9214e séance – matin
CS/15134

Pour la première fois, le Conseil de sécurité crée une exemption humanitaire à ses régimes de sanctions

Le Conseil de sécurité a adopté aujourd’hui une résolution prévoyant une exemption humanitaire à l’application de ses régimes de sanctions, y compris celui visant Daech et Al-Qaida.  En adoptant la résolution 2664 (2022) par 14 voix ‑l’Inde s’est abstenue‑ le Conseil décide ainsi que le versement de fonds et la fourniture de biens et de services nécessaires à l’acheminement de l’aide humanitaire sont autorisés et ne constituent pas une violation des mesures de gel des avoirs qu’il a imposées.

La résolution précise que cette exemption vise à répondre aux besoins essentiels de l’ONU et de ses entités, des organisations internationales, des organisations humanitaires dotées du statut d’observateur auprès de l’Assemblée générale et des organisations non gouvernementales bénéficiant d’un financement bilatéral ou multilatéral participant aux plans d’aide humanitaire des Nations Unies notamment. 

Le Conseil décide également que cette mesure concernera le régime de sanctions prévu par les résolutions 1267 (1999), 1989 (2011) et 2253 (2015) relatif à l’EIIL (Daech), Al-Qaida et entités associées pour une période de deux ans à compter de l’adoption de la présente résolution.  La résolution mentionne par ailleurs son intention de se prononcer sur la prorogation de cette mesure avant la date de son expiration.

Le texte demande que les prestataires bénéficiant de cette exemption fassent des « efforts raisonnables » pour réduire « au maximum » les avantages interdits par les sanctions, dont pourraient bénéficier les personnes ou entités désignées par le Conseil, en raison soit d’une « fourniture directe ou indirecte de l’aide », soit d’un « détournement ».  Cette exemption s’appliquera à toutes les mesures de gel des avoirs que le Conseil imposera ou renouvellera « en l’absence de décision explicite contraire », précise enfin la résolution.

Les deux délégations porte-plume du texte, l’Irlande et les États-Unis, ont salué le caractère « historique » de cette résolution qui devrait permettre de « sauver des vies ».  Les travailleurs humanitaires ont en effet indiqué que les sanctions peuvent entraver les efforts humanitaires et devaient donc être améliorées, a expliqué la déléguée des États-Unis, en qualifiant cette résolution « d’impartiale ».  « Il était temps que le Conseil réfléchisse à sa manière d’appliquer les sanctions », a tranché le délégué du Brésil, en saluant l’équilibre trouvé avec cette résolution.

La Chine a en effet rappelé qu’elle a toujours été en faveur d’une approche « prudente » s’agissant des sanctions.  Les conséquences les plus graves ne découlent pas des sanctions onusiennes mais des sanctions unilatérales, a affirmé le délégué chinois, en invitant les pays qui imposent de telles sanctions à reprendre à leur compte « l’esprit d’humanité » de la résolution adoptée aujourd’hui.  Cette position a été partagée par la Fédération de Russie.

Évoquant le régime de sanctions 1267 précité, l’Inde a souligné l’importance que certains territoires sous contrôle de groupes terroristes ne bénéficient pas des exemptions humanitaires.  Il y a en effet un risque de voir le Conseil de sécurité devenir la « risée » d’entités qui pourraient alors en profiter pour détourner l’aide humanitaire et continuer de mener leurs opérations et recruter, a déclaré la déléguée, en déplorant que l’approche de son pays n’ait pas été retenue.

