Conseil de sécurité: Le Représentant spécial de l’ONU exhorte les États d’Afrique centrale à ouvrir l’espace politique et civique
Le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC) a exhorté, cet après-midi devant le Conseil de sécurité, les États d’Afrique centrale à ouvrir davantage l’espace politique et civique pour promouvoir une expression pacifique et ordonnée des opinions, et à prendre des dispositions en vue de renforcer l’inclusivité, la diversité et la crédibilité des processus politiques.
Cette ouverture est « la seule façon de rendre légitimes » les institutions issues de ces scrutins, a souligné M. Abdou Abarry, venu présenter le rapport semestriel du Secrétaire général sur la situation en Afrique centrale et les activités du BRENUAC du 26 mai à ce jour.
La poursuite de la transition politique au Tchad, avec le dialogue national inclusif, notamment entre les autorités de transition et les groupes politico-militaires, ainsi que la progression du dialogue politique en République centrafricaine, figurent parmi les faits saillants durant la période à l’examen, de même que le suivi des élections à Sao Tomé-et-Principe et en Angola. Toutefois, pour le Royaume-Uni, la transition, telle qu’elle est actuellement envisagée au Tchad, ne respecte pas les conditions posées dans le communiqué du 14 mai 2021 du Conseil de l’Union africaine pour la paix et la sécurité, ni la promesse faite par le Président Mahamat Idriss Déby.
M. Abarry, qui a pris ses fonctions de Représentant spécial début septembre à Libreville, a dit avoir l’occasion unique de voir « les deux visages » de l’Afrique centrale: une terre de grands défis, mais également de formidables opportunités, notamment en matière de développement économique et social d’une part, et de consolidation de la démocratie et de l’état de droit d’autre part.
Or, si bien des élections périodiques ont été organisées, la crédibilité de celles-ci est souvent remise en cause par certains acteurs qui contestent, par la même occasion, la légitimité des dirigeants qui en sont issus, a-t-il constaté, en mentionnant également d’autres défis liés à la gouvernance et aux droits humains, ainsi qu’à la situation sécuritaire. Il a ainsi exhorté les autorités étatiques à assurer le plein respect des droits et libertés fondamentaux et d’éviter tout usage disproportionné de la force dans le maintien de l’ordre public.
Face à la multiplication de phénomènes météorologiques extrêmes, les A3 -Gabon, Kenya et Ghana-, ont jugé urgent de mettre en œuvre des mécanismes de prévention, d’atténuation et de gestion des risques sécuritaires causés par les changements climatiques, en renforçant les capacités d’adaptation des États fragiles ou sortant d’un conflit. Les Émirats arabes unis ont encouragé, pour leur part, le renforcement de la résilience des communautés locales, saluant les initiatives du BRENUAC tendant au soutien des acteurs mettant l’accent sur les liens entre changements climatiques et insécurité régionale.
Par ailleurs, la rivalité pour l’accès aux ressources naturelles continue d’être l’une des causes des violences intercommunautaires qui ne cessent de croître en nombre et en intensité dans certains pays de la région et dont se servent certains groupes armés, a souligné le Représentant spécial. Il faut maintenir la pression militaire sur ces groupes dans le cadre de la Force mixte multinationale, a vivement recommandé M. Abarry, en appelant les partenaires à apporter un appui aux efforts en cours, ainsi qu’à la mise en œuvre de la Stratégie régionale de stabilisation, de redressement et de résilience des zones du bassin du lac Tchad affectées par la crise.
Le Président de la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), M. Gilberto da Piedade Veríssimo, a indiqué que celle-ci avait déployé des missions internationales d’observation lors des élections en République du Congo, en Angola, à Sao Tomé-et-Principe ainsi qu’en Guinée équatoriale, afin de s’assurer de leur conformité aux normes internationales. La désignation par la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) du Président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, comme facilitateur de la transition au Tchad a été présentée comme « un acte positif » par le Mexique, dans le contexte où de nouveaux retards dans le processus de transition créeraient un dangereux précédent pour toute la région.
M. da Piedade Veríssimo a cependant mis en garde contre l’émergence d’une crise politique et sécuritaire à Sao Tomé-et-Principe, avec l’attaque, le 25 novembre, contre une caserne militaire, et des traitements cruels infligés aux détenus, ce que le Gabon a qualifié de « tentative de coup d’État » qui risque de réduire à néant les fragiles acquis démocratiques. Le Président a estimé que les défis actuels offrent l’opportunité de « repenser, réimaginer et recréer » sans cesse les relations de coopération en Afrique centrale.
