9207e séance – après-midi   
CS/15128

Le Conseil de sécurité constate une fois de plus l’absence de progrès dans le dossier de l’utilisation présumée d’armes chimiques en Syrie

Une fois de plus, aucun progrès n’a été réalisé sur le dossier des armes chimiques en République arabe syrienne, examiné une fois par mois au Conseil de sécurité, où des voix se sont fait entendre cet après-midi pour demander un changement de périodicité de cette séance. 

La Haute-Représentante aux affaires de désarmement, Mme Izumi Nakamitsu, a indiqué aux membres du Conseil, comme elle l’avait déjà fait en novembre, qu’il n’y avait eu aucun progrès dans les efforts déployés par l’Équipe d’évaluation des déclarations (DAT) de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) chargée de clarifier toutes les questions en suspens concernant la déclaration initiale et les déclarations ultérieures de la Syrie.

De même, les efforts du Secrétariat technique de l’OIAC pour organiser le prochain cycle de consultations avec Damas sont restés sans résultat, en particulier s’agissant de la réunion qui devait se tenir à Beyrouth en novembre dernier pour aborder les questions en suspens, laquelle n’a pu avoir lieu.

Dans un contexte marqué par des relations difficiles entre la Syrie et le Secrétariat technique de l’OIAC, certains intervenants ont suggéré de tenir moins souvent de réunions sur la question des armes chimiques en Syrie, ou d’en tenir une seule qui couvre l’ensemble des dossiers dont est saisi le Conseil de sécurité par ailleurs sur la Syrie, les situations humanitaire et politique dans le pays. 

Ainsi, la Fédération de Russie a-t-elle blâmé, de même que la Syrie, le Secrétariat technique pour l’impasse actuelle, considérant que « ce n’est pas la faute de Damas ».  Non seulement l’OIAC n’a pas voulu financer le séjour des experts syriens en prévision de la réunion de novembre, mais elle ne rectifie en rien son manque d’impartialité vis-à-vis de la Syrie.  Pour les deux délégations, sous la pression des États-Unis et de leurs alliés, et sur la base de rapports non professionnels rédigés par des experts illégitimes et partisans, l’OAIC cherche toujours à présenter Damas sous un jour négatif. 

Pour la France, les États-Unis, le Royaume-Uni et la Türkiye au contraire, la responsabilité de cette situation incombe au « régime syrien », qui refuse obstinément de coopérer.  Non seulement il a posé des conditions à la tenue de la réunion bilatérale des 15 et 16 novembre, qui ont contraint le Secrétariat technique de l’OIAC à y renoncer, mais en outre, il n’a fait aucun effort pour justifier les incohérences de sa déclaration initiale. 

À chaque fois que des preuves de possession d’armes chimiques se sont avérées trop convaincantes, Damas a « changé de fusil » d’épaule et modifié à 17 reprises sa déclaration initiale, a accusé le représentant britannique. 

Face à ces blocages et à l’absence de dialogue, plusieurs délégations ont douté de la pertinence de tenir deux séances mensuelles sur la Syrie, alors qu’elles sont coûteuses et restent inefficaces pour faire progresser la situation sur le terrain.  C’est le cas de la République islamique d’Iran, du Brésil, des Émirats arabes unis, de la Chine, du Mexique ou encore de l’Inde, qui ont estimé que la dynamique actuelle ne favorise pas les discussions de fond et ne contribue pas à la détermination des responsabilités dans l’utilisation qui a été faite d’armes chimiques en Syrie depuis le début du conflit en 2011.

Selon elles, les membres du Conseil, séance après séance, continuent de réitérer des positions bien connues au lieu de se concentrer sur les progrès substantiels dans la mise en œuvre de la résolution  2118 (2013).  Or, le fait d’aborder cette question de manière politique ou injuste ne fera que nuire au caractère technique de la Convention, ont-elles estimé, la Chine suggérant que le Conseil tienne moins de réunions, ou alors une seule par mois sur l’ensemble des questions relatives à la situation en Syrie.

