Dans une « nouvelle ère de concurrence géopolitique », le Secrétaire général estime que son Nouvel Agenda pour la paix définira une approche globale de la prévention des conflits
On trouvera, ci-après, le texte de la déclaration faite par le Secrétaire général de l’ONU lors du débat public du Conseil de sécurité consacré au thème « Une nouvelle orientation pour une refonte du multilatéralisme », à New York, aujourd’hui:
Depuis que j’ai pris mes fonctions de Secrétaire général, j’ai pour priorité absolue de renforcer le multilatéralisme pour faire face aux problèmes mondiaux actuels. Mon rapport sur Notre Programme commun ainsi que le processus qu’il a initié visent avant tout à redynamiser le multilatéralisme pour contrer les menaces interdépendantes qui planent de nos jours.
Même pendant les périodes les plus sombres de la guerre froide, les décisions collégiales prises et le dialogue entretenu au Conseil de sécurité ont permis de maintenir un système de sécurité collective qui, même s’il est imparfait, fonctionne.
Grâce à ce système international, mis en place après la Seconde Guerre mondiale, on a pu éviter un conflit militaire entre les grandes puissances. Les États dotés d’armes nucléaires ont coopéré en réduisant le nombre de ces armes, en empêchant la prolifération et en évitant une catastrophe nucléaire. Les activités de rétablissement et de maintien de la paix menées par l’ONU ont contribué à mettre fin à des conflits et à sauver des millions de vies.
En dépit de ces progrès notables, nous sommes toujours aux prises avec bon nombre des problèmes que nous avions déjà il y a soixante-seize ans: guerres entre États, capacités limitées de maintien de la paix, terrorisme, système de sécurité collective divisé.
Dans le même temps, les conflits ont considérablement évolué. Les méthodes de combat, les protagonistes et les champs de bataille ont radicalement changé. Les armes meurtrières sont moins chères et plus sophistiquées que jamais. L’humanité a les moyens de complètement s’anéantir. La crise climatique alimente désormais les conflits de multiples façons.
Les incidences négatives des technologies numériques se multiplient. La mésinformation et les discours de haine empoisonnent le débat démocratique et aggravent l’instabilité sociale. On constate une arsenalisation de nombreux domaines de la vie moderne, comme le cyberespace, les chaînes d’approvisionnement, les migrations, l’information, le commerce, les services financiers et les investissements. Les cadres de coopération mondiale n’ont toutefois pas suivi le rythme de cette évolution. On tombe bien vite dans le jeu à somme nulle et la polarisation. Nos instruments, normes et mesures doivent par conséquent être actualisés.
Dans la déclaration faite à l’occasion de la célébration du soixante-quinzième anniversaire de l’ONU, j’ai été invité à faire des recommandations concrètes sur un large éventail de menaces qui planent sur terre ou en mer ou encore dans l’espace ou le cyberespace. J’ai donc proposé, dans mon rapport sur Notre Programme commun, un Nouvel Agenda pour la paix, que j’espère présenter aux États Membres en 2023.
Une vision à long terme et une perspective large y seront adoptées. Il s’adressera à tous les États Membres et couvrira l’ensemble des problèmes de sécurité auxquels nous nous heurtons aux niveaux local, national, régional et international, qu’ils soient nouveaux ou anciens. Il examinera comment nous pouvons mettre à jour les moyens de médiation, de maintien et de consolidation de la paix et de lutte contre le terrorisme dont nous disposons. Il portera également sur les menaces nouvelles et émergentes qui planent dans des domaines moins traditionnels que sont l’espace et le cyberespace.
Il fera état des liens qui existent entre les nombreuses formes de vulnérabilité, les droits humains, la fragilité des États et l’éclatement des conflits. C’est là l’occasion de faire le point et de changer de cap. En effet, si l’on ne change pas notre façon de procéder, cela ne signifie pas que la situation n’évoluera pas. Dans un monde où la seule certitude est l’incertitude, les choses vont très vraisemblablement empirer.
Le Nouvel Agenda pour la paix aura pour but de répondre à toute une série de questions difficiles. Il donnera un aperçu de l’action que peut mener l’ONU dans le domaine de la paix et de la sécurité dans un monde en transition et dans une nouvelle ère de concurrence géopolitique. Il définira une approche globale de la prévention qui fera le lien entre la paix, le développement durable, l’action climatique et la sécurité alimentaire. Il montrera comment l’ONU peut adapter ses instruments de paix et de sécurité à une ère marquée par les cybermenaces, une guerre de l’information et d’autres formes de conflits.
