Stockholm+50: les participants au premier dialogue de haut niveau prônent le choix résolu de l’action pour sauver une planète menacée
STOCKHOLM, 2 juin — À l’ouverture du premier dialogue de haut niveau organisé dans le cadre de la réunion internationale Stockholm+50 et intitulé « Réfléchir au besoin urgent d’agir en faveur d’une planète saine et de la prospérité de toutes et de tous », M. STEVEN GUILBEAULT, Ministre de l’environnement et des changements climatiques du Canada, a fait, cet après-midi, une déclaration liminaire, en insistant sur la nécessité absolue d’agir pour une planète saine. Il a appelé à un comportement responsable des États et à la reconnaissance par ces derniers d’un droit à l’environnement. Les crimes contre l’environnement constituent des crimes graves. Il a souhaité la tenue de la quinzième réunion de la Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique et insisté sur la pleine participation des jeunes, des femmes et des peuples autochtones à cette réunion de Stockholm.
Dans une seconde déclaration liminaire, M. GUSTAVO MANRIQUE, Ministre de l’environnement, de l’eau et de la transition écologique de l’Équateur, a relayé l’appel à l’action de son homologue canadien, en faisant part d’un sentiment d’urgence. Il a demandé une approche mondiale pour des transitions justes. Le Ministre a jugé capital de combler les lacunes dans le financement des efforts en la matière et plaidé pour un « respect mutuel » entre pays. « Il faut être franc et direct entre nous pour faire avancer les choses. »
M. VIRGINIJUS SINKEVICIUS, Commissaire chargé de l’environnement, des océans et de la pêche de l’Union européenne, a demandé une transformation radicale dans les modes de production et de consommation. L’économie circulaire doit être au cœur de cette transformation. Il a aussi souligné l’acuité de la question énergétique, mise en exergue par la guerre en Ukraine. Le Commissaire a demandé la création d’un forum international afin de traiter du sujet de l’économie circulaire, tant ce sujet est par essence mondial.
Mme AZZA KARAM, Secrétaire général du réseau Religions pour la paix, a, elle aussi, plaidé pour une transformation radicale de notre manière d’exister, en insistant sur le rôle que les « acteurs de la foi » peuvent jouer à cette fin, même si certains d’entre eux ne sont pas à la hauteur de leurs responsabilités. Nous devons réunir les dignitaires des différentes religions et travailler ensemble, a dit Mme Karam, en appelant aussi à une coopération étroite entre acteurs religieux et acteurs laïques.
De son côté, M. ACHIM STEINER, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a appelé à faire confiance à l’ONU: tous les pays peuvent faire entendre leur voix au sein de l’Assemblée générale. Il a souligné les avancées permises par le multilatéralisme, en citant notamment le Protocole de Montréal. M. Steiner a tout de même concédé que « certaines nations se comportent mal. » Le meilleur moyen de nous comprendre est de nous écouter, a-t-il déclaré.
« Nous devons être honnêtes », a renchéri Mme VANESSA NAKATE, activiste et fondatrice de Rise Up Movement. « Nos dirigeants ont longtemps nié l’ampleur du défi climatique et retardé le temps de l’action. » C’est à notre génération de le faire, a dit Mme Nakate. Elle a déclaré que les énergies du gaz et du pétrole sont hautement problématiques et que continuer d’investir dans ces industries est « une folie. » Mme Nakate a donc demandé aux pays du Nord de mettre fin à leurs subventions aux industries fossiles et d’aider les pays du Sud qui souffrent le plus des changements climatiques, en dépit d’une responsabilité moindre dans ce phénomène. Dans une reprise de parole, elle a indiqué avoir entendu aujourd’hui de « très belles déclarations », en ajoutant aussitôt que ces déclarations ne suffisent pas. « Nous ne pouvons pas respirer du gaz et boire du pétrole, il faut agir », a conclu Mme Nakate, sous les applaudissements.
M. JOHN KERRY, Envoyé présidentiel spécial des États-Unis pour le climat, a partagé le constat implacable dressé par Mme Nakate. « Ce que nous devons faire ne relève pas de l’idéologie mais de la science. » Il a fustigé le comportement déraisonnable de certains acteurs, notamment leur ignorance de la science et des faits. Nous sommes sur une trajectoire destructrice, a averti M. Kerry, en appelant à accélérer le rythme de la transition. M. Kerry a appelé à briser ce « pacte suicidaire par l’indifférence » en faisant le choix résolu de l’action. Tous les pays doivent faire ce qu’ils peuvent pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, a dit M. Kerry, tout en reconnaissant la légitimité des demandes des pays en développement. « La première chose à faire lorsque l’on creuse sa tombe est d’arrêter de creuser », a-t-il conclu.
Les délégations ont fait diverses recommandations pour remédier à la triple crise planétaire des changements climatiques, de la perte de biodiversité et de la pollution, le mot d’ordre étant, plus que jamais, d’agir pour une planète saine. « Nous n´avons donc plus aucune excuse pour justifier l´inaction », a déclaré la Belgique, résumant le sentiment général des intervenants.
