Session de 2022, Forum politique de haut niveau
9e séance – matin
ECOSOC/7097

ECOSOC: le forum politique de haut niveau entend arguments et témoignages en faveur de la participation des communautés locales et civiles aux efforts de développement

Les plans de développement nationaux tiennent de plus en plus compte des initiatives des autorités locales, a noté le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales à l’entame du débat du jour qui portait sur la « vision de la société civile ».  Alors que l’objectif est de « ne laisser personne de côté pour reconstruire en mieux », M. Liu Zhenmin a relevé que des projets communautaires et des mouvements de base ont permis à de nombreuses personnes de faire entendre leur voix sur les questions allant de l’insécurité alimentaire à la pauvreté, des conflits aux déplacements de population.

Il faut entendre les voix de nos mandants, « des voix diverses et réelles », a recommandé elle aussi la Coprésidente du mécanisme de coordination des grands groupes et autres parties prenantes, elle-même Présidente de la Fundacion para Estudio e Investigación de la Mujer.  Le représentant du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a ainsi appelé à faire participer les communautés locales aux décisions qui les concernent, tandis que la Directrice du suivi et de l’évaluation des Services volontaires d’outre-mer du Malawi a souligné la « force des bénévoles », ceux-ci permettant de jeter des passerelles entre les gouvernements et les communautés en fournissant une multitude de services aux plus vulnérables et marginalisés.

Après les plaidoyers des experts et militants, les États Membres ont, eux aussi, vanté les mérites de la participation des différents éléments de la société civile aux efforts de relèvement post-COVID-19 et de développement durable.  Ainsi, la Malaisie a parlé d’une alliance des organisations de la société civile qui est constamment impliquée dans les plans locaux de réalisation des objectifs de développement durable (ODD), alors que la France a présenté ses « conventions citoyennes » organisées par son Conseil économique, social et environnemental.  Le Mexique s’est, pour sa part, enorgueilli d’avoir présenté son troisième examen national volontaire en s’appuyant sur un dialogue avec la société civile.  Cet exercice, a-t-il reconnu, a permis de porter un regard critique sur les obstacles à surmonter pour atteindre la durabilité.

Si le grand groupe des femmes, qui a plaidé pour faire émerger des solutions pour les pays du Sud, a appelé à la convocation d’une conférence sur le financement du développement, une autre proposition plus en lien avec le sujet du jour a été exprimée pour que l’ECOSOC crée un espace dédié à la société civile.  Cela pourrait se réaliser par la formation d’un groupe de 10 membres qui seraient chargés de faire le bilan de la participation de cette composante essentielle.

Dans la foulée de cette table ronde, 12 pays ont successivement présenté leur examen national volontaire: l’Argentine, le Ghana, la Lettonie, les Philippines et la Suisse, suivis du Bélarus, d’El Salvador, d’Eswatini, de la Gambie, de la Grèce, du Mali et des Émirats arabes unis.

Le forum politique de haut niveau de l’ECOSOC poursuivra ses travaux demain, mercredi 13 juillet, à partir de 9 heures.

FORUM POLITIQUE DE HAUT NIVEAU POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ORGANISÉ SOUS LES AUSPICES DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

Reconstruire en mieux après la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), tout en avançant sur la voie d’une mise en œuvre intégrale du Programme de développement durable à l’horizon 2030 (résolution 75/290 B de l’Assemblée générale)

Table ronde

Intitulée « Vision de la société civile: ne laisser personne de côté pour reconstruire en mieux », cette table ronde s’est intéressée aux voies et moyens permettant d’aller de l’avant dans la reprise post-COVID-19, tout en progressant dans la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.  Les intervenants ont notamment souligné l’urgente nécessité d’élargir l’espace politique et budgétaire des pays en développement à travers des réformes systémiques et des politiques de financement susceptibles de permettre une meilleure adéquation entre les priorités sociales, économiques, écologiques et climatiques.

Aux commandes de cette séance, le Président du Conseil économique et social, M. COLLEN VIXEN KELAPILE, a profité de l’occasion pour annoncer la tenue, le 20 juillet prochain au Siège de l’ONU, d’un événement spécial multipartite de haut niveau sur la mise en œuvre du Programme 2030 en Afrique.  Convoqué conjointement avec le Président de l’Assemblée générale, ce dialogue impliquera des chefs d’État et de gouvernement, des ministres et d’autres hauts fonctionnaires, et sera ouvert à toutes les parties prenantes, y compris les institutions régionales et sous-régionales africaines, le système des Nations Unies, les autres partenaires multilatéraux ainsi que les représentants de groupes de femmes et de jeunes, de la société civile, du secteur privé, du milieu universitaire et des médias.  Cet échange, a-t-il encore précisé, s’appuiera sur la série de dialogues sur l’Afrique organisée par l’Union africaine et le Bureau du Conseiller spécial des Nations Unies sur l’Afrique en mai dernier, qui a permis de débattre des questions relevant du développement durable, de la paix et de la sécurité en Afrique.  Il s’appuiera sur les conclusions du forum politique de haut niveau et du débat ministériel de l’ECOSOC et alimentera les travaux de la COP27 sur le climat, organisée cette année à Charm el-Cheikh, en Égypte. 

