En cours au Siège de l'ONU

9194e séance - matin
CS/15108

Le Conseil de sécurité débat de la crise que connaît le G5 Sahel et des moyens d’y remédier dans un environnement de sécurité difficile

Le Conseil de sécurité a débattu, ce matin, de la « crise » que connaît le G5 Sahel, selon l’expression de la France, dans un contexte de détérioration constante de la situation sécuritaire dans la région.  Le retrait du Mali du G5 Sahel et de sa Force conjointe, en mai dernier, et le manque de ressources financières ont été évoqués par les intervenants, qui ont proposé des pistes pour y remédier.  Les délégations ont ainsi dit attendre avec impatience les recommandations du Groupe de haut niveau sur la sécurité et le développement au Sahel dirigé par l’ancien Président du Niger, M. Mahamadou Issoufou.

Première intervenante à s’exprimer, la Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique aux Départements des affaires politiques et de la consolidation de la paix, et des opérations de paix, Mme Martha Ama Akyaa Pobee, a jugé regrettable que la Force conjointe du G5 Sahel, en plus de ses difficultés financières, ait été fragilisée par le retrait du Mali.  Elle a ajouté que le deuxième coup d’État au Burkina Faso en septembre avait également eu une incidence négative sur la capacité opérationnelle de la Force et a sapé la cohésion régionale. 

L’élaboration d’un nouveau concept d’opérations de la Force, qui prendrait en compte la situation humanitaire et sécuritaire, le retrait du Mali, ainsi que les opérations bilatérales menées par les États voisins, est envisagée, a ajouté la Sous-Secrétaire générale, qui a plaidé pour « une approche collective repensée » allant au-delà des efforts existants, en appelant les acteurs de la région à resserrer leur coopération, comme l’ont récemment fait le Mali et le Burkina Faso.

Le Secrétaire exécutif du G5 Sahel, M. Éric Tiaré, a souligné que le retrait du Mali avait plongé l’organisation sous-régionale dans une crise institutionnelle marquée aussi par la suspension du soutien de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) aux opérations de la Force conjointe et l’impossibilité de réaliser des opérations communes.

M. Tiaré a insisté sur l’urgence d’accorder le plus grand soutien au G5 Sahel, « parce qu’il est impensable d’imaginer une lutte contre le terrorisme qui ne partirait pas du Sahel central pour éviter, voire limiter son expansion vers les pays du golfe de Guinée ».  À ses yeux, la réalité indique que l’heure est grave et qu’en l’absence de réaction rapide et urgente, il faut craindre une plus grande menace sur la paix et la sécurité internationales. 

La résilience des groupes armés terroristes et l’absence de moyens rend la lutte contre le terrorisme « irréaliste et insoutenable », a, de son côté, déclaré M. Zakaria Ousman Ramadan, représentant de la société civile.  M. Ramadan a en outre souligné la faiblesse institutionnelle et le rôle « partiellement dysfonctionnel » des Forces de sécurité nationales.  La fin de l’opération Barkhane notamment impose de revoir le dispositif opérationnel de la Force conjointe, a-t-il estimé, en ajoutant que l’arrivée de la Russie sur le théâtre des opérations, notamment au Mali via le groupe militaire privé Wagner, complique la coopération.

Face à cette situation, les délégations ont misé sur les recommandations du Groupe de haut niveau pour proposer des « voies innovantes » aux défis sécuritaire, de développement et de gouvernance de la région, selon l’expression de Mme Pobee.  Le Royaume-Uni a dit attendre avec impatience les résultats de l’évaluation stratégique du Groupe, ainsi que les discussions à venir sur l’Initiative d’Accra, qui aideront à identifier la meilleure façon de travailler pour soutenir la sécurité régionale.  La France a jugé cette évaluation nécessaire pour faire le bilan des efforts menés jusqu’ici et proposer des solutions innovantes.  « Le but n’est pas de réinventer la roue, ou d’introduire une nouvelle stratégie pour le Sahel, mais de faire fond sur ce qui existe déjà: le G5 Sahel, l’Initiative d’Accra, le Processus de Nouakchott ou encore les efforts de la CEDEAO », a estimé la Norvège.

