En cours au Siège de l'ONU

9215e séance – matin
CS/15135

République démocratique du Congo: la Représentante spéciale demande au Conseil de sécurité de condamner sévèrement les crimes commis par le M23 et d’autres groupes armés

Venue présenter aujourd’hui au Conseil de sécurité le dernier rapport en date du Secrétaire général sur la situation en République démocratique du Congo (RDC), la Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO), Mme Bintou Keita, a fait part de ses « graves préoccupations » face aux atrocités commises par le Mouvement du 23 mars (M23) et d’autres groupes armés, en demandant une condamnation des plus sévères par le Conseil.  Un appel entendu par l’ensemble des États Membres participant à la séance qui ont réitéré, en outre, leur soutien aux efforts régionaux, à travers les processus de Nairobi et de Luanda, et salué la publication par la RDC du calendrier électoral avec un scrutin prévu le 20 décembre 2023.

Cette séance d’information s’est tenue peu après le mini-sommet organisé le 23 novembre à Luanda, dont Mme Keita a énuméré les résultats: des mesures ont été décidées pour faire face à la situation dans l’est de la RDC, notamment un calendrier pour la mise en œuvre d’actions prioritaires visant à obtenir une cessation des hostilités, le retrait immédiat du M23 des localités occupées et la coordination des efforts dans le cadre des processus de Luanda et de Nairobi.

Cette avancée n’a cependant pas fait oublier les « tensions croissantes entre la RDC et le Rwanda », comme relevé par la représentante du Gabon qui s’exprimait en sa qualité de Présidente du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1533 (2004).  Pourtant, ont fait valoir les A3 (Kenya, Gabon et Ghana), les deux nations ont besoin l’une de l’autre et devraient avoir recours aux mécanismes de médiation existants.  Une solution jugée avec scepticisme par le Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de RDC, M. Christophe Lutundula Apala Pen’apala, qui a surtout vu « le mépris et l’arrogance » affichés par le Rwanda et « son protégé du M23 », alors que le représentant du Rwanda a dit ne vouloir « ni servir de bouc émissaire ni être assimilé au M23 ».  Le conflit entre le M23 et le Gouvernement de la RDC est une affaire interne, a soutenu le représentant rwandais.

Invitée à cette séance, l’activiste Rebecca Kabuo, de LUCHA (Lutte Pour le Changement), a, elle aussi, accusé le Rwanda d’apporter un appui militaire à ce mouvement, à l’origine de l’assassinat de 131 civils (102 hommes, 17 femmes et 12 enfants) au cours d’actes de représailles contre les populations civiles perpétrés les 29 et 30 novembre dernier, à Kisheshe et Bambo, deux villages du territoire de Rutshuru dans la province du Nord-Kivu.  Au moins 22 femmes et 5 filles ont été violées, a-t-elle dénoncé avec force en demandant au Rwanda de cesser d’appuyer le M23.

Tout aussi préoccupée par les informations faisant état du soutien du Rwanda au M23, la France a tenu à rappeler que le Conseil exige qu’il soit immédiatement mis fin à tout soutien extérieur au M23 et aux autres groupes armés actifs sur le territoire congolais.  La MONUSCO doit tout mettre en œuvre pour protéger les populations des exactions du M23, a enjoint la représentante des États-Unis.  La Mission a d’ailleurs continué à fournir un soutien opérationnel, logistique et tactique aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et à la Police nationale congolaise (PNC) pour les aider à affronter les groupes armés dans l’est du Congo, en particulier le M23, a informé, à cet égard, Mme Keita.

Cela n’a pas empêché la RDC de pointer l’« aveu d’impuissance » de la MONUSCO et de demander au Conseil de sécurité de clarifier le mandat de la Mission qui est, à son avis, incapable de neutraliser « le mouvement terroriste du M23 ».  « Après 26 ans d’intervention en RDC, le mode opératoire actuel de l’ONU ne se justifie plus », a tranché le Ministre des affaires étrangères, jugeant nécessaire d’améliorer la collaboration dans la gestion délicate de cette crise.  Mme Keita a salué, à cet égard, l’initiative du Gouvernement qui a pris contact avec la Mission le 15 novembre dernier, pour justement initier une réévaluation du plan de transition, assurant que l’ONU est prête à mener des échanges sur cette question et à renouer des liens de confiance avec le peuple congolais, en particulier la jeunesse, et avec les autorités congolaises.  Le retrait de la Mission ne pourra se faire que de façon progressive, ont de toutes façons prévenu les États-Unis.

Les intervenants ont aussi appelé les pays de la région à user de tous les moyens à leur disposition pour inciter à une cessation immédiate des hostilités et à une reprise des consultations sur des mesures concrètes pour désamorcer les tensions actuelles, comme l’a recommandé le Royaume-Uni qui a annoncé un financement britannique en soutien du processus de Nairobi dirigé par la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE).  Cette communauté a indiqué à ce sujet que la mise en œuvre des volets politique et militaire du processus de Nairobi sur les 24 prochains mois est estimée à 350 millions de dollars.

La Représentante spéciale s’est en outre félicitée des résultats de la récente réunion entre les dirigeants des FARDC, de la Force régionale de la CAE et de la force de la MONUSCO, qui s’est tenue du 29 au 30 novembre à Goma.  Elle y a vu une « avancée majeure » vers la mise en place d’un cadre efficace de coordination et de partage des informations, y compris avec les forces burundaises et ougandaises déjà déployées au Sud-Kivu, au Nord-Kivu et en Ituri.  La paix ne sera possible que si les efforts des pays de la région et de la communauté internationale dans son ensemble s’inscrivent dans la logique des processus régionaux visant la neutralisation des forces qui « sèment la désolation » en RDC, a résumé le Burundi dont le pays assure la présidence annuelle de la Communauté d’Afrique de l’Est.

Enfin, un appel vigoureux a été lancé par Mme Kabuo pour que soient renforcées l’inclusion et la participation des femmes aux processus politique et électoral, compte tenu notamment du rôle actif et essentiel qu’elles ont joué dans les efforts locaux de paix.  Pour les élections en particulier, elle a demandé que toutes les femmes, y compris les candidates, les observatrices et les administratrices, soient protégées.  Des appels relayés par la Norvège et l’Irlande.