Pour l’Irlande en revanche, des débats doivent se tenir régulièrement au Conseil sur cette question, car la Syrie doit respecter ses obligations au titre de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques.  Exercer cette pression est la seule façon de garantir que le programme syrien d’armes chimiques appartiendra « définitivement et de façon vérifiable » au passé.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT - S/2022/897

Déclarations

Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a indiqué que les efforts déployés par l’Équipe d’évaluation des déclarations (DAT) de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) chargée de clarifier toutes les questions en suspens concernant la déclaration initiale et les déclarations ultérieures de la République arabe syrienne n’avaient pas progressé depuis la dernière réunion en date du Conseil sur cette question: « Malheureusement, tous les efforts déployés par le Secrétariat technique de l’OIAC pour organiser le prochain cycle de consultations entre la DAT et l’Autorité nationale syrienne restent vains », a-t-elle constaté. 

Dans le but de faire avancer la mise en œuvre du mandat du Secrétariat technique de l’OIAC, ce dernier a proposé d’organiser une réunion avec la Syrie à Beyrouth en novembre 2022 pour identifier les activités limitées dans le pays, recevoir les déclarations ou les documents précédemment demandés, et fournir à l’Autorité nationale syrienne les résultats de l’analyse des échantillons prélevés en avril 2019, ainsi qu’une évaluation d’une question en suspens ouverte en 2016.  La Haute-Représentante a été informée que les efforts pour convoquer cette réunion n’avaient pas abouti. 

Le mois dernier, la Syrie a soumis le document intitulé « Document national général concernant la coopération de la République arabe syrienne avec l’OIAC », que le Secrétariat technique fera circuler une fois qu’il aura été traduit et analysé, a-t-elle noté.  En raison des lacunes, des incohérences et des divergences identifiées qui ne sont toujours pas résolues, le Secrétariat technique continue d’estimer qu’à ce stade, la déclaration soumise par la République arabe syrienne ne peut pas être considérée comme exacte et complète, conformément à la Convention sur les armes chimiques, a relevé M. Nakamitsu.  Il reste fermement résolu à faire en sorte que la République arabe syrienne s’acquitte intégralement de toutes ses obligations en matière de déclaration et à l’aider à remplir ses obligations.

S’agissant des inspections des installations de Barzah et de Jamrayah du Centre d’études et de recherches scientifiques (CERS), j’ai été informée que la série d’inspections prévue en décembre 2022 a été reportée pour des raisons opérationnelles, a poursuivi la Haute-Représentante.  Elle a eu ensuite le regret d’informer le Conseil que la Syrie n’a pas encore fourni d’informations ou d’explications techniques suffisantes qui permettraient au Secrétariat technique de clore la question liée à la détection d’un produit chimique du tableau 2 au Centre d’études et de recherches scientifiques (CERS) de Barzah en novembre 2018.  Il n’a pas non plus reçu les informations demandées relatives au mouvement non autorisé des deux cylindres liés à l’incident à l’arme chimique qui a eu lieu à Douma le 7 avril 2018, cylindres détruits lors d’une attaque contre une installation de fabrication d’armes chimiques.  Mme Nakamitsu a demandé à la République arabe syrienne de répondre d’urgence à toutes les demandes du Secrétariat technique.

Quant à la Mission d’établissement des faits de l’OIAC, elle continue d’étudier toutes les informations disponibles relatives aux allégations d’utilisation d’armes chimiques en République arabe syrienne.  La Haute-Représentante a dit avoir été informée qu’elle s’est déployée en République arabe syrienne du 6 au 12 novembre 2022 pour mener des entretiens avec des témoins concernant plusieurs des incidents examinés.  L’équipe du Mécanisme d’enquête et d’identification (IIT) poursuit ses investigations, la Mission ayant déterminé que des armes chimiques ont été utilisées ou probablement utilisées en République arabe syrienne. 