La Fédération de Russie a estimé que les problèmes de sécurité actuels du Sahel étaient la conséquence de nombreuses années de problèmes non résolus et de tentatives visant à transformer le Sahel en un autre champ de confrontation géopolitique.  Elle a déclaré que l’aide internationale aux États du Sahel devait être fondée sur le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures, le respect de la souveraineté et le principe de « solutions africaines aux problèmes africains ». 

La France a rappelé la nécessité de financements durables et prévisibles des opérations africaines de paix, « y compris sur contributions obligatoires des Nations Unies, ou dans le cadre d’un mécanisme innovant qui les associerait à des contributions bilatérales ».  Au nom des A3, le Ghana a, lui aussi, exhorté le Conseil à doter la Force conjointe du G5 Sahel de ressources suffisantes et à créer un bureau d’appui des Nations Unies.

Enfin, certaines délégations, dont la France et les États-Unis, ont dénoncé la présence du Groupe Wagner dans la région.  « Les exactions de ce groupe mais aussi le pillage des ressources naturelles ne font qu’entretenir une spirale dangereuse de violence », a affirmé le délégué français.  Contrairement à ses collègues occidentaux, la Russie offre une assistance militaro-technique à Bamako sans aucune politique de conditionnalité, a rétorqué la représentante de ce pays. 

PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE. S/2022/838

Déclarations

Mme MARTHA AMA AKYAA POBEE, Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique aux Départements des affaires politiques et de consolidation de la paix, et des opérations de paix, a présenté le rapport du Secrétaire général sur la force conjointe du G5 Sahel.  « Depuis la dernière réunion du Conseil de sécurité sur le Sahel, la situation sécuritaire dans la région continue de se détériorer. »  L’utilisation aveugle de la violence par des groupes terroristes signifie que des milliers de civils innocents souffrent, tandis que des millions d’autres sont forcés de quitter leurs foyers, a-t-elle déploré, ajoutant: « L’insécurité exacerbe une situation humanitaire déjà catastrophique. »

La Sous-Secrétaire générale a estimé que, dans un tel contexte, la Force conjointe demeure une composante régionale importante de la réponse à l’insécurité au Sahel.  Elle a donc jugé « regrettable que la Force conjointe, en plus de ses difficultés financières, ait été fragilisée par le retrait du Mali en mai ».  Elle a précisé que le deuxième coup d’État au Burkina Faso, le 30 septembre, avait, lui aussi, eu une incidence négative sur la capacité opérationnelle de la Force et a sapé la cohésion régionale.  Malgré ces défis, la Force continue de mener des opérations militaires, sept au total depuis mai.  L’élaboration d’un nouveau concept d’opérations de la Force, prenant en compte la situation humanitaire et sécuritaire, le retrait du Mali, ainsi que les opérations bilatérales menées par les États voisins, est envisagée, a ajouté Mme Pobee.

La Sous-Secrétaire générale a rappelé que la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) continue d’appuyer la Force conjointe.  La Mission travaille avec des contractants pour apporter des biens de première nécessité aux quatre contingents de la Force hors du Mali.  Mme Pobee n’a néanmoins pas fait mystère des difficultés techniques et opérationnelles qui demeurent, en sus de l’insécurité et du manque d’infrastructures.  Les divergences entre les membres du G5 Sahel, qui ont culminé avec le retrait du Mali, rendent plus difficiles encore l’appui de la MINUSMA à la Force, a-t-elle déploré.

Mme Pobee a souligné l’importance que la Force intègre les droits humains et le droit international humanitaire dans son concept d’opérations, sous peine de faire le lit des groupes extrémistes.  De même, au niveau national, les pays du G5 Sahel doivent s’assurer que leurs stratégies militaires antiterroristes mettent l’accent sur la protection des droits humains et des populations.  Face à l’extrémisme violent, la Sous-Secrétaire générale a plaidé pour « une approche collective repensée », allant au-delà des efforts existants.  Les parties prenantes doivent poursuivre leur coopération en vue d’atteindre les objectifs sécuritaires communs, a-t-elle dit, en se félicitant du resserrement de la coopération entre le Mali et le Burkina Faso.  Elle a aussi noté la volonté internationale d’appuyer les pays du golfe de Guinée et de l’Afrique de l’Ouest, qui pourraient être gagnés par l’insécurité.