Au moment où les organisations sous-régionales œuvrent à déployer une force régionale dans l’est de la RDC, M. da Piedade Veríssimo a jugé opportun que l’ONU engage une réflexion profonde sur l’adéquation de ses missions de maintien de la paix aux théâtres de conflit contemporains, y compris en République centrafricaine où la MINUSCA fait face à des défis similaires.
Autre source de préoccupation, la situation dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest du Cameroun, pays pourtant pilier de l’intégration économique en Afrique centrale aux yeux de M. Abarry, a été mise en exergue par les membres du Conseil. Une réduction de l’espace politique et une montée de la violence politique ont été observées dans ces régions, où des groupes armés séparatistes ont revendiqué des attaques dans lesquelles ont été tués plusieurs hauts responsables gouvernementaux et hommes politiques locaux. Les défis des provinces anglophones au Cameroun trouvent leurs racines dans la période coloniale, a tranché la Fédération de Russie, en plaidant pour un retour des parties à la table des négociations.
Pour leur part, les États-Unis se sont inquiétés de l’impact délétère du groupe Wagner sur la stabilité en République centrafricaine, dont la présence est un obstacle à des partenariats qui permettraient de promouvoir la stabilité et le développement du pays.
LA SITUATION EN AFRIQUE CENTRALE ET LES ACTIVITÉS DU BUREAU RÉGIONAL DES NATIONS UNIES POUR L’AFRIQUE CENTRALE
Déclarations
M. ABDOU ABARRY, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique centrale et Chef du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC), a déclaré que depuis sa prise de fonction effective à Libreville, début septembre de cette année, il a eu l’occasion unique de voir « les deux visages » de l’Afrique centrale: une terre de grands défis, mais également de formidables opportunités, notamment en matière de développement économique et social, d’une part, et de consolidation de la démocratie et de l’état de droit, d’autre part. Sur ce dernier point, un examen des récents processus électoraux montre des progrès significatifs malgré d’importants défis, s’est-il réjoui, en citant l’alternance survenue à Sao Tomé-et-Principe et les résultats bien que serrés des élections en Angola, une claire indication que les élections sont loin d’être une simple formalité en Afrique centrale.
Il a cité une tendance positive, à savoir le renforcement de la participation et de la représentation des femmes dans les institutions et processus politiques, notamment grâce aux mesures incitatives prises en Angola et à Sao Tomé-et-Principe. Les élections dans ces pays ont permis d’obtenir une plus grande proportion de femmes dans les assemblées parlementaires et au gouvernement. L’élection de femmes à la tête des assemblées nationales de ces deux pays, pour la première fois de leur histoire, et la désignation d’une femme, Mme Esperança da Costa, comme Vice-Présidente de l’Angola, sont une nouvelle source de fierté pour cette sous-région, a dit M. Abarry, en ajoutant que le Rwanda déjà, un modèle mondial en la matière, et le Gabon, pays hôte du BRENUAC, ont en outre fait des efforts appréciables ces dernières années.
La sous-région connaît également des défis liés à la gouvernance, aux droits humains et à la sécurité, a-t-il poursuivi. Malgré l’organisation d’élections périodiques, la crédibilité de ces processus est souvent remise en cause par certains acteurs qui contestent la légitimité des dirigeants qui en sont issus. De plus, la région continue d’abriter des groupes armés et terroristes, dont l’action néfaste a des conséquences pour les populations civiles et les biens économiques. C’est notamment le cas dans le bassin du lac Tchad, où les groupes extrémistes violents conservent une importante capacité de nuisance, en dépit de leur affaiblissement. Au Cameroun, la situation dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest continue de menacer la stabilité de ce pays, pilier de l’intégration économique en Afrique centrale, a encore relaté le Représentant spécial.
Il a par ailleurs indiqué que, pendant la période couverte par le rapport du Secrétaire général, la sécurité maritime dans le golfe de Guinée a continué d’afficher des progrès significatifs. Il faut maintenir cet élan, en renforçant les capacités nationales et en renforçant la coordination régionale, y compris dans le cadre de l’architecture de Yaoundé, a-t-il recommandé, avant de saluer les efforts de la Communauté économique des État de l’Afrique centrale (CEEAC) en vue de l’adoption de stratégies régionales sur la gouvernance maritime, la sécurité maritime et l’économie bleue dont le point culminant sera le premier sommet maritime de la sous-région, en janvier 2023 à Kinshasa.
