Le monde est proche du minuit apocalyptique: devant l’Assemblée générale, le Secrétaire général tire la sonnette d’alarme et appelle au sursaut
M. António Guterres, Secrétaire général de l’ONU, a prévenu aujourd’hui les États Membres réunis à l’Assemblée générale que « l’humanité n’a jamais été aussi près de son heure la plus sombre, même au plus fort de la guerre froide ». Le monde se dirige en effet vers le minuit de « L’Horloge de l’apocalypse », c’est-à-dire son autodestruction, avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’emballement de la catastrophe climatique, la montée des menaces nucléaires, et l’affaiblissement des normes et des institutions mondiales, a-t-il dépeint, estimant le moment venu de « nous réveiller » et de « nous mettre au travail ».
Nous entamons l’année 2023 face à une confluence de défis sans précédent, a fait observer le Chef de l’ONU qui a demandé un « changement de cap » orienté vers une vision stratégique, une réflexion et un engagement à long terme, en lieu et place de la « préférence pour l’instant présent » qui emprisonne selon lui les politiciens et les décideurs. Il n’a pas hésité à dire que cette pensée à court terme est profondément « irresponsable, immorale et contre-productive ».
En présentant son rapport 2022 sur l’activité de l’ONU, il a détaillé ses six priorités pour 2023, à savoir le Nouvel Agenda pour la paix; les droits sociaux et économiques; le droit au développement et à un environnement propre, sain et durable; le respect de la diversité et l’universalité des droits culturels; le droit à la pleine égalité des genres; et les droits civils et politiques.
Le Président de l’Assemblée générale a souligné que le rapport de M. Guterres s’aligne de manière cohérente sur les priorités de l’Assemblée générale exposées il y a quelques semaines. « Nous devons donc aborder ces processus de manière holistique », a poursuivi M. Csaba Kőrösi, appelant à garder à l’esprit que les domaines prioritaires définis par le Secrétaire général sont à la fois interconnectés et interdépendants. Selon lui, la croissance économique et le développement durable auront une incidence directe sur les perspectives de paix et de sécurité internationales. Il a notamment jugé nécessaire de renouveler notre réflexion sur l’évaluation du développement, en allant au-delà du critère du PIB par habitant.
Sur ce même volet des droits sociaux et économiques et du droit au développement, M. Guterres a pointé du doigt les « failles béantes » de notre système économique et financier, estimant l’heure venue d’un nouveau Bretton Woods. Il est temps, selon lui, d’adopter un nouvel engagement afin de placer les besoins essentiels des pays en développement au centre de chaque décision et mécanisme du système financier mondial, car la pauvreté et la faim augmentent, tandis que les frais d’emprunt sont cinq fois plus cher pour les pays en développement que pour les économies avancées.
Une approche saluée par plusieurs délégations, à l’instar de la Papouasie-Nouvelle-Guinée qui a pointé du doigt une architecture financière et économique mondiale « injuste et inéquitable », qui se fait au détriment des États en développement. El Salvador a estimé à cet égard que l’architecture financière mondiale nécessite une réforme pour permettre aux pays en développement d’accéder aux ressources nécessaires à leur développement et à la création de capacités. Le Bangladesh et la Côte d’Ivoire ont aussi appelé les pays développés, outre leur aide au développement, à respecter leurs engagements en matière de fonds climatiques, à la suite du Secrétaire général qui demandait de tenir la promesse des 100 milliards de dollars aux pays en développement, de mettre en place le Fonds « pertes et dommages » convenu à Charm el-Cheikh et de réalimenter le Fonds vert pour le climat d’ici à la COP28, qui sera précédée en septembre par le Sommet sur l’ambition climatique.
Pour sauver les ODD, le Secrétaire général a misé sur la cinquième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés (PMA5), prévue du 5 au 9 mars à Doha (Qatar), et sur le Sommet sur les ODD prévu en septembre, qui sera le « moment phare de 2023 ». C’est pourquoi il a appelé le monde à mobiliser des ressources en veillant de toute urgence à ce que les économies en développement disposent des liquidités nécessaires pour financer les investissements dans l’éducation de qualité, les soins de santé universels et la préparation aux pandémies, le travail décent et la protection sociale.
Ces éléments représentent pour lui les bases solides d’un « nouveau contrat social » fondé sur les droits et les opportunités pour tous -comme indiqué dans son rapport « Notre Programme commun »-, dont il se réjouit de partager, dès lundi prochain, les grandes lignes à l’Assemblée générale.
Parmi les autres rendez-vous annoncés par le Chef de l’ONU, la conférence des Nations Unies sur l’eau (New York, 22-24 mars) et le Sommet de l’avenir prévu en 2024 qui doit « placer les droits des générations futures » au cœur du débat mondial. Et qui de mieux placés que les jeunes pour défendre cet avenir, a proposé M. Guterres, se disant persuadé que le nouveau Bureau des Nations Unies pour la jeunesse, qui sera opérationnel cette année, permettra d’accroître ces efforts.
Après avoir pris note du rapport du Secrétaire général, l’Assemblée générale a adopté par consensus, en fin de séance, une résolution (A/77/L.43) présentée par le Ministre du tourisme de la Jamaïque, proclamant la « Journée mondiale de la résilience du tourisme », qui sera célébrée le 17 février de chaque année. Enfin, elle a décidé (A/77/L.50) d’accréditer le Centre international pour le génie génétique et la biotechnologie à la cinquième Conférence des Nations Unies sur les PMA et de l’inviter à y participer en tant qu’organisation intergouvernementale.
En début de séance, l’Assemblée générale a observé une minute de silence à la mémoire des victimes du tremblement de terre qui a frappé tôt, aujourd’hui, le sud de la Türkiye et le nord de la Syrie.
La prochaine séance de l’Assemblée générale sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.