L’ONU, l’Union africaine et le G5 Sahel appuient le travail du Groupe de haut niveau sur la sécurité et le développement au Sahel emmené par l’ancien Président du Niger, M. Mahamadou Issoufou, a assuré Mme Pobee.  Le but du Groupe, a-t-elle rappelé, est de mobiliser les ressources aux niveaux national, régional et international et de proposer des voies innovantes pour remédier aux défis sécuritaires, de développement et de gouvernance dans la région.  En attendant les recommandations de ce Groupe indépendant, nous comptons sur la poursuite du soutien de ce Conseil en vue d’un Sahel stable, sûr et prospère, a conclu Mme Pobee.

M. YEMDAOGO ÉRIC TIARÉ, Secrétaire exécutif du G5 Sahel, a souligné que le retrait, le 15 mai 2022, du Mali de tous les organes du G5 Sahel y compris de sa Force conjointe, a plongé l’organisation sous-régionale dans une crise institutionnelle marquée aussi par la délocalisation du quartier général de la Force conjointe de Bamako à N’Djaména, la suspension du soutien de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) aux opérations de la Force conjointe et l’impossibilité de réaliser des opérations conjointes.  Comme le G5 doit continuer sa mission avec les quatre pays restants -Burkina Faso, Mauritanie, Niger et Tchad-, le processus de réflexion stratégique pour une nouvelle reconfiguration de la Force a commencé.  Cependant, en raison des événements survenus au Burkina Faso et au Tchad, les réunions des experts militaires et des ministres n’ont pu se tenir, a déploré M. Tiaré.  En attendant, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a été saisi aux fins d’une prolongation du mandat 2021-2022 de la Force conjointe, endossée par le Conseil de sécurité.  Malgré les nombreuses difficultés, la Force a pu mener des opérations dans les différents fuseaux qui ont contribué à l’amélioration de l’environnement sécuritaire dans les zones d’opérations.  Des groupes armés terroristes ont été neutralisés, des centaines d’armes, des milliers de munitions et d’importantes quantités de drogues saisies.

M. Tiaré a souligné que le mandat prévoit que la Force dispose de compétences prévôtales et de police judiciaire susceptibles d’accompagner l’action militaire.  La judiciarisation du champ des opérations de la Force conjointe s’est ainsi traduite par plus de 100 personnes appréhendées.  Toutefois, ces opérations ont enregistré des résultats mitigés au regard de l’ampleur de la menace.  Dans le souci de renforcer la protection des civils, le Secrétariat exécutif a initié un projet d’appui à la Force conjointe dans le cadre de la mise en œuvre du Cadre de conformité. 

Mais aujourd’hui, il est évident que la situation est encore beaucoup plus préoccupante qu’elle ne l’était en 2017, a constaté M. Tiaré, qui a parlé de « triste réalité ».  Les actions de développement du G5 ne peuvent pas être menées.  Les populations sahéliennes sont en train de céder à la colère à l’encontre des autorités publiques et de certains partenaires internationaux.  C’est de plus une raison avancée par les militaires pour justifier les changements anticonstitutionnels de régime, a-t-il énuméré.

M. Tiaré a salué l’initiative du Secrétaire général de faire une évaluation stratégique conjointe -Nations Unies, Union africaine, CEDEAO, G5 Sahel- sur la sécurité et le développement au Sahel et a souhaité que cette initiative reçoive le soutien de la communauté internationale pour la mise en œuvre de mesures fortes.  Il a insisté sur l’urgence d’accorder le plus grand soutien au G5 Sahel, parce qu’il est impensable d’imaginer une lutte contre le terrorisme qui ne partirait pas du Sahel central pour éviter, voire limiter son expansion vers les pays du golfe de Guinée.  La réalité indique que l’heure est grave et qu’en l’absence de réaction rapide et urgente, il faut craindre une plus grande menace sur la paix et la sécurité internationales, a-t-il conclu. 

M. ZAKARIA OUSMAN RAMADAN a rappelé le contexte de la création du G5 Sahel et son importance comme outil de coopération sécuritaire.  Il est également revenu sur les objectifs, la mission et l’organisation de la Force conjointe du G5 Sahel.  « À ce jour, le bilan obtenu est mitigé, voire maigre. »  Il a regretté que la Force conjointe n’ait pas obtenu un mandat du Conseil de sécurité au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.  L’action de ses soldats est en outre fortement limitée par le manque et la vétusté des moyens de transports logistiques aériens et terrestres ainsi que l’inefficacité du renseignement des États du G5 Sahel, a-t-il ajouté. 

