9229e séance – matin   
CS/15157

Le Conseil de sécurité engage les États Membres et le Secrétariat à fournir des services de santé mentale au personnel de maintien de la paix de l’ONU

Le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité, ce matin, une résolution relative à la santé mentale du personnel déployé dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies, en se basant notamment sur une enquête sur le bien-être du personnel de l’ONU de 2017 et sur les travaux actuellement menés sur ces questions par le Secrétariat et les experts du Comité consultatif, composé d’États Membres, de l’Organisation mondiale de la Santé et d’organisations non gouvernementales.

La résolution 2668 (2022), présentée par le Mexique, exprime une grande préoccupation quant au bien-être général du personnel de maintien de la paix des Nations Unies, qui fait face à des « difficultés multiples » et opère dans des « environnements complexes ».  Le texte prend également en compte l’incidence de la santé mentale de ce personnel sur l’efficacité des opérations.  Il considère dès lors qu’il faut sensibiliser le personnel en question à l’importance de la santé mentale et du soutien psychosocial et continuer de favoriser une culture du bien-être et de la prévenance pendant le déploiement, ce qui échoit au Secrétariat de l’ONU, aux pays fournisseurs et aux autres États Membres.

Comme mesure concrète prévue par ce texte, le Conseil engage les pays fournisseurs de contingents ou de personnels de police, ainsi que les autres États Membres et le Secrétariat de l’ONU, à fournir des services de santé mentale pendant la formation préalable au déploiement ainsi qu’après le déploiement, en tenant compte des questions de genre.  En outre, le Secrétaire général devra inclure, dans les exposés complets qu’il lui a été demandés, des informations sur l’exécution de certains aspects de la stratégie pour la santé mentale et le bien être dans le système des Nations Unies de 2018.

Après le vote et l’adoption à l’unanimité de la résolution, le représentant de la Fédération de Russie a dit soutenir le texte mais a expliqué ne pas pouvoir être favorable à la violation du principe de répartition du travail au Conseil de sécurité, un « thème extrêmement spécifique », a-t-il estimé.  Plaidant pour le respect de la Charte et des principaux organes des Nations Unies, il a fait valoir que c’est le Comité spécial du maintien de la paix, appelé « C34 », qui devrait se charger de ces questions car il passe en revue tous les aspects des missions de maintien de la paix.  Les pays fournisseurs de contingents doivent donner leur avis à ce sujet car ils ont connaissance de la situation sur le terrain, a-t-il argué.  Pour ce qui est des missions politiques spéciales, le délégué russe a rappelé que les questions relevant de ces missions sont du ressort du Secrétariat.  Ces missions ainsi que les bureaux d’envoyés spéciaux sont parfois créés sans la participation du Conseil de sécurité, a-t-il fait remarquer.

Le représentant de la Fédération de Russie a également souligné l’absence de compétences au sein du Conseil de sécurité pour examiner des questions aussi spécifiques que la santé mentale des soldats de la paix ainsi que le manque d’outils sur ce sujet, ce qui rend difficile, à son avis, l’examen de ces questions par le Conseil.  Il en a conclu que la résolution perd de sa valeur ajoutée.  De plus, le Conseil de sécurité est souvent critiqué parce qu’il empiète sur les prérogatives et les mandats d’autres organes des Nations Unies, a-t-il rappelé en jugeant ce problème préoccupant.  Enfin, il a estimé que les sujets thématiques doivent être examinés par des organes qui en ont la compétence.

S’exprimant à son tour sur le texte adopté, dont il a assuré la rédaction, le représentant du Mexique a rappelé que le Conseil de sécurité est habilité à déployer des missions de maintien de la paix et à mettre sur pied des missions politiques spéciales, dont le personnel travaille bien souvent dans des contextes violents et sous pression.  La complexité et l’intensité des tâches qu’accomplissent le personnel en tenue et le personnel civil peuvent avoir des conséquences sur leur santé mentale, a-t-il reconnu, expliquant pourquoi le Conseil de sécurité doit accorder toute l’attention nécessaire à la santé physique comme à la santé psychique.  Si la question de la santé mentale est encore taboue, il a rappelé qu’il a été prouvé que les problèmes de santé mentale, comme le stress post-traumatique, sont plus courants chez le personnel de ces missions que dans la population générale.  La résolution permet donc d’accorder toute l’attention à cette question avant, pendant et après le déploiement du personnel concerné, s’est-il félicité.  Le représentant a remercié les membres du Conseil qui ont approuvé ce texte et les 50 États Membres de l’ONU qui s’en sont portés coauteurs.

Troisième et dernier membre du Conseil à intervenir à cette séance, la représentante de l’Inde, qui préside le Conseil ce mois de décembre, a rappelé que son pays figure parmi les principaux fournisseurs de contingents et de personnels de police des opérations de maintien de la paix de l’ONU.  L’Inde accorde ainsi une grande importance à la santé mentale de ces effectifs, considérant qu’il s’agit d’un élément essentiel de leur santé d’ensemble, a-t-elle déclaré.  Se disant consciente des circonstances difficiles dans lesquelles opèrent les personnels de maintien de la paix, elle a souligné que leur bien-être mérite l’attention de l’ensemble des États Membres.

À cette aune, la représentante de l’Inde a estimé que toute délibération sérieuse devrait faire fond sur les études menées en consultation avec les pays fournisseurs.  Elle a aussi fait valoir que le C34 est l’organe habilité pour traiter de ces questions.  Ce comité, composé de 137 États Membres, a examiné dûment la question de la santé mentale dans les opérations de paix et des progrès se sont fait jour, a-t-elle salué, citant notamment les progrès dans l’évacuation des blessés.  La déléguée indienne a, dès lors, appelé à ce que toute recommandation en la matière soit formulée après analyse des données et avis de tous les fournisseurs de contingents et de personnels de police.  Avant de conclure, elle a espéré que les délibérations futures se feront de façon globale et systématique au sein des organes compétents des Nation Unies. 

OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX DES NATIONS UNIES

Texte du projet de résolution (S/2022/977)

      Le Conseil de sécurité,

      Rappelant les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, et réaffirmant qu’il a pour responsabilité principale, en vertu de la Charte, le maintien de la paix et de la sécurité internationales,

      Condamnant avec la plus grande fermeté les meurtres et tous les actes de violence dirigés contre les membres du personnel des Nations Unies servant dans les opérations de maintien de la paix, notamment mais non exclusivement leur détention et leur enlèvement, et rappelant que ces actes perpétrés contre les Casques bleus pourraient constituer des crimes de guerre,

      Rendant hommage à l’ensemble des membres du personnel des Nations Unies servant dans les opérations de maintien de la paix, notamment ceux qui ont fait le sacrifice ultime, dans l’exercice de leurs fonctions, au service de la paix,

      Soulignant l’importance du maintien de la paix comme l’un des outils les plus efficaces dont dispose l’Organisation des Nations Unies pour assurer la promotion et le maintien de la paix et de la sécurité internationales, et réaffirmant qu’une paix durable ne peut être réalisée ni maintenue uniquement au moyen d’interventions militaires et techniques, mais nécessite des solutions politiques, et fermement convaincu que de telles solutions devraient éclairer la conception et le déploiement d’opérations de paix des Nations Unies, et entendant par opérations de paix des Nations Unies des opérations de maintien de la paix et des missions politiques spéciales,

      Se déclarant particulièrement préoccupé par le bien-être général du personnel de maintien de la paix des Nations Unies, qui fait face à des difficultés multiples et opère dans des environnements complexes,

      Notant que le personnel des Nations Unies servant dans les opérations de maintien de la paix est déployé dans des conditions politiques et de sécurité complexes qui se dégradent, et se déclarant profondément préoccupé par les menaces à la sécurité et les attaques dirigées contre les membres du personnel des Nations Unies, qui compliquent considérablement ces opérations,

      Exprimant sa profonde reconnaissance à tous les membres du personnel des Nations Unies engagés dans les opérations de maintien de la paix pour les efforts prodigieux qu’ils déploient face à la pandémie de COVID-19 et à ses conséquences,

      Conscient des effets néfastes que les campagnes de mésinformation et de désinformation dirigées contre l’Organisation des Nations Unies peuvent avoir sur la sûreté et la sécurité du personnel de maintien de la paix, sur leur santé mentale et sur leur capacité de protéger les civils et de mener à bien leur mission,

      Sachant l’importance de la formation préalable au déploiement pour les pays qui fournissent des contingents ou du personnel de police aux opérations de maintien de la paix, et souhaitant qu’elle soit maintenue afin de dépister et de préparer mentalement le personnel avant son déploiement dans des environnements opérationnels de plus en plus difficiles et dangereux, notamment au moyen de procédures nationales d’évaluation, de prévention, d’atténuation et de traitement des problèmes de santé mentale et des facteurs de risque associés,

      Notant que la santé mentale du personnel de maintien de la paix des Nations Unies a une incidence sur l’efficacité des opérations,

      Soulignant qu’il importe que le personnel de maintien de la paix des Nations Unies ait accès en temps voulu à des services de santé mentale et de soutien psychosocial adéquats et encourageant les États Membres, les donateurs et les parties concernées à intégrer des services de santé mentale et de soutien psychosocial dans toutes les interventions humanitaires,

      Rappelant le rapport sur les données issues de l’enquête sur le bien-être du personnel de l’Organisation des Nations Unies de 2017, et notant les efforts entrepris par le Secrétariat, dans le cadre de la Stratégie pour la santé mentale et le bien être dans le système des Nations Unies de 2018, pour répondre aux besoins des membres du personnel et améliorer les capacités de l’Organisation en matière d’évaluation, de prévention, d’atténuation et de traitement des problèmes de santé mentale et des facteurs de risque associés,

      Prenant note des travaux actuellement menés sur les questions touchant la santé mentale du personnel en tenue par le Secrétariat et les experts du Comité consultatif, composé d’États Membres, de l’Organisation mondiale de la Santé et d’organisations non gouvernementales,

      1.    Considère qu’il faut sensibiliser le personnel de maintien de la paix des Nations Unies à l’importance de la santé mentale et du soutien psychosocial ;

      2.    Engage les pays fournisseurs de contingents ou de personnel de police, ainsi que les autres États Membres et le Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies, le cas échéant, à fournir des services de santé mentale pour accompagner les membres du personnel pendant la formation préalable au déploiement, afin qu’ils soient mieux aptes à repérer les signes et symptômes de souffrance psychique ;

      3.    Engage le Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies et les pays fournisseurs de contingents ou de personnel de police, ainsi que les autres États Membres, le cas échéant, à continuer de favoriser une culture du bien-être et de la prévenance pendant le déploiement ;

      4.    Engage les pays fournisseurs de contingents ou de personnel de police, ainsi que les États Membres et le Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies, le cas échéant, à continuer de fournir au personnel de maintien de la paix, après le déploiement, des services de santé mentale et de soutien psychosocial adéquats permettant d’apporter une réponse adaptée aux besoins et aux expériences des personnes qui les sollicitent, en tenant compte des questions de genre, selon le cas ;

      5.    Prie le Secrétaire général de faire figurer, dans les exposés complets qu’il lui a demandé de présenter dans sa résolution 2378 (2017), les informations que celui-ci jugera utiles sur l’exécution de certains aspects de la Stratégie pour la santé mentale et le bien être dans le système des Nations Unies de 2018.

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