Dans une déclaration liminaire, M. LIU ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a rappelé que le Sommet mondial pour le développement durable, organisé en 2002 à Johannesburg, a marqué un tournant en faisant prendre conscience aux gouvernements de l’importance des partenariats avec la société civile pour renforcer les économies et protéger l’environnement.  À cette aune, il s’est félicité que les plans de développement nationaux tiennent de plus en plus compte des initiatives des autorités locales, comme en attestent les examens nationaux volontaires.  Partout, des projets communautaires ont suscité des financements et des mouvements de base ont permis à des personnes de faire entendre leur voix sur les questions allant de l’insécurité alimentaire à la pauvreté, des conflits aux déplacements de population.  À maintes reprises, a relevé le haut fonctionnaire, les groupes des parties prenantes ont montré que lorsque différentes personnes et institutions agissent de concert, il est possible de générer un esprit de solidarité.  Alors que nous nous relevons de la pandémie de COVID-19, il convient de penser aux mesures transformatrices qui sont nécessaires pour modifier le système économique et financier et parvenir à la durabilité, a-t-il plaidé, souhaitant que le sommet sur les ODD programmé en 2023 serve d’accélérateur de ces changements.  Ce sommet, a-t-il conclu, sera une occasion importante pour dresser un bilan de l’état d’avancement de nos objectifs communs et pour donner un nouvel élan à leur mise en œuvre aux niveaux international, régional et national.    

À sa suite, Mme MABEL BIANCO, Présidente de la Fundacion para Estudio e Investigación de la Mujer et Coprésidente du mécanisme de coordination des grands groupes et autres parties prenantes, a souhaité porter la voix des peuples, de « cette diversité de personnes qui n’est pas ici aujourd’hui ».  Elle a rappelé que, lors de son adoption par l’Assemblée générale en septembre 2015, le Programme 2030 était une proposition de grand changement pour que tous puissent vivre mieux et surmonter tous les problèmes.  Sept ans plus tard, force est de reconnaître que nous sommes loin du compte, a-t-elle constaté.  La pandémie a remis en cause nombre des progrès accomplis et il est urgent de se remettre de ces deux années pour aller de l’avant, a souligné Mme Bianco, observant que la pauvreté et la faim touchent un plus grand nombre de personnes, en particulier les femmes, les enfants et les groupes les plus vulnérables des sociétés.  Il nous appartient de trouver une façon de réagir, a-t-elle martelé, avant d’appeler les participants au forum politique de haut niveau à prendre des engagements forts pour faire du Programme 2030 une réalité.  Pour cela, il faut entendre les voix de nos mandants, « des voix diverses et réelles », a-t-elle déclaré, appelant de ses vœux des actions concrètes et une volonté politique renouvelée pour qu’il n’y ait plus de laissés-pour-compte.  « Nous en appelons à votre courage, nous vous demandons de retrouver l’ambition qui était la vôtre en 2015 », a ajouté la représentante des grands groupes à l’attention des États Membres. 

La parole a ensuite été donnée aux panélistes, en commençant par Mme WEZZIE CHIMWALA, Directrice du suivi et de l’évaluation des services volontaires d’outre-mer du Malawi, qui a attiré l’attention sur le volontariat et ses différents apports aux ODD.  Elle a appelé à reconnaître la force des bénévoles, qui permettent de jeter des passerelles entre les gouvernements et les communautés en fournissant une multitude de services aux plus vulnérables et marginalisés.  Elle a ainsi indiqué que, durant la pandémie, des bénévoles ont apporté un soutien en termes d’apprentissage numérique à des écoles primaires du nord de son pays.  Des groupes de volontaires travaillent avec les communautés pour encourager l’appropriation de ce type de projets, a-t-elle expliqué, demandant à ce que ces citoyens remarquables soient pris en considération dans les plans de réalisation des ODD. 