L’insécurité budgétaire permanente de la Force conjointe soulève des questions quant à la durabilité des efforts et la capacité des États à assurer eux-mêmes leur propre sécurité, a poursuivi l’intervenant.  Face à « l’hybridation » de la menace et à la résilience des groupes armés terroristes, l’absence de moyens rend selon lui la lutte contre le terrorisme « irréaliste et insoutenable ».  M. Ramadan a en outre souligné la faiblesse institutionnelle et le rôle « partiellement dysfonctionnel » des forces de sécurité nationales.  La fin de l’opération Barkhane notamment impose de revoir le dispositif opérationnel de la Force conjointe, a-t-il estimé.  De plus, l’arrivée de la Russie sur le théâtre des opérations, notamment au Mali, complique la coopération et la synergie des acteurs non régionaux.

Face à cette situation, l’intervenant a émis un certain nombre de recommandations.  Il a, enfin, attiré l’attention sur l’instabilité politique dans certains pays du G5 Sahel et appelé à mettre l’accent sur la prévention.  « Il faut reconstruire l’État et lui adjuger les capacités nécessaires », a-t-il déclaré.  À cette fin, il a rappelé le rôle des jeunes, des femmes et des organisations de la société civile.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a noté que le G5 Sahel est en crise, sur les plans institutionnel, politique et sécuritaire, en raison, entre autres, de la décision du Mali de quitter le Groupe, des situations politiques nationales marquées par des transitions au Mali, au Burkina Faso et au Tchad et de l’extension de la menace terroriste hors du Sahel, qui gagne maintenant le nord de certains États côtiers.  La région connaît aussi une crise humanitaire aggravée par la guerre menée par la Russie en Ukraine, tout ceci sur fond de défis structurels de développement et d’adaptation aux changements climatiques, a analysé le représentant. 

Dans ce contexte, la communauté internationale doit continuer à se mobiliser massivement en soutien au Sahel et ne pas oublier tout ce qui a été fait, a plaidé M. de Rivière.  Elle doit renouveler son approche, notamment avec l’Alliance pour le Sahel, composé de 17 partenaires, avec 1 200 projets dans le développement rural, l’énergie, l’éducation, pour un montant global de plus de 26 milliards d’euros en rapport avec les priorités identifiées par le G5 Sahel et ses États membres.  Il faut poursuivre ce soutien résolu pour prévenir un retour en arrière, a-t-il dit. 

Le représentant a ensuite salué la décision du Secrétaire général et du Président de la Commission de l’Union africaine de demander à l’ancien Président du Niger, M. Mahamadou Issoufou, de diriger une évaluation indépendante sur le soutien international au Sahel.  Il a jugé cette évaluation nécessaire pour faire le bilan des efforts menés jusqu’ici et proposer des solutions innovantes.  Et en la matière, il a, une fois de plus, appelé à mettre en place un financement durable et prévisible des opérations africaines de paix, « y compris sur contributions obligatoires des Nations Unies, ou dans le cadre d’un mécanisme innovant qui les associerait à des contributions bilatérales ».

Le représentant a également plaidé pour l’identification d’un bon format qui, au vu des évolutions de la menace terroriste, ne doit plus se limiter aux pays fondateurs du G5.  Pour M. de Rivière, il faut considérer également les autres initiatives régionales, comme l’Initiative d’Accra, et tous les moyens de renforcer la coopération entre les pays sahéliens et les pays côtiers.  Il faut par ailleurs s’opposer à toute initiative qui ferait reculer les libertés fondamentales sous prétexte de lutte contre le terrorisme.  C’est l’approche que propose la société militaire privée Wagner, dont les exactions mais aussi le pillage des ressources naturelles ne font qu’entretenir une spirale dangereuse de violence, a affirmé M. de Rivière, qui a conclu en rappelant que renforcer l’état de droit, c’est aussi donner toute leur place à la société civile, y compris aux femmes et aux jeunes. 