Mais à côté de ces défis, l’Afrique centrale a de nombreux atouts qui, s’ils sont adéquatement exploités, peuvent lui permettre de relever ces défis avec succès, selon M. Abarry. Ces atouts, a-t-il expliqué, tiennent tout d’abord aux ressources immenses dont l’Afrique centrale regorge, en premier lieu, une jeunesse dynamique dont l’âge moyen s’établit à 17,3 ans. Bien formée, soutenue, motivée et associée de manière adéquate à la gestion de la chose publique, cette jeunesse est un capital humain précieux qui pourrait permettre d’atteindre rapidement les objectifs de développement durable. Mais mal formée et victime d’exclusion socioéconomique, cette jeunesse pourrait être attirée par les groupes terroristes et criminels et être ainsi un facteur d’instabilité.
Les atouts de la sous-région résident aussi dans le rôle et la capacité des organisations sous-régionales à promouvoir une vision commune des questions essentielles, sans laquelle aucun progrès n’est possible. Depuis sa prise de fonction, M. Abarry a noté que la CEEAC a affiché une volonté claire de jouer pleinement son rôle de pilier dans l’Architecture africaine de paix et de sécurité. Des actions rapides ont par exemple été prises, notamment pour accompagner la transition politique au Tchad et préserver la stabilité et les acquis démocratiques à Sao Tomé-et-Principe.
Concluant son propos, M. Abarry a indiqué que 2023 sera marquée par des processus politiques importants dans certains pays de l’Afrique centrale. En gardant à l’esprit que les dernières élections dans ces pays ont été marquées par la violence, un accompagnement international des efforts nationaux et régionaux pourrait être nécessaire afin d’assurer des processus électoraux paisibles. Il a assuré de l’engagement du BRENUAC, dans le cadre de son mandat, à jouer pleinement son rôle dans ce sens, travaillant en coordination avec les autres entités pertinentes des Nations Unies et en appui aux États et aux organisations régionales comme la CEEAC. À cet effet, il a demandé un soutien accru du Conseil de sécurité sur le plan politique.
M. GILBERTO DA PIEDADE VERÍSSIMO, Président de la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), qui s’exprimait en visioconférence, a évoqué la tenue récente d’élections à plusieurs niveaux en République du Congo, en Angola, à Sao Tomé-et-Principe ainsi qu’en Guinée équatoriale, pour chacune desquelles la Commission de la CEEAC a déployé des missions internationales d’observation électorale pour s’assurer de la conformité des processus électoraux aux normes internationales, continentales et sous régionales applicables en matière électorale.
Au Tchad, la CEEAC a suivi de très près le déroulement des travaux du Dialogue national inclusif et souverain, qui a eu lieu à N’Djamena entre les mois d’août et d’octobre derniers, a-t-il poursuivi, ajoutant que la CEEAC a pris acte de la prorogation de la période de transition telle que décidée par les participants au dialogue. La CEEAC a donc maintenu son engagement à accompagner le processus de transition en cours, seul moyen d’éviter au pays un risque d’instabilité qui aurait pour conséquence immédiate la déstabilisation des régions du Sahel et de l’Afrique centrale. M. da Piedade Veríssimo a signalé que les consultations se poursuivent avec les autorités et avec toutes les composantes sociopolitiques tchadiennes, particulièrement celles n’ayant pas pris part au dialogue, en vue de parvenir à une plus grande inclusion de tous les acteurs dans le processus de transition. Il a expliqué que lors de la session extraordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEEAC, à Kinshasa le 25 octobre 2022, le Président de la RDC, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, a été désigné facilitateur pour le rapprochement entre les acteurs du processus tchadien.
À cette même session, les dirigeants de la région ont condamné, avec la plus grande fermeté, les violences du 20 octobre 2022 ayant fait des morts dans quatre villes du pays, dont la capitale N’Djamena, a précisé le Président de la Commission, qui a souligné que la CEEAC œuvre actuellement, avec l’assentiment des autorités tchadiennes, à la mise en place d’une mission internationale d’établissement des faits à laquelle elle a invité l’ONU, l’UA, la Communauté des États sahélo-sahariens et la Commission du Bassin du lac Tchad. Cette mission se rendra incessamment dans les quatre villes du pays où se sont déroulées les violences pour établir les faits, dégager les responsabilités et suggérer les voies et moyens de rendre justice aux victimes.