Mettant l’accent sur l’ODD 2, qui vise à éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire et promouvoir une agriculture durable, M. WALI HAIDER, Codirecteur de Roots for Equity, point focal du grand groupe des agriculteurs au Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), a relevé qu’en Asie-Pacifique, les agriculteurs qui avaient accès à la propriété foncière ont mieux résisté aux effets de la pandémie.  Il est urgent, selon lui, d’inverser cette situation alors qu’un nombre croissant de corporations s’approprient les terres et les retirent aux agriculteurs et aux peuples autochtones, aggravant les conditions de vie de millions de personnes.  Sachant qu’en 2050, plus de 50% de la population mondiale vivra encore en zone rurale, il importe de faire participer les communautés locales aux décisions qui les concernent et de faire cesser les systèmes de subvention qui nuisent aux petits agriculteurs.  Si nous ne parvenons pas à lever ces obstacles, nous n’avancerons pas sur la voie des ODD, a-t-il prévenu.

« Nous ne pouvons pas espérer remettre les ODD sur les rails si nous ne changeons pas la donne », a renchéri Mme EMILIA REYES, Directrice de programmes pour l’égalité et le développement durable au sein de l’organisation « Equidad de Género: Ciudadanía, Trabajo, Familia », qui s’exprimait au nom du grand groupe des femmes.  Évoquant les prévisions alarmantes du GIEC sur le climat, l’essor des flux financiers illicites, l’absence de reddition de comptes pour les créditeurs et la progression de la surconsommation, elle a dénoncé le « harcèlement » auquel se livrent les pays riches dans les conférences sur le développement pour que les pays en développement acceptent leur « système de charité ».  Il est temps de renforcer les Nations Unies et d’y faire émerger des solutions pour les pays du Sud, qui ne sont pas prises dans des « enceintes illégitimes » telles que le G7 et le G20, a-t-elle tonné, avant d’appeler à la convocation d’une conférence sur le financement du développement. 

Ramenant l’assistance à la guerre qui fait rage dans son pays, Mme SVETLANA SLESARENOK, Fondatrice et Directrice du club des femmes de la mer Noire, à Odessa, en Ukraine, a déclaré parler en tant que réfugiée et ancienne militante du développement durable dans sa région.  Cette guerre, a-t-elle affirmé, vise non seulement l’Ukraine mais aussi les ODD et les valeurs communes que nous avons développées.  « Il n’y aura pas de durabilité sans paix et pas de paix sans une approche durable », a-t-elle souligné, dénonçant une agression qui est également un « crime contre l’environnement ».  Alors que notre planète est en feu et que beaucoup sont menacés par des famines, il faut faire cesser ce conflit et obtenir que le droit international et la souveraineté des États soient respectés, a poursuivi Mme Slesarenok, qui a dit rêver que cette guerre coloniale soit la dernière menée sur notre planète. 

Sur la base de ces interventions, M. SAAD ALFARARGI, Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit au développement, a jugé essentiel d’impliquer les populations dans les décisions pour qu’elles puissent décider de leur développement.  Il importe également, à ses yeux, de remettre sur pied l’économie en corrigeant les inégalités existantes et en offrant aux communautés le niveau de résilience nécessaire pour résister aux crises futures.  Dans ce cadre, le droit au développement ne doit pas être considéré seulement comme un processus économique mais aussi comme une démarche holistique intégrant toutes les parties prenantes, a-t-il analysé, avant d’appeler à réduire les lacunes de financement des plans de relance des pays en développement et à soutenir les pays à revenu faible ou intermédiaire.

Estimant essentiel que l’ECOSOC crée un espace dédié à la société civile, M. DENISON JAYASOORIA, Chef du Secrétariat du groupe parlementaire multipartite de la Malaisie sur les objectifs de développement durable, a proposé la formation d’un groupe de 10 membres chargés de faire le bilan de l’état de participation de cette composante essentielle.  Ce groupe, a-t-il dit, aurait pour mission de formuler des recommandations sur les interactions entre les gouvernements et les organisations locales.  Son rapport final pourrait ensuite être présenté au sommet sur les ODD, permettant à la société civile d’avoir sa place à la table aux côtés des États. 

À la suite de ces remarques, les délégations se sont à leur tour exprimées.  La France a appelé à repenser les politiques publiques en intégrant mieux la société civile organisée, à l’image de son Conseil économique, social et environnemental qui organise des conventions citoyennes nationales.  La Norvège a souhaité que le travail s’intensifie avec la société civile à tous les niveaux, notamment pour faire progresser les droits des femmes et des filles qui ont subi d’importants revers ces dernières années. 

