En cours au Siège de l'ONU

9223e séance – matin    
CS/15144

Conseil de sécurité: le clivage politique qui scinde la Libye ne peut servir de justification à prendre tout un pays en otage, selon le Représentant spécial

Un an après le report des élections initialement prévues le 24 décembre 2021, et face à l’impasse dans laquelle se trouve la Libye, le Représentant spécial du Secrétaire général pour ce pays a, ce matin, déclaré devant le Conseil de sécurité que les rivalités politiques ne peuvent plus servir de justification pour prendre en otage tout un pays.  Il a, dans ce contexte, appelé les membres à réfléchir aux moyens de garantir la tenue d’élections libres, justes et transparentes et à tenir pour responsables les personnes et entités qui ont empêché leur organisation jusqu’à présent.

Venu présenter le rapport du Secrétaire général sur les activités de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) dont il est le Chef, M. Abdoulaye Bathily, a déploré que les dirigeants libyens ne soient toujours pas parvenus à surmonter leurs divergences pour résoudre la crise de légitimité des institutions intérimaires.  Or, cette situation crée un risque de division du pays, où des signes de partition sont déjà visibles, avec deux gouvernements parallèles, des appareils sécuritaires distincts, une banque centrale divisée, une répartition inégale des revenus pétroliers et gaziers, autant de facteurs qui alimentent, dans toutes les régions du pays, un mécontentement croissant.

Selon lui, le désaccord persistant entre « deux hommes » sur un nombre très limité de dispositions de la base constitutionnelle ne peut plus servir de justification pour prendre en otage tout un pays.  Si la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État ne parviennent pas à un accord, il faudra recourir à des mécanismes alternatifs.  Le Conseil de sécurité devrait alors tenir responsables toutes les personnes et entités qui compromettent, directement ou indirectement, la tenue d’élections.  Cela s’applique aux actes commis avant, pendant et après l’élection, a mis en garde le haut fonctionnaire de l’ONU. 

Pourtant, le Conseil n’a même pas été en mesure de prendre des sanctions contre les acteurs ayant fait obstruction à celles qui devaient se tenir l’an dernier, alors que ces scrutins auraient permis de dénouer l’impasse dans laquelle se trouvent les institutions nationales, a déploré le représentant libyen, en appelant le Conseil à ne pas répéter les erreurs du passé, et à réfléchir à une sortie de crise.

Les A3, à savoir le Gabon, le Kenya et le Ghana, soit les trois membres africains du Conseil de sécurité, l’ont exhorté à se pencher, dans les meilleurs délais, sur des modalités concrètes de promouvoir le processus politique, en faisant fond sur le Plan d’action avancé par le Représentant spécial, qui s’appuie sur de larges consultations avec les parties prenantes libyennes.

De manière unanime, les membres du Conseil de sécurité ont déploré, à la suite du Représentant spécial, le blocage dans lequel se trouve la Libye.  Tous ont critiqué le statu quo « intenable », « inacceptable », « qui ne profite qu’à quelques-uns », créant des pouvoirs parallèles et risquant de replonger le pays dans le conflit armé.  Ils ont également critiqué l’attitude des dirigeants libyens qui, selon eux, campent sur leurs positions, tirent honteusement profit de la situation et se contentent de discuter de la répartition des postes au sein du pouvoir exécutif.

Pour preuve, les recettes tirées des hydrocarbures ne profitent pas à la population, ont pointé du doigt plusieurs membres du Conseil, dont les États-Unis, et la conférence sur la réconciliation que souhaite organiser l’Union africaine est « illusoire » selon la Fédération de Russie: la fin de la coopération entre le Conseil d’État et la Chambre des représentants révèle à quel point les dirigeants politiques ne cherchent pas à résoudre la crise dans leur pays.  Or, il importe que la Chambre des représentants, le Haut Conseil d’État et le Conseil présidentiel redynamisent leurs efforts, par le biais d’un dialogue de bonne foi, pour parvenir à un accord sur un projet d’une future constitution et organiser des élections inclusives, ont estimé plusieurs délégations, dont l’Irlande, l’Albanie, le Mexique ou encore la Chine. 