LA SITUATION CONCERNANT LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO - S/2022/892

Déclarations

Mme BINTOU KEITA, Représentante spéciale du Secrétaire général en République démocratique du Congo (RDC) et Cheffe de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), qui présentait le dernier rapport du Secrétaire général sur la situation en RDC, a salué la résilience de ce pays malgré les immenses défis auxquels il est confronté.  Preuves en sont les performances macroéconomiques encourageantes du pays, a-t-elle relevé, saluant, à cet égard, l’augmentation budgétaire dans le cadre du projet de loi de finances 2023 (15,8 milliards de dollars contre 10,7 milliards en 2022), essentielle pour financer les reformes stratégiques nécessaires, comme celle du secteur de la sécurité.  Avec ce budget ambitieux, la RDC se donne également les moyens de préparer les échéances électorales de 2023, a fait observer Mme Keita.

À ce titre, elle s’est félicitée de la publication du calendrier électoral qui fixe les élections présidentielles et législatives au 20 décembre 2023 et qui détaille les dispositions et mesures prises par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) pour démarrer, le 24 décembre 2022, l’enrôlement des électeurs.  Si elle a été bien accueillie dans son ensemble, cette publication du calendrier électoral a été contestée par certains acteurs de l’opposition et de la société civile, dans un contexte de tensions et de polarisation politique grandissante, menant parfois à des discours très violents, a déploré la Représentante spéciale.  Elle a donc réitéré la disponibilité de la MONUSCO, à travers ses bons offices, à promouvoir un dialogue constructif entre les parties prenantes.

Abordant le volet sécuritaire dans l’est de la RDC, elle a indiqué qu’au cours des dernières semaines, la situation s’est considérablement détériorée.  De fait, a-t-elle déploré, depuis le 20 octobre, le M23 a repris les hostilités et étendu son contrôle sur le territoire de Rutshuru au Nord-Kivu.  En parallèle, la MONUSCO a continué à fournir un soutien opérationnel, logistique et tactique aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et à la Police nationale congolaise (PNC) dans leurs efforts pour affronter les groupes armés dans l’est du Congo, en particulier le M23.

Mme Keita a aussi fait part de sa grave préoccupation de rapports faisant état d’atrocités et d’autres crimes commis par le M23 et d’autres groupes armés, citant les conclusions préliminaires de l’équipe d’enquête des Nations Unies qui ont confirmé qu’au moins 131 civils ont été tués par balle ou par armes blanches par les combattants du M23.  Au cours de la même période, ces même combattants ont violé au moins 22 femmes, dont une a été tuée après le viol.  L’équipe a également confirmé la destruction de quatre écoles et l’occupation de deux autres par le M23.  C’est pourquoi, la Représentante spéciale a demandé à ce Conseil de condamner ces crimes avec la plus grande sévérité.  Le Conseil doit également exiger la libération immédiate des survivants que le M23 a empêchés de quitter la région.  Les responsables de ces crimes et d’autres atrocités contre la population civile doivent être poursuivis au niveau national ou international, a-t-elle martelé.

La haute fonctionnaire a encore déploré que ces offensives du M23 aient exacerbé la crise humanitaire, soulignant que quelque 370 000 personnes supplémentaires ont été forcées de quitter leur foyer lors de la dernière série d’hostilités, impliquant le M23.  De plus, l’explosion de la violence intercommunautaire dans les provinces occidentales de Mai-Ndombe et de Kwilu a entraîné le déplacement de plus de 50 000 personnes, principalement des femmes et des enfants.

Sur un autre registre, Mme Keita s’est dite encouragée de constater que les initiatives régionales se sont intensifiées en réponse à l’insécurité croissante et les tensions régionales.  Elle a salué, à cet égard, les efforts « diplomatiques vigoureux » entrepris par le Président João Lourenço, médiateur de l’Union africaine (UA) et Président de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), pour soutenir la mise en œuvre de la feuille de route de Luanda.  De même, elle a salué le facilitateur de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), l’ancien Président Kenyatta du Kenya, pour les progrès réalisés dans le cadre du processus de Nairobi, avec le soutien du Président de la CAE, le Président Évariste Ndayishimiye du Burundi.

Depuis avril 2022, la MONUSCO a fourni un appui politique, technique et logistique au Secrétariat conjoint RDC-Kenya pour la tenue de consultations entre le Gouvernement de la RDC et les groupes armés congolais, y compris le troisième cycle de consultations qui a débuté le 28 novembre à Nairobi et s’est terminé le 6 décembre.  Mme Keita s’est dite particulièrement encouragée par le rôle central joué dans ces consultations par les femmes congolaises. 

Le mini-sommet qui s’est tenu le 23 novembre à Luanda a adopté des mesures pour faire face à la situation dans l’est de la RDC, notamment un calendrier pour la mise en œuvre d’actions prioritaires visant à obtenir une cessation des hostilités, le retrait immédiat du M23 des localités occupées et la coordination des efforts dans le cadre des processus de Luanda et de Nairobi.  Il est impératif que les résultats de ces initiatives soient fidèlement mis en œuvre par toutes les parties, a-t-elle insisté.

Entre-temps, la Force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est a continué à se déployer pour soutenir les processus politiques, a-t-elle souligné, se félicitant de la récente réunion entre les dirigeants des FARDC, la Force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est et la force de la MONUSCO, qui s’est tenue du 29 au 30 novembre à Goma, et qui a constitué une « avancée majeure » vers la mise en place d’un cadre efficace de coordination et de partage des informations, y compris avec les forces burundaises et ougandaises déjà déployées au Sud-Kivu, au Nord-Kivu et en Ituri.  Le Gouvernement de la RDC a officiellement demandé la participation active de la MONUSCO à la mise en œuvre du communiqué du mini-sommet de Luanda, a dit la Représentante spéciale qui s’est réjouie de poursuivre le dialogue avec le Gouvernement de la RDC et les partenaires régionaux pour définir le rôle de la Mission dans les efforts visant à traduire sur le terrain les décisions prises dans le cadre des conférences de Luanda et de Nairobi.

La détérioration de la situation sécuritaire dans le pays constitue également un facteur de risque grandissant pour les opérations de la MONUSCO, a-t-elle dit, rappelant l’attaque de Minembwe, dans le Sud-Kivu, par des membres du groupe armé Twirwaneho, le 30 septembre, au cours de laquelle un Casque bleu a perdu la vie.  Elle a enchaîné sur la question du retrait de la MONUSCO, assurant que celle-ci demeure pleinement engagée auprès du Gouvernement et du peuple congolais pour les aider à créer les conditions d’un retrait responsable et durable des provinces du Sud-Kivu, du Nord-Kivu et de l’Ituri où elle est encore déployée.  Elle a invité à se servir de l’exemple du départ responsable de la province du Tanganyika, soulignant que la transition dans cette province démontre le bénéfice de la bonne coordination entre les autorités congolaises et la MONUSCO.

