Soudan: après la signature d’un accord-cadre entre militaires et civils, les membres du Conseil de sécurité plaident pour sa mise en œuvre rapide et inclusive
Deux jours après sa signature, l’accord-cadre politique destiné à permettre la nomination d’un gouvernement de transition dirigé par des civils au Soudan a été unanimement salué, ce matin, par les membres du Conseil de sécurité. Sa deuxième phase, ont souligné plusieurs d’entre eux, devra conduire à la formation d’un gouvernement civil, et être mise en œuvre rapidement et de manière inclusive, en intégrant notamment femmes et jeunes.
Cet accord, signé le 5 décembre entre les autorités militaires et les civils intervient alors que, depuis plus d’un an, le Soudan n’a pas connu de bonnes nouvelles, s’est réjoui le Représentant spécial du Secrétaire général pour ce pays, M. Volker Perthes, venu présenter le rapport du Secrétaire général à l’ordre du jour du Conseil.
L’accord doit jeter les bases d’un premier cycle de pourparlers sur le fond, visant non seulement à la formation d’un gouvernement civil, mais aussi à la tenue d’élections démocratiques, dans le cadre d’une transition de deux ans, a expliqué ce haut fonctionnaire, qui est aussi le Chef de la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS).
Par ailleurs, a encore indiqué le Représentant spécial, civils et militaires sont tombés d’accord sur un autre document important, contenant commentaires et amendements au projet de texte constitutionnel. Il a été présenté le 24 octobre dernier au mécanisme trilatéral, composé de la MINUATS, de l’Union africaine (UA) et de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD).
De telles avancées pourraient permettre le retour à un État démocratique, des pourparlers de paix avec les groupes armés qui n’ont pas encore signé d’accord avec le Gouvernement ou encore au retour du Soudan dans le giron des institutions internationales, s’est félicité M. Perthes.
Le sentiment du Représentant spécial a été relayé par les membres du Conseil de sécurité, qui ont vu dans cet accord une percée du processus politique vers un Soudan démocratique et un moyen de sortir de l’impasse actuelle. Pour les États-Unis, c’est une « voie crédible » pour parvenir à un accord final qui permettrait de sortir de la crise politique actuelle. Il remet le pays sur le chemin de la démocratie tout en préservant les acquis en termes de liberté, de paix et de justice, s’est félicité le représentant soudanais, qui a également parlé de « vent d’espoir ».
Il s’agit maintenant de le mettre en œuvre. Et, les parties doivent dialoguer de bonne foi pour avancer rapidement sur les questions en suspens, en particulier sur la réforme sécuritaire, la justice transitionnelle et la gestion de l’Accord de paix de Djouba ainsi que la définition d’un calendrier électoral, ont réclamé la France, les États-Unis ou encore le Mexique et l’Albanie, en appelant à la nomination, dans les meilleurs délais, d’un gouvernement civil de transition crédible.
Tout accord résultant d’un processus non inclusif, qui ne jouirait pas de l’adhésion du peuple soudanais dans son ensemble, manquerait de fait de crédibilité, ont mis en garde l’Irlande et la Norvège, insistant sur le rôle significatif et constructif que devront jouer dans ce cadre les femmes, les jeunes ainsi que le mécanisme trilatéral ONU-UA-IGAD. Il ne peut s’agir d’un « énième accord entre élites » à Khartoum, a mis en garde l’Irlande.
Pour le Royaume-Uni, la mise en œuvre de cet accord-cadre doit aller d’autant plus vite que tout retard pris dans ce processus peut entraîner des conséquences graves. Seul un gouvernement de transition dirigé par des civils peut remettre le pays sur la voie du redressement et permettre la reprise complète de l’aide internationale dont le pays a besoin dans un contexte de grave crise humanitaire: un tiers de la population soudanaise, soit 15,8 millions de personnes –1,5 million de plus qu’en 2022–, auront besoin d’aide humanitaire en 2023.
Se voulant rassurant, le représentant soudanais a assuré que, dans le cadre de cet accord, les militaires ne participeront pas à la politique: l’armée deviendra une institution chargée de garantir l’unité et l’intégrité territoriale, sans politisation ni idéologie. L’accord restera également ouvert au ralliement de toutes les composantes du pays. Mais la communauté internationale doit lever ses sanctions et les institutions financières internationales coopérer de nouveau avec Khartoum.