RAPPORT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR L’ACTIVITÉ DE L’ORGANISATION - (A/77/1)
« Nous sommes à un moment décisif de l’histoire », a déclaré d’emblée le Président de l’Assemblée générale, M. CSABA KŐRÖSI, en faisant état d’une crise complexe, aux facettes multiples. Nous devons penser et agir dans un état d’esprit de gestion de crise, en cherchant « les voies de la transformation » de façon pragmatique, tout en assumant l’entière responsabilité des conséquences de nos actions ou de notre inaction, a-t-il plaidé. À ses yeux, le rapport du Secrétaire général s’aligne de manière cohérente sur les priorités de l’Assemblée générale exposées il y a quelques semaines. Celle-ci s’est en effet engagée dans une série de 16 processus de négociations recoupant plusieurs des priorités identifiées par le Secrétaire général, parmi lesquelles les préparatifs en vue du Sommet sur les objectifs de développement durable (ODD), qui se tiendra en septembre prochain, à mi-parcours du Programme de développement durable à l’horizon 2030, ainsi que les efforts visant à façonner le Sommet de l’avenir, prévu en 2024. De même, le mois prochain, la Conférence des Nations Unies sur l’eau constituera une occasion cruciale d’avancer vers une gestion proactive et durable de l’eau.
Nous devons donc aborder ces processus de manière holistique, a poursuivi le Président de l’Assemblée générale, en gardant à l’esprit que les domaines prioritaires définis par le Secrétaire général sont à la fois interconnectés et interdépendants. Selon lui, la croissance économique et le développement durable auront une incidence directe sur les perspectives de paix et de sécurité internationales. Il est nécessaire à ses yeux de renouveler notre réflexion sur l’évaluation du développement, en allant au-delà du PIB. Il a jugé important de s’appuyer sur les preuves et données scientifiques. Tous les organes de l’ONU, a-t-il par ailleurs insisté, doivent travailler de façon harmonisée pour réaliser les changements transformationnels qu’attendent nos « 8 milliards d’actionnaires ».
M. Kőrösi a cité en exemple « l’initiative du veto », qui renvoie une crise à l’Assemblée lorsqu’un membre permanent du Conseil de sécurité fait usage de son droit de veto. Cette initiative a offert selon lui un « cours magistral » sur l’importance du travail de l’Assemblée générale, tout en ouvrant la porte à une collaboration et une responsabilité accrues dans l’ensemble du système onusien. Il nous appartient maintenant de gérer et de prévenir les crises, de construire la solidarité et de rechercher des solutions ancrées dans l’universalité des droits humains, afin de jeter les bases d’un changement durable, a-t-il conclu.
Exposé du Secrétaire général sur ses priorités pour 2023
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a tout d’abord fait part de sa profonde tristesse au sujet des tremblements de terre dévastateurs qui ont frappé la Türkiye et la Syrie, présentant ses condoléances aux familles des victimes et assurant que les Nations Unies se mobilisent pour soutenir la réponse d’urgence. Il a ensuite alerté sur l’état du monde en évoquant l’Horloge de l’apocalypse: chaque année des experts mesurent à quelle distance l’humanité se trouve de minuit, autrement dit, de son autodestruction, et cette année on est à 90 secondes du minuit apocalyptique, avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’emballement de la catastrophe climatique, la montée des menaces nucléaires, et l’affaiblissement des normes et des institutions mondiales. « L’humanité n’a jamais été aussi près de son heure la plus sombre, même au plus fort de la guerre froide. »
Le Secrétaire général a dès lors appelé à « nous réveiller, et nous mettre au travail », soulignant que nous entamons l’année 2023 face à une confluence de défis sans précédent. C’est « un changement de cap » qu’il a demandé en espérant gagner une vision stratégique, une réflexion et un engagement à long terme, plutôt que la « préférence pour l’instant présent » qui emprisonne selon lui les politiciens et les décideurs. Cette pensée à court terme est profondément irresponsable, c’est immoral, et c’est contre-productif, a lancé le Secrétaire général. « Mon message aujourd’hui se résume à ceci: Ne vous limitez pas uniquement à ce qui peut vous arriver aujourd’hui, pour tergiverser », a déclaré le Secrétaire général en rappelant aux délégations l’obligation d’agir, en profondeur et de manière systémique. « L’heure n’est pas aux petites retouches. L’heure est à la transformation. »
M. Guterres, qui présentait à l’Assemblée le rapport 2022 sur « l’activité de l’Organisation », a détaillé six priorités pour 2023: le droit à la paix; les droits sociaux et économiques et le droit au développement; le droit à un environnement propre, sain et durable; le respect de la diversité et l’universalité des droits culturels; le droit à la pleine égalité des genres; et enfin les droits civils et politiques comme fondement de sociétés inclusives.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie inflige des souffrances indicibles au peuple ukrainien et a de profondes répercussions mondiales, a rappelé M. Guterres en soulignant que les perspectives de paix ne cessent de s’amenuiser. Il a exhorté à œuvrer davantage pour la paix partout dans le monde: en Palestine et en Israël, où la solution des deux États s’éloigne de jour en jour; en Afghanistan, où les droits des femmes et des filles sont bafoués et où les attentats terroristes meurtriers se poursuivent; au Sahel, où la sécurité se détériore à un rythme alarmant; au Myanmar, qui connaît de nouvelles vagues de violence et de répression; en Haïti, où la violence en bande organisée prend tout le pays en otage; et ailleurs dans le monde, pour les deux milliards de personnes qui vivent dans des pays touchés par des conflits et des crises humanitaires.
Le Chef de l’ONU a appelé à revoir notre approche de la paix en nous engageant de nouveau à appliquer la Charte, en mettant les droits humains et la dignité humaine au premier plan, et la prévention au cœur de notre action. Il a prôné une vision globale du continuum de la paix qui identifie les causes profondes et empêche les graines de la guerre de germer. Une vision qui se concentre sur la médiation, fasse avancer la consolidation de la paix et comprenne une participation beaucoup plus large des femmes et des jeunes. Ce sont là des éléments fondamentaux du Nouvel Agenda pour la paix, proposé pour redynamiser l’action multilatérale dans un monde en transition et dans une nouvelle ère de compétition géostratégique, a-t-il expliqué. M. Guterres a rappelé au passage que de nombreuses missions de maintien de la paix des Nations Unies manquent de ressources et subissent des attaques, assurant que nous renforcerons notre engagement en faveur de la réforme moyennant l’initiative Action pour le maintien de la paix Plus.