QUESTIONS D’ORDRE GÉNÉRAL RELATIVES AUX SANCTIONS

Texte du projet de résolution (S/2022/925)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant ses résolutions antérieures imposant des sanctions en réponse à des menaces contre la paix et la sécurité internationales,

Réaffirmant qu’il faut combattre par tous les moyens, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, notamment du droit international des droits humains, du droit international des réfugiés et du droit international humanitaire applicables, les menaces pesant sur la paix et la sécurité internationales, et soulignant à cet égard le rôle important que l’Organisation des Nations Unies joue dans la conduite et la coordination de cette lutte, notamment au moyen de ses régimes de sanctions,

Soulignant que ses sanctions sont un instrument important prévu par la Charte des Nations Unies pour le maintien et le rétablissement de la paix et de la sécurité internationales, y compris en appui aux processus de paix, à la lutte contre le terrorisme et à la promotion de la non-prolifération, et soulignant à ce propos qu’il y a lieu d’assurer la pleine application de toutes les mesures de cette nature qu’il a lui-même imposées, conformément au droit international humanitaire,

Sachant qu’avant de prendre la décision d’établir un régime de sanctions, il doit évaluer les conséquences humanitaires qui pourraient en résulter, et reconnaissant qu’il doit agir rapidement pour lutter contre les menaces contre la paix et la sécurité internationales,

Rappelant la décision qu’il a prise dans sa résolution 2462 (2019) tendant à ce que tous les États veillent, de manière conforme aux obligations que leur impose le droit international, y compris le droit international humanitaire, le droit international des droits humains et le droit international des réfugiés, à ériger en infractions pénales graves dans leur législation et leur réglementation internes, de façon à pouvoir engager des poursuites et réprimer, proportionnellement à la gravité de l’infraction, la fourniture ou la collecte délibérée, directe ou indirecte, de fonds, de biens financiers ou de ressources économiques ou financières et d’autres services connexes, directement ou indirectement, dans l’intention d’utiliser les fonds, ou sachant qu’ils le seront au bénéfice de personnes ou d’entités terroristes, quelle qu’en soit la raison, y compris, mais pas exclusivement, le recrutement, l’entraînement ou le voyage, même en l’absence d’un lien avec un acte terroriste précis, et priant instamment les États, lorsqu’ils élaborent et appliquent des mesures visant à lutter contre le financement du terrorisme, de tenir compte des effets qu’elles pourraient avoir sur les activités exclusivement humanitaires, y compris médicales, menées par des acteurs humanitaires impartiaux, de manière conforme au droit international humanitaire,

Rappelant aux États Membres qu’ils doivent veiller à ce que toutes les mesures qu’ils prennent pour appliquer les sanctions, y compris dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, soient conformes aux obligations que leur impose le droit international, notamment le droit international humanitaire, le droit international des droits humains et le droit international des réfugiés, selon le cas, et prenant note à cet égard des règles du droit international humanitaire applicables concernant le respect et la protection du personnel humanitaire et des cargaisons destinées aux opérations d’aide humanitaire et disposant que nul ne peut être sanctionné pour des activités médicales conformes à la déontologie,

Soulignant que ces mesures sont censées être sans conséquences humanitaires négatives pour les populations civiles et sans conséquences négatives pour les activités humanitaires ou les personnes qui mènent ces activités, et notant que les besoins humanitaires diffèrent selon le contexte,

Se déclarant prêt à réexaminer, ajuster et abroger, le cas échéant, ses régimes de sanctions au vu de l’évolution de la situation sur le terrain et de la nécessité de minimiser toute conséquence humanitaire négative involontaire, soulignant que les sanctions sont censées être temporaires, et prenant acte des points de vue des organisations régionales et sous-régionales à cet égard,

Encourageant les entités des Nations Unies, le cas échéant, à jouer un rôle actif dans la coordination des activités humanitaires dans les situations où les sanctions sont applicables, rappelant les principes directeurs formulés par l’Assemblée générale dans sa résolution 46/182 sur l’aide humanitaire d’urgence, y compris l’humanité, la neutralité, l’impartialité et l’indépendance, et notant que la présente résolution vise à apporter des éclaircissements afin de garantir la continuité des activités humanitaires,

Réaffirmant ses décisions antérieures concernant les menaces contre la paix et la sécurité internationales, qui ont motivé l’imposition de toutes les sanctions existantes,