Abondant dans le même sens, les Émirats arabes unis, l’Inde et les A3 –Gabon, Kenya et Ghana– ont estimé que le succès de la période de transition exige en effet que les institutions financières internationales reprennent leur soutien à l’économie du pays, afin d’éviter son effondrement à ce stade crucial. Le Soudan continue en effet d’accueillir des réfugiés en provenance des pays voisins, ont rappelé ces délégations.
La Fédération de Russie a de son côté jugé « quelque peu hypocrite » de conditionner l’aide internationale à la formation d’un gouvernement civil. Les sanctions limitent la marge de manœuvre du Gouvernement soudanais et ne font qu’aggraver les conséquences économiques et militaires de la crise, a argué cette délégation, soutenue par celle de la Chine. La délégation porte-plume sur le Soudan –il s’agit du Royaume-Uni– devrait donc mener un dialogue constructif afin de réviser ce régime de sanctions et permettre au Conseil de fixer des indicateurs clairs et réalistes pour leur réajustement, ont-elles plaidé.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD-S/2022/898
Déclarations
M. VOLKER PERTHES, Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan et Chef de la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS), a déclaré que, depuis plus d’un an, le Soudan n’a pas connu de bonnes nouvelles. Depuis le coup d’État militaire du 25 octobre 2021, le pays se trouve dans une situation de crises sécuritaires et économiques multiformes. Mais le 5 décembre dernier, les acteurs civils et militaires ont signé un accord-cadre politique qui devrait jeter les bases d’un premier cycle de pourparlers sur le fond, afin de former un gouvernement civil qui devrait assurer le relèvement du pays, déboucher sur la tenue d’élections démocratiques, dans le cadre d’une transition de deux ans.
Par ailleurs, le 24 octobre dernier, le mécanisme trilatéral, composé de l’Union africaine, de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et de la MINUATS, a reçu des autorités militaires un document contenant des commentaires et amendements au projet de texte constitutionnel préparé par le comité directeur de l’Association du barreau soudanais. Il s’agit là d’une avancée importante, car c’est la première fois que les militaires engagent un dialogue avec les civils sur un document politique depuis le début de l’année, a dit le Représentant spécial, saluant la transparence dont font preuve les deux parties, civiles et militaires. De telles avancées pourraient permettre le retour à un État démocratique, des pourparlers de paix avec les groupes armées qui n’ont pas encore signé d’accords avec le Gouvernement ou encore au retour dans le giron des institutions internationales, a-t-il anticipé.
M. Perthes a ensuite fait état des affrontements récents qui ont éclaté dans les États du Nil-Bleu, du Kordofan occidental et dans le centre du Darfour, des régions qui étaient relativement calmes jusque-là. Plus de 800 personnes auraient ainsi été tuées à la suite de la période d’incertitude née du coup d’État. La résurgence de ces affrontements à grande échelle démontre que l’État central reste très fragile en raison du vide politique qui se creuse. De plus, les autorités locales manquent encore de moyens pour protéger les civils et répondre aux causes profondes des griefs. Par ailleurs, on compte environ 265 000 personnes déplacées à travers tout le Soudan depuis le début de l’année. Il s’agit là d’une action causée par l’homme, a-t-il dit, attribuant cette catastrophe au conflit, à l’accès aux ressources et à l’exacerbation des tensions résultant de manipulations politiques.
Ceci ne fait qu’aggraver les besoins humanitaires, dans le contexte où un tiers de la population, soit 15,8 millions de personnes, soit 1,5 million de plus qu’en 2022 auront besoin d’aide en 2023, a encore prédit le Représentant spécial, ajoutant qu’il s’agit de la plus forte hausse en une décennie. À ces chiffres s’ajoute l’inflation qui continue de faire pression sur les ménages. Si les Nations Unies et leurs partenaires humanitaires ont réussi à prêter assistance à 9,1 millions de personnes entre janvier et septembre, les besoins humanitaires ne sont financés à ce jour qu’à hauteur de 41,3%, a encore déploré le Représentant spécial.
