L’Assemblée générale débat du veto mis par la Fédération de Russie à un projet de résolution relatif au régime de sanctions concernant le Mali
Douze jours après que la Fédération de Russie a mis son veto à un projet de résolution du Conseil de sécurité relatif au renouvellement du régime de sanctions applicables au Mali, rendant de fait ce régime inopérant, l’Assemblée générale a débattu, cet après-midi, des circonstances entourant l’exercice du droit de veto. Ce deuxième débat de l’année au titre de l’initiative relative au veto a permis de mesurer les profondes divisions que continue de susciter cette pratique.
En vertu de sa résolution A/RES/76/262, adoptée l’an dernier, l’Assemblée générale dispose d’un mandat permanent lui permettant de convoquer une séance dans les 10 jours ouvrables suivant l’exercice du droit de veto par un membre permanent du Conseil de sécurité, afin de débattre de la situation pour laquelle le veto a été opposé.
Le 30 août dernier, la Fédération de Russie a voté contre un projet de résolution soumis par la France et les Émirats arabes unis, qui proposait de reconduire pour un an, jusqu’au 31 août 2024, les sanctions prévues par la résolution 2374 (2017) et de proroger jusqu’au 30 septembre 2024 le mandat du Groupe d’experts chargé de surveiller la mise en œuvre de ces mesures.
Outre le veto russe, ce texte a reçu l’aval de 13 membres du Conseil, tandis que la Chine s’est abstenue. Un texte alternatif présenté par la Fédération de Russie, qui proposait également une prorogation d’un an des sanctions, mais « pour une dernière période de douze mois », et appelait à dissoudre « avec effet immédiat » le Groupe d’experts, a ensuite été rejeté, le Japon votant contre et les 13 autres membres, Chine comprise, s’abstenant.
En ouvrant le débat, le Président de l’Assemblée générale a mis l’accent sur la situation au Mali, constatant que la monté de l’insécurité, conjuguée aux crises politique et humanitaire, constitue une menace pour l’accord de paix de 2015. Après avoir exhorté les États Membres à garder à l’esprit les souffrances du peuple malien, confronté aux déplacements de masse et aux besoins alimentaires, M. Dennis Francis a jugé que la situation impose de « tendre vers l’unité et le consensus ».
Le représentant de la Fédération de Russie l’a pris au mot en rappelant que sa délégation a présenté le 30 août un « projet de compromis », que les membres occidentaux, a-t-il déploré, ont préféré ignorer. Dénonçant à cet égard l’attitude de la France, pays porte-plume sur ce dossier, il a fustigé l’imposition aux Maliens de mesures qu’ils rejettent. En tentant d’imposer le maintien du Groupe d’experts alors que les droits humains sont discutés au Conseil des droits de l’homme, la France et les autres pays occidentaux ont voulu exercer des pressions sur le Mali afin que ce dernier reste dans leur orbite politique, a-t-il accusé, ajoutant que sa délégation n’avait dès lors d’autre choix que d’opposer son veto.
Intervenant à son tour, le délégué malien a rappelé que son gouvernement avait demandé en 2017 au Conseil de sécurité d’imposer des sanctions aux auteurs d’entraves à la mise en œuvre de l’accord de paix. Selon lui, le Groupe d’experts mis en place dans ce cadre a souvent outrepassé le mandat fixé par la résolution 2374 (2017), se muant en un mécanisme politique « dont nous ignorions l’agenda réel ». Il a notamment critiqué le fait que le Groupe d’experts exige du Gouvernement du Mali de fournir des informations détaillées sur la coopération militaire et sécuritaire entre la Fédération de Russie et la République du Mali, alors que le choix des partenaires relève de la souveraineté du pays.
Après s’être indigné du manque d’accès de son gouvernement aux rapports du Groupe d’experts et de fuites organisées dans la presse internationale, le représentant a aussi déploré que le Comité des sanctions n’ait pas tenu compte de l’évolution positive de certains individus soumis à ses mesures, justifiant ainsi la demande de levée du régime de sanctions exprimée en août dernier par Bamako. Dans ce contexte, il s’est réjoui de « l’usage légitime » du droit de veto par la Fédération de Russie, qui a permis, selon lui, de mettre fin à un instrument de pression « aux mains d’un groupe de pays hostiles au Mali et à ses choix ».
Face à cette levée de boucliers, l’Union européenne a regretté que le recours au veto par la Fédération de Russie ait une nouvelle fois « bloqué le travail de l’ONU ». Ce faisant, la Fédération de Russie a ignoré la volonté d’une « large majorité interrégionale de 13 pays », y compris les trois membres africains du Conseil (A3), a-t-elle relevé, rejointe par de nombreuses délégations, dont l’Équateur, pour qui le vote du 30 août était l’occasion de « se laisser guider par la position des A3, qui ont soutenu à l’unanimité le projet de résolution » franco-émirien.
Pour l’Union européenne, l’objectif du régime de sanctions était de soutenir l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali en ciblant ceux qui en ont entravé la mise en œuvre. Dans la perspective du retrait de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), le Groupe d’experts aurait joué un rôle plus crucial encore dans le suivi de la mise en œuvre de l’accord de paix, a-t-elle noté. Une position partagée, entre autres, par le Danemark, au nom des pays nordiques et baltes, et par l’Albanie. Rappelant que le Groupe d’experts a récemment fait état de violations systématiques des droits humains perpétrées par le groupe Wagner, cette dernière a dit craindre que de tels abus soient désormais « incontrôlés ».
De son côté, la Bulgarie a relevé des similitudes entre les deux derniers exercices du droit de veto par la Fédération de Russie: les projets de résolution concernés avaient fait l’objet d’un processus de négociation rigoureux, bénéficiaient d’un large appui au Conseil et étaient essentiels au maintien de la paix et de la sécurité internationales, a-t-elle observé, appelant les États Membres à réfléchir à des moyens concrets pour aider le Conseil à honorer ses obligations au titre de la Charte des Nations Unies.
EXERCICE DU DROIT DE VETO: RAPPORT SPÉCIAL DU CONSEIL DE SÉCURITÉ (A/78/341)
Débat conformément à la résolution A/RES/76/262
Déclarations
Avant de passer au point à l’ordre du jour, le Président de l’Assemblée générale a exprimé, au nom de l’organe, ses plus sincères condoléances au Gouvernement et au peuple du Maroc pour les pertes tragiques en vies humaines et les dégâts causés par le récent tremblement de terre. Il a invité les représentants à se lever et à observer une minute de silence en hommage à la mémoire de ceux qui ont perdu la vie.