La première condition à cette fin est la formation d’un gouvernement libyen unifié, capable d’organiser ces scrutins sur l’ensemble du territoire libyen et d’y gouverner, a insisté la France, tandis que le Royaume-Uni a demandé aux membres du Conseil de faire collectivement pression sur les dirigeants actuels pour qu’ils travaillent de manière constructive avec le Représentant spécial et un large éventail d’acteurs. 

Selon les A3 toutefois, la communauté internationale doit s’abstenir d’imposer des solutions extérieures, qui constituent une forme d’ingérence étrangère dans les affaires internes de la Libye, pays où se mènent déjà des « des guerres par procuration » pour accaparer les ressources libyennes.  Le succès du processus politique dépend de son appropriation et de sa direction par les Libyens eux-mêmes, ont-ils insisté, rejoints en cela par la Chine et l’Inde pour qui il ne faut pas dicter de conditions à la Libye. 

LA SITUATION EN LIBYE

Déclarations

M. ABDOULAYE BATHILY, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), a déclaré avoir, depuis son dernier exposé en date du 15 novembre, poursuivi son dialogue avec les parties libyennes et les partenaires internationaux pour promouvoir le processus politique et relancer la voie électorale, conformément à la résolution 2656 (2022).  Il a entrepris une tournée qui l’a mené en Türkiye, au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Égypte et en Tunisie pour y chercher un soutien continu et coordonné afin d’aider les dirigeants libyens à surmonter leurs divergences et à résoudre la crise de légitimité des institutions intérimaires en place depuis trop longtemps.  Il prévoit de rendre visite à d’autres partenaires internationaux, pour connaître leur point de vue sur la crise en cours en Libye et sur la meilleure façon d’aider la MANUL à mener à bien son mandat.

Il a également dit être en contact avec les dirigeants de la Chambre des représentants, du Haut Conseil d’État et le Conseil présidentiel.  Il cherche à organiser une réunion entre ces trois institutions et exhorte leurs dirigeants à s’élever au-dessus des intérêts personnels et à œuvrer de manière constructive à la finalisation de la base constitutionnelle des élections, dans un délai bien défini, conformément aux aspirations de la majorité des citoyens libyens.  Aujourd’hui, a-t-il dit, je demande à ce Conseil, à ses membres et à tous ceux qui en ont le pouvoir, de soutenir les efforts de la MANUL pour ramener les dirigeants politiques libyens à la table des négociations et empêcher une nouvelle détérioration de la situation, près d’un an après le report des élections initialement prévues le 24 décembre 2021.

M. Bathily a ensuite relevé que la crise prolongée en Libye, outre son impact significatif sur le bien-être des personnes, comporte un risque sérieux de diviser davantage le pays et ses institutions.  Nous pouvons déjà assister, a-t-il dit, aux signes de la partition avec deux gouvernements parallèles, des appareils sécuritaires distincts, une banque centrale divisée, la décision de la Chambre des représentants d’établir une cour constitutionnelle à Benghazi dans l’est du pays en l’absence d’une Constitution convenue, et le mécontentement croissant dans toutes les régions face à la répartition inégale des énormes revenus pétroliers et gaziers du pays.  Les dirigeants politiques de tous bords doivent être tenus pour responsables de ces développements inquiétants pour l’avenir du pays.

Contrairement à leurs homologues politiques, sous la houlette de la Commission militaire conjointe 5+5, le volet sécuritaire et militaire a fait preuve d’une volonté plus affirmée d’avancer vers la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu et d’unifier les institutions sécuritaires du pays.  Pour preuve, le cessez-le-feu continue de tenir et aucune violation n’a été enregistrée depuis novembre dernier, même si la situation reste cependant tendue et imprévisible dans tout le pays, a-t-il dit.