Sur le plan politique, M. Perthes a dit que la participation véritable des femmes est un facteur crucial si l’on veut que la transition soit un succès. Le Groupe des droits de la femme, une organisation non partisane rassemblant les femmes de toutes les régions du pays, continue de discuter avec tous les acteurs afin que les droits de la femme soient pris en compte dans tout accord politique. Il demande notamment que les femmes comptent pour au moins 40% des délégations participant aux processus. Ces initiatives semblent être mieux acceptées aujourd’hui, s’est réjoui le Représentant spécial, ajoutant que les acteurs politiques semblent être moins sceptiques quant à la participation des femmes.
Concluant, le haut fonctionnaire a dit que si l’accord-cadre politique est une avancée, il reste encore quelques sujets de désaccord qui doivent encore être réglés avant la signature d’un accord final, à savoir la réforme du secteur de la sécurité, la justice transitionnelle, l’Accord de paix de Djouba, le statut du comité de démantèlement et la région de l’Est. Il serait également utile d’avoir des échanges sur les priorités économiques et de développement du pays. Il y a aussi des fauteurs de troubles qui ne voient pas leurs intérêts représentés et ne croient pas en la possibilité d’un règlement politique. Ils seraient donc tentés de le saboter, a prévenu M. Perthes, en invitant la communauté internationale à communiquer davantage auprès de ces personnes afin qu’elles voient les avantages d’un règlement politique de la crise au Soudan.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a salué la signature de l’accord-cadre politique destiné à permettre la nomination d’un gouvernement de transition dirigé par des civils au Soudan. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire, a relativisé le représentant, exhortant toutes les parties à placer l’intérêt national au-dessus des intérêts politiques étroits et à s’unir de toute urgence derrière un accord final. Il a ensuite condamné le meurtre de deux nouveaux manifestants et demandé aux forces de sécurité de faire preuve d’un maximum de retenue et de respecter le droit de manifester pacifiquement. Dans ce contexte, le représentant a averti que tout retard pris dans ce processus peut avoir des conséquences graves, étant donné qu’environ un tiers de la population soudanaise aura besoin d’aide humanitaire en 2023. La finalisation des négociations est donc essentielle pour relever les défis humanitaires et économiques du pays, a-t-il insisté, estimant qu’un gouvernement de transition dirigé par des civils peut mettre le pays sur la voie du redressement et permettre la reprise complète de l’aide internationale. Le Royaume-Uni travaille avec des partenaires pour coordonner le soutien économique à ce gouvernement dès qu’il sera formé, a indiqué le délégué.
Évoquant ensuite la fragile situation sécuritaire, il s’est dit préoccupé par les violences dans les États du Nil-Bleu et du Kordofan occidental. Il a encouragé les autorités soudanaises à mettre en œuvre les dispositions de sécurité de l’Accord de paix de Djouba, à s’engager avec les communautés touchées pour rétablir la paix et à s’acquitter de leur responsabilité de protéger les civils. Enfin, le représentant a demandé l’ouverture, sans délai, d’un dialogue inclusif sur les questions en suspens, tout en réaffirmant son soutien au rôle de la MINUATS dans la facilitation des négociations soudanaises.
Mme MONA JUUL (Norvège) s’est félicitée de la signature d’un Accord politique cadre à Khartoum cette semaine, appelant toutes les parties prenantes à maintenir l’élan qui a été créé. Le mécanisme trilatéral ONU-UA-IGAD aura un rôle important à jouer dans la facilitation de la deuxième phase, pendant laquelle les femmes et les jeunes auront un rôle significatif et constructif à jouer. Car tout accord résultant d’un processus non inclusif manquera de crédibilité auprès du peuple soudanais et de la communauté internationale, a mis en garde la représentante. Elle a jugé impératif que le prochain gouvernement civil de transition reçoive un soutien en temps voulu et pertinent. Dans le contexte de la crise économique actuelle, il faut, par conséquent, intensifier l’action humanitaire pour répondre aux besoins émergents et éviter une situation encore plus précaire l’année prochaine, a-t-elle estimé. Sur un autre volet, elle a fait part des inquiétudes de la Norvège face au recours continu à une force excessive contre des manifestants et des civils au Soudan. Cela doit cesser maintenant, a exigé la déléguée, en faisant valoir qu’il faut créer un environnement propice à une transition inclusive et démocratique. Il est de la responsabilité du Gouvernement de protéger tous les civils et de respecter leur droit de se réunir pacifiquement, et de permettre et faciliter un accès plein, sûr et sans entrave à l’assistance humanitaire, a-t-elle ajouté.