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1.    Décide que, sans préjudice des obligations imposées aux États Membres de geler les fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes, groupes, entreprises et entités désignés par lui ou ses comités des sanctions, la fourniture, le traitement ou le versement de fonds, d’autres avoirs financiers ou ressources économiques, ou la fourniture de biens et de services nécessaires à l’acheminement en temps voulu de l’aide humanitaire ou à l’appui d’autres activités visant à répondre aux besoins essentiels par l’Organisation des Nations Unies, y compris ses programmes, fonds et autres entités et organes, ainsi que ses institutions spécialisées et organisations apparentées, les organisations internationales, les organisations humanitaires dotées du statut d’observateur auprès de l’Assemblée générale des Nations Unies et les membres de celles-ci, les organisations non gouvernementales bénéficiant d’un financement bilatéral ou multilatéral qui participent aux plans d’aide humanitaire des Nations Unies, aux plans d’aide aux réfugiés, à d’autres appels à contributions des Nations Unies ou aux structures humanitaires coordonnées par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, ou leurs employés, bénéficiaires, organes subsidiaires ou partenaires de réalisation agissant en cette qualité, ou toute autre personne ou entité habilitée à cette fin par l’un de ses comités agissant dans le cadre de son mandat, sont autorisés et ne constituent pas une violation des mesures de gel des avoirs imposées par lui ou ses comités des sanctions;

2.    Décide que les dispositions adoptées au paragraphe 1 s’appliqueront au régime de sanctions prévu par les résolutions 1267 (1999), 1989 (2011) et 2253 (2015) concernant l’EIIL (Daech), Al-Qaida et les personnes, groupes, entreprises et entités qui leur sont associés pour une période de deux ans à compter de l’adoption de la présente résolution, fait part de son intention de se prononcer sur la prorogation de leur application audit régime avant la date de leur expiration, souligne le rôle joué par le Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267 (1999), 1989 (2011) et 2253 (2015) concernant l’EIIL (Daech), Al-Qaida et les personnes, groupes, entreprises et entités qui leur sont associés pour ce qui est de surveiller l’application du paragraphe 1 de la présente résolution conformément au paragraphe 6, demande à tous les États de coopérer pleinement avec ledit comité et l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions créée en application de la résolution 1526 (2004) pour les aider à s’acquitter de leurs tâches, notamment de leur fournir tous les renseignements demandés par le Comité à cet égard, et souligne qu’il doit lui-même examiner tous les renseignements communiqués, y compris ceux fournis par le Comité ou l’Équipe d’appui analytique, concernant l’application des mesures imposées dans la résolution 1267 (1999) et les autres résolutions pertinentes, notamment les éventuelles violations commises, ainsi que les exposés communiqués par le Coordonnateur des secours d’urgence, conformément au paragraphe 5 de la présente résolution;

3.    Demande que les prestataires qui s’appuient sur le paragraphe 1 fassent des efforts raisonnables pour que les avantages interdits par les sanctions que pourraient tirer des personnes ou entités désignées par lui ou l’un de ses comités, que ce soit à la suite d’une fourniture directe ou indirecte de l’aide ou d’un détournement, soient réduits au maximum, notamment en renforçant les stratégies et les processus de gestion des risques et de diligence raisonnable;

4.    Souligne que le paragraphe 1 annule et remplace les résolutions antérieures qui seraient divergentes, précise à cet égard que le paragraphe 1 annule et remplace le paragraphe 37 de sa résolution 2607 (2021) et le paragraphe 10 de sa résolution 2653 (2022), mais que le paragraphe 1 de sa résolution 2615 (2021) reste en vigueur, et décide que le paragraphe 1 de la présente résolution s’applique à toutes les mesures de gel des avoirs qu’il imposera ou renouvellera en l’absence de décision explicite contraire;