M. DENNIS FRANCIS, Président de l’Assemblée générale, a estimé que le débat d’aujourd’hui atteste clairement du fait que l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité doivent agir de concert sur les questions ayant trait à la paix et sécurité internationales. À cet égard, il s’est félicité du rapport du Conseil sur le veto utilisé sur la situation au Mali, le 30 août dernier. Constatant que la situation au Mali demeure instable, le Président a averti que la monté en puissance de l’insécurité, conjuguée aux crises politique et humanitaire, signifie que l’accord de paix de 2015 est menacé. Cet accord vital demeure le seul cadre pour la paix et la stabilité au Mali et doit être soutenu, a-t-il affirmé, rappelant que le peuple malien souffre, sur fond de déplacements de masse et de besoins catastrophiques en denrées alimentaires, en logements et en moyens de subsistance. Après avoir exhorté les États Membres à garder ces besoins à l’esprit, il a jugé que la situation impose de tendre vers l’unité et le consensus.
Rappelant que le Conseil de sécurité assume la responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité, le Président a appelé ses membres à continuer d’œuvrer pour parvenir à la paix et à la réconciliation au Mali. À l’Assemblée générale, l’initiative relative au veto donne l’occasion à chacun d’être pragmatique, a-t-il ajouté, avant d’encourager les États Membres à réfléchir à la façon d’avancer de manière constructive pour atteindre la paix et la sécurité. Il a assuré qu’il continuera à envoyer un résumé succinct du débat en plénière au Président du Conseil, avant de souhaiter que les États Membres utilisent l’initiative relative au veto pour parvenir à l’unité et au consensus.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a dénoncé l’attitude des pays porte-plume, la France en tête, sur ce dossier. Il a rappelé la demande officielle faite par les autorités maliennes de lever des sanctions qui ne sont plus pertinentes. Les sanctions doivent être ciblées et avoir une durée limitée, a-t-il dit, en rappelant la nécessité d’un examen régulier. Il a fustigé l’imposition aux Maliens de mesures qu’ils rejettent. Le Conseil s’est vu proposer d’ignorer les préoccupations des Maliens, a dénoncé le délégué, avant de rappeler les véritables motifs des pays occidentaux. Il a souligné l’exigence de la France de conserver le Groupe d’experts, alors que les droits humains sont discutés au sein du Conseil des droits de l’homme, comme le savent bien les autres pays occidentaux. Ces derniers ont voulu exercer des pressions sur le Mali afin que ce dernier reste dans leur orbite politique, a-t-il affirmé, fustigeant l’approche coloniale de ces pays vis-à-vis du Mali, ainsi que la volonté de l’Occident de piller ses anciennes colonies et de préserver sa domination sur les pays du Sud. Nous n’avons pas eu d’autre choix que de nous opposer au texte, a dit le délégué, en rappelant le projet de compromis présenté par son pays. Il a en effet rappelé l’inutilité du Groupe d’experts, avant de souligner la nécessité d’adopter des mesures responsables et de privilégier le compromis au sein du Conseil.
M. BJÖRN OLOF SKOOG, de l’Union européenne, a regretté le recours au veto par la Fédération de Russie afin de « bloquer le travail de l’ONU », cette fois au Mali. Ce faisant, la Russie a une nouvelle fois ignoré la volonté d’une large majorité interrégionale de 13 pays, y compris les membres africains du Conseil de sécurité. Selon lui, le recours au veto fait fi des principes du multilatéralisme, place de nouveaux obstacles sur la voie de la paix au Mali et remet en question les obligations de la Russie en tant que membre permanent du Conseil. L’objectif du régime de sanctions contre le Mali, a-t-il rappelé, était de soutenir l’Accord pour la paix et la réconciliation en ciblant ceux qui en ont entravé la mise en œuvre. Dans la perspective du retrait de la MINUSMA, le Groupe d’experts aurait joué un rôle plus crucial encore dans le suivi de la mise en œuvre de l’accord de paix, a-t-il noté.
Dans ce contexte, le représentant a dit être extrêmement préoccupé par la détérioration de la situation au Mali, notamment l’aggravation de la situation humanitaire. Il a vivement regretté la décision du Gouvernement de transition malien de demander le retrait sans délai de la Mission, au risque d’aggraver le conflit et de mettre en péril l’accord de paix déjà fragile. Il a donc exhorté les autorités maliennes à coopérer pleinement avec l’ONU pour assurer un retrait ordonné et sûr des Casques bleus, tout en respectant pleinement l’accord sur le statut des forces jusqu’au départ définitif du personnel de la MINUSMA. « La fin du régime de sanctions de l’ONU ne fera qu’isoler davantage le Mali », a prévenu le représentant, pour qui couper les liens avec l’ONU ne saurait constituer une réponse à la crise multidimensionnelle que traverse ce pays.
Mme YOKA BRANDT (Pays-Bas), qui s’exprimait au nom de la Belgique, de Luxembourg et des Pays-Bas (Benelux), a rappelé que les trois pays ont voté l’adoption de la résolution A/76/262, en 2022. La représentante a souligné que le veto n’est pas un privilège mais une responsabilité pour défendre la Charte des Nations Unies. Elle a attiré l’attention de la délégation russe sur le fait que la Fédération de Russie a recouru au veto cinq fois depuis l’adoption de la résolution A/RES/76/262 avant de lui demander si l’usage du veto était bénéfique à la paix et la sécurité. Le 30 août dernier, le projet de résolution de la France et des Émirats arabes unis sur la situation au Mali était soutenu par 13 membres du Conseil de sécurité, a rappelé la représentante. Elle a estimé que le veto qui y a été opposé sape les efforts de paix au Mali et dans la région, sachant que la levée des sanctions au Mali s’ajoute maintenant au départ de la MINUSMA de ce pays. Depuis un an, s’est inquiétée la déléguée, l’État islamique a presque doublé son aire d’influence dans ce pays. Elle s’est également dite préoccupée par la détérioration de la situation humanitaire et des droits humains et de l’implication du groupe Wagner. Enfin, elle a rappelé que le Benelux a financé le travail d’une commission d’enquête sur les violations des droits humains au Mali et que ces trois pays membres soutiennent le travail du Groupe d’experts dans ce pays.
M. JOAQUÍN ALBERTO PÉREZ AYESTARÁN (Venezuela), au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, a dénoncé les attaques perpétrées contre le multilatéralisme et les tentatives visant à remplacer les principes de la Charte par de soi-disant règles qui n’ont jamais été discutées de manière transparente. Il a rappelé que les mesures prises par le Conseil au titre du Chapitre VII doivent respecter les principes et objectifs de la Charte. « Ces mesures ne sont pas une fin en soi », a-t-il insisté, en rappelant que les préoccupations des pays concernés doivent être dûment prises en compte. La MINUSMA a fermé ses portes en réponse à une demande du Mali et à l’aune des garanties avancées par ce pays en vue de la pleine mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, a-t-il souligné. Il a rappelé la demande officielle faite par les autorités maliennes en vue du non-renouvellement des mesures prises en vertu de la résolution 2374 (2017). Le délégué a demandé la levée des sanctions prises contre le Mali. Enfin, il a mis en garde contre l’approfondissement des divergences et exhorté les membres du Conseil à se parler.
