En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-huitième session,
23e séance plénière - matin
AG/AB/4447

Cinquième Commission: l’examen d’un budget ne relève pas de la physique nucléaire, tance le Président, devant la lenteur des négociations

Avant de plonger dans les incidences budgétaires, estimées à 49 millions de dollars, de 73 décisions et résolutions du Conseil des droits de l’homme en 2024, la Cinquième Commission, chargée des questions administratives et budgétaires, a entendu une ferme mise au point de son président, M. Osama Mahmoud Abdel Khalek Mahmoud, de l’Égypte. 

Nous sommes aux dernières heures de la session dont la fin est prévue ce 15 décembre à minuit, a-t-il rappelé. 

Le Président a pressé tous les coordonnateurs des négociations, qui travaillent tard le soir et tôt le matin, à bien vouloir commencer « leur marathon ».  Ne croyez pas, a-t-il prévenu, que je vais demander une autre prolongation.  Nous allons faire ce que nous pouvons et rendre notre copie, le 15 décembre, quitte à examiner le reliquat à la reprise de session.  Ne prenez pas le risque de douter de mes paroles car après tout, a souligné le Président, nous ne faisons pas de la physique nucléaire, nous examinons le budget.  C’est aussi simple que cela!  Certes, a-t-il reconnu, tout le monde est sous pression mais je resterai ferme dans ma demande de régler les problèmes d’efficacité et de supprimer les goulets d’étranglement. 

Les 73 décisions et résolutions du Conseil des droits de l’homme nécessiteront pour 2024, une enveloppe supplémentaire de 49 729 700 dollars. Au nom d’un groupe de 13 pays, le Costa Rica a appuyé cette demande, arguant de la parfaite égalité entre les trois piliers du travail de l’ONU.  En revanche, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) ramène l’enveloppe à 47 711 300 dollars, à imputer sur le fonds de réserve.   

Le Soudan s’est étonné de la résolution intitulée « les effets du conflit actuel au Soudan sur les droits de l’homme » par laquelle le Conseil décide que l’Expert des droits de l’homme doit, avec effet immédiat, avoir également pour mandat de surveiller toutes les violations commises depuis le 25 octobre 2021, y compris celles découlant directement du conflit actuel.  Alors que nous avons accepté la juridiction de la Cour pénale internationale (CPI) pour l’ouverture d’une enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis par les Forces d’appui rapide, une milice formée de mercenaires jouissant d’appuis extérieurs, il est curieux que le Conseil prenne une telle décision à laquelle nous nous opposons fermement, a prévenu le Soudan. 

La Fédération de Russie, qui s’est retirée du Conseil, a, à son tour, rejeté « catégoriquement » l’idée d’inscrire au budget ordinaire des ressources pour la mise en œuvre de la résolution sur la situation des droits de l’homme en Ukraine suite à l’agression russe et celle sur la situation des droits de l’homme dans la Fédération de Russie.  Ces deux résolutions prouvent le refus des pays occidentaux de coopérer et d’engager un dialogue constructif, équitable et respectueux sur la question des droits humains, a argué la Fédération de Russie, accusant lesdits pays de rester aveugles et sourds aux violations commises par l’Ukraine. 

La Cinquième Commission tiendra une autre séance publique, jeudi 14 décembre à partir de 10 heures, sur le Fonds de réserve. 

PROJET DE BUDGET-PROGRAMME POUR 2024

Prévisions révisées comme suite aux résolutions et décisions adoptées par le Conseil des droits de l’homme à ses 52e, 53e et 54e sessions ordinaires et à sa 36e session extraordinaire, en 2023 - A/78/574A/78/7/Add.39

Déclarations

Au nom de l’Argentine, du Brésil, du Chili, de la Colombie, de l’Équateur, d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Mexique, du Panama, du Paraguay, du Pérou, de la République dominicaine et de l’Uruguay, M. CARLOS MANUEL VIDECHE GUEVARA (Costa Rica) a rappelé qu’en 2023, le Conseil des droits de l’homme a tenu trois sessions ordinaires et une session extraordinaire, au cours desquelles 85 résolutions ont été adoptées, dont 73 ont des incidences budgétaires de 68 517 300 dollars, dont 18 787 600 dollars ont été inclus dans le projet du budget-programme de 2024; les 49 729 700 dollars restants constituant une demande de ressources supplémentaires. 

À l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, les États Membres ont insisté sur l’égalité entre les trois piliers du travail de l’Organisation dont le financement relève de la responsabilité de tous.  L’allocation de ressources à la hauteur des besoins est une condition fondamentale pour renforcer le pilier « droits de l’homme ».  Le représentant a donc appuyé la demande de ressources supplémentaires, en mettant en garde contre la tentation de faire de la Cinquième Commission un outil « pour tuer dans l’œuf » les mandats établis.