M. JOHN KELLEY (États-Unis) a constaté que, lors de la dernière Conférence des parties à la Convention sur les armes chimiques, la communauté internationale a continué de demander que le « régime de Assad » ait à rendre des comptes.  Le représentant a également observé que, comme l’a signifié l’OIAC, le « régime syrien » n’a fait aucun effort pour répondre aux lacunes ou incohérences de sa déclaration initiale.  Il a par ailleurs remercié la France, pour son intervention au nom du G7, qui a rappelé à l’ordre la Syrie pour ses manquements répétés vis-à-vis de la Convention.  Le délégué a ensuite rappelé que, si le « régime syrien » avait bien accepté le principe d’une réunion avec le Secrétariat technique de l’OIAC le mois dernier, il avait aussi exigé le financement des déplacements des experts syriens, requête que n’a pas acceptée le Secrétariat technique.  Le fait que cette réunion n’ait pas pu avoir lieu démontre à quel point les relations sont difficiles, a-t-il regretté.  Selon lui, l’OIAC devra corroborer toute déclaration de la Syrie par un suivi sur le terrain, étant donné que la déclaration de la Syrie a été corrigée à 19 reprises à ce jour.  Il a, par conséquent, réitéré l’appel des États-Unis pour que la Syrie permette à l’OIAC de se rendre sur place afin de vérifier par elle-même la destruction complète du programme d’armes chimiques syrien.  Enfin, après avoir rappelé que l’Équipe d’enquête et d’identification de l’OIAC a confirmé le recours aux armes chimiques à huit reprises, il a demandé au « régime syrien » de respecter ses obligations au titre de la résolution 2118 (2013) du Conseil de sécurité et de la Convention sur les armes chimiques, « au nom de la sécurité collective de tous ». 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a déclaré que le rapport présenté aujourd’hui n’apporte toujours aucune valeur ajoutée par rapport aux précédents, compte tenu du manque de progrès sur la question à l’ordre du jour.  Et ce n’est pas la faute de Damas, mais celle du Secrétariat technique, qui ne rectifie pas son biais antisyrien, a-t-il tranché.  Le représentant a dit ne pas accepter les conclusions falsifiées du rapport sur l’incident de Douma, ni les conclusions de l’illégitime équipe d’enquête et d’identification.  Leur seul but est de présenter Damas sous un jour négatif et d’adapter les conclusions à l’ordre politique des États-Unis et de ses alliés.  Cette situation est rendue encore plus perplexe par le fait que le directeur général de l’OIAC, M. Fernando Arias, refuse obstinément de comparaître devant le Conseil et de parler directement avec ses membres, s’est étonné le délégué, pour qui il est de plus en plus évident qu’il a quelque chose à cacher. 

Le représentant a ensuite estimé que cette séance du Conseil de sécurité fait perdre deux heures par mois à répéter les mêmes éléments pour que les capitales occidentales puissent condamner les dirigeants syriens.  Cette approche dévalorise la mise en œuvre de la résolution 2128 (2013), en plus de saper l’autorité du Conseil qui, au lieu de déverser « du vide sur vide », ferait mieux de débattre de situations beaucoup plus pertinentes et dynamiques.  Le représentant a exhorté le Conseil à ne pas pousser la situation jusqu’à l’absurde et à optimiser le calendrier des réunions du Conseil de sécurité. 

Au nom des A3 (Gabon, Kenya, Ghana), Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a déploré l’absence de progrès significatifs sur la question des armes chimiques syriennes et a exprimé le souhait de recevoir un exemplaire du document de la Syrie sur sa coopération avec l’OIAC entre 2013 et 2022.  La pleine coopération des autorités syriennes avec l’OIAC est fondamentale si nous voulons sortir de l’impasse actuelle, a-t-elle appuyé, regrettant que la réunion prévue à Beyrouth le 15 novembre dernier entre la Syrie et l’OIAC n’ait pu avoir lieu.  Dans ce contexte, la déléguée a réitéré son appel lancé à la Syrie afin qu’elle dialogue de manière constructive avec le Secrétariat de l’OIAC afin de régler les questions en suspens.  Par ailleurs, la représentante a estimé que le règlement rapide de cette question permettra au Conseil de sécurité et aux autorités syriennes d’utiliser le temps et les ressources qui y sont consacrées à d’autres difficultés auxquelles est confronté le peuple syrien.  Il n’en demeure pas moins que l’utilisation d’armes chimiques à la Ghouta, en août 2013, a choqué le monde, a-t-elle rappelé, prenant note des promesses généreuses qui ont été faites, à hauteur de 37 milliards d’euros, en faveur du Fond d’affectation spécial pour la Syrie, créé en novembre 2015 pour soutenir la Mission d’établissement des faits et d’autres activités de l’OIAC dans le pays. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a regretté que le dossier des armes chimiques de la Syrie n’ait pas évolué, la Syrie continuant de refuser de coopérer avec l’OIAC et sa déclaration restant incomplète et inexacte.  Face à une telle situation normalement, le Conseil prendrait une position ferme pour avancer, a-t-il souligné, mais cette question continue de diviser, empêchant de demander des comptes à ceux qui ont franchi la ligne rouge à plusieurs reprises, a regretté M. Hoxha.  Condamnant le comportement intolérable de la Syrie, le représentant a ensuite appuyé les travaux de l’OIAC, de son Équipe technique, de la Mission d’établissement des faits et de l’Équipe d’enquête et d’identification.  L’Albanie attend la publication du rapport de l’OIAC, a-t-il indiqué.  L’avenir de la Syrie ne saurait être basé sur l’impunité, a-t-il conclu, en appelant le Conseil à agir. 