Tenant compte de ce tableau, le Représentant spécial a demandé au Conseil de faire pression sur les dirigeants politiques en mettant l’accent sur l’urgence de finaliser la base constitutionnelle.  Le désaccord persistant entre deux hommes, sur un nombre très limité de dispositions de la base constitutionnelle ne peut plus servir de justification pour prendre en otage tout un pays.  Si la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’État ne parviennent pas à un accord rapidement, des mécanismes alternatifs peuvent et doivent être utilisés pour atténuer les souffrances causées par des arrangements politiques obsolètes et évolutifs, a estimé le haut fonctionnaire.  Il a également demandé au Conseil de réfléchir, de manière créative, aux moyens de garantir que des élections présidentielle et parlementaires libres, justes, transparentes et simultanées soient organisées et tenues sous une administration unique, unifiée et neutre, et que ceux qui souhaitent se présenter comme candidats démissionnent de leurs fonctions actuelles pour créer des règles du jeu équitables.  Le Conseil doit en outre tenir responsables toutes les personnes et entités qui agissent ou soutiennent des actes empêchant ou compromettant la tenue d’élections.  Cela s’applique aux actes commis avant, pendant et après l’élection, a-t-il mis en garde.  Nous devons, a-t-il conclu, aider les Libyens à faire de 2023 le début d’une nouvelle ère, marquée par la montée en puissance d’institutions légitimes nées d’élections libres et équitables.

Mme RUCHIRA KAMBOJ, Présidente du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye, a prùésenté le rapport de cet organe subsidiaire pour la période allant du 31 août au 16 décembre 2022 pendant laquelle le Comité a tenu une réunion de consultations informelles et agi dans le cadre de la procédure d’approbation tacite.  À l’occasion des consultations qui ont eu lieu le 4 novembre, le Comité a entendu un exposé de l’Équipe d’experts sur ses travaux au titre de la résolution 2644 (2022), suivi d’une discussion interactive et de la publication d’un communiqué de presse. 

Au sujet de l’embargo sur les armes, a informé la représentante, le Comité a approuvé une demande d’exemption soumise par Malte.  Le Comité a également reçu un rapport sur une tentative d’inspection d’un navire.  Les membres du Comité ont exprimé des vues divergentes sur la saisie de la cargaison. 

S’agissant du gel des avoirs, le Comité a adressé au Bahreïn une lettre au sujet d’une notification précédemment signalée invoquant le paragraphe 21 de la résolution 1970 (2011).  Le Comité a reçu une note verbale de la Türkiye sur la portée de la disposition relative aux réclamations énoncée au paragraphe 27 de la résolution 1973 (2011), à laquelle le Comité a répondu.  Il a également répondu à une lettre de Maurice fournissant des éclaircissements sur les avis d’appui à la mise en œuvre du gel des avoirs, après examen des contributions techniques fournies par le Groupe d’experts sur la question.  Il a répondu à la Libye sur le même sujet, a précisé la Présidente du Comité. 

Mme Kamboj a également fait état, dans le cadre de l’interdiction de voyager, de la notification de voyage précédemment signalée par Mme Aisha Al-Kadhafi pour se rendre en Italie, dans le cadre de la prorogation de six mois de la dérogation à l’interdiction de voyager accordée à des fins humanitaires.  D’autre part, une communication a également été reçue d’un représentant de Mme Aisha Al-Kadhafi confirmant son retour à Oman.  Au cours de la période à l’examen, le Comité a étendu pour la quatrième fois la demande de dérogation de six mois accordée à des fins humanitaires à trois personnes figurant sur sa liste: Mme Safia Farkash Al-Barassi, Mme Aisha Al-Kadhafi et M. Mohammed Al-Kadhafi. 