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a mis l’accent sur l’intensification des activités des groupes extrémistes qui engendre des défis liés au déplacement et à l’accroissement des besoins humanitaires.  La situation au Burkina Faso montre aussi un recul dans la région, a-t-il pointé.  En outre, l’extrémisme violent prolifère lorsque les institutions étatiques sont absentes ou fragilisées, la prestation des services est faible, et la justice inaccessible, alors que les effets des changements climatiques aggravent la concurrence autour des ressources.  Il a souligné que les femmes sont les premières à être touchées.  Il a signalé que l’instabilité de plusieurs pays du Sahel a également des conséquences sur le soutien des partenaires internationaux.  Il a encouragé le Mali à fixer la date des élections et à s’y tenir.  Préoccupé par le fait que le Tchad ait décidé de prolonger sa transition, s’écartant ainsi des directives de la CEDEAO, le représentant américain a insisté sur un processus inclusif de préparation des élections pour revenir à un ordre civil et à un gouvernement démocratique.  Le retrait du Mali de la CEDEAO est regrettable, ce qui affaiblit la réponse régionale dans la lutte contre le fléau du terrorisme, a-t-il ajouté. 

Inquiet également des partenariats « à courte vue » avec des organisations qui sapent la sécurité, le représentant a notamment souligné l’exploitation des ressources naturelles par le Groupe Wagner, qui cible également les populations marginalisées.  Ses campagnes de propagande attisent le mécontentement et la violence à l’encontre de l’ONU et font obstacle aux opérations militaires au Mali, alors que celles-ci se font sous un mandat du Conseil de sécurité en vue d’un retour à l’ordre démocratique.  Les restrictions des mouvements des agences des Nations Unies sont tout aussi déplorables, a-t-il encore déclaré, en espérant que de nouvelles solutions seront envisagées pour une sortie des difficultés au Sahel, en attendant avec intérêt l’évaluation stratégique.

Mme CÁIT MORAN (Irlande) a déclaré que le leadership régional et la coopération sont des éléments cruciaux de toute solution.  La représentante a déploré les divergences politiques entre les États membres du G5 Sahel qui affectent négativement l’opérationnalisation de la Force conjointe.  Elle a appelé à une plus grande coordination entre les différentes initiatives dans la région, notamment l’Initiative d’Accra et le Processus de Nouakchott.  Préoccupée par la présence du Groupe Wagner dans la Région, la déléguée a rappelé les obligations des États de prévenir, d’enquêter et de punir les violations et abus commis par des mercenaires et des sociétés militaires privées.  « Ces violations et abus ne servent qu’à favoriser la radicalisation et à contribuer à la croissance du terrorisme et de l’extrémisme violent. »  L’exploitation par les groupes terroristes des fragilités existantes, de l’instabilité politique et du manque d’opportunités sociales et économiques montre qu’une réponse holistique est nécessaire.  La déléguée a exhorté les autorités de transition du Burkina Faso, du Mali et du Tchad à progresser dans leurs transitions politiques, à respecter les délais convenus et à organiser rapidement des élections crédibles, inclusives et transparentes aboutissant à une passation pacifique du pouvoir.  Les femmes, les jeunes et la société civile doivent être au cœur de ces processus.  L’Irlande, a ajouté la déléguée, soutient les efforts de la CEDEAO et de l’Union africaine pour un retour à l’ordre constitutionnel dirigé par des civils dans la région. 

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a estimé que les défis aigus auxquels sont confrontés les pays du Sahel sont le résultat de nombreuses années de problèmes non résolus dans le domaine de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme, les difficultés socioéconomiques et humanitaires.  Un nouveau facteur de déstabilisation a été les tentatives de transformer le Sahel en un autre champ de confrontation géopolitique, contre les intérêts nationaux des États et des peuples de la région, a-t-elle poursuivi, arguant que les divisions internes au G5 Sahel, à bien des égards, ont été provoquées de l’extérieur, ce qui a contraint le Mali à s’en retirer le 15 mai dernier. 