Constatant à son tour que peu de choses ont changé sur le terrain, M. TAINàLEITE NOVAES (Brésil) a ainsi estimé que la tenue d’une réunion mensuelle au Conseil de sécurité sur ce dossier ne semble guère efficace.  Il a également regretté que la réunion prévue à Beyrouth, le mois dernier, entre les autorités syriennes et le Secrétariat technique de l’OIAC n’ait pu avoir lieu.  Prenant note du document syrien sur la coopération de Damas avec l’OIAC entre 2013 et 2022, le délégué s’est dit impatient de le voir diffusé par le Secrétariat de l’OIAC.  Enfin, à la lumière de l’absence de faits récents dans ce dossier, il a rappelé la position de principe du Brésil, à savoir que les armes chimiques sont incompatibles avec le droit humanitaire international et que leur utilisation viole les accords internationaux. 

M. LIANG HENGZHU (Chine) a considéré que la question des armes chimiques en Syrie ne peut se résoudre que par un dialogue entre l’OAIC et la République arabe syrienne.  Il a également estimé que, devant la charge de travail du Conseil de sécurité, la périodicité mensuelle des séances sur la situation en Syrie est injustifiée.  Cet organe devrait en tenir moins souvent, ou alors une seule par mois sur tous les volets de la situation dans ce pays. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a déploré, une nouvelle fois, l’absence de progrès dans ce dossier, évoquant une « frustration compréhensible au sein du Conseil ».  Toutefois, a-t-il ajouté, la responsabilité exclusive de cette situation incombe au « régime syrien » qui refuse obstinément de coopérer.  Chacun sait pourtant que ce régime a utilisé des armes de destruction massive contre sa propre population, comme l’ont démontré à huit reprises des enquêtes indépendantes des Nations Unies et de l’OIAC, a relevé le représentant, avant de rappeler que la résolution 2118 (2021) a été adoptée à l’unanimité et que la réalité de l’attaque de la Ghouta en 2013 n’a jamais été contestée.  Dénonçant les conditions posées par Damas à la réunion bilatérale des 15 et 16 novembre, qui ont contraint le Secrétariat technique de l’OIAC à y renoncer, le délégué a exhorté la Syrie à répondre par écrit aux questions qui lui sont adressées sur sa déclaration initiale et à faire la lumière sur l’intégralité de ses stocks.  La Syrie doit se mettre en conformité si elle veut rétablir ses droits et privilèges, a-t-il insisté, assurant que la France sera attentive aux conclusions des prochains rapports de l’Équipe d’enquête et d’identification.  Dans ce contexte, il a salué la ténacité, l’indépendance et le professionnalisme dont fait preuve le Secrétariat technique de l’OIAC malgré les obstacles et a rappelé que la lutte contre l’impunité reste le fondement de l’efficacité et de la crédibilité du régime d’interdiction. 

M. THOMAS PATRICK PHIPPS (Royaume-Uni) a évoqué les évènements survenus le 21 août 2013, au cours desquels « le régime syrien a visé ses propres citoyens dans trois banlieues de Damas avec des roquettes contenant l’agent neurotoxique sarin », entraînant la mort de « pas moins de 1 500 personnes ».  Il a rappelé qu’à la suite de ces attaques, le Conseil avait adopté, à l’unanimité, la résolution 2118 (2013), appelant la Syrie à coopérer pleinement avec l’OIAC, ainsi qu’à éliminer son programme et ses stocks. 