D’autre part, le Comité a reçu une huitième communication du point focal pour les questions de radiation créé par la résolution 1730 (2006), concernant la demande de radiation d’une personne inscrite sur la Liste de sanctions.  Le processus des points focaux est toujours en cours, a ajouté Mme Kamboj, qui a aussi indiqué que le Comité a adressé une note verbale à tous les États Membres, dans le cadre du paragraphe 8 de la résolution 2644 (2022), dans laquelle le Conseil de sécurité leur demandait de lui rendre compte des mesures qu’ils avaient prises pour appliquer effectivement les mesures d’interdiction de voyager et de gel des avoirs visant toutes les personnes figurant sur la Liste relative aux sanctions contre la Libye.  À cet égard, le Comité a reçu trois rapports d’exécution de Bahreïn, de Malte et de Moldova. 

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a salué le message limpide envoyé par M. Bathily à l’élite politique libyenne qui bloque les avancées et doit d’urgence trouver une issue au processus politique.  Elle a regretté le manque de progrès en vue de trouver un accord sur des fondements juridiques et constitutionnels pour la tenue d’élections, que les Libyens attendent. Selon elle, le Conseil de sécurité devrait collectivement exercer une pression sur les dirigeants politiques libyens afin qu’ils travaillent de manière constructive avec le Représentant spécial et un large éventail d’acteurs libyens pour trouver une base acceptable pour la tenue des élections parlementaires et présidentielles libres, justes et inclusives, et ce, dans les meilleurs délais.  Les acteurs de la société civile doivent aussi avoir voix au chapitre en toute sécurité et sans entraves, a ajouté la déléguée britannique.

M. MARTIN KIMANI (Kenya), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana, Kenya), a commencé par saluer le calme relatif à Tripoli et ses environs, tout en étant conscient de la fragilité du cessez-le-feu.  Il a insisté pour que le Conseil se penche sans tarder sur les modalités pratiques en vue de faire avancer le processus politique.  C’est la raison pour laquelle les A3 saluent le Plan d’action avancé par le Représentant spécial, qui se fonde sur de larges consultations avec les parties prenantes libyennes.  « Le succès du processus politique dépend de son appropriation et de sa direction par les Libyens eux-mêmes. »  Pour cela, « la communauté internationale devrait s’abstenir d’imposer des solutions qui correspondraient à une ingérence étrangère », a mis en garde M. Kimani.  Les A3 exigent en outre le départ des forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires qui compromettent l’intégrité territoriale de la Libye et son appropriation nationale du processus de paix.  Pour que les Libyens puissent s’approprier le processus de paix, il faut leur offrir un espace de dialogue et parvenir à la réconciliation nationale à chaque étape du processus, a fait valoir le représentant.  Le dialogue intralibyen est essentiel et devrait inclure toutes les parties prenantes libyennes, y compris la participation pleine, égale et significative des femmes et des jeunes, a-t-il souhaité.  Quant à la MANUL, elle devrait être renforcée pour être en mesure de fournir le soutien nécessaire, non seulement au niveau politique mais aussi au niveau local. 

M. Kimani a insisté sur l’importance de la coordination de l’aide internationale sous l’égide de l’ONU.  « L’ingérence étrangère en Libye se manifeste également par un soutien international non coordonné », a-t-il regretté, en pointant du doigt les intérêts étrangers de certains pour les ressources libyennes et dénonçant ceux se livrent à « des guerres par procuration ».  À cet égard, les A3 appellent tous les acteurs politiques libyens à considérer avant tout les intérêts généraux des Libyens.  Toute assistance internationale offerte à la Libye devrait respecter la direction mandatée par le processus de l’ONU, comme stipulé dans la résolution 2542 (2020).  M. Kimani a également souligné le rôle de premier plan joué par les pays limitrophes.  Compte tenu de l’ampleur du problème du traitement inhumain des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile, le soutien aux programmes de gestion des frontières et des migrations à la frontière nord du continent africain doit bénéficier d’une transparence internationale et de systèmes de responsabilité correspondants.  Les A3 appellent l’Union européenne et ses membres à en tenir compte dans leurs politiques migratoires et demandent que ces personnes soient traitées avec dignité, conformément au droit international. 