Au nom des pays nordiques et baltes, Mme CHRISTINA MARKUS LASSEN (Danemark) a jugé préoccupant qu’un membre permanent du Conseil de sécurité exploite sa position pour empêcher cet organe de s’acquitter de son devoir. Elle a d’autre part estimé que la résolution A/RES/76/262 de l’Assemblée générale est un outil essentiel car elle permet de rendre le Conseil plus transparent. La représentante a encouragé à cet égard la publication des rapports spéciaux et a demandé au Conseil d’inclure un chapitre sur le veto dans son rapport. La représentante a ensuite réaffirmé son appui au travail des délégations porte-plume sur les sanctions applicables au Mali, à savoir la France et les Émirats arabes unis, avant de regretter que l’exercice du droit de veto ait empêché le Conseil de prendre les mesures nécessaires sur cette question cruciale. Elle a rappelé que le projet de résolution proposé a été soutenu par 13 voix pour, y compris celles des membres africains du Conseil. Rappelant que le régime de sanctions et le Groupe d’experts ont été mis en place pour soutenir le processus de paix et de réconciliation au Mali, elle a estimé qu’après le retrait de la MINUSMA, ces instruments auraient été plus importants que jamais. À ses yeux, le veto de la Russie consiste à ignorer les besoins sur le terrain, alors que l’instabilité et l’insécurité frappent la population malienne.
Au nom du groupe CANZ (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande), M. RICHARD ARBEITER (Canada) a condamné fermement le recours au veto par la Fédération de Russie, faisant valoir que la prorogation du mandat du Comité des sanctions concernant le Mali et de son Groupe d’experts est d’autant plus nécessaire dans le contexte du retrait de la MINUSMA. Le représentant s’est inquiété de l’impact de ce retrait sur la situation dans le nord et le centre du pays, sur les tensions croissantes entre les signataires de l’Accord d’Alger et le Gouvernement de transition, et sur les populations civiles déjà confrontées à une instabilité croissante. Alors que la menace des groupes terroristes au Mali et au Sahel devrait nous unir, « la Russie a plutôt choisi de nous diviser et d’abandonner la population malienne », a dénoncé le représentant. La Russie agit ainsi parce que le Groupe d’experts a fait son travail, a-t-il déploré, avant de dénoncer un comportement « obstructionniste » destiné à cacher les atrocités commises par le groupe Wagner au Mali, avec l’appui du Kremlin.
Poursuivant, le délégué s’est inquiété du rétrécissement de l’espace civique au Mali du fait des violations des droits humains par des groupes armés et terroristes, ainsi que par les forces armées maliennes, de concert avec le groupe Wagner. Il a rappelé à cet égard les dispositions de la Convention de l’Union africaine sur l’élimination du mercenariat en Afrique, de 1977, ainsi que l’interdiction officielle de cette pratique en Fédération de Russie. Selon le délégué, cette « dernière manœuvre » de la Russie n’est pas motivée par la protection des civils ou le renforcement de la sécurité au Mali, mais bien par « un programme politique intéressé visant à déstabiliser la région et à piller ses ressources naturelles ». Si le Conseil de sécurité n’agit pas, il incombe aux États Membres de se tenir aux côtés du peuple malien en faveur de la paix, de la sécurité et du développement durable, a-t-il conclu.
M. ISSA KONFOUROU (Mali) a rappelé que c’est en 2017 que le Gouvernement du Mali a demandé au Conseil de sécurité d’imposer des sanctions contre les auteurs d’entraves à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Il a affirmé que le Groupe d’experts mis en place a, en de nombreuses occasions, outrepassé son mandat, fixé par la résolution 2374 (2017) du Conseil de sécurité, se transformant en un autre mécanisme politique « dont nous ignorions l’agenda réel ». Le représentant a notamment critiqué le fait que le Groupe d’experts exigeait du Gouvernement du Mali de fournir les informations détaillées sur la coopération militaire et sécuritaire entre la Fédération de Russie et la République du Mali, soulignant que le choix des partenaires relève de la souveraineté du Mali. Un autre exemple est que le Groupe d’experts a étendu son mandat aux ressources minières du Mali, exploitées essentiellement dans les régions du sud du Mali, et non au nord.
Le représentant a également regretté qu’au moment où le Gouvernement se voyait refuser l’accès aux rapports du Groupe d’experts, des fuites sur des passages intéressés desdits rapports soient organisées dans la presse internationale, relevant en outre que ces rapports débordaient de leur domaine de compétence, pour s’intéresser à des questions politiques ou économiques sans aucun lien avec son mandat, comme la question des violations des droits de l’homme, l’extraction minière et, comme indiqué plus tôt, les choix de partenariats du Mali.
Par ailleurs, certains individus initialement sanctionnés par le Comité sont désormais engagés de manière constructive avec le Gouvernement dans la mise en œuvre de l’Accord. Nous aurions aimé que le Comité tienne compte de ces évolutions positives; là aussi, nous n’avons pas été écoutés, a regretté le délégué qui a aussi fait savoir que son gouvernement a demandé, « là aussi sans succès », des mécanismes adaptés pour contenir les capacités de nuisance de différents groupes hors Accord. C’est au regard de tout ce qui précède que le Gouvernement de la République du Mali a demandé au Conseil de sécurité, par lettre en date du 15 août 2023, la levée du régime de sanctions.
Le délégué malien s’est ensuite réjoui de « l’usage légitime » du droit de veto par la Fédération de Russie, car il a permis de mettre fin au régime de sanctions, qui, a-t-il affirmé, était devenu un instrument aux mains d’un groupe de pays hostiles au Mali et à ses choix et qui l’utilisent pour porter atteinte à ses intérêts.
Mme MARITZA CHAN VALVERDE (Costa Rica) a regretté l’échec du Conseil à renouveler le régime de sanctions et le mandat du Groupe d’experts, alors que le projet présenté par les pays porte-plume n’était en rien controversé. « Les sanctions étaient raisonnables. » Elle a aussi rappelé que le projet était appuyé par les acteurs régionaux, tous les membres africains du Conseil ayant voté pour. Il fallait plutôt renforcer le régime des sanctions que de le supprimer, a-t-elle tranché. Elle a aussi rappelé qu’un membre permanent a usé du droit de veto pour protéger un pays avec lequel il a d’importants liens diplomatiques et politiques. Sans aucun doute, cela envoie le signal négatif que tous les pays alliés avec l’un des membres permanents peuvent se soustraire à toute reddition de comptes s’agissant des violations des droits humains, a conclu la déléguée.