Il a reconnu en même temps la nécessité d’une nouvelle génération de missions d’imposition de la paix et d’opérations antiterroristes, dirigées par des forces régionales, dotées d’un mandat du Conseil de sécurité établi en vertu du chapitre VII et bénéficiant d’un financement garanti et prévisible. L’Union africaine est à cet égard un partenaire évident, a-t-il commenté avant de passer à la question du désarmement et de demander aux pays dotés de l’arme nucléaire de renoncer au recours en premier à ces armes effroyables. Il a jugé absurde l’utilisation dite « tactique » des armes nucléaires et plaidé pour que soit mis fin à cette menace, avant de demander aussi de prévoir des mesures pour interdire sur le plan international les cyberattaques contre les infrastructures civiles. Avec ce Nouvel Agenda pour la paix, le Secrétaire général espère tirer parti au maximum du pouvoir de rassemblement de l’ONU pour former de vastes coalitions et faciliter les efforts diplomatiques, prenant exemple sur l’Initiative céréalière de la mer Noire ou encore la récente visite de la Vice-Secrétaire générale de l’ONU en Afghanistan. Il a souhaité des approches audacieuses et innovantes.
Sur le volet des droits sociaux et économiques et le droit au développement, le Chef de l’ONU a pointé du doigt les « failles béantes » de notre système économique et financier, estimant l’heure venue d’un nouveau Bretton Woods.
Face à la pauvreté et la faim qui augmentent, aux frais d’emprunt cinq fois plus cher pour les pays en développement que pour les économies avancées, entre autres, il a jugé qu’il est temps d’adopter un nouvel engagement afin de placer les besoins essentiels des pays en développement au centre de chaque décision et mécanisme du système financier mondial. Pour sauver les ODD, il a misé sur la cinquième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés (PMA5), prévue le mois prochain à Doha, et le Sommet sur les ODD en septembre, qui sera le « moment phare de 2023 ». C’est pourquoi il a appelé le monde à s’unir dès maintenant pour mobiliser des ressources et veiller de toute urgence pour que les économies en développement disposent des liquidités nécessaires pour financer les investissements dans l’éducation de qualité, les soins de santé universels et la préparation aux pandémies, le travail décent et la protection sociale.
Ces éléments représentent pour lui les bases solides d’un « nouveau contrat social » fondé sur les droits et les opportunités pour tous - comme indiqué dans son rapport « Notre Programme commun ». En attendant, il a exhorté le Groupe des Vingt (G20) à s’entendre sur le plan de relance des ODD qu’il a proposé au Sommet du G20 de novembre dernier pour soutenir les pays du Sud. Il a promis de continuer à faire pression pour une action immédiate et des réformes en profondeur, en mettant le pouvoir fédérateur de l’Organisation au service d’un véritable changement.
Poursuivant, il a défendu le droit à un environnement propre, sain et durable qui va de pair avec le droit au développement, exigeant de mettre un terme à la guerre implacable et insensée contre la nature qui fait courir le risque immédiat de dépasser la limite du réchauffement climatique. L’année 2023 est une année charnière, car elle doit être celle d’une action climatique qui change la donne, a prévenu M. Guterres. « Finies les demi-mesures. Finies les excuses. Fini l’écoblanchiment. Finie la cupidité illimitée de l’industrie des combustibles fossiles et de ceux qui la font vivre. » Il a invité à se concentrer sur deux priorités urgentes: réduire les émissions et réaliser la justice climatique. Il a dit attendre d’ici à septembre des plans de transition assortis d’objectifs crédibles et ambitieux pour 2025 et 2030, de la part de toutes les entreprises, villes, régions et institutions financières qui ont pris l’engagement d’atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici à 2050.
Le Secrétaire général a adressé un message particulier aux producteurs de combustibles fossiles et consorts « qui se démènent pour accroître la production et engranger des bénéfices monstrueux »: « Si vous ne pouvez pas vous engager de manière crédible sur la voie de la neutralité carbone et fixer des objectifs pour 2025 et 2030 qui couvrent toutes vos opérations, vous ne devriez pas être en activité. » Il a martelé que nous avons besoin d’une révolution des énergies renouvelables, pas d’une résurgence autodestructrice des combustibles fossiles, avant de plaider pour un financement adéquat de l’action climatique. Il a pour cela demandé aux pays développés d’au minimum, respecter les engagements pris lors de la dernière conférence des Nations Unies sur le climat (COP), notamment tenir la promesse des 100 milliards de dollars aux pays en développement, mettre en place le Fonds « pertes et dommages » convenu à Charm el-Cheikh et réalimenter le Fonds vert pour le climat d’ici à la COP28, qui sera précédée en septembre par le Sommet sur l’ambition climatique.
M. Guterres a donné rendez-vous en septembre à tous les leaders membres d’un gouvernement, chef d’entreprise, représentant ou représentante de la société civile, mais à une condition: « Venez avec le projet d’accélérer l’action au cours de cette décennie et avec des plans renouvelés et ambitieux pour atteindre la neutralité carbone – ou bien, je vous en prie, ne venez pas! » Il a aussi souhaité que soit donné vie au cadre mondial de la biodiversité, en prévoyant des ressources suffisantes, et que les gouvernements élaborent des plans concrets pour transformer les subventions nocives pour la nature en mesures d’incitation en faveur de la préservation de la nature et du développement durable. Agir en faveur des océans a été une autre de ses préoccupations, ainsi que la ressource de l’eau sur laquelle un sommet se tiendra en mars pour adopter un programme d’action audacieux.