Au nom du Groupe des États d’Afrique, Mme LEMLEM FISEHA MINALE (Éthiopie) a insisté sur le fait que les principes d’indépendance, d’objectivité et de non-sélectivité sont ancrés dans la résolution portant création du Conseil des droits de l’homme, tout comme l’élimination du deux poids, deux mesures et de la politisation.  La responsabilité première d’assurer la protection des droits de l’homme incombe aux pays concernés.  Dès lors, la coopération internationale en la matière ne peut être que complémentaire pour autant qu’elle soit fondée sur la bonne foi et le plein consentement du pays concerné.  La représentante a ensuite rappelé qu’avant la décision actuelle du Conseil des droits de l’homme sur le Soudan, des mécanismes existaient déjà, en vertu de deux résolutions et de l’assistance technique, sur lesquels le Soudan a toujours coopéré.  En conséquence, l’opposition de ce dernier à la création d’une mission d’établissement des faits aurait dû être prise en compte. 

En effet, la pratique consistant à adopter des mécanismes spécifiques aux pays malgré l’opposition des concernés et l’absence d’une majorité est un signal négatif pour l’impartialité et l’efficacité que l’on attend du système des droits de l’homme des Nations Unies.  Nous voudrions, a poursuivi la représentante, comprendre les méthodes de travail du Conseil qui aboutissent à des résolutions spécifiques aux pays d’une seule région. Nous craignons que la création d’un autre mécanisme sur le Soudan ait un impact négatif sur le respect des précédents et l’efficacité dans l’utilisation de ressources déjà limitées. 

Mme KELLI DEGREGORY (Bahamas) a dit souscrire au rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB), en soulignant que son pays est conscient de la valeur des infrastructures physiques, des connaissances institutionnelles, du renforcement des capacités et de l’expertise que le Bureau régional des droits de l’homme fournit.  Ce sont des atouts qui n’ont rien à voir avec les différentes ressources et capacités d’autres initiatives en matière des droits de l’homme. Elle a donc soutenu la recommandation faite sur les effectifs du Bureau, ajoutant que son pays ne cesse de se féliciter de ce que le Bureau régional appuie les États de la Communauté des Caraïbes (CARICOM).

M. VADIM N. LAPUTIN (Fédération de Russie) a rappelé qu’après le retrait de son pays du Conseil des droits de l’homme, l’« Occident collectif » et les représentants du « régime de Kiev » continuent d’imposer aux autres une image subjective et partiale du monde.  Un monde, a-t-il dit, dans lequel la Fédération de Russie est le seul coupable d’événements qui, en fait, ont été provoqués exclusivement par les « actes criminels » du « régime de Kiev » à l’instigation de l’Occident.  Le représentant a illustré ses propos, en invoquant l’adoption par le Conseil des droits de l’homme des résolutions 52/32 sur la situation des droits humains en Ukraine et 54/23 sur la situation des droits humains en Fédération de Russie.  Ces deux résolutions prouvent le refus des pays occidentaux de coopérer et d’engager un dialogue constructif, respectueux et sur un pied d’égalité sur la question des droits humains. 

De fait, a-t-il argué, la poursuite des travaux de la prétendue Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine ne vise qu’à imposer ouvertement les « intérêts conjoncturels » des pays occidentaux toujours aveugles et sourds devant les violations commises par l’Ukraine. Nous ne reconnaissons pas cette commission et nous refusons toute coopération avec elle, a martelé le représentant.  De même, a-t-il estimé, il faut s’étonner de la prolongation du mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits humains en Fédération de Russie, en vertu d’une décision qui n’a rien à voir avec la réalité puisqu’elle est fondée sur une vision étroite et des accusations fabriquées de toutes pièces par la société civile.  Nous continuerons, a conclu le représentant, de nous opposer à l’adoption de résolutions politisées et spécifiques à des pays pour servir les intérêts des autres. La Fédération de Russie rejette l’idée d’inscrire au budget ordinaire des ressources pour la mise en œuvre des résolutions 52/32 et 54/23.

M. BADRELDEEN BAKHIT MUSA BAKHIT (Soudan) a dénoncé la résolution S-36/1 du Conseil des droits de l’homme qui, en toute subjectivité, met sur un pied d’égalité les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide, au détriment de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale du Soudan.  Le représentant a dit ne pas comprendre comment l’on peut placer au même niveau des forces nationales et une milice formée de mercenaires jouissant d’appuis extérieurs.  Comment, a-t-il ajouté, peut-on adopter une telle résolution alors que les autorités soudanaises ne font qu’assumer leur devoir constitutionnel de protéger les civils?  La promotion des droits de l’homme est une priorité pour notre gouvernement soudanais, a affirmé le représentant, en en voulant pour preuve le fait que les autorités travaillent en bonne intelligence avec le Bureau national des droits de l’homme et les mécanismes de l’ONU. 

Il a rappelé que la résolution, poussée par certains États, a été catégoriquement rejetée par les deux groupes régionaux auxquels son pays appartient, à savoir le Groupe des États d’Afrique et le Groupe arabe.  Nous rejetons un texte qui ne tient pas compte des priorités du peuple soudanais, dans la conjoncture actuelle.  En revanche, nous avons accepté la juridiction de la Cour pénale internationale (CPI) pour enquêter sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis par la milice.  Il est donc curieux, s’est, une nouvelle fois, étonné le représentant, de voir une résolution sur la création d’une commission d’enquête.  Il a prévenu que les mécanismes créés par le Conseil des droits de l’homme sans le consentement des pays hôtes sont voués à l’échec.  Le Soudan n’entend en aucun cas coopérer. 

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