M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a déploré que l’Assemblée générale se réunisse une seconde fois cette année dans le cadre de l’initiative concernant l’exercice du droit de veto. Il a estimé que la prolongation du régime de sanctions contre le Mali se serait avérée d’une importance critique pour la paix et la stabilité dans le pays et dans toute la région, plus encore depuis le départ de la MINUSMA. Il a regretté que la Russie ait à elle seule bloqué une résolution pour prolonger ce régime qui bénéficiait d’un écrasant soutien chez les autres membres du Conseil de sécurité, dont les A3 (Gabon, Ghana et Mozambique). Il a jugé que la Russie ne s’était pas engagée de bonne foi dans les négociations, malgré les efforts des porte-plume pour dégager un consensus. La Russie, a-t-il souligné, avait menacé de ne plus jamais considérer le problème au Conseil de sécurité si ce dernier n’acceptait pas le projet de résolution russe, introduit à la dernière minute et sans consultation. Même avec cette menace, aucun autre membre du Conseil n’a soutenu le projet russe, a-t-il noté, jugeant « inacceptable » un tel comportement, qui consiste à opposer son veto à tout autre texte que le sien. Le délégué a aussi évoqué le nombre croissant d’attaques terroristes, les tensions grandissantes dans le nord du Mali et la détérioration des conditions humanitaires, concluant qu’il est impératif que le Conseil de sécurité et la communauté internationale au sens large continuent d’accorder une attention particulière au Mali et de s’impliquer auprès de ses autorités et acteurs régionaux.
Mme CARLA MARIA RODRÍGUEZ MANCIA (Guatemala) a jugé regrettable que la première question abordée à la soixante-dix-huitième session de l’Assemblée générale soit une fois encore l’exercice du droit de veto. Elle a rejeté l’usage « irresponsable » du veto par un membre permanent du Conseil de sécurité. Bien que le projet de résolution ait été approuvé par 13 membres du Conseil, y compris ses 3 membres africains, la Fédération de Russie y a opposé son veto, avant de présenter un texte qui n’avait fait l’objet d’aucune négociation et qui visait à supprimer le régime de sanctions et le Groupe d’experts, a-t-elle déploré. La représentante a considéré que les mesures prévues par le régime de sanctions auraient pu atténuer les conséquences néfastes du retrait de la MINUSMA sur l’accord de paix. Elle a ensuite appelé le Conseil de sécurité à agir de façon responsable s’agissant du maintien de la paix et de la sécurité internationales, sur la base de la Charte des Nations Unies.
M. JOONKOOK HWANG (République de Corée) a regretté que le Conseil n’ait pas adopté de résolution pour renouveler le régime des sanctions au Mali, entraînant ainsi la fin brutale de ce régime et donc de vives préoccupations quant à l’application de l’accord de paix, qui était déjà au point mort. Il a pointé du doigt les conséquences imprévues du retrait de la MINUSMA. Le représentant a rappelé que les trois pays africains membres du Conseil avaient pourtant appuyé la résolution. Il a remis en question l’utilisation du veto et les intentions de la Russie, d’autant que l’ensemble de la région est confronté à une insécurité croissante et à une situation humanitaire difficile. Sa délégation, a-t-il assuré, continuera de travailler au Conseil de sécurité pour apporter une paix, une stabilité et une prospérité durables en Afrique. Il a rappelé que c’est la cinquième fois qu’un veto est opposé depuis l’adoption de la résolution historique 76/262 mettant en évidence le dysfonctionnement du Conseil face aux crises humanitaires, à l’agression, à l’instabilité régionale et aux menaces nucléaires de la République populaire démocratique de Corée. L’utilisation du veto sape la paix et de la sécurité internationales, a conclu le représentant réitérant son appui à toutes les initiatives visant à limiter le recours à ce droit.
Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a profondément regretté le veto exercé par la Fédération de Russie en vue de mettre un terme au régime de sanctions au Mali. Le texte avait été soigneusement élaboré, a estimé la déléguée, en ajoutant qu’il était le fruit des efforts de la France et des Émirats arabes unis visant à surmonter les divergences. Elle a aussi balayé le projet alternatif qui avait été présenté à la dernière minute par la Russie, en rappelant que tous les autres membres l’ont rejeté. Elle a salué le travail remarquable abattu par le Groupe d’experts, notamment sa présentation en détail des réalités sur le terrain. Elle a exhorté tous les membres du Conseil à travailler de bonne foi pour le bien du peuple malien.
M. ARIAN SPASSE (Albanie) a jugé regrettable que l’Assemblée générale se réunisse à nouveau pour discuter de l’utilisation par la Russie de son droit de veto au Conseil de sécurité. Rappelant que son pays a soutenu le projet de résolution présenté le 30 août par la France et les Émirats arabes unis, en tant que texte de compromis, il a constaté que le veto de la Russie n’a pas tenu compte des points de vue du Conseil, y compris de ses États Membres africains, puisque 13 membres ont voté pour. Sur le fond, le représentant a rappelé que le régime de sanctions en question a été créé pour soutenir la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali et remédier aux obstructions. Il a ajouté qu’après le départ de la MINUSMA, le Groupe d’experts devait jouer un rôle crucial dans le suivi de la mise en œuvre de l’accord de paix et des sanctions, par le biais de rapports réguliers au Comité du Conseil de sécurité. À ce propos, le représentant a relevé que le Groupe d’experts a récemment fait état de violations systématiques des droits humains perpétrées par le groupe Wagner pour promouvoir ses propres objectifs de sécurité au Mali. Il a dit craindre que de telles violations restent incontrôlées sans ces rapports.