Dans son quatrième point, M. Guterres a défendu le respect de la diversité et l’universalité des droits culturels. Il s’est inquiété pour les minorités ethniques et religieuses, les réfugiés, les migrants, les populations autochtones et les membres de la communauté LGBTQI+, qui sont de plus en plus la cible de la haine, en ligne et hors ligne. Il a dénoncé les plateformes de réseaux sociaux utilisant des algorithmes qui amplifient les idées toxiques et banalisent les opinions extrémistes, ainsi que les annonceurs qui financent ce modèle économique. Il a lancé un appel à l’action à toutes celles et ceux qui peuvent influer sur la diffusion de fausses informations et la désinformation sur Internet et annoncé une réunion de toutes les parties prenantes autour d’un code de conduite portant sur l’intégrité de l’information sur les plateformes numériques.
Venant à sa cinquième priorité, il a défini le droit à la pleine égalité des genres, comme étant à la fois un droit humain fondamental et une solution à certains des plus grands défis de notre monde. Et pourtant, la moitié de l’humanité est bridée par la violation des droits humains, a-t-il déploré citant le cas de l’Afghanistan où les femmes et les filles sont des exilées dans leur propre pays, bannies de la vie publique, et voient chaque aspect de leur vie contrôlé par les hommes. « Nous sommes mortes, et pourtant vivantes », a dit une jeune femme dont il a rapporté les propos. En Iran, des femmes et des filles sont descendues dans la rue pour réclamer le respect des droits fondamentaux, au prix d’un lourd tribut, a-t-il rappelé tout en rappelant que la discrimination fondée sur le genre est mondiale, systématique, omniprésente et entrave le développement de chaque pays. Au rythme actuel, il faudrait 286 ans pour que les femmes obtiennent le même statut juridique que les hommes, s’est écrié le Chef de l’ONU. Il a aussi remarqué que certains gouvernements s’opposent désormais à l’inclusion même d’une perspective de genre dans les négociations multilatérales. Il s’est souvent retrouvé face à des panels exclusivement masculins, ironisant sur ces « manels » dont les thèmes touchent aussi bien les femmes et les filles que les hommes et les garçons. « Cette pratique doit être bannie », a-t-il lancé en dénonçant le patriarcat et en annonçant un examen indépendant des capacités de l’ONU en matière d’égalité des genres. Il a aussi prévu de consolider les progrès réalisés dans les postes de haute direction au sein de l’Organisation.
Abordant pour finir le volet des droits civils et politiques, objet de son sixième point, le Secrétaire général a pointé du doigt ce qu’il a appelé une pandémie de violations de ces droits sous couvert de COVID-19, regrettant que les nouvelles technologies fournissent bien souvent un alibi et des moyens de contrôler la liberté de réunion et même la liberté de circulation. Il s’est aussi alarmé du nombre croissant de pays où les médias sont en ligne de mire, sachant que le nombre de journalistes et de professionnels des médias tués a grimpé de 50% l’an dernier et que beaucoup d’autres ont été harcelés, emprisonnés et torturés. Pour contribuer à la réalisation de son appel à l’action en faveur des droits humains, il s’est employé à faire progresser les libertés fondamentales, à promouvoir une participation plus systématique de la société civile et à protéger l’espace civique dans le monde entier.
Enfin, il a appelé à prendre conscience que les menaces auxquelles le monde est confronté portent non seulement atteinte aux droits de nos contemporains, mais également aux droits des générations futures trop souvent oubliées. C’est pourquoi le Sommet de l’avenir, qui se tiendra l’année prochaine, doit placer ces droits au cœur du débat mondial. Et qui de mieux placés que les jeunes pour défendre cet avenir, a proposé M. Guterres, se disant persuadé que le nouveau Bureau des Nations Unies pour la jeunesse, qui sera opérationnel cette année, permettra d’accroître ces efforts. Ce sera également l’occasion de renforcer l’action mondiale et de bâtir une Organisation des Nations Unies prête pour une nouvelle ère, une ONU plus créative, diverse, multilingue et plus proche des personnes que nous servons. Pour finir, M. Guterres s’est réjoui de pouvoir informer l’Assemblée générale plus en détail sur « Notre Programme commun », dès lundi prochain.
Débat
Mme AGNES MARY CHIMBIRI MOLANDE (Malawi), s’exprimant au nom des pays les moins avancés (PMA), a estimé que 2023 est une année critique pour la communauté internationale, confrontée aux impacts de crises multiples, découlant des effets persistants de la pandémie de COVID-19, des changements climatiques et de la montée des tensions géopolitiques. De fait, l’inflation, les perturbations des chaînes d’approvisionnement, les prix élevés des denrées alimentaires et de l’énergie touchent les PMA de manière disproportionnée, a noté la représentante en s’inquiétant qu’ils mettent en péril la mise en œuvre du Programme 2030. Pour y faire face, elle a appelé les partenaires au développement à faire preuve de solidarité, et non d’austérité. De même, le système des Nations Unies pour le développement a besoin d’un soutien accru pour lui permettre d’apporter un appui renforcé aux PMA et aux autres pays vulnérables, a-t-elle fait remarquer.
La mise en œuvre du Programme d’action de Doha est d’une importance vitale pour aider les PMA, a poursuivi la représentante, en invitant les États Membres à renforcer leur résilience et à accélérer la mise en œuvre du Programme 2030. Elle a invité tous les pays à participer à la cinquième Conférence des Nations Unies sur les PMA au niveau des chefs d’État et de gouvernement, du 5 au 9 mars prochain. S’agissant de « Notre Programme commun » et du Sommet sur les ODD, la représentante s’est dite impatiente de traduire leurs recommandations en actions, avec l’appui des États Membres, afin de mener des changements transformateurs.
M. YASEEN LAGARDIEN (Afrique du Sud) a estimé que si, pour beaucoup d’entre nous, la pandémie de COVID-19 semble s’être largement atténuée, son impact disproportionné sur les pays en développement reste toujours présent et la distribution des vaccins continue d’être inégale et inadéquate.
La solidarité est nécessaire pour faire face à ces conséquences qui, sinon, compromettent la réalisation des ODD, a-t-il soutenu. Des initiatives telles que l’Accélérateur ACT (dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la COVID-19), coprésidé par le Président Ramaphosa, champion de l’UA pour la réponse à la pandémie, et le Premier Ministre norvégien, en sont pour lui un exemple.