M. GENG SHUANG (Chine) a relevé que cela fait un an que les élections ont été reportées.  Entre temps, les parties ont poursuivi les combats.  Pour le délégué, ce statut quo est intenable, la priorité étant de parvenir à un accord sur une base constitutionnelle et d’organiser des élections rapidement.  Pour autant, a continué le représentant, la communauté internationale doit respecter l’intégrité et la souveraineté de la Libye et éviter de lui imposer des solutions de l’extérieur.  Elle doit au contraire appuyer le processus de réconciliation, y compris la conférence prévue à cet effet sous les auspices de l’Union africaine.  Les moyens militaires ne pouvant régler la crise en Libye, les dirigeants doivent faire preuve de volonté politique et chercher à régler leurs différends par le dialogue.  Cela signifie que les combats doivent cesser et tous les combattants étrangers quitter la Libye, en coordination avec les pays de la région, dans le but d’éviter d’autres problèmes sécuritaires, a conclu le représentant. 

M.CASNEROS (Mexique) a indiqué que les élections présidentielle et parlementaires sont le seul chemin viable pour résoudre la crise libyenne car les institutions actuellement en place ne sont pas en mesure de faire face à la situation.  Il a appelé tous les acteurs impliqués à être créatifs et à dépasser les différends autour de la question des échéances électorales.  Le représentant a par ailleurs dénoncé la présence de groupes armés tchadiens et d’entités terroristes en Libye, avant de recommander de resserrer l’embargo sur les armes, en particulier légères et de petit calibre.  Le délégué a condamné tous les abus commis à l’encontre des migrants, des militants des droits humains ainsi que ceux qui touchent les femmes, exposées à des violences sexuelles et sexistes.  Il a renouvelé l’engagement du Mexique pour l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Libye. 

M. THIAGO BRAZ JARDIM OLIVEIRA (Brésil) s’est inquiété du manque de légitimité des institutions gouvernementales parallèles issues de la période de transition inachevée en Libye.  Dans ce contexte, il faut veiller à ne pas permettre que la division des institutions libyennes fasse des émules au niveau international, a averti le représentant.  À cet égard, il a souligné la nécessité de coordonner les efforts dans les enceintes internationales sous les auspices des agences de l’ONU appropriées, ainsi qu’avec le rôle de médiation de la MANUL, afin d’assurer un processus politique piloté et maîtrisé par les Libyens eux-mêmes.

Par ailleurs, le représentant a mis l’accent sur l’importance de faire respecter l’embargo sur les armes en Libye de manière transparente et non discriminatoire.  En effet, aujourd’hui, l’autorisation d’inspecter des navires soupçonnés de violer cet embargo n’est accordée que par une seule organisation régionale.  Selon lui, une meilleure compréhension des obstacles empêchant l’opération IRINI d’identifier davantage de navires renforcerait certainement la perception selon laquelle elle contribue de manière objective à réduire la circulation des armes dans le pays. 

En outre, le Brésil se félicite de la contribution de la Commission militaire conjointe 5+5 à la consolidation de l’accord de cessez-le-feu conclu en 2020, et en particulier de son soutien aux termes de l’accord ouvrant la voie au désarmement, à la démobilisation et à la réintégration des groupes armés en Libye.  Il a également salué les résolutions sur le retrait des forces étrangères et des mercenaires de manière synchronisée, graduelle et équilibrée.  Enfin, le représentant du Brésil a exprimé sa préoccupation à propos de la gestion du gel des avoirs libyens à l’étranger.

