d’un instrument universel.  Un instrument portant spécifiquement sur les crimes contre l’humanité « ne doit pas reprendre mot pour mot le Statut de Rome », a fustigé l’Iran.  Le projet d’articles devrait plutôt proposer une définition consensuelle, afin que les États ne soient pas « confinés dans la camisole du Statut de Rome », a imagé le Cameroun.

Si la définition contenue dans l’Article 7 du Statut de Rome de la CPI a servi de modèle à la définition retenue dans le projet d’articles, le fait d’être un État partie au Statut de Rome n’est pas une condition préalable à l’adhésion à une convention sur les crimes contre l’humanité, ont pourtant nuancé l’Union européenne et divers intervenants.

Une majorité de pays, dont le Bangladesh et la Gambie, ont encore vanté la pertinence des deux grands objectifs visés par le projet d’articles, à savoir la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, et noté que l’interdiction de tels crimes a été acceptée comme une norme impérative du droit international (jus cogens).  Toutefois, la Chine a souhaité que le principe de non-ingérence guide les débats et tout processus normatif à l’avenir.

La Commission a observé en début de journée une minute de silence à la mémoire de Ben Ferencz, le dernier procureur encore en vie des procès de Nuremberg, décédé le 7 avril aux États-Unis à l’âge de 103 ans.  Le Président a salué « un fervent défenseur de la justice internationale ».

La Commission poursuivra ses travaux demain, mardi 11 avril, à partir de 10 heures.

* A/74/10
** A/RES/77/249 

EXAMEN DU PROJET D’ARTICLES SUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL (CDI) 

Déclarations

Groupe thématique 1: dispositions liminaires (préambule et article 1)

Mme SIMONA POPAN, de l’Union européenne, a commencé par insister sur la nécessité d’une convention sur les crimes contre l’humanité, qui ne sont toujours pas couverts par une convention internationale spécifique, contrairement aux autres « crimes internationaux ».  Il y a là une importante lacune normative dans le droit international des traités qu’il convient de combler, a-t-elle insisté, avant de faire valoir qu’une telle convention renforcerait aussi la prévention et la répression au niveau national, ainsi que la coopération interétatique dans les enquêtes et les sanctions à l’encontre des auteurs de crimes contre l’humanité.

Pour l’Union européenne (UE), le projet d’articles de la CDI constitue une « base importante et solide » pour une convention internationale.  Il s’inspire des dispositions relatives à la prévention, à la répression et à la coopération interétatique figurant dans d’autres traités comme la Convention sur le génocide de 1948, la Convention contre la torture de 1984 et la Convention contre la corruption de 2003, textes qui ont été largement ratifiés.  Favorable aux discussions, l’Union européenne estime que, de manière générale, le projet d’articles ne soulève pas de questions entièrement nouvelles.  Il est en outre le résultat de cinq années de travail intense de la part de la CD, un organe d’experts juridiques respecté, a rappelé la représentante.

Concernant le préambule, Mme Popan a estimé qu’il clarifie un certain nombre de questions importantes, notamment par le rappel que l’interdiction des crimes contre l’humanité est une norme impérative du droit international et qu’il est du devoir de chaque État d’exercer sa compétence pénale interne à l’égard des personnes responsables de tels crimes, conformément au principe établi selon lequel la protection de la population incombe en premier lieu à chaque État.  Si la définition contenue dans l’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) a servi de modèle à la définition retenue dans le projet d’articles sur les crimes contre l’humanité, le fait d’être un État partie au Statut de Rome n’est pas une condition préalable à l’adhésion à une convention sur les crimes contre l’humanité, a ajouté la représentante.

Concernant le champ d’application matériel de la convention, l’Union européenne estime que les questions non régies par une convention sur les crimes contre l’humanité continueraient de l’être par d’autres règles de droit international, y compris le droit international coutumier.  La codification du droit existant n’est pas l’objectif, qui est plutôt la rédaction d’articles à la fois efficaces et acceptables pour les États.  Pour l’UE, cet objectif a été atteint. 

Enfin, la représentante a rendu hommage à Ben Ferencz, décédé vendredi dernier, qui était le dernier procureur de Nuremberg encore en vie et a invité à s’inspirer de son « plaidoyer de l’humanité en faveur du droit » et de son credo: « N’abandonnez jamais.  N’abandonnez jamais.  N’abandonnez jamais. »

Mme SIGRID WALSOEE SOERENSEN (Danemark), au nom des pays nordiques, a déclaré que, parmi les crimes internationaux les plus graves, les crimes contre l’humanité manquent d’une convention dédiée.  Bien qu’ils soient clairement interdits par le droit international, ces crimes sont une réalité atroce dans le monde entier, a-t-elle ajouté, jugeant que la communauté internationale ne plus tolérer que les civils souffrent tandis que les auteurs des crimes les plus odieux jouissent d’une impunité inacceptable.  Elle a estimé à ce propos que le démarrage sans délai de l’élaboration d’une nouvelle convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité marquerait un pas dans la bonne direction.  « Les pays nordiques considèrent ainsi que le projet d’articles constitue une base solide pour une telle convention. »

Les pays nordiques estiment que le préambule fournit un cadre conceptuel équilibré et bien rédigé pour le projet d’articles, exposant le contexte historique et juridique dudit projet.  Il met en évidence le lien avec le maintien de la paix et de la sécurité, affirme la nécessité d’une prévention des crimes contre l’humanité conformément au droit international et souligne que cette prévention progresse en mettant fin à l’impunité des auteurs de tels crimes.  Pour la représentante, le préambule rappelle « surtout » que l’interdiction des crimes contre l’humanité est une norme impérative du droit international. 

Concernant le premier article sur la portée du projet d’articles, elle a jugé vitales la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, le double objectif du projet d’articles à ce niveau étant nécessaire pour ambitionner la convention la plus efficace possible pour mettre fin aux atrocités.  D’ailleurs, comme le souligne le préambule, les obligations de prévenir et de punir vont de pair, a-t-elle conclu. 

Mme ELVIRA CUPIKA-MAVRINA (Lettonie), s’exprimant au nom des pays baltes, a tenu à rappeler que la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine a statué que de nombreuses violations du droit international et du droit international humanitaire ont été commises en Ukraine, alors que la CPI a émis un mandat d’arrêt pour les crimes commis par la Fédération de Russie.  Elle a approuvé le préambule du projet de convention tel que présenté, estimant qu’il fournit le contexte des crimes contre l’humanité qui continuent de secouer la conscience de l’humanité.  Les responsables de tels crimes ne doivent pas être en mesure d’échapper à la justice, a-t-elle prévenu. 

M. AHMED ABDELAZIZ AHMED ELGHARIB (Égypte) a reconnu que de larges écarts subsistent entre les États Membres sur de nombreux aspects de ces projets d’articles depuis leur adoption en 2019 par la CDI.  Il a jugé de la plus haute importance de rappeler la raison d’être du processus en cours, à savoir engager des discussions approfondies sur les projets d’articles et les recommandations de la CDI.  Toutes les options seront ouvertes lors de la soixante-dix-neuvième session de l’Assemblée générale, a-t-il rappelé, et les délégations ne devraient poursuivre aucun « résultat prédéterminé », mais plutôt identifier les domaines de convergence et tenter de résoudre leurs différences, sur la base d’un consensus et guidées par des instruments internationaux similaires bénéficiant d’une acceptation universelle. 