M. da Piedade Veríssimo a cependant déclaré que la région d’Afrique centrale a été de nouveau surprise par l’émergence d’une crise politique et sécuritaire à Sao Tomé-et-Principe, « un État membre de notre espace communautaire où l’on était loin de s’y attendre » puisque le transfert du pouvoir s’était régulièrement déroulé au terme d’élections dont les acteurs politiques avaient tous fini par accepter les résultats. Il a rappelé à cet égard l’attaque, aux premières heures du 25 novembre, d’une caserne militaire pour des fins qui n’ont pas encore été clairement établies. Il a commenté qu’outre la réaction militaire qui avait rapidement maîtrisé la situation, des arrestations de quelques civils, dont celle de l’ancien Président du Parlement, d’un cadre de la Banque centrale et d’un ancien militaire appartenant aux ex-bataillons Buffalo des anciennes Forces de défense de l’Afrique du Sud, désignés comme commanditaires de l’aventure, furent enregistrées et une enquête ouverte par le pouvoir judiciaire.
Le Président de la Commission de la CEEAC a ajouté que la communauté santoméenne et la communauté internationale ont été surprises et profondément choquées par la diffusion d’images vidéo et de photos montrant des actes de torture et d’une cruauté insoutenable à l’encontre des détenus désarmés, avec les mains liées dans le dos, et ensanglantés, ayant entraîné mort d’homme dans la caserne militaire, ce qui a poussé le chef d’état-major général des Forces armées santoméennes à démissionner. Il a signalé qu’une mission d’enquête internationale de la CEEAC a été mise sur pied, composée de cinq membres et conduite par le Commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité et bénéficiant de l’appui du Bureau du Coordonnateur résident des Nations Unies.
Il a poursuivi son exposé en parlant de la situation dans la partie orientale de la République démocratique du Congo où l’activisme des mouvements terroristes et des groupes armés au Sud Kivu, au Nord-Kivu et en Ituri continue à défier les initiatives engagées par les autorités congolaises, y compris la proclamation de l’état de siège dans ces deux dernières provinces, il y a plus d’un an. Il a expliqué que l’activisme persistant des groupes armés et des mouvements terroristes, particulièrement du M23, est au cœur des tensions diplomatiques entre la RDC et le Rwanda. La CEEAC, a-t-il dit, explore les moyens d’apporter son appui à la force régionale en cours à l’est de la RDC et de servir de convergence des deux processus parallèles. Il a estimé qu’au moment où les organisations sous-régionales s’activent à déployer une force régionale à l’est de la RDC, il est peut-être opportun que les Nations Unies engagent une réflexion profonde sur l’adéquation de ses missions de maintien de la paix aux théâtres contemporains des crises comme celles à l’est de la RDC. M. da Piedade Veríssimo a indiqué que ce commentaire s’applique également à la situation en République centrafricaine où la MINUSCA fait face à des défis similaires.
M. da Piedade Veríssimo a salué la qualité de la coopération avec le BRENUAC, qui n’a cessé de se renforcer et s’est traduite par des actions conjointes de prévention des conflits sous la forme de bons offices, de sensibilisation et de formation à la lutte contre les discours de haine, de renforcement des capacités des femmes et des jeunes autour des résolutions 1325 (2000) et 2250 (2015), de la société civile ainsi que d’appui à la mise en œuvre de la réforme. Il a cité, en particulier, la mise en place d’un réseau de femmes médiatrices d’Afrique centrale et d’une coalition de la société civile pour la paix et la prévention des conflits en Afrique centrale. D’autres actions prévues concernent l’appui à l’élaboration d’instruments juridiques sur la mise en place de nouvelles institutions communautaires.
Les défis des situations en République centrafricaine, dans l’est de la RDC, au Tchad et à Sao Tomé-et-Principe offrent la possibilité de repenser, de réimaginer et de recréer sans cesse nos relations de coopération au service de la promotion de la paix et de la sécurité durables en Afrique centrale, a conclu le Président de la Commission de la CEEAC, pour qui l’année 2023 devrait offrir l’occasion de s’engager dans cette voie et de faire avancer l’agenda de la paix et de la sécurité dans ces différents pays et situations.
Mme ALICE JACOBS (Royaume-Uni) a jugé positive la tenue d’élections dans la sous-région, notamment à Sao Tomé-et-Principe et en Angola. Elle a néanmoins rappelé la nécessité cruciale de veiller à ce que les processus politiques demeurent inclusifs, pacifiques et crédibles, mettant l’accent sur le rôle important d’appui du BRENUAC et de ses partenaires à cet égard. Elle a ajouté qu’il incombe aux États Membres de faire fond sur ce soutien en vue de processus transitionnels inclusifs et d’élections démocratiques. La représentante a réitéré l’appui de son pays à la transition civile et constitutionnelle au Tchad, tout en exprimant une préoccupation: la transition, telle qu’elle est actuellement envisagée, ne respecte pas les conditions posées dans le communiqué du 14 mai 2021 du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, que le Président Mahamat Idriss Déby avait promis de respecter. Face à la vague de violences subies en octobre, elle a salué le lancement d’une enquête et l’engagement du Représentant spécial aux côtés des chefs des missions à Ndjamena sur cette question. Elle a exhorté le BRENUAC, la CEEAC et le Gouvernement tchadien à veiller à ce que cette enquête soit à la fois crédible, transparente et indépendante. Elle a également appelé le Gouvernement tchadien à garantir un procès équitable aux individus encore détenus, y compris aux mineurs.