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a rappelé que le 24 décembre 2021, les autorités libyennes issues du Forum de dialogue politique libyen ont échoué à mettre en œuvre leur mandat: l’organisation d’élections présidentielles et législatives.  « Près d’un an après cette date, la promesse faite au peuple libyen d’un retour à la démocratie demeure lettre morte. ».  La priorité de la France pour la Libye demeure donc la relance du processus électoral.  La première condition est la formation d’un gouvernement libyen unifié, capable d’organiser ces élections présidentielles et législatives crédibles de manière simultanée sur l’ensemble du territoire libyen et d’y gouverner partout et pour tous, a déclaré la représentante.  Ensuite, un accord sur une base constitutionnelle et légale et une nouvelle feuille de route politique crédible sont nécessaires en vue de ces élections.  Cette feuille de route devra comprendre des garde-fous politique et financier, a-t-elle précisé.  De plus, l’absence de corruption et l’acceptation des résultats par tous seront les clefs pour la réussite des scrutins.  La France continue à appuyer une application intégrale de l’accord de cessez-le-feu, en coordination avec les Nations Unies.  Notant que le 8 décembre à Tunis, la réunion de la Commission militaire conjointe 5+5, rassemblant acteurs sécuritaires de l’Est et de l’Ouest, a confirmé leur volonté d’avancer vers une armée libyenne unifiée, capable de préserver le cessez-le-feu et de maîtriser les frontières, la représentante a estimé que les autorités libyennes doivent être à la hauteur de ces enjeux et soutenir ledit Comité.  Enfin, un engagement continu est primordial pour le respect de l’embargo sur les armes et le retrait de l’ensemble des forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires du territoire libyen, en coopération avec les pays voisins de la Libye.  Mme Broadhurst Estival a regretté l’absence de progrès dans le processus de réunification de la Banque centrale libyenne.  Le maintien du statu quo risque de mener à une partition de facto du pays, ce qui représente aussi un danger pour la stabilité régionale, a-t-elle mis en garde. 

M. FERGAL MYTHEN (Irlande) a jugé urgent que tous les dirigeants libyens se réunissent et conviennent d’une base constitutionnelle pour la tenue d’élections libres, justes et inclusives, dès que possible.  La Chambre des représentants, le Haut Conseil d’État et le Conseil présidentiel doivent redynamiser les efforts à cette fin par le biais d’un dialogue de bonne foi, a-t-il dit, se disant très encouragé par l’engagement du Représentant spécial à sortir de l’impasse politique.  Le délégué s’est prononcé en faveur d’un processus dirigé et contrôlé par la Libye, sous les auspices de l’ONU, qui réponde aux aspirations du peuple libyen à choisir ses propres dirigeants.  Le statu quo, qui ne profite qu’à quelques-uns et non à la majorité est insoutenable et franchement inacceptable, a-t-il tranché en conclusion, souhaitant que 2023 mette les Libyens sur le chemin de la paix. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a prévenu que, alors que la Libye est revenue à un double pouvoir parallèle, elle risque de replonger dans le conflit armé.  Notant que les principales forces politiques mobilisent leurs partisans et tentent d’obtenir un soutien supplémentaire de l’extérieur, tout en promettant aux acteurs extérieurs de se soucier de leurs intérêts en Libye après avoir vaincu leurs concurrents dans la lutte pour le pouvoir, le représentant a souligné que le moyen le plus sûr de sortir de l’impasse actuelle consiste à tomber d’accord sur un projet de future Constitution et d’organiser des élections nationales inclusives.  Il a prôné la participation de l’ensemble des principales forces politiques à ces étapes, y compris des représentants de l’ancien gouvernement, arguant que c’est la « pierre angulaire » du processus de réconciliation nationale. 

Le représentant russe s’est ensuite félicité des efforts déployés par l’Union africaine visant à organiser une conférence à l’intention de toute la Libye.  Il a constaté l’absence de progrès notables au niveau politique, jugeant peu concrètes les discussions en cours, ce qui les rend « illusoires » à son avis.  Le Conseil d’État et la Chambre des représentants ont cessé de collaborer, a-t-il fait remarquer en déduisant qu’ils ne cherchent pas véritablement à résoudre la crise dans leur pays.  Ils se sont limités à discuter des projets de répartition des postes de direction dans le pouvoir exécutif et à assurer de leur intention mutuelle de réaliser la volonté du peuple dès que possible, a-t-il relevé. 