S’agissant du projet d’articles relevant du premier groupe thématique, le délégué s’est dit d’avis que la référence au Statut de la CPI dans le préambule devrait être supprimée puisqu’il s’agit d’un instrument qui ne jouit pas d’une composition universelle.  En outre, le paragraphe du préambule portant sur le « devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction pénale les crimes contre l’humanité » devrait être limité aux cas où un lien clair est établi entre l’État exerçant sa compétence et le crime.

M. ARIEL RODELAS PEÑARANDA (Philippines) a estimé que le projet de préambule suivait largement le langage du Statut de Rome de la CPI.  Il a en outre rappelé la CDI n’était pas la seule à avoir rappelé que l’interdiction des crimes contre l’humanité était une norme impérative du droit international général (jus cogens) et s’est dit prêt à soutenir une formulation plus forte en ce qui concerne la coopération internationale. 

Concernant le projet d’article 1, les Philippines soutiennent la formulation actuelle sur le champ d’application.  Par ailleurs, le représentant a ajouté que si le projet à l’étude devait devenir la base d’une convention juridiquement contraignante, son pays satisferait déjà à l’obligation du projet d’article 6 sur l’incrimination en droit national puisque les Philippines ont adopté dès 2009 une loi sur les crimes contre le droit international humanitaire, le génocide et les autres crimes contre l’humanité.  Cette loi, a-t-il fait observer, comprend un chapitre substantiel sur la protection des victimes et des témoins, et en particulier sur les réparations. 

M. MICHAEL HASENAU (Allemagne), notant qu’il n’existe actuellement aucune convention régissant la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, a estimé qu’un tel instrument international compléterait le droit des traités sur les crimes les plus graves et favoriserait la coopération interétatique en matière de prévention, d’enquête et de poursuite.  Nous devons combler cette importante lacune pour renforcer la responsabilité et traduire les auteurs de ces crimes devant une juridiction ayant compétence universelle, en particulier en promouvant la prévention et la répression au niveau national comme stipulé dans le préambule et l’article 1 du projet d’articles, a-t-il ajouté.  Le représentant s’est félicité des recommandations formulées par la CDI, lesquelles bénéficient d’un large soutien dans l’ensemble de la communauté internationale.  Il a estimé que les suggestions des différents partenaires ayant été soigneusement évaluées et débattues, « il est temps d’aller de l’avant en s’engageant dans l’élaboration d’une convention sur cette base solide que constitue le projet d’articles ». 

Mme ANA JIMENEZ DE LA HOZ (Espagne) a estimé que le projet d’articles de la CDI contient des éléments importants tels que les définitions, l’introduction de ces crimes dans les législations nationales et la coopération internationale.  Il ne s’agit pas de négocier le texte de la future convention, a-t-elle rappelé, mais plutôt d’établir une base commune appropriée pour réfléchir au moment et à la manière d’entamer une telle négociation.  S’agissant du premier groupe thématique, la représentante s’est félicitée du fait que la définition des crimes contre l’humanité inclue dans le projet d’articles coïncide avec celle qui figure dans le Statut de Rome de la CPI.  Afin d’éviter la fragmentation, il est selon elle essentiel que le droit international pénal soit « unique dans sa typologie ».  Le Statut de Rome a été un grand pas en avant que nous voulons préserver et développer, a-t-elle ajouté.  Pour avancer dans nos travaux, nous devons promouvoir la responsabilité de ceux qui ont commis des crimes contre l’humanité et prévenir la commission de tels crimes à l’avenir, tout en veillant à ce que les victimes obtiennent justice. 

M. EMIL RUFFER (République tchèque) a estimé que le projet de la CDI constituait une « excellente base » pour les négociations et la future convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  De nombreuses dispositions du projet ont été modelées sur les dispositions existantes d’autres conventions internationales largement soutenues, s’est-il félicité.  Il a également apprécié que les articles ne soient pas trop normatifs, ce qui permet aux États de les mettre en œuvre conformément à leur système juridique et à leur pratique.  Ceci devrait encourager la ratification et l’acceptation générale des articles lorsqu’une convention sera conclue.  Les discussions actuelles faciliteront les négociations et l’adoption future de la convention, a prédit le représentant.

M. Ruffer a estimé que le préambule résume bien les principes de base sur lesquels la future convention devrait être fondée.  Il a noté avec satisfaction que le préambule qualifie expressément l’interdiction des crimes contre l’humanité de « norme impérative du droit international général », ce qui est largement reconnu.  Quant à l’article 1 du projet, le représentant a estimé qu’il souligne à juste titre l’importance du projet d’articles et ses deux objectifs principaux, à savoir la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Il a constaté que des dispositions similaires figurent à l’article 1 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Mme SIMAN (Malte) a salué la nouvelle portée des travaux de la Commission, qui s’attelle désormais à des échanges de fond sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  S’agissant du préambule du projet d’articles, elle a estimé qu’il peut jouer un rôle essentiel dans l’application du droit à ce niveau, notamment en ce qu’il reflète le cadre général du projet d’articles en se fondant sur les préambules de traités existants sur les crimes les plus graves.  La représentante a également salué le consensus de la CDI qui reconnaît, toujours au préambule, que les crimes contre l’humanité font partie du jus cogens.  La coopération internationale est nécessaire pour mettre fin aux violations qui frappent la légitimité du jus cogens, a-t-elle insisté.  Enfin, elle s’est félicitée du double objectif et de la portée de l’article 1 du projet d’articles en matière de prévention et de répression des crimes contre l’humanité. 

M. YANG LIU et Mme YANRUI ZHAO (Chine) ont pris la parole à tour de rôle pour rappeler que les projets d’article proposés par la CDI ne constituent pas un avant-projet pour des négociations devant mener à une convention, pas plus que les discussions qui seront menées au cours de cette reprise de session de la Sixième Commission.  Pour ce faire, nous devrons d’abord approfondir nos discussions après les deux reprises de session de la Sixième Commission, a insisté Mme Zhao, sur la base du consensus et dans l’esprit de la résolution 77/249 de l’Assemblée générale.  La représentante a jugé « trop vague » le troisième paragraphe du préambule sur les crimes contre l’humanité.  Les principes de l’égalité souveraine des États et de la non-ingérence dans les affaires des États doivent, selon elle, figurer sur la liste contenue dans le préambule.  La souveraineté législative et judiciaire des États doit aussi être sauvegardée, a-t-elle ajouté.  À ses yeux, le principe de non-ingérence doit guider les débats et tout processus normatif à l’avenir, dans le respect du droit international et de la Charte des Nation Unies.  S’agissant de la mention « l’interdiction des crimes contre l’humanité constitue une norme impérative du droit international général (jus cogens) » contenue dans le préambule, la déléguée a argué qu’une norme impérative doit être reconnue dans son intégralité par la communauté internationale, en soulignant à cet égard l’importance de la pratique nationale des États.  Elle a jugé « inappropriée » la mention du Statut de Rome de la CPI dans le préambule, estimant qu’il ne s’agit pas d’un instrument universel. 