Pour la déléguée, il est important de coordonner les efforts entrepris par l’Union africaine, la CEDEAO et d’autres organisations régionales de lutte contre le terrorisme au Sahel.  Elle a déclaré que l’aide internationale fournie aux États du Sahel doit être fondée sur le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures, le respect de la souveraineté et le principe de « solutions africaines aux problèmes africains ».  De ce fait, elle a indiqué que le retour à l’ordre constitutionnel des États de la région doit se faire sans tentatives d’imposer des recettes venues de l’étranger et en tenant compte des évaluations sobres et réalistes de la situation sur le terrain.  C’est pourquoi la Fédération de Russie apporte une aide bilatérale à ceux qui en ont besoin.  Elle a expliqué que c’est le cas au Mali, où les autorités de transition sont convaincues que libérer des terroristes des territoires maliens est une priorité pour mener à bien la période de transition et organiser des élections générales.  Contrairement à ses collègues occidentaux, la Russie offre une assistance militaro-technique à Bamako sans aucune politique de conditionnalités, a-t-elle déclaré. 

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a estimé que la coopération entre les pays de la région, en particulier le long des frontières, est un outil essentiel pour remédier à la violence au Sahel.  Il a déclaré que les progrès réalisés dans l’opérationnalisation de la Force conjointe du G5 Sahel sont désormais remis en cause, compte tenu de la décision du Mali de se retirer de cette alliance.  Sans le Mali, le G5 Sahel perd sa continuité géographique, s’affaiblit politiquement et encontre de plus grandes difficultés pour lutter efficacement contre le terrorisme.  Il a salué les efforts diplomatiques des pays de la région en vue d’une réintégration du Mali dans le G5 Sahel.  Face à l’incertitude sur l’avenir du G5 Sahel, nous réitérons notre appel à intensifier la coopération bilatérale, a dit le délégué.  Il a mentionné les autres défis que sont les changements récents dans l’architecture de sécurité régionale, la fin de l’opération Barkhane et l’annonce récente par certains pays du retrait de leurs contingents de la MINUSMA.  Néanmoins, il existe une opportunité pour développer une nouvelle stratégie de sécurité pour le Sahel qui réponde mieux aux intérêts des pays de cette région, a conclu le délégué.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a estimé que le tableau régional du Sahel est désolant.  Les pays sont confrontés à des défis sans précédent avec une escalade de la violence, des besoins humanitaires croissants et des conditions proches de la famine.  Comme toujours, ce sont les gens ordinaires qui souffrent le plus, a déploré le représentant.  Il a fait part de sa détermination à aider les populations du Sahel et a rappelé que le Royaume-Uni a versé 355 millions de dollars à la région l’année passée.  Il a estimé que la volonté politique est fondamentale pour faire progresser une gouvernance responsable, l’état de droit et la justice.  Trois pays de la région étant actuellement en pleine transition politique, un engagement continu avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine (UA) est vital, a-t-il insisté.  Il a exhorté les autorités burkinabé, tchadiennes et maliennes à préparer les élections dans le cadre d’un dialogue ouvert avec la société civile, y compris les femmes et les jeunes. 

Par ailleurs, une lutte efficace contre le terrorisme et le respect des droits humains doivent aller main dans la main, a insisté le représentant.  Sinon, cela risque d’aggraver les griefs, de miner la confiance avec les communautés locales et de favoriser le recrutement par les groupes terroristes.  L’impact négatif des opérations du Groupe Wagner sur les civils au Mali et ailleurs sur le continent est bien établi aujourd’hui, a accusé le représentant.  C’est pourquoi le Groupe Wagner ne réussira pas au Mali, ni dans aucun autre pays de la région, a-t-il assuré. 

Le représentant a salué les efforts de l’ONU pour renforcer les capacités de la Force conjointe du G5 Sahel en matière de respect des droits humains.  Toutefois, il a demandé instamment à la Force de mettre en œuvre les mesures d’atténuation identifiées en matière de droits humains, comme condition du soutien de la MINUSMA.  Il a en outre dit attendre avec impatience les résultats de l’évaluation stratégique du Groupe indépendant de haut niveau sur le Sahel, ainsi que les discussions à venir sur l’Initiative d’Accra, qui aideront à identifier la meilleure façon de travailler pour soutenir la sécurité régionale. 

M. GENG SHUANG (Chine) a noté que les défis sécuritaires, de développement et humanitaires au Sahel sont de taille.  Il a insisté sur l’importance fondamentale du dialogue et de la coopération en respectant les préoccupations et les intérêts des uns et des autres.  Il faut œuvrer dans un esprit de solidarité et restaurer les opérations actuelles de la Force conjointe, a-t-il déclaré.  Il a appuyé l’évaluation conjointe de la situation par l’Union africaine et l’ONU. 