M. FERGUS JOHN ECKERSLEY (Royaume-Uni) a déclaré que son pays prenait au sérieux le rôle du Conseil de sécurité comme garant de la paix et de la sécurité internationales, et a insisté sur l’importance du mécanisme de la résolution 76/262 de l’Assemblée générale. Il a rappelé que le Royaume-Uni n’avait lui-même pas fait usage de son droit de veto depuis 1989. La Russie, a-t-il noté, a utilisé ce droit à plusieurs reprises pour imposer sa volonté au reste du monde et saper les efforts de la communauté internationale, des actions qui représentent un dangereux précédent. En utilisant seule son veto pour mettre fin aux mesures de soutien aux efforts de paix, la Russie compromet la mise en œuvre de l’accord de paix dans ce pays et à plus long terme, sa stabilité, a fait remarquer le délégué en se désolant en outre qu’elle bouscule le multilatéralisme. Rappelant que 13 membres du Conseil soutenaient le renouvellement du mandat du Groupe d’experts et du régime de sanctions, une décision qui aurait dû être évidente, il a dénoncé la tentative vaine de la Russie de faire voter une résolution pour dissoudre ce groupe. Celui-ci dénonçait entre autres les atrocités commises par le groupe Wagner au Mali, a-t-il rappelé. En conclusion, il a appelé les autorités de transition du Mali à se conformer aux responsabilités qui leur incombent en droit international, et la communauté internationale à s’unir pour stabiliser la situation dans ce pays.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse)a regretté que l’usage du veto par la Fédération de Russie ait à lui seul mis fin au régime de sanctions au Mali, alors même que la paix et la stabilité restent encore précaires. Elle a souligné que le maintien de la paix et de la sécurité internationales requiert un usage responsable du droit de veto, ainsi qu’une renonciation à ce droit quand le Conseil doit agir dans le cadre d’atrocités de masse. Elle a rappelé que les régimes de sanctions sont des instruments importants dont le Conseil, qui a l’obligation d’« agir au nom de l’ensemble de la communauté internationale », dispose pour remplir son mandat de manière efficace. Elle a estimé que le texte soumis par la France et les Émirats arabes unis constituait un compromis acceptable, ajoutant qu’il lui semble difficile de concevoir un projet de résolution alternatif, présenté à la dernière minute, comme une véritable tentative visant à trouver une position commune du Conseil. Les négociations doivent être menées de bonne foi et non en brandissant la menace d’exercer ou en faisant usage du droit de veto, pour imposer le point de vue d’un seul membre, a-t-elle affirmé.
M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a dénoncé le veto exercé par la Fédération de Russie en vue de mettre un terme au régime de sanctions au Mali, accusant en outre la délégation russe d’avoir harcelé les membres du Conseil pour qu’ils votent son texte. La Russie n’a cure de la stabilisation du Mali et de la région et défend les intérêts du groupe Wagner, a-t-il dit. Le représentant a rappelé que le Gabon, le Ghana et le Mozambique ont soutenu le texte prorogeant les sanctions. Selon lui, la Russie veut démanteler tous les régimes de sanctions, au Mali comme en République populaire démocratique de Corée. Il s’est dit incrédule par les explications avancées par la Russie sur le dossier malien, ainsi que sur celui des sanctions visant la RPDC, notant par ailleurs que la Russie cherche à se procurer des armes auprès de ce pays en vue de poursuivre son agression en Ukraine. Il a souligné la nécessité d’une meilleure application des sanctions, rappelant qu’elles sont un élément capital dans le maintien de la paix.
M. SONG KIM (République populaire démocratique de Corée) a fait valoir que les travaux du Conseil de sécurité doivent être menés dans le plein respect des principes d’égalité des droits et d’autodétermination des peuples. De même, a-t-il ajouté, toute décision du Conseil doit être prise de manière à garantir le respect de la souveraineté, de l’indépendance, de l’intégrité territoriale, en prenant en compte les préoccupations légitimes de l’État Membre concerné. Cela vaut notamment pour les sanctions, a souligné le représentant, rappelant que le régime de sanctions concernant le Mali avait été instauré en 2017 à la demande du Gouvernement malien dans le but de promouvoir un règlement sur la base de l’accord de paix. Selon lui, dès lors que le Gouvernement malien a demandé à la MINUSMA de se retirer, il n’existait aucune base ou justification pour maintenir le Groupe d’experts, le régime de sanctions n’étant plus efficace dans le processus de paix au Mali.
De l’avis du représentant, la délégation russe a fait preuve d’une tolérance et d’une flexibilité maximales en tentant de parvenir à un consensus entre les États Membres. Elle a même rédigé une résolution qui reflétait autant que possible les préoccupations des parties, a-t-il affirmé, regrettant que les États-Unis et leurs alliés aient ignoré les propositions russes et imposé la mise aux voix du texte qu’ils voulaient voir adopter. Ce faisant, ils ont contraint la Russie à recourir à son droit de veto, a soutenu le représentant, pour qui les principes de respect de la souveraineté, d’égalité et de non-ingérence dans les affaires intérieures sont ouvertement ignorés au Conseil. Ces pratiques arbitraires se font jour non seulement sur la question du Mali mais aussi dans les discussions liées à la situation dangereuse dans la péninsule coréenne, a-t-il dénoncé. En conclusion, il a appelé le Conseil à dissoudre le Comité des sanctions sur le Mali et le Groupe d’experts dans les plus brefs délais et à accorder la pleine souveraineté et l’indépendance au Gouvernement et au peuple maliens.
Mme LACHEZARA STOEVA (Bulgarie) a relevé des similitudes entre les deux derniers exercices du droit de veto par la Fédération de Russie: les projets de résolution concernés avaient fait l’objet d’un processus de négociation rigoureux, bénéficiaient d’un large appui de la part des membres du Conseil et étaient essentiels au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Le veto sur le renouvellement des sanctions contre le Mali sape les principes du multilatéralisme, ignore l’opinion dominante au sein du Conseil, y compris celle des États africains et élimine un mécanisme d’engagement avec le Mali et la région. En outre, une telle mesure va à l’encontre de ce que les États Membres de l’ONU attendent d’un membre permanent et responsable du Conseil de sécurité. Dans ce contexte, la représentante a exprimé sa profonde préoccupation face à la détérioration de la situation politique, humanitaire et sécuritaire au Mali et dans la région. Elle a compté que c’est la cinquième fois que la Fédération de Russie exerce son droit de veto depuis l’adoption de la résolution 76/262 de l’Assemblée générale qui a donc convoqué cinq débats sur cette question. Nous devons réfléchir à des moyens concrets pour aider le Conseil de sécurité à honorer ses obligations au titre de la Charte des Nations Unies, a-t-elle argué.
M. FERGAL MYTHEN (Irlande) s’est dit déçu que moins de deux mois après le dernier débat sur l’exercice du droit de veto, l’Assemblée générale discute aujourd’hui d’une nouvelle tentative de la Russie d’entraver le travail du Conseil de sécurité et cette fois, au Mali. Ce veto est un abus, un affront aux principes fondamentaux de l’ONU et une trahison du peuple malien, a affirmé le représentant qui a réclamé l’abolition de ce droit et la réforme du Conseil de sécurité. Il s’est inquiété de la coïncidence entre le dernier veto russe et les efforts visant à dissoudre le Groupe d’experts qui enquête sur les violences sexuelles présumées des forces armées maliennes et du groupe Wagner. Le délégué a accusé la Russie de profiter de sa position à l’ONU pour passer sous silence son propre comportement et étouffer des vérités inconfortables.