Mme LUCIA TERESA SOLANO RAMIREZ (Colombie) a rappelé l’engagement indéfectible de son pays dans la lutte contre les crimes les plus graves.  L’adoption d’un nouvel instrument international contraignant en la matière constituerait donc un progrès.  Rappelant l’histoire de la Colombie et les crimes qui y ont été commis, la représentante a jugé que son pays pouvait se présenter devant la Sixième Commission avec « l’autorité morale des pays qui ont subi de tels crimes et en ont tiré des enseignements ».  L’approche adoptée par les projets d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité est la bonne, a estimé la représentante.  Concernant le préambule, la Colombie est d’accord sur le fait que l’interdiction des crimes contre l’humanité relève du jus cogens.  S’agissant de l’article 1, il est clair que l’objectif est la prévention puis la répression des crimes contre l’humanité, y compris par le biais de la coopération et de l’entraide internationales, mais en se concentrant sur les mesures qui pourraient être prises au niveau national.  La représentante a estimé qu’il n’y a pas là de conflit avec le Statut de Rome de la CPI, mais complémentarité.  Elle a en outre indiqué qu’elle entendait réagir aux interventions des autres États afin que le travail de la Sixième Commission puisse avancer. 

M. CHANAKA LIAM WICKREMASINGHE (Royaume-Uni) a estimé que l’absence d’une convention multilatérale générale établissant un cadre pour la poursuite nationale des crimes contre l’humanité constitue une lacune « indéfendable », dans la mesure où il existe des instruments pour d’autres crimes graves tels que le génocide et les crimes de guerre.  Il s’est dit favorable à la modification du paragraphe 1 du préambule afin qu’il fasse référence aux « personnes » dans leur ensemble plutôt qu’aux « enfants, femmes et hommes ».  Le représentant s’est dit favorable à l’inclusion d’un libellé dans le préambule sur l’importance d’une approche centrée sur les survivants et d’inclure une référence à la réparation des dommages matériels et moraux, telle que précisée au paragraphe 3 du projet d’article 12.  Concernant le huitième paragraphe du préambule, le délégué a fait valoir qu’il devrait être reformulé pour rappeler qu’il est primordial que les États exercent leur compétence pénale à l’égard des crimes contre l’humanité.  Enfin, en ce qui concerne l’article 1, il a noté qu’il met en évidence les deux objectifs principaux des articles, à savoir la prévention et la répression.

M. MOHAMMAD GHORBANPOUR NAJAFABADI (Iran) a considéré que le préambule de chaque instrument international constitue l’une de ses parties les plus importantes et que le principe de non-intervention dans les affaires intérieures des États contenu dans la Charte des Nation Unies devrait y figurer.  Ce principe est à ses yeux le plus pertinent de ce projet d’articles.  Il a fait valoir que tous les principes pertinents du droit international relatifs audit projet, y compris l’immunité des représentants de l’État et l’immunité des États et de leurs biens, n’ont pas été incorporés selon lui de manière adéquate dans la Charte des Nations Unies.  Par conséquent, le représentant a proposé de supprimer la dernière partie du troisième paragraphe du préambule portant sur les principes pertinents du droit international.  Il n’existe à ses yeux aucun « vide juridique » concernant la répression des crimes contre l’humanité dans le droit international.  Considérant en outre qu’un instrument portant spécifiquement sur les crimes contre l’humanité « ne doit pas reprendre mot pour mot le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) », le délégué a encore proposé de supprimer la référence à l’Article 7 du Statut de Rome ou de remplacer le terme « Considérant » par le terme « Notant » dans le septième paragraphe du préambule.

M. WIETEKE ELISABETH CHRISTINA THEEUWEN (Pays-Bas) a indiqué que, pour préparer leurs commentaires sur les projets d’articles de la CDI, les Pays-Bas demandaient toujours l’avis du Comité consultatif pour les questions de droit international, un organe consultatif indépendant.  Il a annoncé qu’il y ferait référence dans ses interventions.  L’interdiction des crimes contre l’humanité était une norme impérative du droit international général, applicable à tous les États et sans dérogation possible, a déclaré le représentant.  Les Pays-Bas se félicitent donc des clauses relatives au caractère de jus cogens de cette interdiction inclue dans le préambule.  Le représentant a également estimé qu’il pouvait être utile, comme le fait le préambule, de s’inspirer d’instruments juridiques déjà existants.  Les Pays-Bas soutiennent donc l’approche de la CDI consistant à conserver l’essentiel de la définition des crimes contre l’humanité contenue dans le Statut de Rome de la CPI.  En ce qui concerne l’article 1, le représentant a rappelé que les projets d’articles et une éventuelle future convention devraient s’appliquer à la fois à la prévention et à la répression des crimes contre l’humanité. 

M. VICTOR SILVEIRA BRAOIOS (Brésil), rappelant l’appui de son pays à l’élaboration d’une convention, a indiqué, concernant le préambule du projet d’articles, qu’il serait positif d’y incorporer une formulation dans l’esprit des paragraphes du préambule du Statut de Rome de la CDI qui font référence aux principes de la Charte des Nations Unies sur l’interdiction générale du recours à la force et la non-ingérence dans les affaires intérieures des États.  Cela dissipera les craintes d’utilisation abusive d’allégations de crime contre l’humanité en tant que prétexte d’agression et d’ingérence dans les affaires intérieures d’un autre État, facilitant ainsi l’adhésion universelle à une future convention sur ces crimes, a-t-il expliqué.  Concernant l’article 1, le représentant s’est félicité de la reconnaissance de l’interdiction des crimes contre l’humanité en tant que norme impérative du droit international.  Nous félicitons également la Commission du droit international et son rapporteur d’avoir proposé un alinéa du préambule qui prend en considération la définition des crimes contre l’humanité énoncées dans le Statut de Rome, a encore noté le représentant, jugeant primordial d’assurer la cohérence dans la poursuite des auteurs de tels crimes aux niveaux national et international. 

M. MAGYAR (Hongrie) a regretté que contrairement aux crimes de guerre et au crime de génocide, les crimes contre l’humanité restent pour la plupart en dehors du cadre des traités.  Il est donc grand temps, a-t-il argué, de combler ce vide juridique au moyen d’une convention qui contribuerait à lutter contre l’impunité et refléterait la détermination de la communauté internationale à cet égard.  Après l’adoption par la CDI du projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, le représentant a jugé le moment venu de négocier et d’adopter un instrument international juridiquement contraignant sur la base dudit projet.