Le représentant a jugé nécessaire de consolider les bases de l’action de lutte contre le terrorisme, notant que les États du Sahel connaissent des difficultés.  La Force conjointe reste un acteur important dont il faut tenir compte et qu’il faut aider en raison des difficultés matérielles et financières auxquelles elle fait face, a-t-il ajouté, invitant les partenaires de la région et la MINUSMA à continuer de jouer leur rôle.  Il a, enfin, estimé que la communauté internationale doit revoir à la hausse l’aide au développement pour « venir à bout des conditions favorisant les forces terroristes et extrémistes ».  À ce titre, il a mentionné l’assistance apportée par la Chine aux pays de la région.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a estimé que le G5 Sahel s’est avéré être un mécanisme résilient.  Non seulement le G5 continue de fonctionner, mais il a également réussi à tenir son premier comité de défense et de sécurité depuis 2021.  La Force conjointe a en outre pu mener des opérations militaires, bien qu’elle ait dû faire face au transfert de son quartier général et à des ajustements après le départ du Mali et de l’opération Barkhane.  Le délégué a toutefois estimé que le G5 Sahel et la Force conjointe pourraient faire plus « si les bonnes circonstances politiques étaient en place ».  Selon lui, la réponse à ces problèmes dépend de la coopération continue entre les pays du Sahel, ainsi qu’avec les pays d’Afrique de l’Ouest, les organisations régionales et la communauté internationale.  Pour cette raison, il s’est dit encouragé par l’annonce, faite début juillet, d’un accord entre le Mali et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur un calendrier pour le retour à l’ordre constitutionnel et la tenue d’élections.  Ce sont là des signes que la diplomatie régionale et le dialogue peuvent aboutir à des résultats concrets. 

M. ARIAN SPASSE (Albanie) a dit être préoccupé par les changements anticonstitutionnels de gouvernement dans la région.  Au Burkina Faso, le deuxième coup d’état militaire de cette année n’a pas amélioré la situation, et les groupes armés continuent de gagner du terrain à travers le pays.  Le représentant a exhorté les autorités à développer une vision concrète pour améliorer la situation et combler les vides sécuritaires.  Au Tchad, la prolongation de la période de transition et l’escalade de la violence sont profondément préoccupantes.  Il a condamné le recours à la violence par les forces de sécurité contre les civils et les arrestations arbitraires de manifestants.  Le représentant a demandé que tous les abus et les violations fassent l’objet d’une enquête.  Le délégué a regretté la décision du Mali de se retirer du G5 Sahel à un moment où la coopération régionale pour lutter contre le terrorisme est plus que jamais nécessaire.  Selon lui, le Burkina Faso, le Tchad et le Mali doivent intensifier leurs efforts pour assurer le retour à l’ordre constitutionnel et à un gouvernement civil.

Le représentant a appelé les États de la région à intensifier leur collaboration dans le cadre de l’Initiative d’Accra, pour empêcher le débordement de violences et renforcer leur coopération transfrontalière.  La Force conjointe demeure une importante composante au niveau régional pour répondre au terrorisme et à l’extrémisme violent au Sahel et au-delà.  À cet égard, M. Spasse a demandé de respecter les droits humains et humanitaires pendant les opérations militaires.  Il a estimé qu’une approche multidimensionnelle est essentielle pour s’attaquer aux causes profondes des défis sécuritaires, avant d’appeler les membres du G5 Sahel à lutter contre l’insécurité et le terrorisme et à renforcer leur action collective.