5.    Prie le Coordonnateur des secours d’urgence de faire un exposé ou d’organiser une réunion d’information pour chaque comité concerné dans le cadre de son mandat, dans les 11 mois suivant la date de l’adoption de la présente résolution et tous les 12 mois par la suite, sur la fourniture de l’aide humanitaire et d’autres activités visant à répondre aux besoins essentiels conformément à la présente résolution, y compris sur toute information disponible concernant la fourniture, le traitement ou le versement de fonds, d’autres avoirs financiers ou ressources économiques à des personnes ou entités désignées ou au profit de celles-ci, tout détournement de fonds ou de ressources économiques par celles-ci, les procédures de gestion des risques et de diligence raisonnable mises en place, et tout obstacle rencontré dans le cadre de la fourniture de l’aide ou de la mise en œuvre de la présente résolution, demande aux prestataires concernés d’aider le Coordonnateur des secours d’urgence à préparer ces exposés en lui communiquant les informations pertinentes aussi rapidement que possible et, dans tous les cas, dans les 60 jours suivant la demande de ce dernier, souligne qu’il importe que, lors de l’élaboration de son exposé, le Coordonnateur examine toute information fournie par le Comité ou l’Équipe d’appui analytique, agissant dans le cadre de leur mandat, concernant l’application des mesures imposées dans la résolution 1267 (1999) et les autres résolutions pertinentes, y compris leurs éventuelles violations, et rappelle que les comités peuvent coopérer avec les États Membres pour garantir la pleine application de ses décisions, y compris leur demander des informations complémentaires sur les prestataires relevant de leur compétence, si nécessaire;

6.    Demande aux comités qu’il a créés pour veiller à l’application des sanctions d’aider les États Membres à bien comprendre et à appliquer pleinement les dispositions du paragraphe 1 de la présente résolution en publiant des notices d’aide à l’application contenant des orientations à cet effet et tenant compte du contexte unique des sanctions relevant de leurs mandats respectifs, et charge ces comités, avec l’aide de leur groupe d’experts respectif, de surveiller l’application des dispositions du paragraphe 1 de la présente résolution, y compris tout risque de détournement;

7.    Demande que le Secrétaire général publie, dans les neuf mois suivant l’adoption de la présente résolution, un rapport écrit sur les conséquences humanitaires négatives imprévues des sanctions, y compris les mesures d’interdiction de voyager et d’embargo sur les armes, ainsi que les mesures propres à certains régimes de sanctions donnés, demande que ce rapport contienne des recommandations sur les moyens de minimiser et d’atténuer ces conséquences, y compris grâce à l’adoption de dérogations permanentes supplémentaires, et exprime son intention d’envisager d’autres mesures, le cas échéant, tenant compte du rapport et des recommandations du Secrétaire général, afin de minimiser et d’atténuer davantage ces conséquences négatives imprévues;

8.    Décide de rester saisi de la question. 

Déclarations

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a déclaré, avant le vote, que ce projet de résolution « historique » devrait permettre de sauver des vies, en rappelant l’importance de l’accès humanitaire et les difficultés rencontrées par les travailleurs humanitaires.  Ces derniers ont en effet indiqué que l’imposition de sanctions peut entraver les efforts déployés pour acheminer l’aide et qu’elles doivent donc être améliorées.  Enfin, la déléguée a indiqué que cette résolution est « impartiale » et répond aux attentes de la communauté humanitaire.

M. FERGAL MYTHEN (Irlande) a qualifié cette résolution d’historique en se disant pleinement conscient des conséquences non voulues des sanctions.  Tous les membres du Conseil veulent éviter de telles conséquences pour les efforts humanitaires, a dit le délégué, en rappelant que les sanctions peuvent entraver lesdits efforts.  Il a déclaré que des améliorations doivent encore être apportées aux régimes des sanctions, avant de se féliciter que le Conseil ait pu aujourd’hui adopter cette mesure « vigoureuse ».