Mme ARIANNA DEL CARMEN CARRAL CASTELO (Cuba) a déclaré qu’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité devrait rappeler comme principe fondamental que la responsabilité première en la matière incombe à l’État sous la juridiction duquel ces crimes ont été commis.  La force contraignante des instruments internationaux découle du consentement des États dans le processus de formation du droit international, a-t-elle dit.  « Nous ne pouvons pas considérer la CDI comme un organe législatif en soi, chargé d’établir des normes de droit international. »  Sur le contenu des projets d’articles, Cuba considère que les dispositions relatives à l’extradition et à l’entraide judiciaire font l’objet de traités internationaux bilatéraux.  Les bases juridiques utilisées dans le projet d’articles pour la définition des crimes contre l’humanité sont liées au Statut de Rome de la CPI alors que, comme plusieurs autres États, Cuba n’y est pas partie, a déploré la représentante.  Or, pour qu’une future convention soit largement acceptée par la communauté internationale, il faudra tenir compte des différences entre les divers systèmes nationaux de droit en vigueur.  En outre, il existe la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité, à laquelle seuls 56 États, dont Cuba, sont parties, alors que de nombreux pays qui soutiennent aujourd’hui la nécessité d’une convention sur les crimes contre l’humanité ne l’ont même pas signée.  Par ailleurs, plus de 80 États négocient actuellement une convention sur l’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition, l’initiative MLA, qui pourrait être considéré comme un complément à l’accord de 1968.  « Étant donné l’incertitude actuelle, Cuba préfère ne pas précipiter le lancement d’une nouvelle négociation complexe. »

La Cofacilitatrice, Mme ANNA PALA SVERRISDOTTIR, est intervenue pour rebondir sur les propos du délégué du Brésil.  Ce dernier a déclaré que ses positions pourraient évoluer au fur et à mesure des échanges, une indication qu’elle saluée, car, a-t-elle rappelé, « il est important que les pays n’oublient pas qu’ils ne sont pas en train de négocier ».  Ainsi, les participants aux échanges seront-ils, peut-être, plus enclins à débattre et échanger en plénière comme ils le font pendant les délibérations privées, a-t-elle espéré.

M. SERGIO AMARAL ALVES DE CARVALHO (Portugal), s’agissant du préambule, a interprété son contenu comme établissant un cadre conceptuel adapté et équilibré pour le projet d’articles, et ce, en définissant le contexte général dans lequel ils ont été élaborés et leurs principaux objectifs.  Nous notons également que le préambule s’inspire en partie du libellé utilisé dans les préambules des traités internationaux relatifs aux crimes les plus graves, notamment la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide et le Statut de Rome de la CPI, a-t-il ajouté.  Le représentant y a salué la référence à la nature de jus cogens des crimes contre l’humanité.  Concernant le projet d’article 1, il a relevé la double portée du projet d’articles qui s’applique à la fois à la prévention et à la répression des crimes contre l’humanité.  Comme d’autres collègues ici présents, nous pensons qu’ils fonctionnent main dans la main et se renforcent mutuellement, a-t-il conclu. 

M. MATÚŠ KOŠUTH (Slovaquie) a considéré que les projets d’articles forment un ensemble « de grande qualité et bien équilibré » qui pourrait servir de base solide aux négociations entre les États.  Le représentant s’est dit d’accord avec la CDI sur le contraste existant entre la réglementation internationale des crimes contre l’humanité et celle portant sur d’autres crimes internationaux, comme le génocide et les crimes de guerre, contraste d’autant plus frappant que les crimes contre l’humanité ne sont pas une nouveauté en droit international.  Or, a-t-il ajouté, l’absence d’un instrument conventionnel spécifique sur les crimes contre l’humanité n’est pas qu’un problème théorique: elle a de graves répercussions sur la vie de millions de victimes de crimes commis dans de nombreux cas en toute impunité.  Pour le représentant, le projet d’articles présente l’avantage de mettre au premier plan la prévention, la coopération internationale entre les États et les intérêts des victimes.  En outre, s’il devient une convention, il renforcera la responsabilité première des États dans la poursuite des crimes contre l’humanité. 

Pour le représentant, le début du préambule est conforme au langage habituel des traités et à d’autres produits de la CDI, et permet de définir le contexte général.  Il fait aussi le lien entre la prévention et la répression des crimes en conformité avec le droit international et les principes de la Charte des Nations Unies.  Quant à l’article 1, le champ d’application qu’il définit est cohérent avec d’autres instruments conventionnels similaires.  Le représentant a en particulier jugé essentiel d’insister sur la dimension préventive.  « Si l’obligation de prévenir était effectivement mise en œuvre, l’obligation de punir deviendrait certainement moins urgente, ce qui devrait être notre objectif principal. »

M. ENRICO MILANO (Italie) a estimé que le préambule devrait contenir un paragraphe reconnaissant l’importante contribution des tribunaux internationaux dans la lutte contre l’impunité et la protection des droits des victimes.  À part cela, l’Italie est satisfaite de l’état du préambule tel qu’il a été rédigé par la CDI.  Concernant l’article 1, le représentant a indiqué que son pays, dans un souci de précision, préférerait éviter la confusion avec d’autres instruments existants établissant des instruments, mécanismes et institutions internationaux chargés de la poursuite et de la répression des crimes contre l’humanité. 

Avançant sur la définition de l’article 2, M. Milano a salué le fait qu’elle a été alignée sur celle de l’article 7 du Statut de Rome de la CPI, afin d’éviter les incohérences entre les instruments juridiques pertinents.  À ce propos, il a souligné que les crimes contre l’humanité peuvent tout à fait émaner d’entités et d’organisations non étatiques, telles que des groupes politiques de facto, des groupes rebelles ou même des organisations criminelles.  S’agissant de l’article 3, le représentant a salué le fait que le paragraphe 2 contient l’élément très important selon lequel les crimes contre l’humanité ne sont pas nécessairement commis dans le contexte d’un conflit armé.  Enfin, commentant l’article 4, M. Milano a indiqué que la prévention des crimes contre l’humanité sur le plan interne n’implique pas la violation des droits humains fondamentaux et ne justifie pas, « à l’extérieur », des mesures dépassant les limites imposées par le droit international, y compris en ce qui concerne le recours à la force militaire.

M. ZACHARIE SERGE RAOUL NYANID (Cameroun) a noté « l’existence d’un consensus » sur la lutte contre l’impunité et la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Le représentant a toutefois estimé que le préambule du projet d’articles, fortement inspiré du Statut de Rome de la CPI dont il reprend certains paragraphes ainsi que la définition des crimes contre l’humanité, « risque de compliquer l’adoption d’un instrument juridique spécifique ».  Devant l’absence d’un instrument international juridiquement contraignant spécifiquement consacré à la définition des crimes contre l’humanité, il a fait valoir que le projet d’articles devrait plutôt proposer une définition consensuelle, afin que les États ne soient pas « confinés dans la camisole du Statut de Rome ».  De même, le rappel au paragraphe 4 du préambule que « l’interdiction des crimes contre l’humanité constitue une norme impérative du droit international » pose à ses yeux deux problèmes, à savoir la reconnaissance d’une telle norme jus cogens et la définition précise des crimes contre l’humanité.  Le représentant a estimé à cet égard que les crimes contre l’humanité doivent être prévenus et réprimés principalement par le droit interne des États, « expression de la souveraineté et de l’indépendance au sens de nombreux arrêts de la Cour internationale de Justice ».  Il a proposé, en terminant, une nouvelle version du préambule tenant compte de ses observations. 

