Libye: le Chef de la MANUL demande au Conseil de sécurité de faire pression sur les « obstructionnistes » qui bloquent la tenue d’élections
Intervenant de nouveau devant le Conseil de sécurité trois semaines seulement après son tout premier exposé, le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, M. Abdoulaye Bathily, a présenté aujourd’hui ses activités les plus récentes à l’occasion d’une séance demandée par la Fédération de Russie dont l’opportunité a été mise en doute par plusieurs autres membres, de même que par le représentant libyen. Le Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) a demandé au Conseil d’adresser un message clair aux « obstructionnistes » qui bloquent le processus de tenue des élections en Libye.
M. Bathily a justifié sa demande par le fait qu’il existe, selon lui, un « large consensus » parmi les acteurs libyens, régionaux et internationaux qu’il a rencontrés depuis sa prise de fonctions mi-octobre, y compris les membres du Conseil présidentiel, ceux du Haut Conseil d’État et d’autres acteurs clefs dans les domaines politique, économique et de la sécurité libyens, ainsi que de hauts responsables de la Ligue des États arabes. Pour lui, les institutions libyennes sont confrontées à des défis, en particulier les entraves posées par certains acteurs institutionnels pour bloquer les progrès vers les élections. Celles-ci, prévues initialement le 24 décembre 2021, ont été reportées sine die au dernier moment, faute de base constitutionnelle.
Or, prolonger davantage la période intérimaire rendra le pays encore plus vulnérable à l’instabilité politique, économique et sécuritaire, et pourrait l’exposer à un risque de partition, a mis en garde le Représentant spécial. Dans ce contexte, il a appelé la communauté internationale, et en particulier le Conseil de sécurité, à parler d’une seule voix en envoyant un message clair et sans équivoque aux obstructionnistes, à savoir que leurs actions ne resteront pas sans conséquences.
Plusieurs membres du Conseil sont convenus avec le Représentant spécial de la nécessité d’organiser des élections au plus vite. C’est un impératif urgent, a ainsi souligné l’Inde. De ce fait, les parties libyennes ont été invitées à parvenir rapidement à un accord sur un cadre constitutionnel favorisant la tenue d’élections législatives et présidentielles libres, équitables et inclusives afin de mettre fin à cette longue période de transition, former un gouvernement libyen unifié et ramener le pays sur la voie de la stabilité. Les acteurs qui font obstacle doivent être tenus responsables, ont plaidé plusieurs délégations, dont l’Irlande, la Norvège, l’Albanie, la France ou les États-Unis
Plusieurs membres ont dénoncé les « agissements » d’acteurs internationaux qui utilisent des alliances opportunistes avec certains acteurs nationaux pour promouvoir leurs intérêts géostratégiques. La Fédération de Russie a condamné la politique « irréfléchie » des pays occidentaux, accusés de vouloir convertir la Libye en une station de pompage d’hydrocarbures, y voyant la cause principale de la crise en Libye. Chine, Brésil ou encore Mexique ont également dénoncé la présence sur le sol libyen de milices et combattants étrangers. Leur présence continue est en violation directe des résolutions du Conseil de sécurité, a notamment fait observer le Ghana au nom des A3, qui exigent leur retrait immédiat. La Fédération de Russie aussi s’est dite favorable au retrait des forces étrangères, mais en préconisant un « départ progressif et équilibré ».
C’est aussi ce qu’a demandé le représentant libyen, qui a estimé que les élections ne constituaient pas une solution en soi, mais un moyen pour en trouver une, laquelle passera par quatre éléments: la fin des interventions étrangères dans les affaires intérieures du pays; la fin de toute présence étrangère; un soutien aux efforts nationaux pour sortir du cycle actuel et parvenir à une réconciliation réelle et globale; et la non-répétition des erreurs du passé.
Les élections ne pouvant être réalisées que sur une base constitutionnelle solide, il faut appuyer un consensus entre les parties, ont convenu les A3 ou encore le Mexique, pour qui il faut encourager la poursuite du dialogue entre l’ensemble des composantes de la société libyenne, les aider à se coordonner afin de parvenir à lever tous les obstacles à la tenue d’élections libres.