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a salué l’appui uni du Conseil de sécurité à cette résolution, dans un contexte où les besoins humanitaires sont croissants à travers le monde.  Cette résolution, a-t-elle poursuivi, permettra de sauver des vies, en donnant plus de clarté aux acteurs humanitaires pour qu’ils puissent venir en aide aux nécessiteux.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a déclaré que beaucoup de chemin a été parcouru depuis la création par le Conseil de sécurité du premier régime de sanctions en 1966.  Même si elles constituent un instrument reconnu, il est apparu que ces mesures peuvent conduire à des abus et entraîner des conséquences sur les populations qui sont censées être protégées, notamment les femmes et les enfants.  Il était donc temps que le Conseil de sécurité réfléchisse à sa manière d’appliquer les sanctions, a dit le délégué, qui a salué l’équilibre trouvé aujourd’hui avec ce texte. 

Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) s’est félicitée de l’adoption de cette résolution en rappelant que la communauté humanitaire n’a cessé d’alerter sur les effets néfastes des sanctions sur ses actions de terrain.  Elle a rappelé que son pays appelle de longue date à veiller à ce que les sanctions soient bien conçues et plaide pour que des exemptions humanitaires soient accordées aux mesures de gel des avoirs.  Elle s’est réjouie que la pratique du Conseil de sécurité en la matière ait varié ces dernières années et s’est déclarée convaincue que ces exemptions humanitaires seront couronnées de succès car elles concernent tous les régimes de sanctions et sont claires sur les activités visées.  Selon la représentante, cela procurera plus de clarté pour tous les acteurs pertinents, États Membres, organisations humanitaires, fournisseurs d’aide et financiers.  Les États Membres doivent à présent prendre les mesures qui s’imposent afin d’appliquer ces exemptions dans leur droit interne, a-t-elle ajouté, estimant que cette avancée permettra d’apaiser les souffrances des personnes en temps de conflit. 

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie), qui a voté en faveur de la résolution, a estimé que les sanctions du Conseil de sécurité doivent être appliquées avec une extrême prudence et être parfaitement justifiées et nuancées.  Leur utilisation comme « arme punitive » est inacceptable, a-t-elle ajouté, jugeant que les sanctions doivent refléter la situation dans les pays auxquels elles s’appliquent et contribuer aux processus politiques.  Hélas, le Conseil n’arrive pas toujours à suivre cette approche et cède depuis plusieurs décennies aux pressions exercées par les États occidentaux.  Selon la représentante, les régimes de sanctions concernant le Soudan, la République démocratique du Congo, la République centrafricaine, le Soudan du Sud et la Somalie ne correspondent pas à la situation sur le terrain et interfèrent avec les plans des gouvernements nationaux en matière de développement socioéconomique.  Idéalement, a-t-elle poursuivi, les restrictions décidées par le Conseil ne devraient pas affecter l’aide humanitaire.  Pourtant, c’est loin d’être le cas dans la pratique, a observé la déléguée, pour qui les décisions prises sur le plan humanitaire doivent impérativement fonctionner sans entrave et sans politisation.  Elle s’est félicitée à cet égard que la résolution 2615 (2021) ait permis de fournir une aide humanitaire à l’Afghanistan par tous les canaux possibles, sans tenir compte des sanctions.