M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone) a rappelé son soutien au projet d’élaboration d’une convention sur la base du projet d’articles, afin « d’élever les crimes contre l’humanité au niveau des crimes de guerre et des génocides » et de leurs propres conventions internationales exigeant des États qu’ils préviennent et punissent ces crimes sur le plan national et qu’ils coopèrent pour y mettre un terme.  Selon le représentant, la future convention devrait principalement codifier le droit international coutumier existant tout en cherchant à incorporer des aspects de développement progressif, par exemple en matière d’extradition et d’entraide judiciaire.  Il a estimé que le Statut de Rome de la CPI, qui fut un « compromis négocié », est le « point de départ » et que les propositions à venir doivent en respecter pleinement l’intégrité.  Le traité universel sur les crimes contre l’humanité que la Sierra Leone souhaite voir advenir devra donc combler le vide existant et assurer des poursuites nationales efficaces, ce qui sera conforme au principe de complémentarité du Statut de Rome. 

Le représentant s’est dit « généralement d’accord » avec le produit présenté par la CDI.  Il a notamment appuyé la reconnaissance dans le préambule que les crimes contre l’humanité menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde, car « la paix et la justice doivent occuper une place prépondérante dans notre travail ».  Il a également soutenu la reconnaissance de l’interdiction des crimes contre l’humanité comme relevant du jus cogens.  Il a par ailleurs noté que la définition proposée du crime reflétait largement la « codification » du droit coutumier des crimes contre l’humanité.  Concernant le champ d’application, le représentant a rappelé qu’un futur traité devrait couvrir à la fois les mesures de prévention et de répression. 

Le représentant de la Türkiye a salué le potentiel du projet d’articles pour lutter contre les crimes contre l’humanité, ajoutant que son pays a toujours combattu en faveur du droit international, gage de la paix et de la sécurité internationales.  Toutefois, « les crimes contre l’humanité peuvent faire davantage que d’autres l’objet d’une politisation problématique », a-t-il averti, lançant un appel à la prudence, à la diligence et à la patience pour avancer vers les objectifs communs aux membres de la CDI.  Pour le délégué, une question telle que la référence dans le préambule à la norme impérative du droit international général (jus cogens), laquelle n’est « pas acceptée par tous », mérite d’être discutée plus avant, à l’instar d’autres questions de fond.  Nous suivrons de près les débats et interviendrons quand nous le jugerons nécessaire, a-t-il conclu.

Échanges interactifs

Le représentant du Cameroun a constaté la tendance manifeste de mettre le statut de la CPI au centre du débat.  Or, la question des crimes contre l’humanité est très complexe.  « Ils ont muté. »  Si nous nous enfermons dans la « camisole » du Statut de Rome, nous courons le risque d’avoir des travaux interminables, mais aussi une incompréhension, a-t-il mis en garde.  Il nous faut trouver une définition propre à nous, qui puisse traiter efficacement des crimes contre l’humanité.  Le représentant a cité plusieurs exemples, comme la surexploitation des sols en Afrique ou encore le vol d’œuvres d’arts, qui pourraient avoir un effet sur les générations futures.  Essayons de sortir de la perspective des crimes contre l’humanité limitées à une perspective immédiate, a-t-il plaidé. 

Pour sa part, le représentant de la Sierra Leone a évoqué le travail préparatoire réalisé à la CPI en matière de codification du droit international.  Avec ce projet d’articles, nous essayons de nous doter d’un mécanisme national efficace de répression, a-t-il dit.  Il ne faut « pas chercher à réinventer la roue ».  Pour ceux qui ne sont pas tenus de mettre en œuvre le Statut de Rome de la CPI, la nouvelle convention pourrait avoir un caractère complémentaire.  Mais l’essentiel est que ce traité potentiel complète ce qui existe tout en garantissant l’intégrité du droit international.

La représentante de la Colombie s’est dit d’accord avec son homologue de la Sierra Leone.  Qu’on soit ou non partie au Statut de Rome, celui-ci existe et doit constituer une base de travail.  Ce qui ne nous empêche pas de faire référence à autre chose, a-t-elle ajouté, l’objectif étant d’élaborer le meilleur traité possible.

Le représentant du Portugal a rappelé à son tour que le Statut de Rome existe et qu’il faut assurer une certaine cohérence.  Le Statut n’est pas une « camisole de force », a-t-il réagi, mais une référence.  Or, notre travail consiste à faire fond sur ce qui existe et le Statut de Rome est un travail de longue haleine qui fournit des éléments concernant la définition des crimes contre l’humanité.

« Justement nous sommes là aussi pour réinventer la roue », a rétorqué le représentant du Cameroun, car nous ne devons pas seulement codifier le droit international, mais aussi le développer.

Mme ALEXANDRA HUTCHISON (Australie) a invité les délégations à tirer parti de l’élan des travaux de la Sixième Commission pour parvenir à une convergence sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, qui viendrait combler une lacune dans le cadre juridique international concernant les crimes graves.  S’agissant du groupe thématique 1, la représentante a appuyé le cadre conceptuel établi par le préambule et le champ d’application défini dans le projet d’article 1.  L’accent mis dans le préambule sur la responsabilité première des États d’enquêter sur les crimes contre l’humanité sous-tend selon elle la nécessité d’une telle convention, qui permettrait de doter les États des outils nécessaires pour combler le vide juridique actuel.  La déléguée a jugé « importante » la référence, dans le préambule, à l’interdiction des crimes contre l’humanité en tant que jus cogens, estimant qu’il s’agit d’un crime reconnu par la communauté internationale dans son ensemble.  Elle a par ailleurs dit réfléchir au moyen d’intégrer l’égalité des sexes et les perspectives des aborigènes en tant que questions transversales dans l’ensemble du projet d’articles.

M. EOGHAN MCSWINEY (Irlande) a estimé que la mise en route rapide de l’élaboration d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité enverrait un message clair selon lequel ces crimes ne peuvent être perpétrés en tout impunité.  Le projet d’articles forme la base de choix pour l’élaboration d’un tel instrument, a-t-il ajouté, avant d’assurer que sa délégation attend avec intérêt la conduite des débats de cette reprise de session, auxquels il a souhaité que les États participent « de bonne foi et de manière constructive ». 

Mme LIGIA LORENA FLORES SOTO (El Salvador) a réaffirmé le ferme soutien de son pays au projet d’articles et à son objectif de réduire l’impunité pour la commission de crimes graves.  La jurisprudence constitutionnelle de son pays reconnaît depuis 2016 que les crimes contre l’humanité dénotent un mépris absolu de la dignité humaine et des droits fondamentaux ainsi que la négation de la condition humaine des victimes.  La déléguée a en outre réaffirmé que, par nature, ces crimes sont imprescriptibles au regard du droit international et qu’en conséquence toute mesure nationale qui entraverait l’enquête, l’établissement de la vérité ou l’application d’une justice indépendante et qui refuserait la justice et la réparation intégrale aux victimes, contribuerait à l’impunité.  « Ces crimes ne peuvent donc pas faire l’objet d’une amnistie ou d’une mesure de grâce ».  À ce titre, El Salvador appuie la référence faite dans le préambule à l’article 7 du Statut de Rome de la CPI, cet instrument devenant « la pierre angulaire de la conceptualisation des crimes internationaux ».  El Salvador encourage donc les délégations à respecter ce paramètre afin de ne pas fragmenter l’ordre juridique pénal international existant.  Il appelle en outre à prendre en compte une interprétation harmonisée avec la jurisprudence des systèmes régionaux de droits de l’homme, ce qui permettra d’élargir le concept de crimes contre l’humanité, en particulier en ce qui concerne les dimensions de la réparation pour les victimes.  Il a annoncé qu’il reviendrait notamment sur la notion de « genre » lors de la discussion sur le groupe thématique 2.