Mme Keita a salué l’initiative du Gouvernement d’avoir pris contact avec la Mission le 15 novembre dernier, pour initier une réévaluation du plan de transition.  Elle a dit avoir réitéré la disponibilité des Nations Unies à intensifier ses échanges, dans un esprit de partenariat, sur la révision du plan conjoint de transition.  Malheureusement, la Mission continue d’opérer dans l’est du pays dans un environnement hostile, nourri par des sentiments de déception, frustrations et désespoirs de la population au vu de la détérioration de la situation sécuritaire, a-t-elle noté.  C’est dans ce sens que « nous avons entrepris de nombreux efforts pour renouer » des liens de confiance avec le peuple congolais, en particulier la jeunesse, et avec les autorités congolaises, et « nous les poursuivrons sans relâche », a-t-elle promis.

Mme LILLY STELLA NGYEMA NDONG (Gabon), s’exprimant en tant que Présidente du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1533 (2004) concernant la République démocratique du Congo, a donné un bref aperçu de la visite effectuée, avec certains membres du Comité, en RDC (la sixième du genre depuis 2015), au Rwanda et en Ouganda du 7 au 18 novembre 2022.  Cette sixième visite a eu lieu dans un contexte difficile sur le plan politique et en matière de sécurité, marqué par des tensions croissantes entre la RDC et le Rwanda, a-t-elle rappelé, tensions notamment liées aux actions des groupes armés visés par des sanctions, le M23 et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).  Les échanges à Kinshasa ont porté sur les conditions de sécurité dans l’est du pays, sur les activités des groupes armés, sur les liens présumés entre le groupe armé Forces démocratiques alliées (ADF), visé par des sanctions, et Daech, ainsi que sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et les violations des droits humains, notamment des violences sexuelles commises en période de conflit.

La Présidente du Comité a dit qu’à plusieurs occasions, le Gouvernement congolais ainsi que des organisations de la société civile ont, à nouveau, demandé que l’obligation de notification soit supprimée pour le transfert de matériel militaire et la formation aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC).  Ce à quoi le Comité a répondu que seuls les États fournisseurs, et non la RDC, sont tenus à l’obligation de notification, car l’embargo sur les armes s’applique uniquement aux groupes armés et non au Gouvernement congolais.  De plus, les types d’armes auxquels s’applique l’obligation de notification se limitaient maintenant à ceux figurant en annexe de la résolution 2641 (2022).  Néanmoins, les autorités congolaises ont fait observer que les banques et les expéditeurs hésitent à prendre part, dans un souci de réduction du risque, au financement et au transport d’armes et de munitions pour lesquelles le Comité a déjà reçu une notification.

En ce qui concerne la liste relative aux sanctions, la Présidente du Comité a indiqué avoir demandé à ses interlocuteurs s’il serait utile d’ajouter de nouveaux noms à la liste, notamment du fait qu’aucun nom n’y a été ajouté depuis février 2020.  De nombreux interlocuteurs ont souligné que les sanctions visant des personnes en particulier constituent un outil de stigmatisation important et qu’il faut désigner les personnes et entités se livrant à des violations des droits humains, notamment des actes de violence sexuelle, ou prenant part à l’exploitation illégale de ressources naturelles.  Pour autant, aucun nom n’a été communiqué.

S’agissant de l’exploitation des ressources naturelles, des préoccupations ont continué d’être exprimées au sujet du trafic d’or et d’autres ressources naturelles via des pays voisins, trafic destiné à permettre aux groupes armés de continuer de contrôler des territoires dans l’est de la RDC.  En ce qui concerne le Mécanisme de suivi relatif au meurtre, en mars 2017, de deux experts des Nations Unies, Michael Sharp et de Zaida Catalán et des quatre Congolais qui les accompagnaient, l’Auditeur général militaire a présenté à Kinshasa un exposé détaillé sur l’enquête en cours pour retrouver les quatre Congolais.  Il a aussi donné des informations sur la procédure en appel concernant les personnes déclarées coupables, en janvier 2022, du meurtre des experts.

M. PETER MUTUKU MATHUKI, Secrétaire général de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), a cité la détermination des pays de la CAE à rester engagés en faveur de la réconciliation, la paix pérenne et la mise en œuvre des volets politique et militaire du processus de Nairobi.  S’agissant du volet militaire, il a rappelé l’objectif de garantir le désarmement de tous les groupes armés en assurant le rapatriement de combattants étrangers dans leurs pays d’origine et la réinsertion sociale des anciens combattants dans la société.  Il a indiqué que le vingt-deuxième Sommet ordinaire des chefs d’État de la CAE, tenu à Arusha (République-Unie de Tanzanie) les 21 et 22 juillet dernier, a été l’occasion de fustiger l’agression du M23 et d’aborder la question de l’opérationnalisation de la Force régionale de la CAE en RDC.  À ce sujet, il a rappelé que le Burundi, le Kenya et l’Ouganda sont déjà présents sur place et qu’ils seront rejoints bientôt par des forces du Soudan du Sud.  Il a également cité la tenue, le 6 décembre dernier, d’une réunion facilitée par l’ancien Président Kenyatta avec la participation des représentants de 60 groupes armés et de 20 groupes de la société civile.  Rappelant que la mise en œuvre des volets politique et militaire du processus de Nairobi est estimée à 350 millions de dollars pour les 24 prochains mois, M. Mathuki a indiqué avoir demandé un soutien financier.

Mme REBECCA KABUO, activiste de LUCHA (Lutte Pour le Changement), a estimé qu’alors que la région s’efforce de trouver des solutions pacifiques aux conflits, le Rwanda ne devrait pas continuer d’apporter un appui militaire au M23 qui est à l’origine de l’assassinat de 131 civils (102 hommes, 17 femmes et 12 enfants) au cours d’actes de représailles contre les populations civiles perpétrées les 29 et 30 novembre, à Kisheshe et Bambo, deux villages du territoire de Rutshuru dans la province du Nord-Kivu.  Au moins 22 femmes et 5 filles ont été violées! s’est-elle écriée.  Les violences sexistes ont augmenté de 80% en 2021, et pourtant, a regretté l’intervenante, l’accès à la justice reste difficile, car les auteurs de ces crimes sont rarement sanctionnés.  Mme Kabuo a pointé le Conseil de sécurité qui, alors qu’il a la capacité de montrer l’exemple grâce à son régime de sanctions, n’a inscrit aucun nouvel individu ou groupe depuis 2020.