Bien que nous ayons vu une approche claire et décisive de la part de l’UA, ce Conseil n’a pas été en mesure de parler d’une seule voix en faveur du mécanisme tripartite et le processus politique, a regretté la représentante. Au lieu de cela, son silence a adressé des signaux peu clairs aux parties, rendant les progrès plus difficiles. Notre appui aux solutions africaines ne peut pas être qu’une figure de style, a-t-elle insisté, en exigeant que cela se traduise en action.
M. FERGAL MYTHEN (Irlande), saluant la percée du processus politique vers une nouvelle transition démocratique au Soudan, a appelé les militaires à respecter désormais leur engagement de céder le pouvoir à un gouvernement civil. Concrètement, cela signifie que l’armée et les services de sécurité doivent cesser de recourir à la force contre les manifestants, mettre fin aux détentions illégales et garantir le droit de réunion et d’association pacifiques, a détaillé le représentant. Si M. Mythen a estimé que la libération de prisonniers politiques de haut niveau en début de semaine a été une mesure de confiance essentielle, il a cependant rappelé que d’autres Soudanais ordinaires restent en détention.
En outre, il a estimé qu’un accord politique durable nécessite l’adhésion du peuple soudanais dans son ensemble, pas seulement à Khartoum. Il ne peut s’agir d’un énième accord entre élites, a-t-il appuyé. Soulignant que les jeunes, la société civile ou encore les femmes ont joué des rôles clefs dans le chemin vers la démocratie, il a constaté que ces dernières étaient absentes dans la salle lundi. L’engagement d’une participation de 40% des femmes, énoncé dans le nouvel accord, doit être réalisé, a-t-il insisté.
Par ailleurs, il a affirmé qu’un esprit de consensus était aujourd’hui nécessaire, appelant à résoudre un certain nombre de questions vitales dans les prochaines semaines. La responsabilité et la justice transitionnelle seront cruciales pour une paix durable, a-t-il noté, jugeant que le travail des experts soudanais, lors de la précédente période de transition, peut constituer un point de départ.
Enfin, il a signalé que la crise politique a détourné les autorités de leur responsabilité de garantir la sécurité au Soudan, encourageant certains acteurs à profiter de la crise pour s’emparer des ressources et positions. Un retour à un gouvernement civil et une réforme du secteur de la sécurité seront cruciaux pour résoudre les conflits, a-t-il affirmé, confiant par ailleurs sa préoccupation face à la situation humanitaire qui continue de se détériorer. L’Irlande a d’ailleurs apporté une contribution supplémentaire aux partenaires humanitaires du Soudan ce mois-ci, a-t-il indiqué en conclusion.
Au nom du groupe des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), Mme CAROLYN OPPONG-NTIRI (Ghana) s’est félicitée de la signature, le 5 décembre, de l’accord-cadre entre les forces politiques civiles et l’institution militaire du Soudan, y voyant une première étape importante vers le retour du pays au processus de transition démocratique. Saluant les efforts du mécanisme trilatéral, composé de l’ONU, de l’Union africaine et de l’IGAD, qui ont facilité la signature de cet accord, la représentante a appelé les signataires à travailler avec les non-signataires pour parvenir à un consensus et résoudre les problèmes restants. De même, elle a exhorté les autorités soudanaises à créer un environnement propice au dialogue politique inclusif en libérant tous les détenus politiques. Elle s’est, d’autre part, réjouie des progrès réalisés dans la rédaction d’une nouvelle constitution dirigée par l’Association du barreau soudanais, notamment la manière inclusive avec laquelle le projet a été élaboré par un comité composé de partis politiques, d’organisations de la société civile et d’éminents universitaires.
Sur le front sécuritaire, la déléguée s’est déclarée préoccupée par la flambée récurrente de violences intercommunautaires au Darfour et dans l’État du Nil-Bleu. Avertissant que ces affrontements risquent de saper le dialogue politique en cours, elle a appelé le Gouvernement soudanais à enquêter sur ces cas d’insécurité et d’activités criminelles et à traduire les auteurs en justice. Selon elle, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour répondre à la situation, notamment la mise en œuvre rapide du plan national de protection des civils. Évoquant ensuite la situation économique désastreuse du Soudan, aggravée par les effets de la crise alimentaire mondiale et des changements climatiques, la représentante a appuyé l’appel du Secrétaire général en faveur de modalités exceptionnelles pour soutenir les communautés vulnérables grâce à une assistance internationale continue. Après avoir rappelé que le Soudan continue d’accueillir des réfugiés des pays voisins, elle a exhorté la communauté des donateurs et les institutions financières internationales à reconsidérer la suspension temporaire de l’aide au pays et à poursuivre leurs programmes et projets de soutien. Enfin, après avoir salué le rôle de la MINUATS dans son appui au processus de transition démocratique, elle a une nouvelle fois appelé à une solution soudanaise à l’impasse politique pour parvenir à une paix, une sécurité et un développement économique durables.