S’agissant du retrait de la MINUSMA, le représentant a appelé les autorités de transition à coopérer avec les Nations Unies et à respecter l’accord sur le statut des forces jusqu’au départ du dernier élément de la Mission. Il a condamné les attaques contre des civils, des soldats de la paix et des forces de sécurité nationales ces dernières semaines, y compris les violations du cessez-le-feu à Ber. Il a aussi exhorté les autorités de transition à renouveler leur engagement avec les mouvements signataires de l’accord de paix. L’ONU doit continuer d’appuyer cet accord de paix ainsi que les efforts de la CEDEAO pour faire en sorte que la transition politique s’achève dans les délais convenus, a souligné le représentant.
M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a profondément regretté le veto de la Russie qui a voulu mettre un terme au régime de sanctions au Mali, alors que la situation s’y détériore encore plus rapidement depuis le coup d’État de 2021, le troisième en 10 ans. Le retrait de la MINUSMA et l’influence grandissante des mercenaires n’ont fait qu’aggraver la situation, a estimé le représentant, arguant que le veto russe laisse désormais le peuple malien à la merci de la violence. Il a rappelé que le texte de la Russie proposant la suppression du Groupe d’experts n’a été appuyé par aucun autre membre du Conseil. Il a enfin déploré que la Russie utilise de plus en plus souvent son veto comme un boutoir pour battre en brèche toute approche diplomatique qui irait à l’encontre de ses intérêts politiques.
M. ENRIQUE JAVIER OCHOA MARTÍNEZ (Mexique) a jugé « lamentable » que l’Assemblée générale se soit réunie quatre fois en moins de deux ans pour examiner l’usage du droit de veto par un membre du Conseil de sécurité. En tant qu’ancien Président du Comité des sanctions 2374, le Mexique sait de première main que ce régime a été établi à la demande des autorités maliennes, a-t-il dit. Il a fait remarquer que les informations indépendantes fournies par le Groupe d’experts aidaient le Comité à prendre des décisions fondamentales destinées à appuyer la mise en œuvre de l’Accord d’Alger. Aujourd’hui, a-t-il déploré, le recours au veto a privé le Conseil de sécurité de cet organisme subsidiaire sans proposer un mécanisme alternatif pour le remplacer. L’urgence humanitaire, l’instabilité politique, l’extrémisme violent et le crime organisé au Mali constituent selon lui une menace pour la paix et la sécurité régionales et internationales. Le représentant a donc jugé indispensable de mener une réflexion approfondie sur l’efficacité des mécanismes utilisés par le Conseil dans les situations de conflit, avec la participation des pays visés. Pour le représentant, le veto est un « acte de pouvoir » par lequel un État bloque la volonté des autres lorsqu’il a épuisé ses arguments. « Le veto ne peut être le dernier mot pour régler des différends », a-t-il souligné.
M. STEFAN PRETTERHOFER (Autriche) a regretté le veto russe qui a empêché le Conseil de sécurité d’exécuter son mandat. Il s’est réjoui du fait que cette réunion de l’Assemblée générale soit une occasion pour la Fédération de Russie de rendre des comptes, arguant que le veto ne devrait pas être pris comme un blanc-seing. Le recours au veto par la Russie menace la paix et la sécurité au Mali et dans la région, a affirmé le délégué en rappelant le retrait en cours de la MINUSMA. Pour lui, la situation au Mali exige le soutien continu des États Membres. Le projet de résolution qui a été présenté, mais qui a été bloqué, avait été approuvé par 13 membres du Conseil, y compris les trois pays africains membres du Conseil, qui soutiennent le maintien du régime des sanctions. L’action du Conseil au Mali pâtira de l’absence du Groupe d’experts, a prédit le représentant qui a demandé à tous les signataires de l’accord de paix de l’appliquer pleinement. Le Conseil de sécurité doit placer la vie des populations au centre des préoccupations et laisser de côté ses intérêts, a-t-il dit en conclusion.
M. SAMY SOFIAN SAADI (Allemagne) a regretté que la Russie, en s’opposant à la volonté des pays de la région, sans l’approbation d’un seul autre membre du Conseil de sécurité, ait unilatéralement mis fin à un mécanisme de l’ONU visant à soutenir la paix et la sécurité au Mali et dans la région du Sahel. Il a rappelé que les sanctions avaient pour but de mettre en œuvre l’accord de 2015 sur la paix et la réconciliation au Mali. Les critères de désignation prévus par l’accord comprenaient les attaques contre la MINUSMA, l’entrave aux aides humanitaires et les violations des droits humains, a-t-il précisé. « En d’autres termes, ils étaient destinés à protéger les soldats de la paix de l’ONU et la population malienne. »
Le représentant a jugé irresponsable la décision russe, dans un contexte de retrait accéléré de la MINUSMA, de tensions accrues entre le Gouvernement malien et des groupes armés signataires de l’Accord, et d’une situation humanitaire en détérioration rapide. Il a salué le rôle crucial du Groupe d’experts pour contrôler le respect de l’Accord par toutes les parties, avant d’ajouter que « l’insistance de la Russie à l’abolir en dit long sur ses véritables intentions ». Selon lui, la Russie aurait refusé de négocier sérieusement avec les autres membres du Conseil pour trouver un consensus. Le fait qu’aucun autre membre du Conseil n’ait soutenu son projet de dernière minute montre qu’il s’agissait d’une tentative de saper les efforts de consensus, a-t-il analysé. Il a estimé que la Russie avait mis de manière inconsidérée ses propres intérêts nationaux au-dessus de ceux des pays de la région, en menaçant à plusieurs reprises d’opposer son veto à tous les projets de résolution autres que le sien, et en s’opposant aux consultations pour trouver un compromis après son veto. « La stabilité du Mali et de la région du Sahel est trop importante pour que l’on permette à un seul État Membre de la saboter », a-t-il conclu
M. JAKUB KULHÁNEK (République tchèque) s’est dit préoccupé par le rôle qu’a choisi de jouer la Fédération de Russie au Conseil de sécurité. Il a regretté que, le 30 août, la Fédération de Russie ait décidé d’éliminer le projet de résolution proposé par les porte-plume pour ensuite présenter son propre projet sans possibilité de discussion ou de négociation, l’objectif de ce texte alternatif étant de mettre fin au mandat du Groupe d’experts. À ses yeux, cet agissement est d’autant plus inquiétant que la situation au Mali ne s’est pas du tout améliorée récemment et ne fera que se détériorer avec le retrait de la MINUSMA. Alors que le Groupe d’experts est devenu le seul mécanisme des Nations Unies capable de rendre compte des violations des droits humains et de faciliter les efforts de mise en œuvre de l’accord de paix, la décision russe de supprimer son mandat de rapport visait, selon lui, à empêcher la publication de « vérités inconfortables » sur les activités du groupe Wagner au Mali. Rappelant que chaque membre du Conseil a une responsabilité particulière dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, il a déploré qu’un membre permanent abuse de son droit de veto pour faire passer ses propres intérêts avant « ce noble objectif inscrit dans la Charte des Nations Unies ».
Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes unis) a indiqué qu’en tant que co-porte-plume sur ce dossier, son pays a tout mis en œuvre dans le cadre des négociations pour permettre l’adoption d’une résolution prorogeant le régime de sanctions concernant le Mali et le mandat du Groupe d’experts. Elle a jugé regrettable que le Conseil n’ait pu adopter ce texte en dépit du soutien dont il disposait. La représentante a précisé que, durant les trois semaines de négociations avec les membres du Conseil, les Émirats arabes unis sont restés en contact régulier avec le Mali. Nous avons tenu compte des vues exprimées par les pays de la région et nous avons consulté tous les membres du Conseil, la plupart soulignant la nécessité de poursuivre les négociations et de travailler en concertation avec le Mali, a-t-elle expliqué.
M. MARTHINUS CHRISTOFFEL JOHANNES VAN SCHALKWYK (Afrique du Sud) a rappelé les multiples défis auxquels est confronté le Mali, s’inquiétant notamment de la détérioration de la sécurité, des crises humanitaires et de l’instabilité politique. Il s’est également alarmé de la prolifération des coups d’État en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Le représentant a souligné que les sanctions du Conseil de sécurité, bien qu’elles ne soient pas une fin en soi, pouvaient contribuer à créer des conditions propices à la paix et à la réconciliation. Par conséquent, il est selon lui impératif que des mécanismes équitables et efficaces d’application des sanctions soient poursuivis. Le délégué a également souligné l’importance de préserver l’intégrité territoriale du Mali, en plaçant le bien-être des citoyens maliens au premier plan des responsabilités du Gouvernement de transition.
M. BOŠTJAN MALOVRH (Slovénie) a regretté que, pour la deuxième fois en deux mois, la Russie a utilisé son droit de veto pour saper les efforts collectifs des autres membres du Conseil de sécurité pour promouvoir la paix et les efforts humanitaires sur le terrain, en l’occurrence au Mali. Le droit de veto, a-t-il insisté, est un privilège qui implique responsabilité et transparence, et qui ne devrait jamais être utilisé pour bloquer les actions nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité. Il a soutenu les initiatives visant à en limiter l’utilisation. Le délégué slovène a dit comprendre les préoccupations exprimées par le Mali, mais a également noté que les partenaires régionaux, les plus affectés par l’instabilité régionale, étaient clairement en faveur du maintien des mesures adoptées par le Conseil. Treize membres du Conseil de sécurité, de toutes les régions du monde, se sont exprimés pour la poursuite de ces mesures, et il est profondément regrettable qu’un seul membre permanent ait pris sur lui de renverser la décision de la majorité, a-t-il déploré.
M. GIANLUCA GRECO (Italie) a relevé que l’usage du veto par la Fédération de Russie a empêché le Conseil de sécurité de s’acquitter de ses responsabilités au Mali, menaçant ainsi la paix et la sécurité régionales et internationales. Deuxièmement, ce veto a ignoré l’avis de la plupart des membres du Conseil, y compris ceux de la région concernée, qui avaient voté en faveur du renouvellement du mandat du Groupe d’experts, a-t-il regretté. En outre, ce veto a affaibli les capacités de surveillance du Conseil à un moment crucial pour la transition politique et la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, alors même que le retrait de la MINUSMA est laborieux. Le représentant a également rappelé que les sanctions ne visaient pas à pénaliser le Mali mais bien à appuyer la mise en œuvre de l’Accord. En s’opposant au renouvellement des sanctions, la Fédération de Russie a privé la communauté internationale et le Conseil d’un outil précieux pour guider le Mali et la région du Sahel sur la voie de la paix et de la prospérité, a déploré le délégué qui a appelé le Mali à rester ouvert au multilatéralisme.
M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a fait valoir que le renouvellement du régime de sanctions et du Groupe d’experts constitue l’outil le plus efficace pour sauvegarder l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, surtout après le départ de la MINUSMA. Celle-ci est un élément essentiel de la médiation internationale et son départ, en plus d’être dangereux, laisse un vide qui a déjà provoqué des violations du cessez-le-feu. De plus, le Groupe d’experts fournissait un appui au mandat d’observation, de promotion et de respect des droits humains et du droit international. Il a jugé inacceptable que le Groupe d’experts n’ait pu être renouvelé du fait de la décision arbitraire d’un seul État, malgré l’unanimité des 10 membres élus du Conseil. « Ne dit-on pas que les problèmes africains devraient avoir des réponses africaines? » C’était là l’occasion pour le Conseil de sécurité de passer des paroles aux actes, a-t-il noté, en se laissant guider par la position des A3, qui ont soutenu à l’unanimité le projet de résolution. Selon lui, l’abus du droit de veto constitue la poursuite d’une tutelle néocoloniale qui n’a aucune légitimité. Il a ensuite invité les États Membres à poursuivre leurs discussions pour en restreindre l’usage.
M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a rappelé les attaques d’Al-Qaida à New York en 2001, au Kenya en 1998 et dans le nord du Mali la semaine dernière pour inviter les membres actuels et futurs du Conseil de sécurité à repenser à ce qui s’est fait au lendemain du 11 septembre 2001, dont la résolution 1373 (2001) qui jette les bases de la lutte mondiale contre le terrorisme. Il y a une semaine, a-t-il rappelé, 49 civils et soldats maliens ont été victimes d’attentats terroristes. Le veto de la Russie, la semaine dernière, a poursuivi le représentant, est une occasion de rappeler à l’Assemblée générale que la lutte contre le terrorisme se heurte à des problèmes en Afrique. Il s’est dit troublé par le fait que l’aggravation des menaces terroristes coïncide avec l’érosion de l’unité du Conseil de sécurité, compte tenu de la compétition entre les grandes puissances. Il a imploré le Conseil de se consacrer à la menace terroriste qui s’étend à tout le Mali, au Sahel, jusqu’à la Corne de l’Afrique. Il faut, a-t-il dit, un Conseil dépolitisé et rajeuni qui agisse mieux contre Al-Qaida et ses groupes affiliés. Il faut, a-t-il insisté, un Conseil qui soutienne l’innovation dans le maintien de la paix. Il faut aussi, a-t-il conclu, un financement prévisible et durable de ce pilier.
Mme ANA PAULA ZACARIAS (Portugal) a profondément regretté le veto exercé par la Russie en vue de mettre un terme au régime de sanctions au Mali. Elle a souligné que cela s’est produit à un moment critique marqué par le retrait de la MINUSMA et la détérioration de la situation sécuritaire. Elle a rappelé que la MINUSMA et le régime de sanctions avaient été établis à la demande même du Mali. Or, ces instruments viennent d’être démantelés du fait des autorités de transition, a-t-elle dit, en alertant sur le risque que la situation ne s’aggrave. Comme cela est souvent le cas lors de l’exercice du droit de veto, a-t-elle conclu, nous sommes tous perdants et punis par un seul membre de l’ONU.