Sur un autre volet, le représentant s’est inquiété des dépenses militaires vertigineuses dans le monde, avoisinant 2,1 billions de dollars, soit le niveau le plus élevé depuis la guerre froide, ce qui illustre selon lui l’environnement géopolitique difficile auquel le monde est confronté en raison des tensions accrues et de l’incapacité du Conseil de sécurité à remplir son mandat de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il est donc urgent de progresser dans la réforme du Conseil de sécurité pour relever ce défi structurel, a-t-il réclamé. Il a toutefois misé sur le Nouvel Agenda pour la paix pour tracer une nouvelle voie pour la prévention des conflits et la consolidation de la paix, avec un rôle clair pour l’ONU, les bons offices du Secrétaire général et les organisations régionales, telles que l’UA. Il a aussi appelé à créer des synergies entre les priorités régionales telles que l’Agenda 2063 pour l’Afrique et le Programme 2030.
Mme NORDIANA BINTI ZIN ZAWAWI (Malaisie) a souligné qu’alors qu’une guerre en cours continue de dominer les dialogues et les discussions au sein de la communauté internationale, polarisant même le travail des Nations Unies, le Secrétaire général a réussi à identifier d’autres menaces pour la paix et la sécurité qui exigent une attention et une priorité tout aussi pressantes.
C’est dans cet esprit que son pays appelle la communauté internationale à soutenir l’implication étroite de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Myanmar, avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), dans les efforts visant à ramener la paix et la démocratie dans le pays. Au Moyen-Orient, la Malaisie espère que le même élan pourra être donné pour trouver une solution juste et pacifique au conflit palestinien, a poursuivi la déléguée.
Elle a dit par ailleurs soutenir les efforts déployés pour arriver à une pleine mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. La représentante a également rappelé son engagement en faveur du désarmement, nucléaire en particulier. Commentant le rapport sur la question du fonctionnement de l’Organisation, elle a réitéré sa position en faveur de la réforme, pour une ONU plus transparente, inclusive et responsable, et a souhaité que les ressources nécessaires soient fournies pour lui permettre d’accomplir toutes les missions mandatées par les États Membres. Pour finir, elle a rappelé que l’ONU n’a pas été créée pour servir uniquement certaines régions du monde. L’ONU a été conçue pour servir l’humanité tout entière, et « nous sommes loin d’être à la hauteur des idéaux inscrits dans la Charte », a-t-elle ajouté.
M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a fait état de crises profondes et interconnectées, telles que les changements climatiques, la pandémie de COVID-19 et la multiplication des confits. Les tensions entre l’humanité et la nature se manifestent par un risque accru de maladies zoonotique, la perte de biodiversité et la désertification, entraînant déplacements, famines et insécurité, a-t-il aussi recensé. À ses yeux, l’approche sanitaire envisagée en riposte implique autant la sécurité que des mesures sanitaires. À cet égard, l’incapacité du Conseil de sécurité à adopter une résolution sur le climat et la sécurité est mauvais signe, a-t-il noté. Pour y faire face, il a recommandé, dans nos efforts, de garder à l’esprit les personnes les plus affectées par ces phénomènes, notamment les peuples autochtones et les jeunes.
Selon le représentant, la crise en Ukraine causée par l’agression est venue remettre en question la capacité de l’ONU à répondre aux violations de la Charte des Nations Unies, bien que l’Assemblée générale soit passée à l’action. Il a estimé que le Nouvel Agenda pour la paix arrive à point nommé. L’agression contre l’Ukraine démontre encore une fois selon lui les lacunes des processus décisionnels en matière de paix et de sécurité, alors qu’un agresseur est en mesure de court-circuiter le Conseil. L’initiative sur le veto est de la plus haute importance, a estimé le représentant en appelant à intensifier la reddition de comptes au sein même de l’Organisation.
M. MUNIR AKRAM (Pakistan) a rappelé les défis émergents auxquels se heurte la communauté internationale, dont la crise climatique et ses conséquences sur les plus vulnérables, la multiplication des conflits, les tensions entre les grandes puissances militaires, la crise du développement liée à la pandémie de COVID-19, la spirale de l’inflation, l’explosion de la dette et la croissance économique en berne. Ces défis qui touchent à la paix, au développement et aux droits de l’homme ne pourront être relevés que grâce à la coopération multilatérale, dans le cadre de la Charte des Nations Unies. Il est donc essentiel de donner les moyens à l’Organisation.
L’instabilité, a poursuivi le représentant, est exacerbée par la pauvreté, l’injustice, les inégalités, la haine, l’intolérance, la xénophobie et l’islamophobie qui ne cesse de progresser. Le Nouvel Agenda pour la paix proposé par le Secrétaire général doit par conséquent tout mettre en œuvre afin de garantir un respect cohérent et universel des grands préceptes de la Charte, des résolutions du Conseil de sécurité et du droit international, a-t-il conclu.
Mme SHINO MITSUKO (Japon) s’est inquiétée de la remise en cause de l’ordre international « libre, ouvert et stable » dans un contexte de changements historiques dans les rapports de force et de tensions géopolitiques accrues. Évoquant une « crise de confiance » dans l’ONU et le multilatéralisme, elle a jugé impératif de restaurer la crédibilité de l’Organisation en revenant aux principes de la Charte et en rompant avec le « règne par la force ». Nous devons en outre construire des sociétés résilientes en investissant dans les personnes, a fait valoir la déléguée, en faisant remarquer l’accent que met son pays sur l’éducation et la santé. L’investissement dans les personnes et l’autonomisation des femmes et des jeunes constitue à ses yeux le moyen idoine de participer à l’instauration et au maintien de la paix et du développement.
La représentante a ensuite invité à renouveler l’engagement commun en faveur du désarmement et de la non-prolifération, notamment en renforçant le régime du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Afin par ailleurs de renforcer les fonctions de l’ONU, elle a jugé essentiel de réformer le Conseil de sécurité, question qui demeure en suspens malgré les initiatives répétées au plus haut niveau de l’Organisation, y compris dans le Document final du Sommet mondial de 2005. Pour sa part, le Japon entend travailler avec l’ONU et ses États Membres afin de relever les défis actuels et futurs à l’approche du Sommet sur les ODD, de préparer le Sommet de l’avenir et de mettre en œuvre « Notre Programme commun ».