Or, la déclaration initiale de la Syrie au sujet des armes chimiques qu’elle détient -déclaration dont dépend la destruction de ses stocks- a été et demeure « inexacte » et « incomplète » aux yeux du Royaume-Uni.  Pis, lorsque les preuves de la rétention d’armes chimiques par la Syrie se sont avérées « trop convaincantes », le régime syrien a « changé de fusil d’épaule » et modifié sa déclaration 17 fois, selon le délégué  Au moins une installation de production d’armes chimiques, quatre laboratoires, des centaines de tonnes de produits chimiques et des milliers de munitions ont été omis dans la déclaration syrienne initiale, a-t-il accusé. 

Des enquêtes indépendantes ont démontré que le régime syrien a continué d’utiliser des armes chimiques contre son peuple même après avoir prétendu le contraire, selon le délégué, qui a notamment évoqué l’utilisation de chlore largué par hélicoptère contre des populations civiles.  Les attaques syriennes répétées sont toutes avérées, établies par des enquêtes détaillées et approfondies de l’OIAC et du Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU, a rappelé le délégué.

Il a en outre dit que, lors de la Conférence des États parties qui s’est tenue la semaine dernière, 57 pays s’étaient joint à une déclaration condamnant sans équivoque l’utilisation d’armes chimiques par la Syrie, ainsi que son refus de respecter ses obligations en tant qu’État partie.  L’ampleur du soutien à cette déclaration témoigne, selon le délégué britannique, de « l’immense désir de la communauté internationale » de maintenir les progrès accomplis au cours des dernières décennies vers un monde exempt d’armes chimiques.

M. CONLETH BRADY (Irlande) a regretté que la coopération entre la Syrie et l’OIAC ne cesse de se réduire comme peau de chagrin.  Le dernier cycle de consultations avec l’Équipe d’évaluation des déclarations remonte à février 2021, a-t-il rappelé, observant que, durant ce cycle, la Syrie n’a cessé de s’immiscer dans le processus, jusqu’à dicter la composition de l’Équipe.  Alors que huit attaques à l’arme chimique ont été comptabilisées par l’ONU et l’OIAC, et que ce chiffre ne fait qu’augmenter avec le temps, d’autres incidents font l’objet d’une enquête de la Mission d’établissement des faits et des questions supplémentaires, comme la destruction de cylindres de chlore près de Douma, continuent d’interroger, a-t-il dit.  Toutefois, la question principale est de savoir si la Syrie continue de produire des armes chimiques, a résumé le représentant.

La réaction du Conseil de sécurité à cette situation ne doit pas être de réduire le nombre de débats, a tranché le délégué.  Au contraire, il faut des débats réguliers au Conseil de sécurité, a-t-il insisté.  Rappelant que, dans sa résolution 2118 (2013), le Conseil a enjoint la Syrie à respecter ses obligations au titre de la Convention sur les armes chimiques, le représentant a estimé que le Conseil doit aussi forcer la Syrie à participer à des délibérations substantielles avec le Secrétariat technique pour traiter des questions en souffrance.  Ce sont les actions de la Syrie qui importe, pas sa parole, a-t-il ajouté, jugeant que cette pression est la seule façon de garantir que le programme syrien d’armes chimiques « appartient définitivement et de façon vérifiable au passé ». 

M. MOHAMED ESSA SAIF BOAUSAIBAH AL-ALI (Émirats arabes unis) a dit que seul un dialogue constructif entre l’OIAC et les autorités syriennes peut permettre de résoudre les problèmes en suspens.  Pour cette raison, il a considéré que la réunion préliminaire proposée par l’OIAC à Beyrouth est une solution de compromis, disant attendre avec intérêt l’entrevue entre le Ministre syrien des affaires étrangères et le Directeur général de l’OIAC.  Le représentant a également réitéré la nécessité d’utiliser judicieusement le temps et les ressources du Conseil de sécurité, ce qui signifie d’aller au-delà de la simple répétition de positions déjà bien connues.  Il est de notre responsabilité collective de reconsidérer l’efficacité des réunions du Conseil, a-t-il insisté en conclusion. 