La représentante a en outre invité à octroyer une attention urgente au défi persistant des crises actuelles au Cameroun et à la grave situation humanitaire, avant d’appeler toutes les parties à amorcer un dialogue inclusif et à faciliter un accès sûr aux établissements scolaires et à l’assistance humanitaire. Également inquiète face à la violence en République centrafricaine et par le lourd tribut payé par la population, elle a souligné que le ciblage des civils, tant par les groupes armés que par les forces nationales et le groupe mercenaire russe Wagner, aggrave une situation humanitaire d’ores et déjà aiguë et risque d’entraver les progrès vers la réconciliation. Ce ciblage de civils continue de jouer un rôle déstabilisateur dans le pays, a-t-elle ajouté. Elle a exhorté le Gouvernement centrafricain à diligenter des enquêtes sur les allégations de violation et d’abus des droits de la personne et à garantir que leurs auteurs rendent des comptes.
Mme LILLY STELLA NGYEMA NDONG (Gabon), s’exprimant au nom de son pays, du Kenya et du Ghana (A3) a salué le déroulement pacifique des différentes élections qui se sont tenues récemment. « C’est une démonstration de la volonté des États de la région à renforcer et à préserver leurs acquis démocratiques. » Elle a aussi pris note de la signature de l’Accord de paix de Doha et de la tenue du « Dialogue national inclusif et souverain » lancé à N’Djamena au Tchad. Ces développements sont significatifs pour un retour à l’ordre constitutionnel, a-t-elle dit. La représentante a dénoncé la tentative de coup d’État en République de Sao Tomé-et-Principe, dans la nuit du 25 novembre 2022, qui est de nature à fragiliser les acquis démocratiques dans ce pays. La déléguée s’est dite préoccupée par les attaques terroristes persistantes de Boko Haram et l’intensification des attaques des groupes armés dans l’est de la RDC.
La dégradation de la situation humanitaire exacerbée par les effets néfastes des changements climatiques en Afrique centrale est des plus préoccupante, a tranché la déléguée. « Être sceptique sur le caractère patent et direct du lien entre les changements climatiques et les conflits en Afrique centrale, c’est s’aveugler sur la réalité de ce qui se passe dans la région, particulièrement au lac Tchad et dans les Grands Lacs. » En conséquence, elle a jugé urgent de mettre en œuvre des mécanismes de prévention, d’atténuation et de gestion liés aux risques sécuritaires causés par les effets des changements climatiques, en renforçant les capacités d’adaptation des États fragiles ou sortant d’un conflit. En conclusion, la représentante a exhorté la communauté internationale à respecter ses engagements en faveur du financement des politiques d’adaptation et d’atténuation.
Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes Unis) a dit la nécessité de renforcer la coopération entre les pays de la région et les organisations régionales concernées pour s’attaquer à l’instabilité et à la criminalité transnationale et l’extrémisme qui nourrissent l’insécurité. Tout en saluant les efforts de coopération qui ont permis de juguler la piraterie dans le golfe de Guinée, elle s’est inquiétée de l’impact des activités terroristes sur la stabilité régionale, notamment dans le bassin du lac Tchad. Après avoir salué la pertinence du prochain Sommet sur la sécurité maritime, la représentante des Émirats a dit l’importance de la participation des jeunes et de l’autonomisation des femmes pour l’avènement de sociétés prospères. Elle s’est inquiétée de la crise humanitaire en cours au Cameroun avant d’attirer l’attention sur l’impact des changements climatiques sur la situation humanitaire et sécuritaire dans la région. La déléguée a appelé à renforcer la résilience des communautés locales pour les aider à faire face aux conséquences des changements climatiques. Elle a salué les initiatives du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC) pour soutenir les acteurs qui s’efforcent de mettre l’accent sur les liens entre changements climatiques et insécurité régionale.