De fait, a-t-elle poursuivi, plus d’un million de personnes ont été déplacées, dont une proportion considérable de femmes et de filles.  Les femmes sont exposées non seulement à un risque accru de violences sexuelles et sexistes, mais aussi à des maladies comme le choléra.  Les femmes défenseures des droits humains continuent d’être prises pour cible par les autorités, faisant l’objet de menaces de mort, d’arrestations arbitraires, d’enlèvements, de violences sexuelles et sexistes, a encore déploré Mme Kabuo.  Il est, pour elle, essentiel de surveiller et de signaler les attaques contre ces défenseures des droits humains et artisanes de la paix, d’autant plus que les mécanismes de protection existants se sont avérés inefficaces et dénués de toute dimension de genre.

Sur le volet politique, elle a regretté l’absence de consultations avec la société civile sur le calendrier électoral.  Elle a jugé crucial de réfléchir à la participation politique actuelle des femmes et des jeunes en RDC, ainsi qu’à leur espace civique qui leur permet de s’exprimer.  Les candidates sont confrontées au manque d’information, au manque de financement et à la violence sexiste, a-t-elle regretté, en soulignant aussi que le calendrier électoral annoncé par la CENI ne prévoit qu’un délai de 30 jours pour l’inscription des électeurs, ce qui est trop court pour garantir une pleine participation non seulement des femmes, mais aussi des personnes déplacées et des personnes handicapées, en particulier dans les zones de conflits.  Mme Kabuo a aussi insisté pour que le Gouvernement de la RDC et la MONUSCO s’assurent que les femmes de la société civile soient incluses de manière significative dans toutes les négociations actuelles et futures, compte tenu du rôle actif et essentiel qu’elles ont joué dans les efforts locaux de paix.

Abordant ensuite le rôle de la MONUSCO, elle a fait part d’un ressentiment croissant de la population à l’égard de la Mission.  « Notre peuple est frustré par le fait que la MONUSCO est présente en RDC depuis plus de 20 ans, mais qu’elle n’a pas été en mesure de mettre fin au cycle de la violence ou de fournir une protection ou une sécurité adéquate aux civils, conformément à son mandat ».  De plus, la fusillade d’au moins de 12 personnes durant les manifestations anti-MONUSCO en juillet dernier a exacerbé le rejet de la population à son encontre.  Elle a conclu en recommandant un plan de transition « clair et bien communiqué » de la MONUSCO, comportant d’importants éléments liés au genre.  Elle a aussi appelé à veiller à ce que les femmes participent pleinement et sur un pied d’égalité à toutes les étapes du processus électoral, et que toutes les femmes, y compris les candidates, les observatrices et les administratrices, soient protégées.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a exprimé « l’horreur ressentie » devant les informations faisant état de violences commises par le M23 à l’encontre de civils à Kisheshe et à Bambo, saluant la volonté des autorités congolaises de poursuivre leurs auteurs en justice.  Il a condamné, avec la plus grande fermeté les actions du M23, groupe armé sanctionné par le Conseil de sécurité et par l’Union européenne, rappelant qu’hier même l’Union européenne a pris des mesures restrictives contre l’un de ses responsables.  Il a appelé ce mouvement à cesser les hostilités, à se retirer, immédiatement et sans condition, des territoires qu’il occupe, et à mettre fin aux violations du droit international.

Tout aussi préoccupé par les informations faisant état du soutien du Rwanda au M23, le délégué a tenu à rappeler que le Conseil exige qu’il soit immédiatement mis fin à tout soutien extérieur au M23 et aux autres groupes armés actifs sur le territoire congolais.  Il a soutenu, d’autre part, les efforts régionaux à travers les processus de Nairobi et de Luanda, notamment la conclusion de la troisième série de consultations intercongolaises dans le cadre du processus de Nairobi.  Les engagements pris doivent déboucher sur des résultats concrets, a-t-il affirmé, jugeant « urgent » que les partenaires internationaux soutiennent financièrement le nouveau programme de désarmement, démobilisation et relèvement communautaire.

Dans le domaine de la protection des droits humains, il a fait valoir que l’Union européenne a sanctionné, hier, le député congolais, Justin Bitakwira, pour ses appels à la haine et à la discrimination à l’encontre de la communauté des Banyamulenge.  Il s’est en outre félicité de la publication du calendrier électoral et de l’annonce de la date des élections, prévues pour le 20 décembre 2023; et a réaffirmé le soutien de la France au Gouvernement congolais dans l’organisation, sur l’ensemble du territoire, d’élections transparentes, libres et inclusives, dans les délais prévus par la Constitution.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a exhorté le Gouvernement de la RDC à engager la responsabilité de tous les auteurs de violences dans les 845 cas de violations des droits humains et autres violences répertoriées dans le dernier rapport du Secrétaire général.  Elle a exhorté les groupes armés à déposer les armes, à cesser de terroriser les populations et à mettre en œuvre le processus de Nairobi et l’accord obtenu à Luanda le 23 novembre dernier.  « Nous devons protéger les populations civiles et veiller à ce que les besoins de première nécessité puissent leur parvenir », a-t-elle aussi insisté, avant d’exhorter la MONUSCO à tout mettre en œuvre pour protéger les populations des exactions du M23.  La déléguée a dit prendre note du désir de la RDC et de la CAE d’assouplir le régime de sanctions afin que le pays puisse obtenir toutes les armes lui permettant de se défendre, tout en rappelant que le régime actuel permet déjà aux FARDC d’acquérir des armes.  Elle a défendu le rôle primordial de la MONUSCO qui protège les civils et aide les institutions à traverser la transition, avant de rappeler que son retrait ne pourra se faire que de façon progressive.

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a réitéré sa profonde inquiétude quant à la situation sécuritaire et humanitaire dans l’est de la RDC et ses implications régionales.  Des violations du droit humanitaire international et des violations et abus des droits humains continuent d’être signalées, a déploré la déléguée en faisant part de sa consternation face au massacre de civils, dont des enfants, dans le village de Kisheshe au Nord-Kivu, la semaine dernière.  Elle a salué et dit soutenir les processus politiques et diplomatiques régionaux menés par l’ancien Président Kenyatta et le Président Lourenço, se disant encouragée par les progrès accomplis.  À cet égard, elle a insisté sur l’importance de la coordination entre les processus régionaux et les efforts de l’ONU, y compris entre la MONUSCO et la Force régionale de la CAE.