Mme EGRISELDA ARACELY GONZÁLEZ LÓPEZ (El Salvador) a indiqué que son pays suit avec intérêt la situation politique, humanitaire et sécuritaire au Mali en tant que pays fournisseur de troupes à la MINUSMA. Dans le contexte du retrait de cette mission, elle a jugé essentiel de maintenir l’environnement le plus stable possible. Les délibérations et décisions du Conseil de sécurité sont donc cruciales pour veiller à ce que ce processus se déroule de manière ordonnée et sûre, a-t-elle souligné, avant d’exprimer son inquiétude quant à l’incapacité du Conseil de parvenir à un accord. Formant le vœu que cela ne se reproduise plus, la représentante a rappelé qu’en vertu de l’Article 24.1 de la Charte des Nations Unies, les États Membres de l’ONU confient au Conseil la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, lequel agit en leur nom.
Mme MELANIE HIDALGO (République dominicaine) s’est félicitée de la participation constructive des États Membres au débat d’aujourd’hui, qui démontre l’importance qu’ils attachent à la question du droit de veto. Elle a exprimé sa préoccupation quant à la fréquence avec laquelle le veto a été utilisé au cours des dernières années, y compris lors de menaces à la paix et la sécurité internationales, de violations des droits humains et de crises humanitaires catastrophiques. À l’occasion de son mandat au Conseil de sécurité, la République dominicaine a présidé le Comité des sanctions concernant le Mali, qui jouait un rôle déterminant en tant qu’outil de surveillance et d’appui à la mise en œuvre de l’accord de paix. Malgré l’impasse actuelle, le représentant a exhorté les membres du Conseil à reprendre le dialogue avec le Mali afin de rétablir le régime de sanctions et le Groupe d’experts. Il a mis en garde contre l’aggravation de la violence et de la crise humanitaire qui en résulterait dans le cas contraire.
M. NORBERTO MORETTI (Brésil) a indiqué que le vote brésilien en faveur du projet de résolution de la France et des Émirats arabes unis fut déterminé par l’appui à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, ainsi qu’aux activités de surveillance du Groupe d’experts, de même que par le retrait de la MINUSMA. Il a déploré que les profondes divisions entre ses membres empêchent le Conseil de sécurité d’exercer ses responsabilités, et a appelé à une réforme urgente de la composition et des méthodes de travail de l’organe afin de renforcer sa légitimité et son efficacité qui, a-t-il mis en garde, ne cessent de diminuer.
M. CORNEL FERUȚĂ (Roumanie) a profondément regretté le veto exercé par la Fédération de Russie en vue de mettre un terme au régime de sanctions au Mali. Il a aussi regretté le retrait de la MINUSMA et s’est inquiété de la détérioration constante de la situation sécuritaire. Dans un tel contexte, le Groupe d’experts aurait pu jouer un rôle crucial dans la surveillance des efforts de paix. Il a exhorté les autorités maliennes à s’opposer à tous ceux qui sapent de tels efforts.
Dans ce cadre, a encore relaté le représentant, nous avons évoqué la lettre envoyée par le Ministère malien des affaires étrangères et avons ajouté un libellé indiquant que le Conseil passerait en revue les dispositions du texte pour tenir compte des préoccupations du Mali. Nous avons soumis des propositions pour trouver un terrain d’entente, et ce jusqu’au jour du vote, a-t-il ajouté, regrettant que ces efforts aient été vains et n’aient pas permis de maintenir le régime de sanctions et le Groupe d’experts. Avant de conclure, il a souligné l’importance de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali et a jugé essentiel, dans le contexte de retrait de la MINUSMA, d’éviter toute complication supplémentaire.
M. ANATOLII ZLENKO (Ukraine) a jugé regrettable que le Conseil de sécurité ait encore une fois échoué à exercer sa responsabilité première concernant un projet de résolution sur le régime de sanctions à l’encontre du Mali et la prolongation du mandat du Groupe d’experts. S’il n’est guère surprenant que la Russie ait une fois de plus abusé de son droit de veto, le représentant a jugé particulièrement alarmant qu’elle n’ait pas tenu compte de la position de la majorité absolue des membres du Conseil et des États de la région, y compris des membres africains du Conseil. Il a averti que l’échec du Conseil à adopter le projet de résolution concernant les sanctions aura un impact significatif sur le processus de paix dans ce pays, au Sahel et en l’Afrique de l’Ouest. Il a espéré qu’en dépit des actions « irréfléchies » de la Fédération de Russie, le Conseil sera en mesure d’adopter sans délai une résolution sur la reconduction du régime de sanctions au Mali. Selon lui, l’incapacité du Conseil à adopter cette résolution, ainsi que d’autres cas d’utilisation du droit de veto par la Fédération de Russie pour bloquer des résolutions, y compris sur l’Ukraine, démontre une fois de plus la nécessité d’une réforme profonde et complète de l’ONU.
M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone) a estimé que l’usage du droit de veto au Conseil de sécurité ne doit donc pas aller à l’encontre de l’objectif de favoriser la paix et la sécurité internationales. C’est pourquoi son pays souscrit à la nécessité d’une réforme globale du système des Nations Unies en général, et à la réforme du Conseil de sécurité en particulier, a-t-il expliqué. Des ressources considérables ont été investies afin de parvenir à une paix et une stabilité durables au Mali, a-t-il reconnu. Toutefois, avec le départ imminent de la MINUSMA, le représentant a considéré urgent de mettre en place un mécanisme permettant de poursuivre la transition et la stabilisation du pays, tel que prévu par l’Accord pour la paix et la réconciliation.
De façon générale, les efforts déployés en faveur d’une paix et d’une stabilité durables au Mali doivent être abordés en gardant à l’esprit la situation humanitaire du peuple malien, a recommandé le représentant en faisant valoir que la prorogation du régime de sanctions aurait contribué au règlement du conflit, compte tenu des violations actuelles du cessez-le-feu entre les parties au conflit. Les membres africains du Conseil de sécurité, les A3, ont voté à l’unanimité en faveur du renouvellement du régime, a-t-il rappelé, afin de s’opposer à ceux qui entravent la mise en œuvre de l’accord de paix, qui demeure essentiel pour la paix et la stabilité à long terme du pays. Les A3, a-t-il noté, ont dûment pris en considération la demande du Gouvernement de transition du Mali avant de se prononcer. Le veto doit être utilisé pour promouvoir les buts et principes de l’ONU, et non pour violer ou saper la paix et la sécurité internationales, a-t-il conclu.