M. NOAM CAPPON (Israël) a dit que son pays appelait à une large acceptation des règles s’appliquant à la prévention et à la répression des crimes contre l’humanité.  Eu égard au préambule, notamment son alinéa 7, le délégué a fait remarquer que la référence à l’article 7 du Statut de Rome de la CPI n’était peut-être pas appropriée, du fait qu’elle risque de saper le consensus.  Sinon sur le préambule en général et le projet d’article 1, il a estimé que le document constituait une bonne base de négociation et a dit attendre avec intérêt des délibérations fructueuses.

M. PABLO AGUSTÍN ESCOBAR ULLAURI (Équateur) a considéré que le projet d’articles constitue une base solide pour faire avancer les discussions en vue d’une convention.  Il a appuyé le texte du préambule et l’article 1 qui prévoit la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Il en va de même pour l’alinéa 4 du préambule, qui fait de l’interdiction des crimes contre l’humanité une norme impérative du droit international.  Comme l’indiquent les alinéas 7 et 8, les projets d’articles viennent également compléter d’autres textes d’instruments internationaux déjà adoptés, a souligné le délégué. 

Mme NIDAA HUSSAIN ABU-ALI (Arabie saoudite) a déclaré que lutter contre les crimes contre l’humanité et l’impunité dont ils bénéficient constitue un « noble objectif » et qu’il faut promouvoir le principe de la responsabilité.  Toutefois, a-t-elle critiqué, le libellé de l’article 1 sur le champ d’application ne correspond pas au contexte et doit être modifié. 

M. ANDY ARON (Indonésie) a suggéré que la CDI devrait examiner plus avant les articles à l’étude et trancher sans présager de l’adoption future d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Nous soutiendrons le processus en cours et participerons de manière constructive aux travaux de cette session, a-t-il assuré, ajoutant que le projet d’articles est « un pas dans la bonne direction » pour prévenir et punir les crimes contre l’humanité.  Ces crimes pouvant être perpétrés en temps de conflit armé, il conviendrait de prendre des mesures préventives en temps de paix, a signalé le délégué, notant que les avis divergents sur ce point méritent un examen approfondi du libellé du préambule.  En effet, nous avons la responsabilité de tendre au consensus pour parvenir à un cadre juridique universellement agréé, a-t-il conclu. 

M. MAXIMILIAN GORKE (Autriche) a souscrit pleinement aux commentaires de la CDI selon lesquels l’interdiction des crimes contre l’humanité représente une norme impérative du droit international.  S’agissant de la définition des crimes contre l’humanité telle qu’énoncée dans le Statut de Rome, il a estimé qu’elle permet de « codifier de façon cohérente le droit international coutumier ».  Le délégué a mis en exergue le dernier alinéa du préambule qui explique que la répression des crimes contre l’humanité doit se faire au moyen de mesures nationales et par le renforcement de la coopération internationale. 

Mme ALIS LUNGU (Roumanie)a insisté sur le bien-fondé d’un tel projet: alors que d’autres crimes internationaux fondamentaux sont régis par des traités multilatéraux largement ratifiés, comme les conventions de Genève de 1949 ou la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, les crimes contre l’humanité ne sont pas couverts par un traité international spécifique.  Il est donc nécessaire selon la déléguée de combler cette lacune.  En outre, l’adoption d’un instrument international fournirait un cadre juridique pour encourager les poursuites des auteurs présumés à l’échelon national, et constituerait également une base solide pour la coopération interétatique en matière de prévention, d’enquête et de poursuite de ces crimes.  Concernant la forme du projet d’article 1, la déléguée a noté que la formulation et les commentaires de la CDI indiquaient le champ d’application limité du projet d’articles, qui n’aborde pas d’autres crimes internationaux graves, tels que le génocide, les crimes de guerre ou le crime d’agression.  Bien que cela puisse déjà être déduit de son titre, la Roumanie ne considère pas cette disposition superflue.  Au contraire, sa clarté et sa brièveté pourraient renforcer l’acceptabilité d’un accord.

Reprenant la parole, le représentant du Cameroun a tenu à souligner que le Statut de Rome lui-même, par son article 10, ouvre la voie à la création d’un nouvel instrument.  En outre, le cadre de la CDI est propice à la codification et au développement progressif du droit international.   

Mme MARUBAYASHI (Japon), soulignant l’importance qu’une convention sur les crimes contre l’humanité soit adoptée avec un large soutien, a jugé nécessaire à cette fin de prendre en considération les circonstances propres à chaque pays, y compris la cohérence avec les principes du droit pénal et les systèmes juridiques nationaux.  En particulier, « le projet d’articles ne doit pas avoir d’effets rétroactifs », du fait du principe crucial de l’interdiction de la rétroactivité des peines en matière pénale, comme le prévoit clairement le Statut de Rome de la CPI.  Le Japon souhaite donc que l’interdiction de l’application rétroactive soit explicitement stipulée dans le projet d’articles.

Mme KAJAL BHAT (Inde) a déclaré que l’État est le mieux placé pour poursuivre les crimes contre l’humanité qui relèvent de sa juridiction.  Conformément aux principes fondamentaux du droit international, un lien clair doit en effet être établi pour l’exercice de la juridiction des États pour les crimes commis par leurs ressortissants.  Les instruments juridiques internationaux se penchent déjà explicitement sur les crimes contre l’humanité, a noté la représentante, notamment le Statut de Rome de la CPI et la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide.  Ces projets d’articles ne sont donc ni nouveaux ni universels, a-t-elle relevé, en s’interrogeant sur l’urgence d’adopter ces projets d’articles sans une étude approfondie.  Après avoir noté que son pays n’est pas partie au Statut de Rome, elle a rejeté la « simple transposition » des régimes existants dans une nouvelle convention.  S’agissant du groupe thématique 1, la déléguée a regretté que le préambule s’inspire directement du Statut de Rome, lequel ne fait pas l’objet d’une adhésion universelle.

M. ELIJAH WATERMAN (États-Unis) a reconnu que, plus de 75 ans après les procès de Nuremberg, il n’existe toujours pas de convention multilatérale générale sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Or des crimes contre l’humanité continuent d’être commis, trop souvent en toute impunité, a-t-il souligné, et le projet d’articles de la CDI constitue une étape importante à cet égard.  Il a néanmoins souligné que « la présente reprise de session n’est pas le lieu pour engager des négociations sur le projet d’articles et ne saurait préjuger de la question de savoir s’il faut ou non lancer un processus de négociation d’une convention sur les crimes contre l’humanité ».  Il s’agit plutôt d’une occasion d’échanger nos vues, a-t-il insisté.  Le représentant a ensuite salué le fait que le préambule s’inspire du libellé utilisé dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, les États-Unis considérant cet instrument comme le principal modèle de toute future convention sur la prévention et la répression de crimes contre l’humanité.  Il a en outre estimé que l’article 1 du projet d’articles doit être clarifié à plusieurs égards, aucun élément ne devant être, par exemple, interprété comme autorisant un acte d’agression ou tout autre recours à la force incompatible avec la Charte des Nations Unies.  M. Kelly a aussi demandé que le projet d’articles ne laisse entendre de quelque manière que ce soit qu’il pourrait prétendre modifier le droit international humanitaire ou réprimer une conduite entreprise conformément au droit international humanitaire.