« Les Libyens sont las de toutes ces réunions et déclarations sans résultat », a en outre déclaré le représentant libyen. S’il s’est félicité des différentes visites du Représentant spécial pour nouer un dialogue avec différentes parties dans le pays et s’il a émis le vœu que M. Bathily agisse promptement pour faciliter une sortie de l’impasse politique et parvenir à assurer la stabilité, il a aussi fait observer que trois semaines seulement s’étaient écoulées depuis le dernier examen de la situation en Libye par le Conseil de sécurité, sans compter la séance d’information tenue entre-temps avec le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI).
L’utilité de la séance a du reste été contestée par plusieurs membres du Conseil, d’autant que la résolution 2656 (2022) adoptée le 28 octobre a modifié la fréquence des rapports demandés au Secrétaire général, passée de 30 à 60 jours. Le Brésil a noté que la multiplication des séances sur un même sujet n’était pas forcément utile. Quant aux A3, qui avaient réclamé pendant des mois la nomination d’un Africain à la tête de la MANUL, ils ont estimé qu’il serait plus judicieux de laisser suffisamment d’espace au Représentant spécial pour qu’il s’engage en profondeur dans le processus de paix et facilite une sortie de l’impasse politique.
LA SITUATION EN LIBYE
Déclarations
M. ABDOULAYE BATHILY, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), a indiqué qu’il avait, depuis son dernier exposé au Conseil de sécurité le 24 octobre, poursuivi les consultations qu’il avait entamées dès son arrivée à Tripoli mi-octobre, avec les parties prenantes libyennes de toutes les régions du pays. Il s’est ainsi entretenu à plusieurs reprises, avec des membres du Conseil présidentiel, du Haut Conseil d’État et d’autres acteurs clefs dans les domaines politique, économique et de la sécurité. Il leur a rappelé leur responsabilité morale et politique de travailler activement pour amener le pays au retour à la paix et à la stabilité. Il les a encouragés au dialogue afin d’envoyer un message clair à la population libyenne et à la communauté internationale quant à leur volonté de résoudre leurs différends. Il a précisé que l’ONU et la MANUL étaient prêtes à offrir leurs bons offices et soutenir activement leurs réunions.
M. Bathily a aussi indiqué avoir, toujours depuis son dernier exposé, commencé à dialoguer avec des représentants de la communauté internationale, pour entendre leurs points de vue et leurs préoccupations sur la voie à suivre en Libye. À Tripoli, il a consulté un large éventail de représentants régionaux et internationaux pour échanger des points de vue. En marge du Sommet de la Ligue des États arabes qui s’est tenu à Alger du 31 octobre au 1er novembre, il a eu l’occasion de rencontrer plusieurs hauts responsables. Dans son document final, le Sommet a appelé à mettre fin à la crise libyenne grâce à une solution dirigée par la Libye qui réalise dès que possible l’aspiration populaire à des élections. Au cours des prochains jours, j’ai l’intention d’enchaîner avec des visites à certains des principaux acteurs externes, a-t-il dit.
De toutes ces rencontres, M. Bathily a dit avoir perçu un large consensus sur le fait que les institutions libyennes sont confrontées à une grave crise de légitimité et que la restauration de cette légitimité à tous les niveaux est d’une importance capitale. Il existe également un consensus autour de la nécessité de coordonner les initiatives diplomatiques bilatérales et multilatérales et de se rallier aux efforts de l’ONU. De plus, l’aspiration populaire à la paix, à la stabilité et aux institutions légitimes ressort clairement, autant qu’il est de plus en plus reconnu que certains acteurs institutionnels entravent activement les progrès vers les élections.
Or, prolonger davantage la période intérimaire rendra le pays encore plus vulnérable à l’instabilité politique, économique et sécuritaire, et pourrait exposer le pays à un risque de partition, a mis en garde le Représentant spécial. Il a donc appelé à unir les efforts pour encourager les dirigeants libyens à œuvrer résolument à la tenue d’élections dans les plus brefs délais. J’exhorte ce Conseil de sécurité à envoyer un message sans équivoque aux obstructionnistes que leurs actions ne resteront pas sans conséquences, a-t-il ajouté.
Sur un autre plan, le Représentant spécial a signalé certains progrès sur la voie de la sécurité, avec la remise sur les rails de la Commission militaire conjointe 5+5. Cette dernière, qui a tenu sa première réunion conjointe depuis de nombreux mois, a convenu de créer un sous-comité pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration des groupes armés, qui devrait se concentrer sur la cartographie et la classification des groupes armés en Libye, en tant que pré-étape de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR). Par ailleurs, le cessez-le-feu continue de tenir, malgré l’utilisation continue de la rhétorique de l’escalade et le renforcement des forces des deux côtés.