M. PAVEL EVSEENKO (Bélarus) a estimé que le développement durable ne sera possible qu’en misant sur un multilatéralisme adéquat et une coopération cohérente avec les gouvernements nationaux. À cet égard, il s’est félicité des mesures prises par l’ONU pour mobiliser des ressources financières, renforcer le commerce international, lutter contre les inégalités sociales ainsi que pour mettre en œuvre le Programme 2030 et le Programme d’action de Vienne. Le délégué a pris note du travail effectué pour développer le système des coordonnateurs résidents et les équipes de pays de l’ONU, notamment dans le cadre de la pandémie de COVID-19. Il s’est toutefois inquiété de la tendance émergente à la réduction du financement des budgets ordinaires des agences de développement des Nations Unies, du non-respect des engagements pris par les pays donateurs et de la politisation de ces questions, estimant qu’une telle approche affecte certains pays en particulier ainsi que la réalisation des ODD dans le monde entier.
Le représentant a par ailleurs souligné la contribution importante des missions politiques spéciales de l’ONU en vue de favoriser le maintien de la paix et de la sécurité internationales ainsi que la protection des civils, en renforçant les systèmes répressifs, judiciaires et pénitentiaires. Il s’est félicité à cet égard des efforts diplomatiques déployés par les Nations Unies pour résoudre le conflit en Ukraine, notamment l’Initiative de la mer Noire qui permet de faire face à la crise alimentaire mondiale. La coordination de la réponse humanitaire de l’ONU aux populations les plus vulnérables du monde est devenue l’une des priorités de l’Organisation, a-t-il noté, de même que la réglementation et la limitation des armes conventionnelles et nucléaires. Malgré le travail crucial accompli par l’Organisation, le représentant a estimé que ses efforts peuvent et doivent être encore plus efficaces afin de relever les défis de notre temps.
M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a exprimé son ferme appui aux initiatives du Secrétaire général visant à apporter des réponses pérennes aux défis actuels, ainsi qu’aux solutions proposées dans le cadre de « Notre Programme commun ». La résurgence des tensions géopolitiques, l’expansion du terrorisme, les risques liés aux armes de destruction massive et les crises alimentaire, énergétique et climatique soulignent selon lui l’urgence d’apporter des réponses durables à ces défis. Le représentant a demandé la mise en œuvre des engagements pris par les États Membres en matière de financement de l’action climatique et du développement durable, en plaidant pour une réforme de la gouvernance financière mondiale. À cette fin, une attention particulière devrait être accordée à la coopération internationale en matière fiscale afin d’aider les États en développement à financer les programmes de développement.
Le délégué a en outre appelé à intensifier les efforts de lutte contre le terrorisme au Sahel et en Afrique de l’Ouest, « fléau » qui menace la sécurité internationale et freine le développement. Il a réaffirmé en conclusion l’engagement de son pays envers le multilatéralisme afin de bâtir un monde de paix, de prospérité et de progrès pour tous les peuples.
M. BASSAM SABBAGH (Syrie) a expliqué que le Gouvernement syrien a mobilisé toutes les ressources nécessaires pour faire face aux effets du séisme d’aujourd’hui qui a fait des centaines de morts et de blessés. La Syrie est reconnaissante aux États Membres et à l’ONU qui ont exprimé leurs condoléances et leur solidarité avec le peuple syrien en ces moments difficiles, avant de les appeler à lui tendre la main face à cette catastrophe humanitaire et à lever les contraintes qui découlent des mesures coercitives unilatérales qui lui sont imposées et qui entravent les secours. Concrètement, il a parlé du cas des compagnies de fret aériennes qui, par crainte des conséquences des mesures unilatérales, ont refusé d’acheminer de l’aide par les aéroports syriens.
Passant au rapport du Secrétaire général, il a insisté sur la nécessité de renforcer le développement, la paix et le droit à un environnement sain. Il a revendiqué l’égalité des chances en matière de développement pour tous les pays, tout en relevant un immense fossé entre pays développés et en développement, qui doit être comblé si l’on veut mettre en œuvre le plan à l’horizon 2030. Pour cela, il a recommandé de mettre en place des partenariats stratégiques plus efficaces entre les Nations Unies et les gouvernements des pays en difficultés, ainsi que de tenir compte du principe de souveraineté nationale et des priorités nationales de développement. Le représentant a ensuite dénoncé les politique coercitives et d’exclusion à l’encontre de certains pays, en citant les mesures coercitives unilatérales et les contraintes économiques qui menacent de manière générale le développement et la paix. Il a donné le cas de son pays, où les mesures imposées par les États-Unis et certains pays européens constituent le principal obstacle au relèvement et à la reconstruction. Sur le dossier des combattants étrangers, qui est évoqué dans le rapport du Secrétaire général, il a observé la réticence de certains pays à rapatrier ces éléments, ainsi que leurs familles, alors même que les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité l’exigent. C’est la preuve d’une volonté d’instrumentalisation politique de ce dossier, a-t-il estimé arguant que le terrorisme est utilisé comme prétexte pour justifier la présence en Syrie de la coalition internationale, menée par les États-Unis. À ses yeux, la présence illégitime des forces américaines dans son pays et la violation du droit souverain des Syriens sur leur pétrole, leur gaz et leurs récoltes sont les véritables raisons qui exacerbent les souffrances du peuple syrien.
Mme SHARIFA YOUSEF A. S. ALNESF (Qatar) a salué les priorités arrêtées par le Secrétaire général, ainsi que sa stratégie de mobilisation des ressources au service du développement durable. Elle a dit attendre avec impatience la réunion informelle que l’Assemblée générale a prévue, le 13 février prochain, sur « Notre Programme commun ».
Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a pointé du doigt la profonde crise systémique que connaît le monde et dont les principales causes sont liées à la volonté d’un certain nombre d’États de préserver, par tous les moyens, l’ordre mondial unipolaire et d’empêcher la formation de relations internationales et d’un nouveau système qui soient équitables. Elle a déploré les tentatives d’acteurs individuels d’engager le dialogue en position de supériorité, d’imposer le « droit du plus fort », de remplacer les normes universelles du droit international par un « ordre mondial fondé sur des règles », et des mécanismes multilatéraux avec des clubs d’États « aiguisés » pour servir leurs intérêts géopolitiques.
La représentante a ensuite déclaré ne pas pouvoir non plus fermer les yeux sur ce qui figure dans le rapport du Secrétaire général s’agissant des accords conclus à Istanbul le 22 juillet 2022. Les résultats du deuxième document et de sa mise en œuvre pour ce qui est de l’exportation de denrées alimentaires et d’engrais n’ont toujours pas été publiés, a-t-elle déploré, y voyant l’explication de ce qui semble être une absence de véritables résultats. Elle a estimé que les débats concernant les menaces liées à la faim et à la sécurité alimentaire servent en réalité les intérêts économiques de l’Ukraine et de bénéficiaires occidentaux. Depuis 2020, l’ONU parle régulièrement d’une menace de famine aux « proportions bibliques », ce qui confirme, selon elle, que les causes profondes de la crise alimentaire d’aujourd’hui remontent à bien avant 2022. La pénurie alimentaire et d’engrais de 2022 est en fait artificielle, selon la déléguée qui l’a attribuée aux choix économiques des pays occidentaux ainsi qu’aux restrictions unilatérales qui sapent l’exportation des denrées alimentaires et des ressources énergétiques. En effet, ces mesures ont a eu pour conséquence une rupture des chaînes d’approvisionnement et une crise du pouvoir d’achat, a-t-elle explicité en regrettant que cela ne figure pas dans le rapport, ni dans les recommandations du Groupe mondial d’intervention en cas de crise alimentaire, énergétique et financière.
Abordant le rapport « Notre Programme commun », la représentante a souligné la nécessité d’une discussion étape par étape des initiatives afin d’éviter les chevauchements et les doubles emplois. Elle a aussi souhaité voir empêcher la substitution des processus adoptés par les États, principalement pour la mise en œuvre du Programme à l’horizon 2030. La déléguée a appelé les États développés à accroître leur soutien financier au système des Nations Unies pour le développement, principalement en augmentant leurs contributions aux budgets réguliers des agences des Nations Unies, dont les revenus sont en baisse. Sur le volet humanitaire, elle a noté les efforts déployés, tout en relevant dans la réponse de l’ONU, une tendance à la politisation manifeste par les donateurs au nom d’ambitions politiques. Les situations d’aide humanitaire témoignent du sous-financement chronique des plans humanitaires de l’ONU pour l’Afghanistan, Cuba, la Syrie, le Venezuela, le Mozambique, le Mali et le Myanmar, a regretté la déléguée qui a trouvé que la liste est longue, jugeant la situation inacceptable et immorale.
M. CARLOS EFRAÍN SEGURA ARAGÓN (El Salvador) a estimé que l’architecture financière mondiale nécessite une réforme pour permettre aux pays en développement d’accéder aux ressources nécessaires à leur développement et à la création de capacités. Il faut tenir compte des besoins divers de ces pays et de leurs difficultés, notamment en matière de financement du développement, a demandé le représentant. S’agissant du maintien de la paix et de la sécurité internationales, il a plaidé pour le renforcement des régimes de non-prolifération et insisté sur la lutte contre la violence liée aux armes à feu et aux armes de petit calibre. Les processus de paix sont plus durables lorsque les hommes et les femmes y participent sur un pied d’égalité, a poursuivi le représentant. En tant que pays fournisseur de contingents, El Salvador soutient les efforts de maintien de la paix de l’ONU, a-t-il assuré en appelant à investir dans la consolidation et la pérennisation de la paix. Il a aussi appelé à combler les manques de financement existants dans ce domaine. Enfin, le représentant a plaidé en faveur d’un multilatéralisme fort, ce qui passe, selon lui, par la revitalisation des travaux de l’Assemblée générale.
M. MUHAMMAD ABDUL MUHITH (Bangladesh) a appelé à un partenariat mondial renforcé pour parvenir au développement durable, relever les défis actuels et se préparer aux crises futures. Alors que les crises actuelles ont aggravé les vulnérabilités structurelles des PMA, des pays en développement sans littoral et des petits États insulaires en développement (PEID), il a soutenu l’appel du Secrétaire général visant à réformer l’architecture financière internationale, en collaboration avec la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) et les agences économiques et financières concernées. Le délégué a appelé les pays développés à respecter leurs engagements en matière de fonds climatiques pour soutenir la mise en œuvre des ODD dans les pays en développement. De même, il est urgent selon lui de garantir un financement adéquat afin de soutenir l’adaptation des pays en développement aux changements climatiques, notamment en mettant en œuvre les recommandations et stratégies contenues dans « Notre Programme commun ».
Le délégué s’est félicité des progrès accomplis dans l’élaboration d’un futur pacte numérique mondial afin d’améliorer la coopération numérique et la contribution des technologies numériques dans les pays en développement, notamment en vue de la réalisation du Programme 2030. Alors que 1,2% de la population mondiale est déplacée, le représentant a souligné la nécessité d’accorder une attention accrue aux solutions politiques aux conflits et à leurs causes profondes. Le Bangladesh, a-t-il rappelé, a accueilli plus d’un million de Rohingya qui ont fui le Myanmar en raison des atrocités de masse et des persécutions systématiques. Il s’est dit encouragé par l’adoption, en décembre dernier, de la toute première résolution du Conseil de sécurité sur le Myanmar. Il a salué à cet égard les initiatives issues du Nouvel Agenda pour la paix, qui mettent l’accent sur la prévention et la consolidation de la paix.