Mme PETRA LANGERHOLC (Slovénie) a réitéré le soutien de son pays à l’option d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité adoptée par l’Assemblée générale ou par une conférence internationale de plénipotentiaires, avant de rappeler le travail « historiquement significatif » de la Sixième Commission à cet égard.  Pour la représentante, l’adoption d’une telle convention renforcerait notamment la capacité des États à poursuivre ces crimes au niveau national et fournirait la base juridique de la coopération interétatique, condition préalable à l’efficacité des enquêtes et des poursuites nationales.  Elle a évoqué à cet égard l’initiative MLA sur l’entraide judiciaire et annoncé que la conférence diplomatique visant à l’adoption d’une convention à ce sujet se tiendra à Ljubljana, en Slovénie, du 15 au 26 mai 2023.  Cette adoption, a-t-elle ajouté, représentera une étape majeure vers le renforcement de la coopération interétatique pour mettre fin à l’impunité des crimes d’atrocité grâce au principe de complémentarité.  Concernant le préambule du projet d’articles sur les crimes contre l’humanité, la représentante a rappelé le devoir de chaque État d’exercer sa juridiction pénale nationale sur les auteurs des atrocités les plus graves qui choquent la conscience de l’humanité.  Elle a enfin appelé à profiter de la présente session pour travailler à l’élaboration d’un plan d’action clair.

Mme KATARZYNA MARIA PADLO-PEKALA (Pologne)a jugé essentiel de compléter le cadre international actuel dans le domaine de la prévention et de la répression des crimes contre l’humanité.  Le projet d’articles préparé par la CDI constitue un très bon point de départ à cet égard.  Elle a aussi noté que le projet d’articles ne dépendait en aucune manière du Statut de Rome.  Ainsi, « la position des États à l’égard de la CPI ne devrait pas affecter ou influencer le travail sur le projet ».  En outre, les discussions en cours ne devraient pas préjuger de l’instrument multilatéral sur l’entraide judiciaire dans la poursuite des crimes internationaux (Initiative MLA).  La déléguée n’a perçu aucune contradiction dans le traitement parallèle des deux instruments, d’autant plus que leur champ d’application matériel ne se chevauche que partiellement.  Le projet d’articles, a-t-elle souligné, s’appuie largement sur des dispositions que la plupart des États ont déjà acceptées dans des traités existants, tels que la Convention contre la torture de 1984 ou la Convention contre la corruption de 2003.  Elle en a déduit que les États prêts à accepter la nécessité de tels traités auront d’autant plus de raisons de soutenir une convention sur la lutte contre le meurtre généralisé ou systématique, l’extermination, le viol ou la torture de la population civile.

M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a considéré que les projets d’articles reflètent un équilibre entre les fonctions de codification et de développement progressif du droit international, et que les définitions qu’ils contiennent reposent sur des traités existants, base idéale à ses yeux pour l’adoption éventuelle d’une convention.  Concernant le groupe thématique 1, le représentant a fait valoir que plus les projets d’articles seront liés aux normes fondamentales de la Charte des Nation Unies, plus l’instrument qui en résultera reflétera la « conscience universelle ».  Comme l’ont rappelé divers tribunaux nationaux et internationaux, l’interdiction des crimes contre l’humanité a été acceptée comme une norme impérative du droit international (jus cogens).  Le délégué a souligné l’importance de la complémentarité qui existe entre prévention et répression afin de dissuader la commission d’un crime et de « fermer tous les espaces d’impunité ».  En ce qui concerne l’article 1, il a jugé essentiel qu’une éventuelle convention accorde une attention égale à la prévention et à la répression de tels crimes.  Le représentant a cru déceler l’existence d’un consensus sur l’adoption d’un instrument négocié, sous les auspices de l’ONU et inspiré par les instruments existants, qui aurait le statut de traité et favoriserait la coopération entre les États. 

M. ABDULRAHMAN ABDULAZIZ F. A. AL-THANI (Qatar) a déclaré que le principe d’état de droit est un élément essentiel pour lutter contre les crimes contre l’humanité.  Or le projet d’articles ne tient pas suffisamment compte selon lui de ce principe, les États semblant être privés du droit d’émettre des réserves générales sur le projet de convention.  Ce point doit être clarifié avant que le projet d’articles puisse être complété, a demandé le délégué. 

M. NASIR UDDIN (Bangladesh)a déclaré que la redevabilité face aux crimes contre l’humanité et le respect des victimes étaient essentiels, ajoutant que son pays avait une expérience de ces crimes, commis à l’encontre de sa population lors de sa guerre d’indépendance.  Il a appelé à ce que la prévention et la répression des crimes contre l’humanité soient traitées à part égale, ce que permet le préambule.  Le Bangladesh soutient en outre fortement le principe de la compétence nationale des États, ce que le préambule rappelle aussi.  Les efforts nationaux devant être appuyés par la coopération de la communauté internationale, le délégué s’est félicité des dispositions prévues à cet égard. 

Mme MANTSHO ANNASTACIA MOTSEPE (Afrique du Sud) a rappelé l’appui de son pays au projet d’articles de la CDI.  Elle a évoqué les horreurs endurées par la grande majorité de la population sud-africaine dues au crime d’apartheid, défini comme un crime contre l’humanité.  L’Afrique du Sud soutient aussi le fait que ledit projet soit conforme au principe de complémentarité.  Les États doivent en effet conserver le contrôle des poursuites et des sanctions à l’encontre des auteurs de crimes internationaux.  Ce n’est que lorsque les États ne peuvent ou ne veulent pas le faire que les tribunaux internationaux doivent pouvoir intervenir, a-t-elle souligné.  Pour que les États puissent assumer leurs responsabilités, ils ont besoin de la coopération d’autres États, ce qui est précisément l’objectif de ce projet d’articles.  Toutefois, il est essentiel de tenir compte des « spécificités culturelles » et des « réalités géographiques » de chaque État. 

M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a déclaré que le préambule du projet d’articles reflète le droit international contemporain, comme le fait le Statut de Rome de la CPI.  Pour endiguer le cercle vicieux de la violence et promouvoir la lutte contre l’impunité, nous devons appliquer le principe de responsabilité.  La compétence universelle fait fond exclusivement sur la nature du crime, a-t-il noté, en rappelant que les tribunaux nationaux peuvent exercer une compétence universelle pour connaître de crimes graves au regard du droit international.  Toutefois, si la compétence universelle apporte la promesse d’une justice universelle, elle est aussi la source de confusion et d’incohérences, a-t-il mis en garde. 