La représentante s’est réjouie que la résolution adoptée, ce jour, incorpore les dispositions proposées par la Russie pour une évaluation des conséquences humanitaires potentielles avant l’imposition d’un régime de sanctions, lequel peut ensuite être revu, ajusté ou levé si nécessaire.  Elle a également salué le fait que le texte demande au Secrétaire général de préparer un rapport écrit sur les sanctions entraînant des conséquences humanitaires négatives involontaires.  En ce qui concerne l’utilisation de dérogations humanitaires dans le cadre du régime de sanctions 1267 concernant l’État islamique/Daech et Al-Qaida, la déléguée a souligné l’importance de veiller à ce que certains moyens ne tombent pas aux mains de terroristes, tout en estimant que le Conseil n’a pas pris assez en compte les « restrictions secondaires », introduites en plus des sanctions du Conseil, qui constituent un obstacle majeur auxdites dérogations et empêchent de conclure des contrats d’achats d’aide, d’assurer le fret et de transférer des espèces.  C’est notamment le cas pour la RPDC, où l’ « atmosphère toxique » créée par les Occidentaux nuit à la coopération, même dans les secteurs qui ne sont pas soumis à des restrictions internationales, a-t-elle déploré, considérant que ces mesures coercitives unilatérales nuisent au travail du Conseil et sapent les normes du droit international.  Par leurs sanctions effrénées contre la Russie, y compris sur l’exportation de produits agricoles et d’engrais, les pays occidentaux sont prêts à déstabiliser les marchés mondiaux de l’alimentation et de l’énergie et à briser toutes les chaînes d’approvisionnement, a-t-elle accusé, avant de qualifier de « louable » le texte adopté aujourd’hui.

M. GENG SHUANG (Chine) a indiqué que son pays a toujours été en faveur d’une approche prudente s’agissant des sanctions.  Pour lui, cette résolution répond aux attentes de son pays, ainsi qu’aux préoccupations des travailleurs humanitaires.  Il a espéré que ces derniers appliqueront et respecteront strictement ces exemptions.  Les conséquences les plus graves ne découlent pas des sanctions adoptées par le Conseil de sécurité de l’ONU, mais des sanctions unilatérales, a tranché le délégué, en accusant ces dernières de « semer le chaos ».  Il a invité les pays imposant de telles mesures à reprendre à leur compte l’esprit d’humanité qui anime la résolution adoptée ce jour.  Enfin, il a rappelé que certains régimes de sanctions nécessitent d’être modifiés.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a salué l’adoption de cette résolution, en se félicitant que le Conseil ait répondu aux préoccupations des États Membres.  Les sanctions demeurent un instrument essentiel, a-t-elle ajouté, se disant convaincue que ce texte permettra aux travailleurs humanitaires de s’acquitter de leurs activités plus facilement et au Conseil d’agir plus rapidement.

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a estimé que la communauté internationale doit tout faire pour répondre à des besoins humanitaires qui augmentent dans le monde en s’assurant que l’aide parvienne à ceux qui en ont besoin, tout en veillant à ce que des garanties appropriées soient en place pour empêcher le détournement de l’aide humanitaire.  Il a estimé que la résolution adoptée aujourd’hui est de ce fait une étape importante pour garantir que l’aide humanitaire ne soit pas entravée par l’application de régimes de sanctions.  Pour autant, et si la résolution couvre la plupart des fournisseurs d’aide humanitaire dans le monde, certaines organisations véritablement humanitaires courent le risque d’être exclues de ces exemptions, s’est inquiété le représentant, jugeant peut-être nécessaire d’examiner régulièrement la manière dont la résolution sera mise en œuvre sur le terrain et de faire des ajustements si nécessaire.

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a déclaré avoir toujours été d’avis que les sanctions, bien qu’utiles, ne sont pas une fin en soi et doivent être négociées avec soin.  S’agissant de la résolution adoptée aujourd’hui, elle a indiqué que sa délégation s’était abstenue lors du vote.  Selon elle, au titre du régime de sanctions établi par la résolution 1267 (1999), il ne faut pas que certains territoires sous contrôle de groupes terroristes puissent bénéficier des exemptions humanitaires, au risque de voir le Conseil de sécurité devenir la risée d’entités qui pourraient alors en profiter, détourner l’aide humanitaire et continuer de mener leurs opérations et recruter.  L’Inde était pour sa part en faveur d’une élaboration de normes et de mécanisme d’envergeure pour éviter cela.  Dommage que cette approche n’ait pas été retenue par les coauteurs de la résolution, a déploré la représentante, en espérant que cela puisse être réexaminé lors de la révision future du régime d’exemption adopté aujourd’hui.

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