M. ENRIQUE JAVIER OCHOA MARTÍNEZ (Mexique) a estimé que la situation complexe à laquelle la République centrafricaine est confrontée ou l’escalade de la violence en République démocratique du Congo (RDC) exigent une plus grande coordination régionale. La désignation par la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) du Président de la RDC, Félix Tshisekedi, comme facilitateur de la transition au Tchad est un acte positif, dans le contexte où de nouveaux retards dans ce processus de transition créeraient un dangereux précédent pour toute la région. Le rétablissement rapide de l’ordre constitutionnel dans ce pays est une condition essentielle pour faire face, avec la légitimité nécessaire, à la menace terroriste et aux défis économiques actuels, a-t-il dit.
S’agissant du Cameroun, une mobilisation politique en faveur de la réconciliation nationale est nécessaire. Selon le Mexique, il est urgent de briser le cycle de la violence, qui se nourrit des inégalités, de la pauvreté et de la discrimination. Les risques de violence dans le nord-ouest et le sud-ouest du Cameroun affectant les pays voisins justifient une plus grande implication régionale pour faciliter le dialogue entre les parties. La diaspora camerounaise peut jouer un rôle clef dans la pacification du pays, a estimé le représentant.
Le représentant a également jugé essentiel de renforcer le processus de réforme institutionnelle de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) afin de lui permettre de jouer un rôle plus actif dans la résolution des crises dans sa zone. D’après lui, la Convention de Kinshasa sur les armes légères pourrait être utilisée plus efficacement pour lutter contre les flux illicites d’armes qui alimentent les conflits dans toute la région. Par ailleurs, le soutien de la communauté internationale et des agences de l’ONU ne donnera de bons résultats que si les acteurs politiques nationaux assument leur part du travail de manière responsable. Ils doivent s’engager à respecter les règles du jeu démocratique et les résultats électoraux, a-t-il ajouté en conclusion.
M. SUN ZHIQIANG (Chine) a reconnu les mesures actives prises par les pays de la région, tout en constatant que la situation politique reste marquée par des risques d’insécurité et d’instabilité dans certains d’entre eux. Partant, l’ONU et les partenaires doivent aider au renforcement des capacités pour répondre aux besoins et favoriser la réalisation du développement durable pour garantir la paix et la sécurité en Afrique centrale, a plaidé le délégué. Il a relevé que plusieurs pays ont réalisé des progrès avec la tenue d’élections, à plusieurs niveaux et dans le calme, citant ainsi Sao Tomé-et-Principe, l’Angola et la République démocratique du Congo. Il a recommandé à la communauté internationale d’éviter d’imposer des solutions de l’extérieur et d’appuyer cette démarche dans le respect de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de ces pays. Le représentant a ensuite exprimé sa conviction que le peuple et le Gouvernement du Cameroun sont à même de résoudre les problèmes dans le nord-ouest et le sud-ouest du pays. Notant que Boko Haram et d’autres organisations extrémistes sont présents dans la région d’Afrique centrale, il a estimé que la présence de l’ONU sur le terrain et des organisations régionales devrait aider à les juguler et à mettre en place des projets de développement durable. Les besoins humanitaires étant croissants, le délégué a misé sur l’action des partenaires du développement pour aider les pays à éliminer la pauvreté et à renforcer les infrastructures et le commerce. Le Représentant spécial a beaucoup travaillé dans la région, a enfin noté le représentant en l’invitant à jouer un rôle de catalyseur.
Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a soutenu les activités du BRENUAC, qui est un instrument précieux de diplomatie préventive. Elle a rappelé l’importance de la région de l’Afrique centrale dans la lutte contre le terrorisme et appuyé les efforts régionaux visant à élaborer des approches coordonnées pour contrer cette menace. Si Boko Haram se montre moins actif, la déléguée a déclaré que ce groupe terroriste constitue toujours l’un des principaux défis à la paix et à la sécurité en Afrique centrale. Comme autre facteur d’instabilité, la déléguée a mentionné la piraterie dans le golfe de Guinée, espérant que les efforts régionaux soutenus par la communauté internationale permettront d’y remédier. La déléguée a rappelé que le défi des provinces anglophones au Cameroun trouve ses racines dans la période coloniale, avant de plaider pour un retour à la table des négociations. Toutes les parties camerounaises doivent faire preuve de retenue et s’abstenir de toute forme de violence, a-t-elle dit. Elle a enfin assuré que la Russie continuera d’aider la République centrafricaine dans la lutte contre les groupes armés et dans le renforcement de la présence de l’État dans toutes les régions du pays.