Par ailleurs, tout en reconnaissant les progrès de la RDC en ce qui concerne la participation des femmes, elle a pressé pour une participation accrue, directe et significative de celles-ci, arguant qu’elles doivent être « entendues et incluses » dans les processus politiques importants, y compris les processus de paix régionaux en cours.  Pour finir, la représentante a rappelé que quand la MONUSCO quittera la RDC, son retrait devra être responsable et durable.  La protection des civils, y compris des enfants, doit rester une tâche prioritaire, a-t-elle souligné.  À cette fin, elle a jugé essentiel que le processus de transition soit guidé par la situation sur le terrain, et non par des échéances ou des considérations politiques, car, a-t-elle conclu, le retour à la paix et à la stabilité nécessitera l’engagement de tous.

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a fait remarquer que le Conseil a été contraint de se réunir plus souvent que de coutume pour discuter de la situation en RDC, voyant en cela un signe de la gravité des événements qui s’y déroulent, « ce que le Conseil ne peut ignorer ».  Elle a mis l’accent sur la situation dans les provinces orientales, où de nombreux groupes armés illégaux ont fait de la violence et de l’anarchie la norme de la vie quotidienne des habitants.  Elle a constaté que la dernière offensive du M23 à Goma a conduit à une aggravation de la crise humanitaire, une augmentation du nombre de personnes déplacées et de réfugiés, et engendré des souffrances.  Elle a aussi dénoncé les atrocités commises par les groupes armés illégaux, outre le M23, en particulier les Forces démocratiques unies, la CODECO, les Maï-Maï, les Forces démocratiques de libération du Rwanda, Red Tabara et d’autres encore.  Elle a invité le Conseil à faire la lumière sur les circonstances de la tuerie du 29 novembre qui a touché le village de Kisheshe et à veiller à l’identification de ses auteurs pour qu’ils soient poursuivis en justice.

La représentante a mis l’accent sur la vision de Patrice Lumumba d’un pays indépendant, souverain et uni.  Les pays de la région doivent comprendre que leur bien-être et leur prospérité dépendent d’un dialogue constructif et de relations de bon voisinage, a encore recommandé la représentante.  Elle a proposé de combiner et de coordonner la mise en œuvre des processus de Nairobi et de Luanda, ainsi que de faire épauler le déploiement de la Force régionale par la communauté internationale, en coordination directe avec la MONUSCO et le Gouvernement de Kinshasa.  Elle a en outre encouragé à œuvrer à la recherche de solutions politiques, non violentes, pour l’est de la RDC, afin de parvenir à une cessation globale des hostilités et à la création de conditions réelles pour une stabilisation durable.  De son avis, en outre, les Congolais sauront tirer judicieusement profit des grandes ressources naturelles qui se trouvent dans les entrailles de leur pays.  Enfin, elle a salué la promulgation du calendrier électoral et les préparatifs des scrutins de décembre 2023, en se prononçant d’autre part en faveur d’un ajustement rapide du régime de sanctions contre ce gouvernement de manière à ce que le secteur de la sécurité soit en mesure d’être pleinement équipé pour atteindre ses objectifs.

M. JOHN GILROY (Irlande) a condamné dans les termes les plus forts le terrible massacre de civils qui a eu lieu le 28 novembre à Kisheshe dans le territoire de Rutshuru.  Il s’est élevé contre les activités du M23 et d’autres groupes armées responsables de l’instabilité de la région.  Pour le délégué, il est crucial de protéger des civils et de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire à ceux qui en ont besoin.  Il a regretté que le régime de sanctions mis en place n’ait pas réussi à apaiser les tensions.  La MONUSCO doit continuer à protéger les civils conformément à son mandat, a insisté le représentant avant de souligner l’importance de la coopération régionale dans ce domaine.  Après avoir regretté les tensions qui subsistent entre le Rwanda et la RDC, le représentant de l’Irlande a déclaré que les processus de Luanda et de Nairobi forment une plateforme de paix à laquelle toutes les parties doivent adhérer.  Il a exhorté toutes les parties à respecter le droit international humanitaire, avant de souligner la pertinence du plan de transition du pays à condition de respecter les objectifs chiffrés dans le temps et dans l’espace.  Enfin, il a salué les efforts déployés par la CENI et appelé à garantir que le prochain processus électoral permette la meilleure participation des femmes possible.

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) s’est dite préoccupée par l’escalade de la violence dans l’est de la RDC, soulignant que c’est le fait de groupes armés qui continuent de menacer les populations et de saper les efforts déployés.  Tout aussi préoccupants, pour elle, sont les discours incitant à la haine, qui ne font qu’exacerber la crise humanitaire sur fond de flambée d’Ebola.  Elle a souligné que les chiffres parlent d’eux-mêmes: plus de cinq millions de personnes sont déplacées, un fait sans précédent dans le continent africain, s’est-elle alarmée.  Dès lors, elle a recommandé de miser sur le dialogue et la réduction des tensions au niveau régional, de façon inclusive.  Ce dialogue doit être tourné vers des résultats, a-t-elle ajouté.  Elle a salué, à cet égard, les efforts des dirigeants de la région qui s’efforcent de mettre en œuvre la feuille de route de Luanda et le processus de Nairobi.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) s’est ému de la résurgence du M23, affirmant que les violences contre les Casques bleus sont dues à des campagnes délibérées de désinformation de certains groupes d’acteurs qui cherchent soit à faire de la MONUSCO un bouc émissaire, soit à obtenir son départ rapide.  Il a pris note de la coopération entre les autorités congolaises et la Mission pour contrer des telles campagnes.  Le représentant a jugé inadmissibles les actes de violence à l’encontre de la Mission, appuyant le renforcement des capacités de communication.  Il a espéré qu’un mandat plus clair contribue à éviter les malentendus et engendre des attentes réalistes.  Le délégué a salué les négociations dans le cadre des processus de Nairobi et de Luanda, avant d’appuyer les efforts des pays limitrophes et des organisations régionales et sous-régionales pour parvenir à une solution durable.  Prenant note du déploiement de la Force régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est, le représentant a cependant souligné que le retrait de la MONUSCO doit se faire de façon responsable et coordonnée.  Il a aussi espéré que les élections prévues en décembre 2023 permettront d’aboutir à des progrès.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a exhorté le Gouvernement, avec le soutien de la MONUSCO, à prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher de nouvelles avancées du M23, y compris vers Goma.  Citant un « bilan humanitaire dévastateur », le représentant a aussi exhorté tous les acteurs à veiller à ce que l’aide parvienne aux populations touchées, y compris les 1,29 million de nouveaux déplacés cette année.  Il a aussi réitéré son plein soutien aux processus politiques de Nairobi et de Luanda avant d’annoncer un financement britannique du processus de Nairobi dirigé par la Communauté d’Afrique de l’Est.  Il s’est félicité du cessez-le-feu récemment conclu à Luanda, exhortant toutes les parties à respecter leurs engagements pour garantir la paix.  « Tout soutien aux groupes armés doit cesser, y compris le soutien externe au M23 », a insisté le représentant, avant d’appeler les pays de la région à user de tous les moyens à leur disposition pour demander une cessation immédiate des hostilités et une reprise immédiate des consultations sur des mesures concrètes pour désamorcer les tensions actuelles.