Pour autant, M. Bathily s’est dit préoccupé par l’absence de progrès dans la mise en œuvre du plan d’action de la Commission militaire conjointe 5+5 sur le retrait des mercenaires, des combattants étrangers et des forces étrangères. Il est nécessaire que les parties libyennes se concentrent à nouveau sur le lancement du processus de retrait, conformément au plan d’action.
M. Bathily a indiqué que dans les prochaines semaines et prochains mois, la MANUL s’efforcera de faciliter le dialogue entre les principaux acteurs institutionnels libyens afin de surmonter leurs divergences et d’avancer vers l’organisation d’élections libres et équitables. L’appui et les pressions du Conseil en particulier, et de la communauté internationale dans son ensemble, parlant d’une seule voix, sous la coordination de l’ONU, donneront probablement des résultats positifs, a-t-il espéré.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a assuré le Représentant spécial de l’appui de son pays à ses efforts de médiation. Il a constaté que la situation est tendue en Libye et qu’il n’y existe aucune perspective d’unification des institutions de l’État ou d’amélioration de la sécurité. L’objectif prioritaire pour la Libye doit être la préservation du régime de cessez-le-feu et la recherche d’un compromis entre les différentes forces libyennes présentes sur l’échiquier politique. Le représentant a appelé les dirigeants à la retenue et à éviter l’escalade. Il a préconisé un départ progressif et équilibré des forces étrangères. La communauté internationale devrait quant à elle aider les libyens à se coordonner et la MANUL à s’acquitter correctement de son mandat.
La principale cause de cette crise, a affirmé M. Polyanskiy, est la politique irréfléchie des pays occidentaux, qui se servent de la situation en Libye pour leurs propres intérêts. Le représentant a évoqué à cet égard l’appétit des occidentaux pour les hydrocarbures libyens, dont le coût est plus bas que d’autres pays producteurs. Pour lui, il n’est guère surprenant que l’on veuille convertir la Libye en une station de pompage, ce que l’on a vu dès 2011 lorsque les Occidentaux ont traité ce pays au prisme de leur désir. Il n’a pas exclu qu’il existe également des accords secrets avec des pays tiers pour profiter de la manne pétrolière, « l’essentiel étant de chasser la Russie » des marchés mondiaux. Il a rappelé que la compagnie pétrolière libyenne estimait la production nationale à 1,2 million de barils par jour, et qu’elle avait l’intention de porter ce chiffre à 2 millions. Il a ajouté que l’instabilité politique était entretenue volontairement et que les principaux protagonistes politiques libyens étaient dressés les uns contre les autres par des acteurs étrangers.
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a réitéré son soutien aux efforts du Représentant du Secrétaire général afin de revigorer le processus politique libyen. « La stabilité en Libye ne peut être atteinte qu’au travers d’un processus facilité par les Nations Unies, dirigé et piloté par les Libyens », a-t-elle déclarée. La représentante s’est par ailleurs inquiétée des rapports indiquant que des groupes armés ont empêché le Haut Conseil d’État libyen de se réunir hier, jugeant cette obstruction « inacceptable ».
Mme MONA JUUL (Norvège) a jugé crucial que les parties parviennent à un accord dès que possible sur un cadre constitutionnel favorisant la tenue d’élections libres et équitables. « Réaliser la volonté du peuple libyen est plus important que de s’assurer des positions et des privilèges personnels », a-t-elle noté. Elle a réitéré sa profonde préoccupation face à la détérioration des droits humains en Libye, estimant que les représentants de la société civile et les défenseurs des droits doivent être protégés. De même, les rapports faisant état de violations du droit international, y compris de violences sexuelles, de détentions arbitraires, de torture et d’enlèvements, sont inquiétants. Dans ce contexte, la représentante a exhorté tous les acteurs à s’engager de manière constructive dans le processus politique avec le Représentant spécial du Secrétaire général.