M. AMADOU JAITEH (Gambie) s’est félicité de la rédaction du préambule et du projet d’article 1, ajoutant que le projet d’articles fournit « des bases parfaites pour prévenir et punir ».  Il a jugé que le champ d’application identifié à l’article 1 est logique, compte tenu de la nécessité de prévenir et de punir pour éviter la répétition de ces crimes.  Il a en revanche regretté le peu de progrès réalisés depuis l’adoption en seconde lecture des projets d’articles et appelé à « oser être différents » dans notre poursuite du développement progressif du droit international et de la promotion des principes directeurs des droits de l’homme, que ce soit au niveau national ou international.  Rappelant que les crimes contre l’humanité ne sont pas des actes illusoires mais de véritables atrocités, le représentant a ajouté que les victimes avaient un besoin urgent de l’intervention des délégués présents pour que soit négociée une convention internationale autonome.  La reprise de session de la Sixième Commission, en 2023 et 2024, doit être l’occasion de procéder à un échange de vues constructif à cette fin, a-t-il enjoint.  Le représentant a appelé à l’union, appelant les délégations à reconnaître leurs divergences de vues et de valeurs pour comprendre la nécessité d’un débat sain, susceptible de déboucher sur une conclusion acceptable, même si elle n’est pas parfaite. 

M. SERGEI A. LEONIDCHENKO (Fédération de Russie) a souligné que la persistance d’idées très divergentes sur le projet d’articles fait peser un doute sur la viabilité même de son devenir.  À ce jour, il n’existe pas de bonnes perspectives pour élaborer une convention autour de ces articles, a-t-il tranché, d’autant que la base juridique pour lutter contre les crimes contre l’humanité existe déjà, formée de conventions importantes qui incarnent le droit coutumier international des traités.  Pour la Russie, un groupe de pays a décidé que ce système était lacunaire, des pays, qui d’après le représentant, « feraient mieux de se concentrer sur le développement de leur juridiction nationale en rapport avec les crimes contre l’humanité ».  Ainsi a-t-il soutenu que la présente reprise de session n’est en rien un processus de négociation, mais un lieu de débat ouvert sur le projet d’articles.  Le délégué russe a ensuite évoqué le mandat d’arrêt lancé par la CPI contre son pays.  Il a fustigé une instance incompétente, une cour qui s’est précipitée pour délivrer un mandat d’arrêt infondé sur le plan juridique « et pour tout dire inhumain ».  En effet, aurait-il fallu abandonner des enfants dans une zone de conflit? a demandé le représentant.  En revanche, a-t-il continué, les incursions de l’OTAN, qui ont fait des centaines de milliers de victimes civiles, n’ont jamais été visées par la CPI, « qui n’a rien fait dans chacune de ces situations pour demander des comptes aux coupables occidentaux ».  La CPI est une marionnette de l’Occident qui n’ira jamais contre les désidératas de ses maîtres, a martelé l’intervenant, qui a assuré que les autorités russes ignoraient tous les documents qu’elle émet. 

M. ELISA DE RAES (Belgique) a souligné que le préambule rappelle le lien existant entre la lutte contre l’impunité pour les crimes contre l’humanité et le maintien de la paix et de la sécurité internationales, faisant ainsi écho aux buts et principes des Nations Unies.  Établir les responsabilités pour les crimes les plus graves est essentiel pour restaurer la confiance de la population dans des institutions inclusives, et pour parvenir à une paix durable.  Le représentant a ajouté que le projet d’articles constitue une bonne base de discussion en vue de l’élaboration d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Une telle convention comblerait la lacune existante en droit international conventionnel, a-t-il dit, saluant à cet égard le fait que l’alinéa 4 du préambule rappelle très justement que l’interdiction des crimes contre l’humanité constitue déjà une norme impérative du droit international général (jus cogens).  Quant à l’alinéa 8, il met l’accent sur la responsabilité première des États dans la poursuite des auteurs de crimes contre l’humanité.  Or, pour être en mesure d’assumer cette responsabilité, il importe que les États se dotent des dispositions législatives, administratives et judiciaires nécessaires, a souligné le représentant, rappelant que ce principe est central dans le système du Statut de Rome qui décrit la Cour pénale internationale (CPI) comme complémentaire des juridictions nationales.  Enfin, le dernier alinéa du préambule insiste aussi sur l’importance de la coopération internationale.  Parce que la lutte contre l’impunité est bien l’affaire de tous les membres de la communauté internationale, y compris des organisations intergouvernementales. 

M. JOSE JUAN HERNANDEZ CHAVEZ (Chili) a salué le préambule en tant que cadre conceptuel idoine pour lancer les négociations.  Le Chili a constaté l’équilibre acceptable des éléments du préambule, tels que l’obligation pour les États Membres d’exercer leurs compétences pénales ainsi que la mention des valeurs fondamentales devant régir l’application du traité.  Il a salué l’alinéa 3 qui, selon lui, établit un lien entre la future convention et la Charte des Nations Unies, ainsi que l’alinéa 4 qui consacre l’interdiction des crimes contre l’humanité comme une norme impérative du droit international (jus cogens).  Les alinéas 5 et 6 se renforcent mutuellement et sont utiles pour définir le champ d’application de la convention, a continué le délégué.  L’alinéa 7, qui garantirait la cohérence entre la convention et le Statut de Rome de la CPI, n’a pas d’incidence sur les États Membres non parties au Statut de Rome puisqu’il n’a pas pour effet l’acceptation automatique de la compétence de la CPI.  Pour le Chili, une future convention est compatible avec le Statut de Rome, puisque ce dernier a pour principe fondamental le principe de complémentarité. 

M. MHD. RIYAD KHADDOUR (République arabe syrienne) a appelé à une plus grande cohérence entre les débats sur le projet d’articles et la résolution 77/249 de l’Assemblée générale.  Le préambule comporte à ses yeux trop peu de garanties et de règles normatives concernant les restrictions souveraines et les normes impératives prévues par la Charte des Nation Unies.  Il a ainsi proposé une nouvelle version du préambule précisant l’interdiction faite aux États de s’ingérer dans les affaires intérieures des autres États.  Des définitions sont en outre présentées comme s’il existait une définition déterminée des crimes contre l’humanité, a déploré le délégué.  De plus, l’alinéa 4 du préambule indique que l’interdiction de ces crimes constitue une norme impérative du droit international, alors que ces crimes ne sont toujours pas définis.  Le représentant a appelé à se fonder sur le Statut de Rome de la CPI, lequel fait état de crimes graves sans les préciser. 

M. HITTI (Liban) a rappelé la pertinence des deux grands objectifs visés par le projet d’articles sur les crimes contre l’humanité, à savoir leur prévention et leur répression.  Le représentant a noté que le préambule contenait d’importantes références: la réaffirmation des principes du droit international consacrés par la Charte des Nations Unies; le caractère de jus cogens de l’interdiction des crimes contre l’humanité; la lutte contre l’impunité et la responsabilité principale des États à cet égard.  Il a noté « avec précaution » la référence faite par le préambule à l’article 7 du Statut de Rome de la CPI définissant les crimes contre l’humanité, rappelant que le projet d’articles en discussion concerne tous les États, qu’ils soient ou non parties au Statut de Rome.  Il a enfin rappelé que le travail réalisé par la CDI visait à renforcer les systèmes juridiques nationaux et la coopération entre États, à travers l’élaboration de dispositions « à la fois efficaces et acceptables pour les États ».  En conclusion, le représentant a estimé qu’une convention contribuerait à renforcer le cadre normatif et que, pour être réellement efficace, celle-ci devait être « largement acceptée, voire universelle ».

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