M. GENG SHUANG (Chine) a jugé essentiel, compte tenu des répercussions dans la région avec l’activité des groupes armés, de désamorcer la situation qui prévaut dans l’est de la République démocratique du Congo, et notamment de désarmer le groupe M23 et d’intégrer ses combattants au programme de désarmement, de démobilisation et de réintégration.  Le représentant a ensuite salué les initiatives régionales visant à régler cette situation, ajoutant que la communauté internationale se doit de les aider afin de ramener la paix dans cette partie de l’Afrique.

Le représentant a également déclaré que selon les indications, les groupes armés possèdent des armes bien plus sophistiquées que celles en possession des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC).  Cela montre les effets délétères de l’embargo qui pèsent sur ce pays et qui l’empêche d’assurer sa sécurité.  Or, les Africains eux-mêmes ont demandé à de maintes reprises la levée de cet embargo, a rappelé le représentant, invitant le Conseil de sécurité à suivre cet appel.  Le délégué a également dit soutenir la prolongation du mandat de la MONUSCO.  Mais maintenant que la Mission a entamé son plan de retrait, comme dans le Tanganyika, il est à espérer qu’il sera mis en œuvre en coordination avec le Gouvernement congolais, a-t-il ajouté.

Mme NJAMBI KINYUNGU (Kenya), s’exprimant au nom de son pays, du Gabon et du Ghana (A3), a loué, sur le front politique, l’engagement du Gouvernement congolais à organiser des élections à la fin de 2023.  Elle a constaté la montée des tensions entre la RDC et le Rwanda, soulignant que les deux nations ont besoin l’une de l’autre et qu’elles devraient avoir recours aux mécanismes de médiation existants.  Elle a exhorté à continuer d’associer les différentes communautés au dialogue, qui est le principal objectif du dialogue intercongolais.  Condamnant les activités terroristes et des groupes armés, y compris le M23, ainsi que l’attaque contre le village de Kisheshe, elle a préconisé, pour concrétiser la stabilité, la poursuite des opérations de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des combattants.  La déléguée a mis l’accent sur le rôle important de la Force conjointe et de la MONUSCO à cet égard.

La représentante a encouragé à établir un cadre de coordination conjoint sous l’égide du Gouvernement congolais, ainsi qu’à un cessez-le-feu immédiat.  La seule voie durable pour parvenir à la paix dans l’est de la RDC est politique, ce qui exige un renforcement des processus régionaux, a-t-elle recommandé en vue, pour le Gouvernement congolais, de rétablir l’ordre et la sécurité sur l’ensemble de son territoire.  Les A3 insistent sur les principes de vérité, justice et réparations en toutes circonstances, a ajouté la déléguée en invitant à mettre sur pied un système de justice transitionnelle.  Ce système est essentiel pour faire cesser les souffrances colossales de la population, a-t-elle argué.  Enfin, la représentante a appelé le Secrétaire général à accroître la fourniture de l’aide humanitaire aux personnes déplacées et à favoriser une exploitation durable et licite des ressources naturelles du pays.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a salué les efforts diplomatiques de l’Angola, du Kenya et d’autres acteurs régionaux pour désamorcer les tensions croissantes dans la région, ainsi que pour rétablir la sécurité sur le terrain.  Pour porter leurs fruits, ces efforts doivent se renforcer mutuellement et être efficacement coordonnés, a estimé la représentante, avant de réitérer l’appel urgent à une cessation effective des hostilités et au retrait du M23 de toutes les zones occupées.  Elle a exhorté tous les acteurs de la région à s’abstenir de soutenir les groupes armés, condamnant tout soutien extérieur dont bénéficie le M23.  Par ailleurs, elle a salué le déploiement des troupes kényanes à Goma avant d’estimer que la Force régionale de la CAE est un ajout important aux efforts diplomatiques, car elle met de la pression sur les groupes armés et aide les FARDC et la MONUSCO dans leurs mandats de protection des civils.  Elle a donc jugé essentiel que la Force régionale se coordonne étroitement avec la MONUSCO et mène ses opérations contre les groupes armés dans le strict respect des droits humains et du droit international humanitaire.  « La MONUSCO joue toujours un rôle essentiel en RDC » a-t-elle insisté, avant de souhaiter que la proposition de révision du plan de transition soit menée avec précaution, afin que la Mission se retire progressivement et en douceur, sans à-coups dans sa gestion et dans le seul intérêt de la population congolaise.

M. ENRIQUE JAVIER OCHOA MARTÍNEZ (Mexique) a condamné dans les termes les plus forts l’offensive du M23 au Nord-Kivu, qui a gravement affecté la population civile et la stabilité régionale.  Les récentes informations faisant état de massacres dans les villages de Kisheshe et de Bambo témoignent clairement de la brutalité de cette nouvelle vague de violence et appellent à la combattre par tous les moyens, a déclaré le représentant.  Compte tenu de cette situation critique, les efforts régionaux déployés dans le cadre des processus de Nairobi et de Luanda sont louables, a estimé le diplomate.  Pour finir, il a exhorté les participants à veiller à ce que ces processus avancent de manière coordonnée et harmonieuse afin de maximiser leurs résultats positifs, se disant fermement convaincu qu’il n’existe pas de solutions purement militaires et que ces initiatives régionales doivent ouvrir des espaces de dialogue pour résoudre les causes de la violence.