L’Espagne a appelé à miser sur les sciences, l’innovation et la diffusion des connaissances, pour un comportement responsable des citoyens. À l’instar de la Zambie, le Pakistan, au nom du Groupe des 77 et la Chine, a demandé que les promesses de financement faites par les pays développés soient honorées. La délégation a aussi insisté sur l’importance des transferts de technologies pour remédier à la crise climatique. « Nous devons montrer que les pays développés sont sérieux quant au financement climatique », a répondu le Royaume-Uni, en se disant favorable à la tenue d’une réunion spécifique sur ce sujet. Le Belize a, lui, attiré l’attention sur les exportations de biens toxiques des pays développés vers les pays en développement, comme les engrais et les pesticides.
« Nous devons prendre en compte la voix des jeunes », a insisté le Botswana. Les jeunes ont un rôle clef à jouer dans la préservation de la biodiversité, de même que les peuples autochtones. Même son de cloche du côté de Red nacional por la defensa de la soberanía alimentaria qui a demandé un établissement des responsabilités pour les violations des droits des peuples autochtones. Cette organisation a aussi souligné la vulnérabilité des défenseurs de l’environnement qui sont pris pour cibles dans de nombreux pays du monde.
« Nous avons les moyens pour agir, mais ce qui manque c’est la volonté politique », a rebondi l’Union internationale pour la préservation de la nature. De son côté, ONU-Habitat a appelé à une « meilleure harmonisation des politiques urbaines et de la nature » et à une transition des modes de transport individuel à des modes collectifs. Le Fonds mondial pour la nature a, pour sa part, insisté sur la nécessité de restaurer la biodiversité, la nature étant capable de se régénérer si « nous lui en donnons la possibilité ». Nous avons besoin d’un Accord de Paris sur la nature, a lancé son délégué, appuyé par la Norvège. « Si nous nous montrons intelligents, la nature peut nous aider en retour », a abondé la République tchèque, tandis que le Danemark a appelé à une lutte résolue contre la pollution plastique. L’Allemagne a appelé à la restauration d’un milliard d’hectares de terres dégradées d’ici à 2030. À son tour, la Chambre de commerce internationale a appelé à investir dans la lutte contre la pollution, en assurant que les entreprises ont aligné leurs stratégies sur les besoins sociaux et environnementaux. De son côté, l’Organisation mondiale de la Santé a plaidé pour une décarbonisation de tous les secteurs, y compris le secteur de la santé, tandis que le groupe Air Transport Action Group (ATAG) a mentionné le tournant que représente le recours à l’hydrogène comme mode vert de propulsion des avions.
La Belgique a ensuite abordé la question de la méthode, en appelant à sortir des « approches en silos ». Elle s’est dit préoccupée par le fait que la prochaine Conférence des parties à la convention sur la diversité biologique soit sans cesse reportée en raison de la pandémie de COVID-19. « Cela nous empêche de négocier efficacement et d’adopter le Cadre mondial pour la biodiversité post-2020, ambitieux et transformateur, dont nous avons besoin de toute urgence et qui est essentiel à la réalisation des objectifs de développement durable. »
Lors de la seconde partie de ce dialogue de haut niveau, les trois autres panelistes invités ont centré leur intervention sur la justice et la défense des droits humains, qui doivent être au cœur de l’action pour une planète saine.
M. ANTONIO BENJAMIN, magistrat brésilien et Président de l’Institut judiciaire mondial pour l’environnement, a rappelé qu’en 1972 les droits humains n’étaient pas discutés parce que nombre de pays étaient des dictatures. « Aujourd’hui, nous parlons de droits humains. » Nous progressons et nous devons nous montrer optimistes, a déclaré M. Benjamin. Il a insisté sur la centralité de l’état de droit dans le domaine environnemental, en ajoutant que les lois prises sont caduques lorsqu’elles ne sont pas mises en œuvre.
« La justice doit être au cœur de notre action », a renchéri Mme SUNITA NARAIN, Directrice générale du Centre pour la science et l’environnement, en appelant à lutter contre la pollution de l’air. Elle a détaillé l’action de l’Inde en la matière, avec notamment la fermeture des puits de charbon, avant de rappeler que 70% de la population mondiale n’a pas accès à une énergie renouvelable. « Nous avons besoin de justice en appui aux actions transformatrices. »
Il ne faut pas oublier que les peuples autochtones sont en première ligne des efforts de préservation des écosystèmes, a fait valoir M. DARION MEJIA, Président de l’Instance permanente pour les peuples autochtones. Il faut des mesures pour préserver les droits et la culture de ces peuple, a plaidé M. Mejia. Selon lui, la transition énergétique ne peut se faire en creusant les inégalités existantes. Humilité et cohérence doivent être nos maîtres mots, a-t-il conclu, en rappelant l’urgence « de faire ce qui a été dit ».
Dans ce droit fil, une juriste de Living Law a prôné une « nouvelle éthique environnementale » et défendu un droit à l’environnement pour toutes et tous. Nous demandons la reconnaissance des droits de la nature, a-t-elle dit, tandis que le World Resources Institute a dénoncé les actes criminels commis contre la nature. L’Institut a appelé à « défendre les défenseurs de l’environnement » et à s’en prendre aux « puissants », qui sont responsables de ces actes criminels. » « Donnez la priorité aux êtres humains, pas aux profits », a lancé MENA Youth Network. « Nous ne nous laisserons plus abuser par de fausses promesses. »