M. JOHN KELLEY (États-Unis) a salué, à son tour, la signature, le 5 décembre, d’un accord-cadre politique au Soudan, estimant qu’il s’agit d’une première étape très importante pour relancer la transition démocratique du pays. Voyant dans cette avancée une voie crédible pour parvenir à un accord final qui permettrait de sortir de la crise politique actuelle, il a encouragé les parties soudanaises à dialoguer de bonne foi et à établir un gouvernement civil le plus rapidement possible. Pour le représentant, il importe également que le gouvernement, l’armée et les services sécuritaires du Soudan respectent pleinement la liberté d’association, de manifestation et de réunions pacifiques. Les autorités soudanaises doivent en outre s’acquitter de leurs responsabilités en matière de protection de la population civile et traduire en justice les auteurs d’actes de violence contre des civils, a-t-il plaidé.
Dans ce contexte, le délégué a appelé le Gouvernement soudanais à créer un environnement plus propice aux négociations en remettant en liberté les prisonniers politiques, en cessant les actes de violence contre les manifestants et en revenant sur la décision administrative qui sape le rôle de l’Association du barreau soudanais et d’autres associations professionnelles. Condamnant les agissements des fauteurs de troubles à l’intérieur et à l’extérieur du Soudan, il s’est dit particulièrement préoccupé par les récentes flambées de violence au Darfour et dans l’État du Nil-Bleu. Ces violences soulignent, selon lui, la nécessité de procéder à une réforme du secteur de la sécurité, de mettre en place un mécanisme de transmission de l’information et de déployer les forces chargées de maintenir la sécurité au Darfour. Elles justifient aussi la mise en place d’un système de justice transitionnelle transparent et inclusif, a-t-il ajouté.
Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) s’est dite favorable à un rôle majeur pour la MINUATS. Elle a salué la signature de l’accord-cadre politique à Khartoum et a espéré que cela débouchera sur l’arrivée d’un gouvernement civil crédible. Pour cela, elle a apporté son soutien aux efforts du mécanisme trilatéral, exhortant toutes les parties prenantes à faire fond sur cette dynamique. Saluant le rôle de la société civile soudanaise, ainsi que des femmes soudanaises, elle a insisté pour que les droits de la personne soient au cœur de la transition. Inquiète de la situation actuelle au Darfour, elle a estimé que cela montre à quel point il est urgent de mettre en œuvre l’Accord de Djouba, deux ans après sa signature. L’établissement des responsabilités est essentiel à la bonne mise en œuvre de l’Accord, a estimé la déléguée. Constatant en outre que les besoins humanitaires restent très importants, elle a demandé aux autorités soudanaises de permettre un acheminement sans entraves de l’assistance humanitaire à tous ceux dans le besoin. Le Conseil de sécurité doit s’exprimer à l’unisson sur cette question, a souhaité la représentante, avant d’indiquer que l’Albanie est disposée à soutenir une déclaration à la presse.
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a salué le projet de constitution transitoire de l’Association du barreau soudanais, espérant que les discussions actuelles entre les forces politiques civiles à ce sujet permettront de jeter les bases d’un règlement politique plus large. Il a également confié son espoir que la signature, le 5 décembre, du cadre politique entre civils et militaires ouvre la voie à une coopération plus étroite. Cependant, malgré ces derniers développements positifs, nous restons préoccupés par les violences intercommunautaires récurrentes au Kordofan occidental et dans la région du Nil-Bleu, a-t-il alerté.