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a relevé que le M23 étend son contrôle territorial dans l’est du pays et s’est inquiétée de son approche vers Goma étant donné que par le passé, la capture de cette ville par les groupes armés a fait de très nombreuses victimes.  Cette dévastation de grande envergure et le cycle de violence dans l’est de la RDC ne saurait être perpétuel et l’appui aux groupes armés, internes et externes, doit cesser immédiatement, a-t-elle voulu.  Elle a en outre relevé un accroissement de l’ampleur des attaques perpétrées par les Forces démocratiques alliées, notamment avec l’usage d’engins explosifs improvisés, invitant ensuite à se garder d’ignorer la menace de terrorisme en RDC et dans la région, compte tenu des liens entre groupes armés.

Elle a vivement encouragé des efforts diplomatiques, saluant dans ce contexte le rôle joué par la région en vue de l’ouverture de l’espace politique pour le dialogue.  Elle a appelé tous les groupes armés, y compris le M23, à honorer les décisions prises, le mois dernier, au mini-sommet de Luanda.  La feuille de route de Luanda et le processus de Nairobi constituent un cadre prometteur de dialogue et de pourparlers, a-t-elle reconnu, en appelant les pays de la région, la RDC et le Rwanda plus particulièrement, à pleinement tirer profit de ces efforts constructifs.  Mme Kamboj s’est ensuite félicitée de l’allocation de 6 millions de dollars pour amorcer les projets dans l’est de la RDC du programme pilote de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS), et insisté sur l’importance d’un engagement à long terme en faveur de résultats tangibles, d’une participation accrue des communautés et de processus transparents lors de la mise en œuvre de ces projets.  Ce faisant, la stratégie de communication de la MONUSCO en vue de la sensibilisation des parties prenantes au Programme s’avérera critique, a-t-elle affirmé.

Elle a estimé que le sentiment hostile de la population et des autorités congolaises envers la MONUSCO ajoute à la complexité des défis que celle-ci doit relever.  Elle a également pointé l’absence de clarté et d’interprétation « créative » de son mandat.  En conséquence, elle a réitéré qu’il importe de mettre en œuvre la résolution 2589 (2021) pour éliminer la culture d’impunité grâce à une reddition de comptes accrue pour les crimes contre les Casques bleus.  Elle a, en conclusion, incité au réalisme dans l’évaluation de la transition et du Plan conjoint agréé dans ce cadre entre la MONUSCO et les autorités congolaises.

Après avoir cité « une crise sécuritaire qui martyrise la population de l’est de la République démocratique du Congo (RDC) depuis 28 ans », M. CHRISTOPHE LUTUNDULA APALA PEN’APALA, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la République démocratique du Congo (RDC), a salué l’unité de la communauté internationale sur la nécessité de faire respecter l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de la RDC, et de condamner les activités des groupes armés opérant dans la partie orientale du territoire congolais, et du M23 en particulier.  Il a dit l’exigence de la cessation immédiate et sans condition des attaques du M23 contre les positions des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et des troupes de la MONUSCO; le retrait sans délai ni condition du M23 des zones occupées; le retour des personnes déplacées de guerre à leurs domiciles; et la cessation de tout soutien aux groupes armés opérants dans l’est de la RDC.

S’agissant du règlement par le dialogue des différends entre la RDC, l’Ouganda et le Rwanda en vue de la normalisation de leurs relations et de l’instauration d’un climat favorable à la coopération régionale, le Ministre des affaires étrangères de la RDC s’est dit sceptique quant à la volonté du Rwanda et de « son protégé du M23 », qui ont toujours rejeté avec arrogance et mépris les décisions et recommandations des instances internationales.  M. Pen’apala a affirmé que le M23 n’a pas tardé à piétiner le Communiqué final de Luanda, cinq jours à peine après sa publication, en commettant un massacre, le 28 novembre dernier, de 300 personnes dont des enfants à Kisheshe dans le territoire de Rutshuru.  Il a demandé au Conseil d’ordonner une enquête internationale indépendante pour établir les responsabilités de ce crime.

Après 26 ans d’intervention en RDC, le Ministre des affaires étrangères a estimé dit que le mode opératoire actuel de l’ONU ne se justifie plus, et qu’il est nécessaire d’améliorer la collaboration dans la gestion délicate de cette crise.  Face à l’aveu d’impuissance de la MONUSCO, incapable de neutraliser « le mouvement terroriste du M23 », M. Pen’apala a demandé au Conseil de clarifier le mandat de la MONUSCO: « S’agit-il d’une force de maintien de la paix, Peacekeeping, ou d’imposition de la paix, Peacemaking? »  Une clarification permettrait de redimensionner les attentes vis à vis de la MONUSCO, de mieux circonscrire son champ d’action et d’éviter des malentendus et des procès d’intention sur le glissement du mandat de la MONUSCO vers une mission politique spéciale perçue comme une velléité de l’ériger en pôle de gouvernance parallèle au Gouvernement congolais.

Le chef de la diplomatie congolaise a expliqué que la préférence de la RDC est de voir la MONUSCO concourir à l’imposition de la paix aux côtés des FARDC et de la Force régionale de la CAE, car le maintien de la paix suppose qu’elle soit, préalablement rétablie, ce qui n’est pas encore le cas dans l’est du pays.  Il a ajouté que l’appui attendu de la MONUSCO à la Force régionale et aux FARDC pour garantir la mise en œuvre du chronogramme prévu ne peut remettre en cause ni freiner le programme du retrait progressif et responsable de la MONUSCO décidé par la résolution 2556 2021).  « Si dans la résolution qu’il adoptera à l’issue de ses délibérations, le Conseil parvient à opérer un reconditionnement de la MONUSCO et à lever l’obligation inutile et injustifiée de notifications des achats des matériels de guerre qui frappe injustement la RDC, nous aurons toutes les raisons de croire à une volonté réelle de l’ONU de mettre fin définitivement à la crise sécuritaire en RDC et de contribuer à la paix et à la stabilité dans la Région des Grands Lacs », a insisté le Ministre.  Pour finir, il a fait remarquer au délégué de la France que Justin Bitakwira n’est plus député actuellement en RDC.  « Le peuple congolais n’est pas et ne sera jamais génocidaire », a-t-il dit en conclusion.