Jugeant également crucial le travail sur le volet militaire, le représentant a appelé les parties à s’acquitter de leurs obligations relatives à l’accord de cessez-le-feu, mettant en garde contre une instabilité accrue.  Il a aussi mis l’accent sur la nécessité du retrait de toutes présence étrangère de l’ensemble du territoire libyen.  Enfin, le délégué a déclaré que la production pétrolière et la distribution de ses dividendes doivent profiter aux Libyens et pas aux pays occidentaux. 

Mme MONA JUUL (Norvège) a salué le travail piloté par le Représentant spécial pour mener des consultations avec de nombreux acteurs de la société civile libyenne et l’a prié de continuer à œuvrer pour trouver une issue à l’impasse politique.  Il importe que toutes les parties retrouvent la voie à suivre vers une stabilité pérenne et des élections libres.  La situation est fragile et la population libyenne souffre, a souligné la représentante.  Selon elle, la communauté internationale doit s’exprimer à l’unisson sur le dossier libyen et donner un nouveau souffle aux questions en souffrance. 

Par ailleurs, la déléguée a fait part de ses préoccupations au sujet des arrestations forcées de militants qui n’ont fait qu’exercer leur droit à la liberté d’expression.  Les violations des droits des enfants ainsi que les attaques contre des écoles et des hôpitaux sont inacceptables, a-t-elle ajouté. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a regretté l’annulation des élections qui a réduit à néant les espoirs du peuple libyen.  Il a estimé qu’il s’agissait d’un « revers monumental » ayant de graves conséquences qui continuent de se faire sentir dans différents domaines institutionnels.  Il a insisté sur le fait que seules des élections permettront de conférer une légitimité aux dirigeants de la Libye.  Il a exhorté les parties à travailler avec le Représentant spécial du Secrétaire général pour parvenir à une feuille de route vers la tenue des élections tant attendues.  Le représentant a, de plus, souligné la nécessité de trouver un accord sur différents éléments pour garantir la gestion transparente des recettes découlant de l’exploitation du pétrole et du gaz.  « Toute solution possible doit être exploitée pour donner une chance au dialogue inter-libyen », a-t-il ajouté avant de fustiger l’attitude des parties libyennes consistant à camper sur leurs positions, attitude qui est contraire à l’intérêt de la population libyenne.  Le représentant a souligné l’importance de la réunion de la Commission militaire conjointe 5+5, qui a rassemblé les acteurs sécuritaires de l’Est et de l’Ouest le 8 décembre dernier à Tunis pour appeler notamment à une accélération du processus de démantèlement des milices et de réintégration de leurs éléments.  Il a dit attendre avec impatience la réunion devant se tenir le 15 janvier à Syrte pour faire face aux questions des ingérences extérieures et du retrait des combattants étrangers et des mercenaires. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a déclaré que la soif d’unité du peuple libyen doit trouver un écho dans l’unité du Conseil de sécurité, avec le soutien du Représentant spécial.  Tous les acteurs doivent donc coordonner leurs efforts avec M. Bathily et ses bons offices.  Sur le volet sécuritaire, le délégué a apprécié les efforts déployés notamment pour maintenir le cessez-le-feu permanent.  Il s’agit maintenant de parvenir à un retrait rapide, mais coordonné et ordonné, des forces étrangères, a-t-il conclu. 