Le représentant a ainsi appelé les autorités soudanaises à accroître leurs efforts pour protéger les civils dans ces régions et à garantir des conditions propices au retour des personnes déplacées. Ces violences récurrentes prouvent la nécessité de s’attaquer aux causes profondes du conflit au Darfour, au Kordofan et dans les régions du Nil-Bleu, a-t-il par ailleurs affirmé, estimant urgent de mobiliser le soutien des partenaires internationaux pour reprendre l’aide financière au Soudan. S’attaquer aux contraintes socioéconomiques et à la pauvreté est une étape fondamentale vers une paix durable, a-t-il assuré, ajoutant qu’une autre étape clef serait la mise en œuvre de l’accord de paix de Juba. Enfin, le délégué a salué les efforts de facilitation déployés par la MINUATS, l’Union africaine et l’IGAD pour mettre fin à l’impasse politique au Soudan.
Mme AMEIRA AL HEFEITI (Émirats arabes unis) s’est, elle aussi, félicitée de la signature de l’accord-cadre politique au Soudan, qui, a-t-elle relevé, a été salué aux niveaux régional et international. Elle a formé l’espoir que cet accord ouvrira une nouvelle page dans le processus de transition démocratique du pays, permettant au peuple soudanais de poursuivre son chemin vers la sécurité et la prospérité. C’est d’autant plus important, selon elle, que la phase à venir nécessite de s’appuyer sur l’élan actuel pour parvenir à un accord politique durable en redoublant d’efforts pour combler les différences entre les acteurs et résoudre les problèmes en suspens.
La représentante a, d’autre part, souligné que le succès de la période de transition exige des institutions financières internationales et des autres partenaires du Soudan qu’ils reprennent et poursuivent leur soutien à l’économie du pays afin d’éviter son effondrement à ce stade critique, en particulier à la lumière de l’hyperinflation, du taux de chômage élevé et de l’accumulation de la dette extérieure. Un tel soutien est de plus en plus nécessaire à mesure que la situation humanitaire se détériore, avec les difficultés à accéder aux produits de base et les dommages causés par les graves inondations récentes dans certaines régions, a-t-elle fait valoir.
M. GENG SHUANG (Chine) a salué le franchissement d’une étape importante au Soudan pour sortir de l’impasse et reprendre la transition politique, les parties au Soudan doivent saisir cette occasion positive afin de remettre la transition politique sur les rails. La communauté internationale doit respecter le principe selon lequel la crise doit être réglée par les Soudanais eux-mêmes, a dit le représentant, qui a dénoncé les sanctions imposées au Soudan. Ces mesures ne font qu’aggraver les conséquences économiques et militaires de la crise. Préoccupé par les violences intercommunautaires, le délégué a appelé le Gouvernement soudanais à déployer ses forces de sécurité et à aider les communautés à conclure un accord de cessez-le-feu. Le délégué a demandé à la délégation porte-plume sur le Soudan de mener les discussions au sujet des sanctions au mois de février prochain, afin d’apporter des améliorations sur le fond afin que le Conseil puisse fixer des indicateurs clairs et réalistes pour leur réajustement dans les meilleurs délais. Il a ensuite jugé insuffisant le financement à hauteur de 38% du plan d’intervention humanitaire en 2022, appelant la communauté internationale à renforcer son assistance.
Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a salué la signature, le 5 décembre, d’un accord-cadre politique, qui prévoit la mise en place d’une nouvelle période de transition et d’un gouvernement civil ainsi que la rédaction d’une nouvelle constitution. Notant que la période de transition a été prolongée de deux ans et devrait déboucher sur l’organisation d’un scrutin général, elle a souhaité que cela ait un effet stabilisateur sur la situation politique interne et permette de rétablir l’aide internationale au pays. Pour la représentante, il faut à présent se focaliser sur la réalisation du document qui vient d’être signé en travaillant avec toutes les forces politiques et groupes ethniques et confessionnels, y compris ceux qui n’ont pas signé l’accord, afin d’avancer dans le processus politique avec une adhésion la plus large possible. Dans ce cadre, le mécanisme trilatéral doit continuer à appuyer le processus politique, a-t-elle plaidé, ajoutant que la nouvelle constitution doit être à même de rassembler l’ensemble des forces politiques du pays. La MINUATS doit, quant à elle, se limiter à respecter les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et son mandat, a poursuivi la déléguée, selon laquelle il est « quelque peu hypocrite » de vouloir lier l’aide internationale à la formation d’un gouvernement civil.