Mme ALICIA GUADALUPE BUENROSTRO MASSIEU (Mexique) a regretté l’absence de progrès ces deux dernières années sur le dossier des armes chimiques syriennes, évoquant même des reculs.  À titre d’exemple, elle a cité le fait qu’il n’ait pas été possible de conclure la déclaration initiale syrienne.  En décembre 2020, 19 écarts avaient été identifiés et, à ce jour, on recense 20 problèmes en suspens, a constaté la déléguée.  Malgré les nombreuses demandes faites depuis novembre 2018, l’origine des restes de substances chimiques détectés dans les installations du Centre d’études et de recherches scientifiques à Barzah n’a toujours pas été clarifiée.  De surcroît, la dernière série de consultations entre l’Équipe d’évaluation des déclarations et les autorités syriennes a eu lieu en février 2021, a poursuivi la représentante, reprochant aussi à Damas de ne pas accorder de visas à certains membres de l’Équipe.  Concrètement, 22 mois plus tard, ces consultations n’ont pas pu reprendre, a-t-elle déploré. 

Dans ces circonstances, a poursuivi la déléguée, le Conseil de sécurité s’est limité à discuter, mois après mois, de questions logistiques et administratives, telles que l’octroi de visas, l’organisation des ordres du jour des réunions ou l’échange de communications.  S’étonnant de la demande faite à l’OIAC de couvrir les frais de la délégation syrienne qui participerait à la réunion technique de Beyrouth comme condition préalable à sa tenue, elle a regretté que la dynamique actuelle éloigne les parties prenantes des discussions de fond et ne contribue pas à une reddition de compte efficace pour l’utilisation d’armes chimiques en Syrie.  Les efforts et le temps du Conseil de sécurité devraient se concentrer sur des progrès substantiels dans l’application de la résolution 2118 (2013), a-t-elle affirmé, rappelant aux pays membres du Conseil leur obligation de traduire en actes le fait que l’utilisation d’armes chimiques est inacceptable pour la communauté internationale. 

Mme MEENA ASIYA SYED (Norvège) a déploré le peu de progrès enregistrés sur ce dossier, avant d’apporter le soutien de son pays au travail de l’OIAC. Les enquêtes de cette dernière sont cruciales pour l’établissement des responsabilités, a dit la déléguée. Elle a dénoncé les retards persistants dans l’octroi des visas, qui sapent les échanges d’informations et la coopération. Elle a exhorté la Syrie à coopérer pleinement avec l’OIAC en vue de résoudre les 20 questions en suspens. La Syrie doit s’acquitter de ses obligations en vertu de la résolution 2118 (2013), a tranché la déléguée. Elle a aussi exhorté ce pays à prendre les mesures nécessaires afin que la suspension de ses droits et privilèges en tant qu’État partie à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques soit levée.

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a assuré que son pays continue d’encourager un engagement soutenu entre la Syrie et le Secrétariat technique de l’OIAC pour résoudre toutes les questions en suspens.  Selon le représentant, les discussions sur les armes chimiques en Syrie devraient refléter les progrès sur le terrain.  Or, a-t-il constaté, il n’y a pas eu d’avancées significatives sur ce dossier depuis plusieurs mois et les membres du Conseil de sécurité continuent souvent de répéter leurs positions bien connues.  Pour autant, il a dit continuer de croire que des progrès sur d’autres voies contribueraient également à faciliter le processus de paix politique global en Syrie, comme le préconise la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité.