Les États Membres y seront invités à participer à l’élaboration de nouveaux cadres permettant de renforcer les solutions multilatérales et de gérer une concurrence géopolitique intense. Il préconisera l’adoption de nouveaux règlements, normes et mécanismes de responsabilité qui renforceront le système multilatéral dans les domaines où des lacunes se sont fait jour. Il expliquera comment nous pouvons renforcer notre collaboration avec les acteurs non étatiques, notamment le secteur privé et la société civile, pour surmonter les problèmes de notre époque.
Enfin, les façons dont les instruments dont nous disposons peuvent être améliorés y seront examinées. Comme en témoigne l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire, l’ONU a toujours un rôle unique et important à jouer dans la recherche de solutions aux problèmes mondiaux. Elle doit s’inspirer de telles approches innovantes et les développer.
Les moyens dont nous disposons et les opérations que nous menons sont extrêmement précieux et ont contribué à sauver de nombreuses vies; nous devons tout faire pour investir dans ces moyens et opérations et les adapter aux nouvelles réalités. Lorsqu’ils échouent, c’est souvent parce que l’on attend d’eux l’impossible. Je me réjouis à l’idée de collaborer plus étroitement avec les États Membres dans le cadre de cet important processus.
Préparer l’avenir constitue un défi pour l’ensemble de l’Organisation des Nations Unies. Les États Membres s’emploient résolument à faire évoluer les organes intergouvernementaux en fonction des besoins et des réalités d’aujourd’hui, et je me félicite des négociations qui se tiennent à l’Assemblée générale depuis 2008.
Une majorité d’États Membres ont désormais conscience que le Conseil de sécurité devrait être réformé pour refléter les réalités géopolitiques contemporaines. J’espère que les groupes régionaux et les États Membres pourront travailler ensemble pour parvenir à un plus grand consensus sur la voie à suivre et sur les modalités de la réforme. L’Organisation et moi-même sommes prêts à apporter le soutien nécessaire.
Le Conseil tire déjà parti des nouvelles méthodes de travail mises en place, notamment des débats publics et des mécanismes informels visant à renforcer la collaboration avec l’ensemble des États Membres de l’ONU. La contribution des organisations des droits des femmes au Conseil a permis de faire avancer notre travail de prévention et de renforcer nos actions en réponse aux conflits en cours. Des consultations ouvertes à un plus large éventail de parties prenantes –notamment aux organisations des droits des femmes et aux personnes touchées par les conflits, les déplacements et les atteintes aux droits humains– ne peuvent qu’être bénéfiques aux travaux, à l’influence, et à la crédibilité du Conseil.
Je note également les appels des États Membres à la revitalisation des travaux de l’Assemblée générale et au renforcement du Conseil économique et social, dans le cadre d’un multilatéralisme réformé. L’Assemblée générale a montré qu’elle jouait un rôle précieux en amenant les États Membres à examiner les questions inscrites à son ordre du jour. Rien que cette année, elle a adopté de nombreuses résolutions importantes, notamment sur la guerre en Ukraine, le droit à un environnement sain et l’utilisation du veto par les membres de ce Conseil.
En ce qui concerne toute décision des États Membres visant à rationaliser les pratiques de l’Assemblée générale – résolutions, présentation de rapports, fonctionnement des commissions… ou à renforcer les travaux de la semaine de haut niveau de l’Assemblée, le Secrétariat se tient prêt à apporter son soutien.
S’agissant du Conseil économique et social: le sommet biennal qu’il est proposé d’organiser entre l’ECOSOC, les chefs d’État et de gouvernement du G20, le Secrétaire général ainsi que les institutions financières internationales, constituerait une étape importante vers une meilleure coordination de la gouvernance mondiale et la création d’un système financier global adapté au monde d’aujourd’hui.
Le défi à relever est clair. Nous avons l’occasion et l’obligation de nous rappeler la promesse de la Charte des Nations Unies: préserver les générations futures du fléau de la guerre. Nous nous devons de tenir cette promesse – à l’aide d’un multilatéralisme revitalisé, efficace, représentatif et inclusif.