Abordant ensuite la situation au Darfour, la représentante a fait valoir que les dirigeants militaires du Soudan ont su maintenir le calme en répondant aux besoins de la population et en contribuant à la normalisation de ses conditions de vie. Elle a cependant invité les autorités locales à prendre des mesures pour éviter l’escalade dans les affrontements intercommunautaires. La situation au Darfour exige, selon elle, une révision du régime de sanctions qui ne fait que limiter la marge de manœuvre du Gouvernement soudanais dans la région. La Fédération de Russie espère donc que le Conseil de sécurité engagera un dialogue constructif pour régler ce problème, a-t-elle conclu.
M. JOSÉ DE JESÚS CISNEROS CHÁVEZ (Mexique) a salué l’accord-cadre du 5 décembre, espérant que cela conduise le plus rapidement possible à la formation d’un gouvernement civil de transition et appelant les forces politiques qui n’ont pas signé encore l’accord à s’y joindre. Il a estimé que la réforme du secteur de la sécurité, la mise en œuvre de l’Accord de paix de Djouba et la justice transitionnelle doivent être prioritaires pour que le processus politique soit revitalisé, exhortant les acteurs clefs à travailler en coordination avec le mécanisme trilatéral à cette fin. Estimant par ailleurs essentiel que les femmes participent au processus politique, il a affirmé que le quota proposé d’au moins 40% des sièges gouvernementaux et législatifs pour les femmes contribuera à une plus grande inclusion.
Les flambées de violence, ces derniers mois, dans les États du Nil-Bleu et du Kordofan occidental sont inquiétantes, a-t-il ensuite soulevé, alertant en particulier sur les incidents de violence sexuelle et sexiste qui continuent d’être signalés. Le représentant a ainsi appelé à une mise en œuvre accélérée du Plan national de protection des civils, rappelant l’importance de la protection des droits humains et de la reddition de comptes. Saluant enfin le fait que la Commission permanente de cessez-le-feu soit enfin opérationnelle, il a par ailleurs signalé qu’un tiers de la population aura besoin d’aide humanitaire d’ici à 2023. Nous demandons au Gouvernement de garantir un accès libre et sûr aux travailleurs et organisations humanitaires, a-t-il ajouté.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a salué la signature d’un accord-cadre politique le 5 décembre dernier entre les militaires soudanais et une large partie de l’opposition civile. Il doit désormais être mis en œuvre pour avancer rapidement sur les points qui restent en suspens, en particulier la réforme sécuritaire, la justice transitionnelle et la gestion de l’Accord de paix de Djouba ainsi que la définition d’un calendrier électoral. Cette signature doit aussi être suivie de la nomination dans les meilleurs délais d’un gouvernement civil, a-t-elle ajouté.
La représentante a ensuite encouragé l’ensemble des forces politiques soudanaises à soutenir ce processus. Le Soudan a besoin, a-t-elle poursuivi, de résoudre la crise politique et de revenir sur le chemin de la transition pour répondre à l’urgence économique et humanitaire. Elle a indiqué que l’Union européenne, en signe de soutien à la population soudanaise, a débloqué une aide de 48 millions d’euros destinés à l’éducation et aux droits humains. À cela devrait s’ajouter prochainement 140 millions d’euros dédiés à l’insécurité alimentaire, l’agriculture et la santé.
Mme Broadhurst Estival a par ailleurs estimé que le rétablissement d’une transition démocratique crédible est conforme aux engagements pris par les militaires de quitter la scène politique dès lors que les conditions seraient réunies, mais également essentiel pour rétablir la confiance de la communauté internationale. La France continuera d’appuyer les efforts du peuple soudanais dans cette période difficile, tant au sein de l’Union européenne qu’auprès des institutions internationales et de l’Union africaine si le retour à la transition démocratique, avec un calendrier électoral bien défini est effectivement assuré, a-t-elle affirmé.
Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) s’est réjouie du projet de constitution, qu’elle a jugé « encourageant ». Les parties prenantes soudanaises doivent consolider les acquis obtenus jusqu’à présent et progresser vers un accord politique inclusif. Un dialogue politique, inclusif et crédible, dirigé et pris en charge par les Soudanais, reste essentiel dans les efforts visant à trouver une solution durable, a estimé la représentante. Les parties devraient aborder la question des réformes du secteur de la sécurité et de la mise en œuvre de l’Accord de Djouba, a-t-elle préconisé. S’agissant des arrangements sécuritaires transitoires au Darfour, le Comité permanent du cessez-le-feu a poursuivi ses travaux sur les violations du cessez-le-feu. Dans les mois à venir, il faut accélérer le déploiement de la Force conjointe de maintien de la sécurité. La violence intercommunautaire ne peut être combattue efficacement qu’en donnant la priorité à la réconciliation et en s’attaquant aux problèmes politiques et sécuritaires, a observé la représentante.