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a déclaré qu’en dépit des défis complexes, la région du Sahel devrait être en mesure de surmonter ses difficultés et de bâtir un avenir plus stable et prospère, sa population comptant plus de 60% de jeunes, qui méritent d’avoir l’occasion de contribuer à l’édification de leurs sociétés.  Le rôle que joue le G5 Sahel et la Force conjointe est à améliorer, en persévérant dans les efforts diplomatiques déployés par les pays de la région.  La représentante a appuyé, d’autre part, le dialogue et la coopération entre la CEDEAO et l’Union africaine, mais surtout avec les pays concernés.  Sachant que les difficultés actuelles sont dues aux activités des groupes terroristes, le chemin à parcourir reste très long, a-t-elle reconnu.  Selon elle, le Groupe indépendant de haut niveau sur la sécurité et le développement au Sahel, sous la houlette de l’ancien Président du Niger, M. Mahamadou Issoufou, apportera des solutions efficaces à la résolution de la crise dans la région.  La déléguée a ensuite appelé à favoriser l’investissement dans le capital humain pour que les États du Sahel puissent fournir les services de base nécessaires, tout en veillant à donner aux femmes la possibilité de contribuer au développement politique et économique de la région.  Elle a aussi évoqué la concurrence autour des ressources naturelles limitées, avec le déclin, entre autres, du niveau des nappes phréatiques et de l’assèchement du Lac Tchad. 

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a indiqué que le terrorisme au Sahel et en Afrique de l’Ouest n’est plus un problème régional, mais plutôt une menace pour la sécurité mondiale, qui doit être traitée par des mesures antiterroristes efficaces à tous les niveaux.  Cependant, les efforts actuels ne permettent pas de lutter efficacement contre le terrorisme dans la région.  Le délégué a déploré le fait que le rythme opérationnel du G5 Sahel ait considérablement diminué à la suite du retrait du Mali de la Force conjointe en mai de cette année, et du départ des forces de sécurité internationales du Sahel.  Selon lui, une approche de tolérance zéro pourrait éliminer ce fléau dans la région et au-delà.  Il a souligné le rôle des initiatives de sécurité régionale, telles que la Force conjointe du G5 Sahel, et indiqué que la collaboration et la confiance entre les pays du G5 Sahel demeurent primordiales pour le succès des opérations de contre-terrorisme.  Pour le délégué, il est important que le maintien de la paix traditionnel soit complété par des opérations régionales de neutralisation de groupes et d’entités terroristes.  Il a appelé à fournir un soutien durable et prévisible à la Force conjointe, y compris par le biais des contributions mises en recouvrement par l’ONU.  Soulignant que la paix au Mali est une condition préalable à la paix au Sahel, il a défendu un processus appartenant au Mali et dirigé par le Mali.

Mme MONA JUUL (Norvège) a regretté que le manque de ressources ait entravé l’efficacité du G5 Sahel, avant de mentionner les conséquences du retrait du Mali et la présence du Groupe Wagner.  Elle a espéré que le G5 Sahel pourrait encore devenir un modèle de coopération régionale, à condition d’être doté des ressources politiques et financières suffisantes.  La protection des civils au Sahel, en particulier des enfants, doit être la priorité, a déclaré la déléguée.  Elle a appuyé le Groupe de haut niveau sur la sécurité et le développement au Sahel emmené par l’ancien Président du Niger, M. Mahamadou Issoufou.  Nous espérons que ce Groupe fera des propositions innovantes, pratiques et réalistes, a-t-elle dit.  « Le but n’est pas de réinventer la roue, ou d’introduire une nouvelle stratégie pour le Sahel, mais de faire fond sur ce qui existe déjà: le G5 Sahel, l’Initiative d’Accra, le Processus de Nouakchott ou encore les efforts de la CEDEAO. »

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), au nom des A3 (Gabon, Kenya et Ghana), a estimé que l’instabilité de la situation au Sahel, avec notamment le retrait de l’opération Barkhane du Mali, la fin de l’adhésion du Mali à la Force conjointe du G5 Sahel, ainsi que les attaques des groupes terroristes, continuent d’avoir un impact sur les opérations de la Force.  Toutefois, le représentant a estimé que la Force conjointe peut continuer à être un acteur important dans le Sahel et a encouragé le Mali à réintégrer l’organisation.  Au-delà, le financement et les autres formes d’assistance logistique de la communauté internationale et des partenaires donateurs continuent d’être nécessaires.  Pour les A3, le Conseil de sécurité devrait garantir que la Force dispose de ressources suffisantes et la création d’un bureau d’appui des Nations Unies pour aider la Force est essentielle à la réalisation d’une paix durable au Sahel.  La Commission de consolidation de la paix peut, quant à elle, faire la différence pour soutenir la mise en œuvre de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel.  Il est important de voir comment l’aide de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) aux activités de la Force conjointe du G5 Sahel peut être recalibrée. 

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