Soixante-dix-septième session,
67e séance plénière – matin
AG/12499

Syrie: l’Assemblée générale divisée sur la reddition de comptes pour les crimes et violations les plus graves commis depuis 2011

L’Assemblée générale a débattu, ce matin, de l’obligation de rendre compte dans le cadre du Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger les personnes qui en sont responsables.  La Cheffe de cet instrument créé par l’Assemblée en 2016 a défendu ses résultats et son développement structurel en en présentant le neuvième rapport.  Si les pays occidentaux, ainsi que la Türkiye et le Qatar, ont apporté un soutien sans faille à Mme Catherine Marchi-Uhel, la Fédération de Russie, pour qui « le Mécanisme n’a pas le droit d’exister », la Chine, la République islamique d’Iran mais aussi Cuba, le Venezuela et le Nicaragua, ont répété qu’ils n’en reconnaissent ni le mandat ni le processus selon eux « illégitime » ayant conduit à sa création. 

La Syrie a fait feu de tout bois, en demandant au Président de l’Assemblée de ne pas interpréter sa présence à cette séance comme une reconnaissance quelconque du mandat du Mécanisme et du Mécanisme lui-même: « Le Gouvernement syrien se dissocie complétement des résolutions de l’Assemblée générale non consensuelles ayant porté illégitimement création du Mécanisme », a dit son représentant.  Sans surprise, les opposants au Mécanisme ont appelé les États Membres à refuser toute allocation au Mécanisme au titre du budget ordinaire. À l’inverse, l’Union européenne (UE) ou encore le Qatar, qui a annoncé que ses contributions dépasseront les 2,5 millions de dollars en 2023, ont répondu favorablement à l’appel de Mme Marchi-Uhel pour assurer un financement pérenne et prévisible du Mécanisme dans un contexte de hausse des sollicitations dont il fait l’objet.  « Financer correctement le Mécanisme est le gage de sa réussite, qui consiste à rendre une justice inclusive que de très nombreux Syriens attendent depuis trop longtemps », a-t-elle souligné. 

Mme Marchi-Uhel a attiré l’attention sur le fait que, six ans après sa création, « le Mécanisme a gagné en efficacité ».  Fort d’une coopération de plus en plus fructueuse avec des États Membres, des organisations internationales et des acteurs de la société civile, il est à présent en mesure d’aider 15 juridictions compétentes, lesquelles, a-t-elle précisé, ont soumis 268 demandes d’assistance.  Surtout, le Mécanisme a déjà appuyé 138 enquêtes nationales grâce à la transmission d’informations, d’éléments de preuve, de rapports et d’analyses.  Dans le cadre d’une coopération technique avec la Suède, un procès a abouti à la condamnation d’une femme pour crime de guerre, et, en Allemagne, un autre procès a permis la condamnation d’un homme pour crime de guerre et meurtre, a-t-elle informé.  En France, le Mécanisme a contribué, par le partage d’informations et de preuves et son mémoire sur l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL), au lancement de l’affaire Lafarge toujours en cours.  Les trois pays concernés ont salué le rôle précieux du Mécanisme dans le traitement de ces affaires dans des États membres de l’UE. 

Le représentant de l’UE a pris la parole pour saluer les poursuites engagées et les jugements obtenus contre les auteurs de crimes graves en Syrie dans plusieurs pays de l’Union, ces efforts se poursuivant « dans d’autres juridictions ». Les Pays-Bas et le Canada sont ainsi engagés dans une importante initiative visant à demander des comptes à la Syrie pour avoir enfreint la Convention des Nations Unies contre la torture, a-t-il ajouté.  De leur côté, les États-Unis ont évoqué la possibilité que soient engagées des poursuites sur le sol américain « le cas échéant ».  Les pays occidentaux, comme les Pays-Bas ou l’Australie, ont appelé l’ONU à réfléchir au moyen de contourner la paralysie du Conseil de sécurité, où la Russie a usé 18 fois de son droit de veto sur la Syrie depuis 2011. Pour ces pays, soutenus par l’Ukraine et la Géorgie, la communauté internationale doit renvoyer à la Cour pénale internationale (CPI) les affaires qu’un Conseil « paralysé par la diplomatie d’obstruction russe » ne parvient pas à traiter. 

D’après les pays précités qui n’accordent aucune légitimité au Mécanisme, et qui ont été également soutenus par la République populaire démocratique de Corée (RPDC), la justice serait rendue si les sanctions unilatérales qui en visent certains étaient levées.  À ces prises de position virulentes, le Royaume-Uni a réagi en martelant que la paix en Syrie ou ailleurs sera impossible tant que l’impunité continuera d’y prévaloir et que les violations des droits de l’homme n’auront pas fait l’objet de poursuites systématiques. 

Sur ce dernier point, Mme Marchi-Uhel a expliqué que le Mécanisme continue d’encourager les victimes et les personnes rescapées à jouer un rôle actif dans la quête d’une justice inclusive.  À cette fin, le Mécanisme a développé et diversifié sa collaboration avec les acteurs de la société civile, et il a renforcé son approche axée sur les droits des victimes et des personnes rescapées, en adoptant des stratégies thématiques sur le genre, les enfants et les jeunes et des objectifs de justice plus larges, a-t-elle dit.  Comme l’indique le rapport présenté par Mme Marchi-Uhel, « la consultation avec les acteurs de la société civile syrienne, organisée par les Pays-Bas et la Suisse en juillet 2022 dans le cadre de la plateforme de Lausanne, a permis au Mécanisme de recueillir des vues sur les principaux aspects de son enquête structurelle ».  La Suisse a d’ailleurs rappelé qu’à Genève, en juin 2022, une représentante de la société civile syrienne avait déclaré qu’il n’y aurait pas de paix durable en Syrie « si la justice n’est pas rendue à toutes les victimes ».  Nous nous rallions à cette position, a ajouté le représentant suisse, jugeant que, pour qu’un avenir commun à l’ensemble de la population syrienne soit concevable, « il est impératif que la justice se prononce ».  Dans ce contexte, le Mécanisme est un outil indispensable pour atteindre cet objectif, raison pour laquelle la Suisse a soutenu son établissement dès le début et continue à le soutenir pleinement, a-t-il dit, résumant les vues partagées par la vingtaine de délégations ayant pris fait et cause pour l’instrument dirigé par Mme Marchi-Uhel. 

Par ailleurs, l’Australie a exhorté les autorités syriennes à se préoccuper « enfin » de leur population, les récents tremblements de terre dévastateurs de février dernier ayant aggravé une situation humanitaire où plus de 15 millions de personnes avaient déjà besoin d’aide.

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