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a d’abord salué la réussite des processus électoraux dans plusieurs pays de la région, en citant les élections au Congo le 21 juillet, en Angola le 24 août, à Sao Tomé-et-Príncipe le 24 septembre, et en Guinée équatoriale le 20 novembre. Il a aussi souligné des résultats positifs dans le domaine de la sécurité maritime dans le golfe de Guinée, en saluant un acquis des États du golfe de Guinée grâce à leurs efforts continus dans le cadre de l’Architecture de Yaoundé. Il a ajouté que l’Architecture de Yaoundé est un exemple d’initiative de coopération réussie qui rassemble des organisations régionales et internationales, avant de se féliciter de la coopération continue du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC) avec la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Après avoir rappelé que le Brésil est membre du Groupe du G7 des Amis du golfe de Guinée, il a dit la détermination de son pays de continuer à soutenir les pays de la région par le biais de la coopération et d’opérations navales conjointes, telles que l’opération Guinex, Obangame Express et Grand African Nemo.
S’agissant des défis persistants en Afrique centrale, il a condamné avec la plus grande fermeté les attaques contre les écoles et les actes de violence visant enseignants et élèves au Cameroun. Pour ce qui est du Tchad, il a estimé que les violences inquiétantes enregistrées le 20 octobre nécessitent que les partenaires régionaux et la communauté internationale restent vigilants pour éviter une nouvelle instabilité. Tout en ayant salué la passation pacifique du pouvoir à Sao Tomé-et-Principe, en octobre 2021, le représentant s’est inquiété de la récente attaque contre le quartier général des forces armées, avant d’assurer que son pays suit avec attention la situation de cette « nation sœur ». Enfin, il a conclu que les exemples importants de résilience des institutions démocratiques en Afrique centrale montrent ce qui peut être réalisé grâce à l’engagement des États et des organisations régionales et que le Conseil doit continuer d’appuyer ces efforts dans la région.
Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a commenté la situation au Cameroun en s’inquiétant de ce qui se passe dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest et en demandant que justice soit rendue aux victimes de Boko Haram. Par ailleurs, la propagation des discours de haine dans ces régions est une autre source de préoccupation, a-t-elle ajouté, avant de miser sur la signature de la Déclaration de Kinshasa contre le discours de haine en Afrique centrale par les chefs d’État de la région, afin qu’elle soit rapidement mise en œuvre. La représentante a également exprimé des préoccupations quant aux violations des droits humains commises par les membres du groupe militaire Wagner et par la situation humanitaire qui règne dans certains pays de la région. Elle s’est réjouie des processus électoraux qui se sont bien terminés en Angola et Sao Tomé-et-Principe, mais a demandé de donner la priorité au processus de transition au Tchad. Ce processus doit ramener le pays à la légalité constitutionnelle, a conclu la représentante.
Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a mentionné la visite du Vice-Ministre norvégien des affaires étrangères en République démocratique du Congo (RDC), où il a exprimé sa profonde préoccupation face à l’aggravation de la situation sécuritaire et humanitaire dans l’est du pays. Choquée par le massacre, la semaine dernière, de civils et d’enfants dans le village de Kishishe, elle a exigé que la violence cesse et exhorté tous les groupes armés à rendre les armes. Également alarmée par la situation au Cameroun, et par les attaques contre les hôpitaux, les dispensaires, les écoles, les enseignants et les élèves, la représentante a rappelé que prendre pour cible les civils et les infrastructures civiles est interdit par le droit international humanitaire et pourrait constituer des crimes de guerre. Passant au Tchad, elle a déclaré que son pays surveille de près le traitement des manifestants dans le contexte du dialogue national inclusif, soulignant également que pour qu’une transition soit efficace, toutes les parties prenantes, hommes et femmes, doivent être inclus dans les processus pertinents. Elle a rendu un vibrant hommage aux efforts du BRENUAC, de la CEEAC et de l’Union africaine en soutien aux dialogues dans les différents pays concernés. La déléguée a enfin estimé que le BRENUAC a un rôle à jouer dans des domaines transversaux comme climat et sécurité, sécurité alimentaire, et la sécurité maritime. Elle a fait valoir le rôle actif de la Norvège en tant que pays hôte conjoint de la troisième conférence, en janvier, du bassin du lac Tchad, qui traitera des besoins humanitaires d’urgence ainsi que des efforts conjoints en faveur de la stabilisation et du développement.
M. MARTIN GALLAGHER (Irlande) a rappelé qu’il y a un an l’Irlande et le Niger avaient présenté un projet de résolution sur la sécurité et le climat. Nous regrettons que ce texte n’ait pu être adopté malgré le soutien écrasant des États Membres, a dit le délégué, en appelant le Conseil à se pencher sur les conséquences sécuritaires des changements climatiques. Il a plaidé également en faveur d’efforts internationaux en vue d’une gestion durable des ressources naturelles, en soulignant l’importance de promouvoir les savoirs traditionnels. Il s’est dit préoccupé par la situation socioéconomique de la région, aggravée par la guerre de la Russie en Ukraine. M. Gallagher a dénoncé les récentes violences au Tchad et appelé à une transition politique revitalisée en vue de la tenue d’élections et du retour à l’ordre constitutionnel. Enfin, le délégué a appuyé le plan d’action adopté par le BRENUAC en vue de combattre les discours de haine dans la région.