M. ALHAKAM DANDY (République arabe syrienne) a dénoncé la tenue d’une nouvelle réunion, sur l’insistance de certains pays occidentaux, alors qu’aucune évolution n’exige un nouvel examen du Conseil.  Il a dénoncé les accusations fallacieuses de ces mêmes pays, « fondées sur des rapports subjectifs et non professionnels, rédigés sous la pression politique exercée sur le Secrétariat technique de l’OIAC ».  Le représentant a réitéré, en conséquence, l’appel de la Syrie tendant à ce que l’OIAC rectifie le tir en s’attelant à sa tâche technique en toute « impartialité et indépendance ».  Il a catégoriquement condamné le recours aux armes chimiques, en tous temps et circonstances, avant de rappeler l’adhésion volontaire de la Syrie à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques et le respect de ses obligations dans ce cadre, y compris la destruction, « en un temps record », de toutes ses armes chimiques et de leurs vecteurs.  La Syrie continue sa coopération avec l’OIAC et son Secrétariat technique, a assuré le représentant, soulignant que son pays a soumis son dernier rapport le 15 novembre.  La Mission d’établissement des faits s’est rendue en Syrie du 6 au 12 novembre 2022 et sa tâche a été facilitée sur place alors que le rapport n’en fait aucune mention.  Dans la perspective de sa réunion prochaine avec le Directeur de l’OIAC, son pays a présenté des propositions de fond pour en garantir le succès, a poursuivi le représentant.  Il a regretté que le Secrétariat ait refusé de financer la délégation syrienne pour cette rencontre qui était prévue à Beyrouth, étant donné les difficultés économiques que connaît le pays, en raison en particulier des sanctions illégales qui lui sont imposées.  La Syrie aurait préféré que ladite rencontre de haut niveau se déroule à Damas.  Il a condamné le caractère illégitime de l’équipe d’experts, violation inacceptable de la souveraineté de la Syrie.  Le représentant a appuyé la résolution 1540 (2004) visant à empêcher des acteurs non-étatiques d’avoir accès à des armes chimiques.  Il a enfin rejeté les allégations de l’Irlande pour qui la Syrie chercherait à imposer la composition de l’Équipe d’experts, reprochant à certains experts de n’être pas objectifs. 

M. ÖNCÜ KEÇELI (Türkiye) a salué l’impartialité et l’objectivité du Secrétariat technique de l’OIAC.  Il a également constaté que la déclaration syrienne à l’OIAC reste incomplète et que le Secrétariat technique attend toujours des réponses de la Syrie au titre de plusieurs questions en suspens.  Il a ensuite mis en exergue l’importance des travaux de la Mission d’établissement des faits et de l’Équipe d’enquête et de vérification pour pouvoir faire la lumière sur ce qui s’est passé et poursuivre la lutte contre l’impunité en cas d’utilisation d’armes chimiques.  Déplorant l’incapacité du Conseil à s’acquitter de son mandat sur la question des armes chimiques syriennes, le représentant a cependant souligné l’importance qu’a pour la Türkiye, pays voisin de la Syrie, l’inscription de cette question à l’ordre du jour de cet organe. 

M. AMIR SAEID JALIL IRAVANI (République islamique d’Iran), condamnant fermement l’utilisation d’armes chimiques, s’est dit favorable à la résolution des questions en suspens par le biais du dialogue et d’une coopération constructive entre la République arabe syrienne et l’OIAC.  À cette fin, toute enquête doit être impartiale, professionnelle, crédible et objective, et doit respecter pleinement les exigences et les procédures de la Convention, a insisté le représentant, estimant que l’exploitation de l’OIAC pour des raisons politiques met en danger la crédibilité de l’Organisation et de la Convention.  En outre, il a estimé que l’engagement positif de la Syrie avec l’OIAC mérite d’être reconnu, citant entre autres le dernier rapport du pays en date du 15 novembre 2022, ainsi que la récente visite de la Mission d’établissement des faits sur place.  Le représentant a jugé essentiel de répondre aux préoccupations légitimes du Gouvernement syrien, telles que sa position sur l’illégalité de la création de l’équipe d’enquête et d’identification.  Selon la Syrie, a-t-il rappelé, la Convention sur les armes chimiques n’a pas mandaté le Secrétariat technique de l’OIAC pour mener des enquêtes sur l’utilisation d’armes chimiques, et cette équipe a donc reçu un mandat illégal.  Enfin, le représentant a espéré que la réunion de haut niveau entre les deux parties permettra d’ouvrir la voie pour régler ces problèmes non résolus.  « Ces réunions tous les mois sont coûteuses en termes de ressources et de temps pour les membres du Conseil de sécurité », a-t-il ajouté.  La Syrie s’est conformée aux exigences de la Convention et a travaillé en coopération avec l’OIAC, or le fait d’aborder cette affaire de manière politique ou injuste ne fera que nuire au caractère technique de la Convention, a-t-il conclu.

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