M. FERGAL MYTHEN (Irlande) a renouvelé ses appels aux dirigeants libyens pour qu’ils se réunissent et conviennent d’une base constitutionnelle pour la tenue d’élections libres, équitables et inclusives et ce, dès que possible. L’objectif ultime devrait être la mise en place d’un gouvernement libyen unifié, qui serve tous les Libyens et mette fin à cette longue période de transition. À cet égard, le représentant s’est dit encouragé par l’engagement du Représentant spécial en faveur d’une approche inclusive.
M. Mythen s’est aussi félicité de l’adoption le mois dernier, à l’unanimité, de la résolution prolongeant d’un an le mandat de la MANUL. Selon lui, il s’agissait d’une étape cruciale pour permettre au Représentant spécial de remplir son mandat avec prévisibilité et stabilité.
Le représentant a déclaré que les Libyens méritent le soutien collectif des membres du Conseil de sécurité et de la communauté internationale dans son ensemble. Il a encouragé tous les acteurs à user de leur influence et de leurs bons offices pour éviter une aggravation des tensions entre les parties libyennes et pour donner la priorité aux Libyens. La nomination du Représentant spécial Bathily, associée à l’importante reconduction du mandat de la MANUL, devrait nous donner l’occasion et l’élan nécessaires pour y parvenir, a-t-il conclu.
M. RICHARD M. MILLS (États-Unis) a appelé les dirigeants libyens à participer à un processus menant à des élections libres et équitables. Il s’est félicité des progrès qui continuent d’être enregistrés dans l’application du cessez-le-feu de 2020, regrettant néanmoins la résurgence des violences. Il a également apporté son soutien à la mise en place d’un mécanisme permettant de suivre les dépenses du Gouvernement libyen, estimant qu’il serait dans l’intérêt de tous les Libyens. Le représentant a, enfin, condamné les propos du représentant russe.
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a estimé que la multiplication des séances du Conseil de sécurité sur un sujet donné n’était pas forcément utile, pour ajouter aussitôt qu’il importait que le Conseil poursuive de très près l’examen de la situation en Libye, compte tenu en particulier des événements survenus la veille. Il ne faudrait pas non plus négliger d’autres dossiers nécessitant l’attention du Conseil. Le représentant a rappelé le rôle fondamental que la Commission de consolidation de la paix serait susceptible de jouer et a préconisé une démarche stratégique et coordonnée prenant en considération les aspirations de tous les Libyens, mais aussi la situation au niveau régional, y compris au Sahel.
Cependant, le comportement des acteurs internationaux n’est pas à la hauteur des responsabilités, a déploré M. de Almeida Filho, en citant les « agissements étrangers » en Libye. Cela vaut particulièrement pour l’impasse politique, qui exige un accord autour d’un calendrier précis pour la tenue d’élections et un dialogue exempt d’influence étrangère, a ajouté le représentant. Il s’est aussi fait l’écho des préoccupations relatives à l’efficacité de l’embargo sur les armes et au gel des avoirs à l’étranger qui, selon le Brésil, va tout à fait à l’encontre des intérêts libyens. Il a conclu en mettant l’accent sur l’appropriation libyenne.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a rappelé que le principal objectif de la France pour la Libye est la formation d’un gouvernement unifié, à même d’organiser des élections présidentielles et législatives sur l’ensemble du territoire. « Les Libyens ont le droit à la sécurité et à leur souveraineté », a-t-il noté, en ajoutant que l’accord de cessez-le-feu doit être appliqué dans son intégralité. La France continuera à appuyer le dialogue entre les acteurs sécuritaires de l’Est et de l’Ouest du pays en vue de former une armée libyenne unifiée, et d’exiger le respect de l’embargo sur les armes ainsi que le retrait des forces et des combattants étrangers du territoire libyen. Face aux divisions entretenues par les ingérences étrangères, une nouvelle feuille de route politique crédible devant mener à la tenue d’élections présidentielle et parlementaires est primordiale, a estimé le représentant. Il a appelé à une redistribution équitable et transparente des revenus, au profit de la population. De même, l’impunité des trafiquants d’êtres humains et des miliciens doit cesser, a encore dit M. de Rivière, en appelant à une coopération accrue entre les autorités libyennes et la Cour pénale internationale (CPI).