M. CLAVER GATETE (Rwanda) a insisté sur l’importance des mécanismes régionaux de Luanda et de Nairobi, des processus essentiels, qui ont besoin d’un engagement commun et d’une volonté politique pour être pleinement mis en œuvre.  En tant que membre de la région, son pays reste engagé et soutient pleinement les processus de paix régionaux en cours, a dit le représentant, en ajoutant avoir de grands espoirs que ces initiatives s’attaqueront enfin aux causes profondes et aux causes de la crise endémique en RDC, qui ont un impact sur les pays voisins, y compris le Rwanda.  Cependant, a-t-il nuancé, le Rwanda déplore l’ingérence extérieure inutile dans les processus régionaux et continentaux par certains membres de la communauté internationale, qui sert, selon lui, à protéger la RDC de toute responsabilité concernant son manque de réactivité aux engagements pris dans le cadre des processus en cours, et qui risque finalement de compromettre le succès de ces initiatives.

Le délégué a, en outre, qualifié de « contre-productifs » les forums parallèles organisés par certains pays, appelant à les faire cesser pour permettre aux processus régionaux africains en cours de réussir.  Il a rappelé que le Rwanda a clairement indiqué que le conflit entre le M23 et le Gouvernement de la RDC est une affaire interne.  Par conséquent, a-t-il déclaré, son pays ne devrait « ni servir de bouc émissaire ni être assimilé au M23 ».  Bien que d’accord avec le rapport du Secrétaire général selon lequel la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC doivent être respectées, des questions restent sans réponse, selon lui, parmi lesquels les violations de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Rwanda par la RDC qui se sont produites à plusieurs reprises cette année.  Il a ainsi cité des tirs d’obus transfrontaliers sur le territoire rwandais le 19 mars, le 23 mai et le 20 juin, ainsi que la violation de l’espace aérien rwandais par la RDC.

Quand la communauté internationale va-t-elle s’attaquer à la persistance des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et à l’alliance entre les FARDC et des groupes armés meurtriers, y compris les FDLR, un groupe terroriste génocidaire sanctionné, composé de vestiges de la force qui a commis le génocide de 1994 contre les Tutsis au Rwanda, s’est-il interrogé.  L’est de la RDC compte plus de 130 groupes armés, tant locaux qu’étrangers, a-t-il rappelé, en s’étonnant que la communauté internationale ne s’intéresse qu’à un seul groupe armé et ignore les autres, dont beaucoup sont bien plus dangereux, notamment les FDLR, une force génocidaire sanctionnée par le Conseil de sécurité.

Tout en reconnaissant que les capacités militaires ne suffisent pas à elles seules à résoudre le problème en RDC, le représentant du Rwanda a exhorté à faire preuve de volonté politique pour mener un dialogue inclusif, mettre en œuvre les accords signés et remédier à l’absence de responsabilité.  Pour finir, il s’est dit consterné par le silence de ce Conseil sur les discours de haine, la xénophobie et les meurtres visant la population tutsie congolaise, qui se sont intensifiés.  « Vous avez tous entendu l’appel des dirigeants politiques, des chefs militaires, des chefs d’Église et de la société civile de la RDC, appelant à tuer ce qu’ils appellent « les ennemis, les traîtres, les infiltrés, les indésirables », s’est-il écrié à l’adresse des membres du Conseil.  Il a conclu en disant que ce Conseil ne doit plus jamais se permettre de reproduire son silence d’il y a 28 ans, lorsqu’il a assisté passivement au génocide qui a coûté plus d’un million de vies humaines au Rwanda.

M. ZÉPHYRIN MANIRATANGA (Burundi) a réaffirmé le ferme engagement de son pays « à tout faire » pour garantir le retour de la paix et la sécurité dans l’est de la RDC.  Se félicitant des résultats des processus de Luanda et de Nairobi, à savoir l’opérationnalisation, le 9 novembre 2022, du mécanisme de vérification et de la poursuite du déploiement de la Force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu.  Le Burundi a plaidé pour le soutien politique, diplomatique, logistique et financier de la communauté internationale dans le cadre du processus de Nairobi relatif aux opérations militaires des Forces de la Communauté d’Afrique de l’Est, ainsi que pour un appui logistique au dialogue intercongolais.

Le moment est venu de tirer les véritables leçons sans faux fuyants et de repenser le mandat de la MONUSCO à la lumière de la conjoncture actuelle, a déclaré le représentant, en appelant à un réajustement de la Mission pour la coordination de ses efforts militaires avec les FARDC et les Forces de la Communauté d’Afrique de l’Est, afin d’être en mesure de sécuriser les zones où « pullulent les forces négatives et terroristes ».  Il a par ailleurs salué les consultations intercongolaises inclusives menées dans le cadre du processus de la CEA, qui attestent une fois de plus de l’engagement de la région au retour de la paix et de la sécurité dans l’est de la RDC.  Il a signalé que la paix ne sera possible que si tous les pays de la région et la communauté internationale dans son ensemble s’inscrivent dans la logique des processus régionaux visant la neutralisation des forces qui « sèment la désolation » en RDC.

Droit de réponse

Reprenant la parole, le Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la RDC, M. Pen’apala, a dit ne pas avoir voulu aborder le problème de la FDLR pour deux raisons.  Il a d’abord rappelé que le 20 septembre dernier, son Président a, de la tribune de l’Assemblée générale, demandé à tous les partenaires multilatéraux et bilatéraux, à toutes les ONG nationales et internationales, aux dirigeants rwandais et à toutes personnes physiques et morales s’ils ont des informations sur un chef des FDLR qui serait en RDC, sur des attaques que ce groupe aurait menées avec les Forces de la RDC contre le territoire rwandais ou sur une quelconque activité même politique contre le Rwanda.  Cela fait maintenant trois mois que la question a été posée et nous attendons toujours, a dit le Vice-Premier Ministre.

La deuxième raison, a-t-il poursuivi, est qu’il existe actuellement un mécanisme ad hoc convenu avec le Rwanda à Luanda.  Ce mécanisme de vérification des accusations des uns contre les autres, dirigé par un général angolais et dans lequel siègent aussi un officier de liaison congolais et son homologue rwandais est en activité à Goma.  S’adressant directement au Rwanda qui a parlé de « nettoyage ethnique et de génocide », des termes dont « on a appris l’existence qu’en 1994 », le Vice-Premier Ministre a rappelé que ce sont les Rwandais qui ont eu un génocide au Rwanda.  Aucun Congolais n’a été associé ni de près, ni de loin à cette ignominie qui a humilié l’humanité tout entière, a-t-il souligné.

 

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