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) s’est dit vivement impressionné par la persévérance et les efforts inlassables de M. Bathily.  Il a ensuite regretté que, pendant toutes ces années, la transition politique soit restée dans l’impasse, surtout un an après le report des élections.  De même, il a constaté que les recettes tirées des hydrocarbures ne profitent pas à la population, et encore moins à l’édification de l’infrastructure et à la prestation des services de base.  Pour le représentant américain, des justifications mensongères ont été alléguées par ceux qui cherchent honteusement à tirer profit de la situation actuelle.  Or, le peuple libyen s’est clairement prononcé pour l’organisation d’élections, a-t-il rappelé, exigeant un calendrier précis pour la tenue des élections présidentielle et parlementaires.  Le délégué a insisté pour revenir au projet de cadre électoral, car les divergences concernent davantage des visées personnelles et les possibilités d’enrichissement qui vont de pair.  Il a ensuite demandé la création d’un mécanisme de transparence sur l’exploitation des vastes richesses pétrolières du pays.  Il a en conclusion encouragé à l’unification des forces armées libyennes, notamment pour restaurer la crédibilité de cette institution aux yeux du peuple libyen. 

Intervenant en sa capacité nationale, Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a déploré que les progrès réalisés après l’accord de cessez-le-feu en octobre 2020 risquent d’être mis à mal, le délai pour organiser des élections étant déjà dépassé d’un an.  Elle a constaté que l’impasse politique perdure et les points de friction entre les diverses institutions ont fait augmenter les tensions.  Il est important que tous les acteurs reprennent leur coopération afin de surmonter le blocage politique, ce qui va dans l’intérêt non seulement du peuple libyen mais aussi de la région dans son ensemble, a-t-elle souligné 

La représentante s’est aussi inquiétée de la présence de forces étrangères et de mercenaires, en violation des nombreuses déclarations du Conseil de sécurité, qui menacent la sécurité et la stabilité en Libye.  Elle s’est inquiétée de la résurgence des activités terroristes dans le pays qui risquent d’avoir des retombées dans la région du Sahel, appelant la communauté internationale à s’en préoccuper dès aujourd’hui.  Enfin, elle a réitéré que le processus politique en Libye doit être entièrement piloté et contrôlé par les Libyens sans ingérence extérieure et sans se voir dicter des conditions. 

M. TAHER M. T. ELSONNI (Libye) a d’emblée reproché au Conseil de sécurité de n’avoir pas été en mesure de sanctionner les acteurs qui font obstruction aux élections qui devaient se tenir le 24 décembre 2021, avec près de 100 candidats enregistrés pour l’élection présidentielle, près de 1 000 pour les élections législatives et environ 3 millions d’électeurs.  Cette situation a conduit à un échec politique et à de profondes divisions.  Appelant à ne pas répéter les erreurs du passé, le représentant a regretté que les interventions des membres du Conseil se contentent de relater les événements « sans proposer de remèdes ou moyens de remédier à la crise ».  Aussi, a-t-il exhorté la communauté internationale à se mettre à l’écoute des attentes du peuple libyen, à appuyer les initiatives nationales pour la paix et la réconciliation et à ne ménager aucun effort ni aucune ressource pour sortir de la période de transition.  « Les élections permettraient de dénouer l’impasse dans laquelle se trouvent les institutions », a estimé le représentant, avant d’exhorter la communauté internationale à appuyer les initiatives nationales visant à ramener tous les protagonistes libyens à la table de négociations.  Il a souligné l’importance de la réunion de la Commission militaire conjointe 5+5, qui s’est tenue le 8 décembre dernier à Tunis, pour avancer vers l’unification des forces armées libyennes et accélérer le processus de démantèlement et de réintégration des milices.  Faisant écho à l’intervention de l’Inde, qui préside le Comité des sanctions applicables dans son pays, le délégué a regretté les agissements de certains pays, assurant que la Libye demanderait des comptes à tous ceux qui se servent des sanctions comme d’un prétexte pour détourner les avoirs gelés.  Par ailleurs, il a aussi demandé que soient radiés de la liste des sanctions, pour des raisons humanitaires, les individus dont l’inscription n’est plus pertinente après de nombreuses années.  Enfin, il a conclu que toute solution implique le retrait des combattants étrangers et la fin des ingérences externes dans les affaires de son pays.

 

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