La Coalition des ONG pour le développement durable en Russie et au Bélarus a alerté sur le sort des organisations de la société civile dans ces deux pays, évoquant une répression féroce, des milliers de militants en fuite et des responsables locaux en détention.  Elle a demandé aux États Membres de renforcer leur coopération avec les organisations de la société civile russe et bélarusse qui travaillent encore et de financer leur travail indépendant.  Elle a également remercié les États qui ont donné asile à des militants et a exprimé sa solidarité avec l’Ukraine.  La Suisse a, elle, déploré la campagne de militarisation déclenchée par la guerre en Ukraine, tout en rappelant que l’engagement pris en 1970 par les pays riches de porter leur aide publique au développement (APD) à 0,7% de leur produit national brut n’a jamais été atteint. 

La guerre en Ukraine, la crise climatique, la pandémie et la progression de la pauvreté font qu’il est urgent de transformer un système qui n’est plus adapté aux objectifs, a fait valoir le grand groupe des ONG.  Dans cette décennie d’action, nous ne pourrons pas atteindre les ODD si nous n’obtenons pas le retrait des forces russes d’Ukraine et la levée des sanctions unilatérales, a-t-il soutenu.  De même, il est urgent, selon lui, de combler le manque de financement du Programme 2030, de cesser d’investir dans les combustibles fossiles, de verser une aide climatique de 100 milliards de dollars aux pays du Sud et d’avoir une feuille de route pour la distribution des vaccins contre la COVID-19. 

Le Mexique s’est enorgueilli d’avoir présenté son troisième examen national volontaire en s’appuyant sur un dialogue avec la société civile qui a permis de porter un regard critique sur les obstacles à surmonter pour atteindre la durabilité.  La Malaisie a mis en avant la création d’une alliance des organisations de la société civile et son implication dans les plans locaux de réalisation des ODD, tandis que le Guatemala évoquait des actions menées avec des ONG pour promouvoir l’éducation inclusive, la réinsertion communautaire, l’emploi digne et l’émancipation économique.  De son côté, la Chine a dit donner la priorité au développement en se concentrant sur la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire et l’accès aux vaccins. 

L’Australie s’est déclarée fière de son programme de coopération avec les ONG, doté de 133 millions de dollars pour promouvoir le développement inclusif, les droits humains, la démocratie et l’expression citoyenne.  Plus modeste, le Soudan a fait état d’une consultation à grande échelle pour bâtir des partenariats avec la société civile en vue de progresser vers les ODD, la République-Unie de Tanzanie et la Jamaïque mettant en exergue leurs efforts pour garantir la représentation des sans-voix et accroître le rôle des organisations de la société civile dans les plateformes dédiées aux ODD. 

Pour sa part, le grand groupe des femmes a plaidé pour un monde sans abus, sans préjugés, sans VIH, sans violence, sans discrimination, qui promeut l’égalité des sexes et l’accès à l’éducation, aux services de santé sexuelle et reproductive.  Un appel partagé par le grand groupe des parties prenantes LGBTQI, pour qui il faut réallouer les ressources retirées pendant la pandémie et mieux protéger les plus fragiles, notamment les gays âgés, les transgenres et les personnes atteintes par le VIH/sida. 

Le grand groupe des travailleurs et des syndicats a plaidé pour la mise en place d’un nouveau contrat social en lien avec l’ODD 8.  Ce contrat doit prévoir des emplois respectueux du climat, la reconnaissance des droits des travailleurs, des salaires dignes, un fonds mondial de protection sociale, ainsi que des mesures d’allègement de la dette des pays pauvres et un alignement de tous les investissements sur les ODD.  Tout aussi virulent, le groupe des parties prenantes sur les conditions de travail a rappelé que 216 millions de personnes dans le monde sont victimes de discrimination et que 2 millions subissent une forme d’esclavage contemporain, qui les éloigne de l’éducation et donc du développement. 

À son tour, le groupe des parties prenantes sur le vieillissement a souligné le tribut payé à la pandémie par les séniors, dont bon nombre souffrent de la faim, de la pauvreté et d’un manque d’accès aux services de santé.  Il a demandé que le financement des infrastructure dédiées et la collecte des données sur ces personnes soient améliorés afin que nul ne soit laissé pour compte.  Enfin, à sept ans de l’échéance du Programme 2030, l’ONG Ensemble 2030 a appelé la communauté internationale à investir dans des services publics résilients et à relancer le système économique en tenant compte des ODD et des impératifs climatiques. 

Cette discussion avait pour modérateur M. AJAY JHA, Directeur du Centre for Community Economics and Development Consultants Society, en Inde, et Coprésident du mécanisme de coordination des grands groupes et autres parties prenantes

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