Sur le plan économique, elle a estimé que la suspension d’une partie importante de l’aide internationale, ainsi que la pause dans l’engagement des institutions financières internationales, ont gravement affecté les apports d’aide au développement. Les déficits de financement ont également un impact sur les activités des acteurs humanitaires et leur capacité à répondre aux besoins croissants. Dans l’État du Kordofan occidental et l’État du Nil-Bleu, la réponse de la communauté internationale à l’appel humanitaire doit être renforcée.
M. AL-HARITH IDRISS AL-HARITH MOHAMED (Soudan) s’est réjoui du « vent d’espoir » né de l’accord politique entre différentes parties prenantes soudanaises, qui, selon lui, remet le pays sur le chemin de la démocratie tout en préservant les acquis en termes de liberté, de paix et de justice. Il a aussi salué les efforts déployés par le mécanisme tripartite ONU-UA-IGAD, sous la houlette du Représentant spécial. Évoquant le rapport du Secrétaire général, en particulier ses références aux éléments susceptibles de débloquer la situation au Soudan, le représentant a tenu à rappeler que son pays connaît une situation exceptionnelle depuis décembre 2018. Il a cependant assuré que le Gouvernement soudanais entend renforcer le dialogue pour parvenir à la conclusion d’un accord entre la composante militaire et le futur gouvernement civil en vue d’une transition démocratique. Dans ce cadre, a-t-il précisé, la composante militaire ne participera pas à la politique, tandis que l’armée deviendra une institution chargée de garantir l’unité et l’intégrité territoriale, sans politisation, parti pris ni idéologie. L’accord-cadre restera ouvert au ralliement de toutes les composantes pour aller vers une transition constitutionnelle réussie, a ajouté le délégué, avant d’appeler l’ONU et son Secrétaire général à appuyer ce processus politique et à exhorter la communauté internationale à lever les sanctions contre son pays.
S’agissant des affrontements dans l’État du Nil-Bleu, le représentant a indiqué que les Forces gouvernementales ont géré la crise, en octobre dernier, et ont pu contrôler la situation en contenant les dérives sécuritaires. Des efforts sont aussi consentis pour les réparations aux victimes et la prévention de nouveaux conflits tribaux, a-t-il relevé, regrettant que le rapport du Secrétaire général n’en fasse pas mention. Au sujet des violations signalées à l’encontre d’enfants, il a fait état de la mise en œuvre du plan d’action sur les enfants dans les zones de conflit et du déploiement dans le pays d’unités de protection des droits humains. De plus, a-t-il fait valoir, le Soudan participe à toutes les réunions de la Représentante spéciale du Secrétaire général sur les violences à l’égard des enfants en temps de conflit armé. Il a ensuite mis l’accent sur le « fossé humanitaire », indiquant que les retours de personnes déplacées commencent mais que ces mouvements ont des conséquences sur les récoltes. Dans ce contexte, il a sollicité l’aide du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) pour les États du Nil-Bleu, du Kordofan méridional, du Nil-Blanc et de l’est du pays où se trouvent 60% des personnes déplacées et réfugiées.
Le délégué a ensuite appelé à une mobilisation de la communauté internationale pour à aider à financer la mise en œuvre de toutes les dispositions de l’Accord de paix de Djouba. Il a mis en avant les mesures adoptées par le Gouvernement soudanais pour faire face aux dérèglements de la situation économique, en particulier son appui du taux de change de la livre soudanaise et sa gestion de la dette extérieure. Pour gagner en efficacité, il a espéré qu’une meilleure coopération se mette en place avec les partenaires bilatéraux et les institutions financières internationales afin de réduire l’impact des réformes et le fardeau de la dette. Il a aussi invité la communauté internationale à revoir stratégiquement le travail de la MINUATS au regard de l’évolution des deux dernières années et à remédier à l’incapacité de cette mission, dont le Soudan avait demandé la création, de s’acquitter pleinement de son mandat.