Pour M. TOFIG MUSAYEV (Azerbaïdjan), les buts et principes de la Charte sont universellement contraignants et doivent être appliqués de manière cohérente et non sélective. Afin de maintenir et de consolider la paix, les obligations doivent être traduites en actes concrets pour faire face à toutes les formes de menaces, à contrer la désinformation et à surmonter les anciennes et les nouvelles lignes de division. La pierre angulaire de tous ces efforts, a souligné le représentant, est et doit rester l’État dont la souveraineté et l’intégrité territoriale doivent être respectées. Fournir un appui aux États touchés par un conflit et engagés dans la consolidation de la paix, est et doit rester un engagement essentiel de l’ensemble du système des Nations Unies, a poursuivi le délégué.
Il a invoqué l’expérience de son pays qui connait près de 30 ans d’occupation par l’Arménie voisine. Cette situation illustre la nécessité de faire beaucoup plus pour régler les conflits. Rappelant que son pays a saisi la Cour internationale de Justice et la Cour européenne des droits de l’homme, il a vivement rejeté les allégations « fausses et trompeuses » que l’Arménie a faites aujourd’hui, lors de la séance informelle. Le délégué a appelé la communauté internationale à soutenir les pourparlers bilatéraux pour ne pas rater la chance de tourner la page de l’inimitié et d’établir une paix durable.
M. FRED SARUFA (Papouasie-Nouvelle-Guinée) a exprimé sa profonde reconnaissance au système des Nations Unies pour ses contributions pragmatiques, constructives et appréciées dans de nombreux domaines prioritaires importants de notre développement durable. Le représentant a, en outre, réaffirmé le ferme engagement de son pays à renforcer davantage son partenariat avec l’ONU et avec les autres partenaires de développement bilatéraux et multilatéraux, soulignant l’importance cruciale d’assurer et de maintenir la paix et la sécurité mondiales. Cela reste une sérieuse préoccupation pour la Papouasie-Nouvelle-Guinée, en tant que pays sortant d’un conflit, a-t-il précisé. De plus, l’impact mondial désastreux et continu de la guerre injustifiée contre l’Ukraine reflète l’importance cruciale de la paix, de la sécurité et de la stabilité par des moyens pacifiques, a fait remarquer le délégué.
Il s’est dit, par ailleurs, tout à fait d’accord avec l’appel du Secrétaire général à remanier l’architecture financière et économique mondiale, injuste et inéquitable, qui se fait au détriment des États en développement.
De fait, a-t-il estimé, l’architecture financière et économique internationale n’est pas conçue de manière adéquate pour faire face aux défis mondiaux croissants auxquels sont confrontés nombre de nos pays et de nos populations, et elle doit donc être réformée pour mieux servir la communauté internationale. Les efforts déployés par les PEID au cours des trois dernières décennies pour établir l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle en vue de soutenir leur développement durable sont un exemple de cette lacune.
M. RUSLAN BULTRIKOV (Kazakhstan) a salué le « leadership remarquable » du Secrétaire général, avant d’exprimer l’accord de son pays avec les paradigmes de sécurité humaine, de résilience et de durabilité des infrastructures. Mon pays est en faveur du désarmement, du Traité sur l’interdiction des armes chimiques, d’une médiation de paix en Syrie et d’un déploiement renforcé des contingents de maintien de la paix, a dit le délégué. Enfin, il a proposé la création à Almaty d’un centre régional onusien pour l’Asie centrale et l’Afghanistan en vue d’intégrer les dimensions de développement, d’aide humanitaire et de justice sociale.
M. PETER MOHAN MAITHRI PIERIS (Sri Lanka) a estimé que le monde a besoin de davantage de paix pour relever les défis de notre époque, dont plusieurs figurent au nombre des priorités du Secrétaire général. À cette fin, nous devons, selon lui, renforcer les principes du multilatéralisme et améliorer leur application. Les lacunes du système des Nations Unies ne sont pas tant le fait de l’Organisation que de ses États Membres qui continuent de défendre jalousement leurs intérêts nationaux en toute impunité, aux dépens des pays en développement, tout en promouvant « du bout des lèvres » les idéaux des Nations Unies. Les inégalités, les changements climatiques et la dégradation de la biodiversité entraînent une perte de confiance qui peut s’avérer dangereuse. La souffrance des citoyens des pays en développement est une constante, malgré le fait que les crises auraient pu être évitées avec des financements adéquats. Nous devons investir massivement dans le capital humain, en s’appuyant sur les objectifs de développement durable et en adoptant des mesures responsables en matière de gouvernance, a conclu le représentant.
M. RAJESH PARIHAR (Inde) a répondu aux observations « fantaisistes et mensongères » du Pakistan. « Remettant les pendules à l’heure », il a déclaré que le territoire du Jammu-et-Cachemire restera un territoire indien, « n’en déplaise au Pakistan ». Il a reproché à ce dernier de propager la haine contre son pays, au mépris des principes chers à la communauté internationale.
Mme JOSEPHINE MOOTE (Kiribati) a salué les orientations stratégiques retenues dans le rapport, y compris l’appui aux petits pays qui sont vulnérables aux catastrophes. Les conséquences des changements climatiques sont désormais reconnues, a-t-elle dit, en souhaitant que les engagements pris dans le cadre de la lutte contre ces conséquences soient honorés. La déléguée a appelé au respect de la souveraineté de tous les États, avant de plaider pour l’élimination des armes nucléaires. Elle a souligné l’importance des partenariats qui viennent appuyer les pays vulnérables comme le sien.
Droit de réponse
Le Pakistan a dénoncé la position « incorrecte » de l’Inde sur le Jammu-et-Cachemire, territoire contesté qui ne fait pas partie intégrante de l’Inde. Répéter une position erronée ne la rend pas acceptable, a-t-il souligné, en faisant remarquer que cela contredit le droit du peuple cachemiri à l’autodétermination. L’Inde continue de réprimer dans la violence des manifestants et d’emprisonner des femmes et des enfants qui ne font que revendiquer leurs droit légitimes, a dénoncé la délégation pakistanaise en expliquant que cela ne fait que renforcer la lutte pour le droit à l’autodétermination du peuple du Cachemire.