M. FERIT HOXHA (Albanie) s’est dit préoccupé par la polarisation des acteurs libyens. Il a appelé les parties à faire preuve de retenue et s’engager en faveur de la médiation sous l’égide de l’ONU. « Il est temps de rétablir la légitimité démocratique par le biais d’élections », a-t-il affirmé. Le représentant a estimé que les acteurs qui font obstacle au processus politique doivent en être tenus responsables. Il a également appelé au retrait des forces étrangères et des mercenaires présents dans le pays. Il a, enfin, regretté les campagnes de harcèlement contre la société civile.
M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) s’est inquiété de l’absence d’accord entre les parties sur la base constitutionnelle de l’organisation d’élections, mettant en garde contre le danger que représente une telle situation pour les acquis réalisés en Libye depuis 2020. « La tenue, le plus vite possible, d’élections libres, justes et inclusives est un impératif urgent », a estimé le représentant. Il a également dénoncé dans la présence de combattants étrangers une violation des résolutions du Conseil de sécurité et de l’accord de cessez-le-feu de 2020. Il a pris note de l’accord militaire signé par la Türkiye et demandé au Représentant spécial de déterminer si cet accord viole la résolution du Conseil de sécurité. Il a par ailleurs appelé la communauté internationale à faire face au terrorisme international en provenance de Libye, soulignant ses effets dans la région du Sahel.
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a appuyé le mandat du Représentant spécial ainsi que de la MANUL pour parvenir à une paix durable en Libye. Il a encouragé à une démarche unifiée de la communauté internationale qui devrait sérieusement envisager de revisiter les acquis antérieurs, notamment ceux de la Conférence de Berlin. Cela signifie que le Conseil doive discuter de ce dossier au même titre que des questions abordées dans la résolution 2656 (2022) pour que le Secrétaire général puisse pleinement exercer ses bons offices. Au sujet de la tenue potentielle des élections législatives et présidentielle, il s’est félicité des efforts récents du Représentant spécial ayant abouti à la réunion de la Commission militaire conjointe 5+5 à Syrte. Il a toutefois souhaité que des mesures concrètes soient prises en vue d’assurer le retrait des forces et des combattants étrangers du territoire libyen, de manière à prévenir une résurgence des hostilités armées.
M. XING JISHENG (Chine) a déclaré qu’alors que la situation sécuritaire reste préoccupante en Libye, toutes les parties doivent se garder de toute escalade et maintenir le cessez-le-feu. La Commission militaire conjointe 5+5 joue un rôle central en la matière. Il a ensuite relevé le consensus autour du fait que la transition doit s’achever le plus rapidement possible. Nous espérons, a-t-il dit, que la volonté des acteurs politiques libyens se transformera en actions concrètes, notamment pour la tenue d’élections le plus rapidement possible. Le représentant a également dit appuyer le travail des organisations sous-régionales pour sortir la Libye de sa crise. L’ingérence extérieure dans les affaires de la Libye doit cesser et les mercenaires être rapatriés afin de laisser les Libyens trouver des solutions intralibyennes, a-t-il plaidé.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a estimé que, compte tenu de l’absence de progrès sur les questions en suspens en Libye, notamment le report des élections, le Conseil de sécurité doit réexaminer les moyens de contribuer à la pacification du pays. Malgré le vaste éventail de mesures mises en place par le Conseil, y compris des sanctions, un embargo sur les armes, des autorisations pour lutter contre le trafic de migrants et les transferts illicites d’armes, les armes et les combattants étrangers continuent d’alimenter la violence, s’est alarmé le représentant. Des responsables de l’obstruction du processus politique ont en outre réussi à consolider leurs positions au point de devenir des interlocuteurs validés par la communauté internationale, a-t-il constaté à regret. « Nous sommes ainsi pris dans un paradoxe: pour sortir de l’impasse politique actuelle, nous dépendons, dans une large mesure, de la volonté des acteurs qui bénéficient le plus du statu quo », a-t-il relevé. Le délégué a dénoncé l’ingérence de certains pays dans les affaires libyennes, qui utilisent des alliances opportunistes avec certains acteurs politiques nationaux pour promouvoir leurs intérêts géostratégiques, accentuant d’autant la fragmentation du pays. Pour mettre un terme à cette situation, M. de la Fuente Ramírez a appelé à conclure des accords permettant la tenue d’élections dans les meilleurs délais, avec la participation de l’ensemble des composantes de la société libyenne.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), s’exprimant au nom des A3 (Gabon, Kenya et Ghana), a déclaré continuer de croire qu’il serait plus judicieux de laisser suffisamment d’espace au Représentant spécial pour s’engager en profondeur dans le processus de paix, dans ce contexte où le Conseil de sécurité s’est déjà réuni sur la situation en Libye le 24 octobre dernier. Une séance d’information sur le processus qu’il aura mené aiderait par la suite à tenir des discussions plus percutantes sur le dossier, a ajouté le représentant.