Mme TRINA SAHA (États-Unis) a exhorté le Gouvernement tchadien à permettre une participation effective des partis de l’opposition à la rédaction d’une nouvelle constitution. Elle a regretté les récentes violences entre les forces de sécurité et les manifestants dans ce pays. La représentante a ensuite souligné les initiatives du BRENUAC pour promouvoir un dialogue inclusif en République centrafricaine avant d’appeler ce pays à redoubler d’efforts pour mettre en œuvre la feuille de route de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et l’accord de paix de 2019. Par ailleurs, la représentante s’est particulièrement inquiétée de l’impact délétère du groupe Wagner sur la stabilité de la République centrafricaine, en estimant que la présence de ce groupe est un obstacle à des partenariats qui permettraient de promouvoir la stabilité et le développement du pays. Elle a aussi souligné l’importance des partenariats et d’une coopération entre États Membres de nature à s’attaquer aux facteurs sous-jacents du terrorisme et notamment des activités de Boko Haram et de l’État islamique. Rappelant que les victimes de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) méritent justice, la représentante a indiqué que son pays offre une récompense de 5 millions de dollars pour toute information permettant la capture du chef de l’Armée de résistance, Joseph Kony, inculpé par la Cour pénale internationale (CPI).
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a estimé qu’au Tchad, la tenue du dialogue national, la signature de l’Accord de paix de Doha et la nomination d’un gouvernement comptant des représentants de l’opposition sont des étapes positives. La lutte contre l’impunité est indispensable pour favoriser la réconciliation nationale et permettre la poursuite de la transition. Elle a également dit être préoccupée par la situation dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest du Cameroun. Elle a rappelé que le Président français avait encouragé les autorités camerounaises à poursuivre un dialogue avec les parties. S’agissant de la République centrafricaine, un engagement accru des pays de la région est nécessaire pour que le processus politique puisse connaître des avancées significatives. La déléguée a également réaffirmé l’attachement de la France à la stabilité de Sao Tomé-et-Principe qui, selon elle, fait figure d’exemple de démocratie dans la région.
Mme Broadhurst Estival a ensuite déclaré que la priorité de son pays reste la protection des populations. Dans ce contexte, elle s’est félicitée de l’amélioration de la coordination entre les forces de sécurité et de défense de la région au sein de la Force multinationale mixte, qui permet de combattre efficacement la menace terroriste de Boko Haram et de l’État islamique en Afrique de l’Ouest, comme l’a montré le succès de l’opération « intégrité du Lac » au printemps dernier. Pour autant, elle a dit rester vivement préoccupée par la dégradation de la situation humanitaire, comme en témoigne le nombre très élevé de réfugiés et déplacés internes au Tchad et au Cameroun notamment. La réponse aux besoins humanitaires doit s’accélérer, alors que la région subit de plein fouet les conséquences dramatiques de la guerre en Ukraine, notamment sur la sécurité alimentaire, et les effets néfastes des changements climatiques, a-t-elle conclu.
Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a abordé les volets politique, humanitaire et sécuritaire de la situation en Afrique centrale, jugeant que les élections dans plusieurs pays prouvent que la démocratie semble s’enraciner dans la région, les processus à Sao Tomé-et-Principe et en Angola s’avérant prometteurs. Elle a noté les attaques au Cameroun et dans le bassin du lac Tchad par Boko Haram, et groupes affiliés, et recommandé de juguler les incidences du terrorisme et d’autres facteurs pouvant miner la paix. Elle a souligné des progrès qui se traduisent par la baisse de la piraterie maritime dans le golfe de Guinée, en appelant toutefois à la vigilance. La représentante s’est par ailleurs inquiétée des conséquences de l’augmentation des prix des denrées alimentaires, des carburants et des engrais: il est difficile pour les populations de subvenir à leurs besoins élémentaires. D’où l’importance de la promotion de l’état de droit en Afrique centrale, a-t-elle souligné. Des relations bilatérales cordiales avec l’ensemble des pays de la région ont toujours été des priorités pour l’Inde qui a notamment alloué 2 millions de dollars au développement agricole, a-t-elle aussi fait savoir.