M. Agyeman a aussi indiqué que les A3 sont préoccupés par les flambées récurrentes de violence entre les groupes armés rivaux à Tripoli et dans les environs, qui continuent de faire des morts et de nombreux blessés. Selon eux, les forces et combattants étrangers ainsi que les mercenaires en Libye sont des contributeurs clefs à l’affrontement entre les milices armées. Leur présence continue en Libye est en violation directe des résolutions du Conseil de sécurité, y compris la résolution 2656 (2022). Par conséquent, les A3 exigent leur retrait immédiat.
Par ailleurs, les A3 soutiennent la mise en œuvre intégrale de l’accord de cessez-le-feu et du plan d’action de la Commission militaire conjointe 5+5. Ils encouragent aussi la poursuite du dialogue pour aider à lever tous les obstacles à la tenue d’élections libres, justes et transparentes, comme le souhaitent les Libyens, afin d’avoir un gouvernement unifié crédible, dûment élu par le peuple. De telles élections ne peuvent être réalisées que sur une base constitutionnelle solide. Les A3 exhortent donc l’ONU, et d’autres partenaires internationaux par l’intermédiaire de l’ONU, à apporter leur soutien technique à l’élaboration du cadre constitutionnel.
Sur un autre plan, les A3 encouragent des efforts similaires dans le développement économique de la Libye à travers la réunification des institutions économiques. À cet égard, ils demandent qu’une plus grande attention soit accordée à la protection du secteur pétrolier, en tant que pilier économique de la Libye, contre toute ingérence politique et étrangère indue.
Enfin, alors que l’on assiste à une augmentation constante du nombre de migrants africains confrontés à des atrocités indicibles tout en traversant la Méditerranée vers l’Europe, les A3 réitèrent leur demande visant à ce que les réfugiés, les migrants et les demandeurs d’asile soient traités avec dignité en tant qu’exigence fondamentale du droit international et conformément aux appels dans toutes les autres situations de conflit dans le monde, a conclu le représentant.
M. TAHER M. T. ELSONNI (Libye) s’est félicité des différentes visites du Représentant spécial pour nouer un dialogue avec différentes parties dans le pays. Il a néanmoins fait remarquer que trois semaines seulement se sont écoulées depuis que le Conseil a examiné la situation en Libye et, qu’il y a eu voilà seulement quelques jours, une séance d’information avec le Procureur de la Cour pénale internationale. Depuis, a-t-il déclaré, il n’y a pas grand-chose de nouveau qui soit digne d’être mentionné.
Les Libyens sont las de toutes ces réunions et déclarations sans résultat, que d’aucuns décrivent comme des bulletins d’information lesquels, au lieu de rapprocher d’une solution viable, n’arrivent toujours pas à identifier la situation, a poursuivi le représentant. Il a émis le vœu que le Représentant spécial agisse promptement pour faciliter une sortie de l’impasse politique et parvenir à assurer la stabilité. Pour le représentant libyen, la solution en Libye nécessite d’agir sur les quatre éléments suivants: mettre fin aux interventions étrangères, certains États imposant des solutions taillées à leur guise et sur mesure pour eux; faire cesser toute présence étrangère, y compris celle des milices hors-la-loi, le monopole des armes devant exclusivement revenir à l’État; soutenir les efforts nationaux pour sortir du cycle actuel et parvenir à une réconciliation réelle et globale après avoir rétabli la confiance entre toutes les composantes libyennes; et ne pas répéter les erreurs du passé en espérant un résultat différent. Pour le représentant, les élections ne sont pas une solution en soi mais un moyen d’y parvenir. Il faut donc obtenir et appuyer un consensus sur une base constitutionnelle pour la loi électorale et organiser ensuite les élections générales, le plus tôt possible. Il n’existe aucune solution militaire à la crise libyenne et tout devra passer par le soutien aux décisions des Libyens, a conclu le représentant.