Conseil de sécurité:la lutte contre le terrorisme en Afrique passe par la responsabilité des États et l’appui de la communauté internationale
À l’initiative de sa présidence ghanéenne, le Conseil de sécurité a tenu, ce matin, un débat de haut niveau sur le thème de « la lutte contre le terrorisme en Afrique: un impératif pour la paix, la sécurité et le développement », au cours duquel ont été soulignées la responsabilité des États dans la lutte et la prévention du terrorisme, mais aussi la nécessité d’un soutien international à cet effet.
Ce débat de haut niveau limité aux États membres du Conseil et aux intervenants extérieurs –le Secrétaire général représenté par la Vice-Secrétaire générale, le Président de la Commission de l’Union africaine, une représentante de l’Union européenne et la Directrice de l’ONG International Crisis Group– devait amener les participants à examiner comment les missions de paix des Nations Unies en Afrique peuvent mieux appuyer les actions régionales visant à lutter contre le terrorisme; comment l’ONU peut aider les États Membres à renforcer leur résilience afin de freiner la propagation du terrorisme et de l’extrémisme violent dans la région du Sahel et les zones côtières d’Afrique de l’Ouest; et à quel mécanisme de financement durable il serait possible de faire appel pour soutenir le renforcement de la résilience face au terrorisme dans ces mêmes régions.
Les intervenants sont tombés d’accord pour reconnaître la menace représentée par ce « monstre de notre temps et sans patrie », constitué par le terrorisme et l’extrémisme violent. En Afrique, le terrorisme n’épargne aucune région: du Sahel au bassin du lac Tchad, en passant par le nord-est du Nigéria, le golfe de Guinée, l’est de la République démocratique du Congo, le nord du Mozambique ou la Somalie, il aggrave l’instabilité et peut plonger un pays sortant d’un conflit dans de nouvelles guerres.
Tous les orateurs ont noté que les réponses purement militaires et policières avaient non seulement montré leurs limites, mais parfois été contre-productives et que des approches transversales devaient être privilégiées, en repensant toutes les approches dans la lutte contre le terrorisme. Sur la base des expériences, la prévention demeure la meilleure réponse au terrorisme, à l’extrémisme violent et autres menaces à la paix et à la sécurité, a-t-il été observé, et ce, dans un contexte où l’on ne fait pas assez pour répondre aux griefs enracinés et croissants d’exclusion politique et économique sur une base ethnique ou religieuse.
Pour ce faire, l’approche consistant à mettre en évidence le lien entre la paix, la bonne gouvernance et le développement est apparue comme la plus appropriée pour briser l’insécurité cyclique. Il faut pour cela renforcer la résilience, promouvoir des valeurs démocratiques, le développement et l’accès aux services publics afin de lutter contre les fragilités et les revendications militarisées.
L’appui international, y compris celui du Conseil de sécurité, doit se concentrer sur la promotion d’une gouvernance inclusive, le renforcement de l’autorité de l’État pour répondre aux attentes des populations et aux messages de haine des extrémistes, ont plaidé plusieurs intervenants, dont le Secrétaire général, le Président du Ghana Nana Akufo-Addo, les ministres intervenants du Gabon et des Émirats arabes unis, et les représentants du Kenya, du Mexique ou de l’Inde. Les Nations Unies doivent également fournir un appui militaire et financier pour renforcer les capacités des États, mais aussi des opérations de paix de l’ONU en Afrique, qui ont déjà montré une efficacité comme la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), devenue l’ATMIS (Mission de transition de l’Union africaine en Somalie), dont l’aide à l’ensemble des pays de la Corne de l’Afrique a contribué à l’affaiblissement des capacités des Chabab.
Certains pays, comme la Norvège, ont estimé que la responsabilité première de la lutte contre le terrorisme incombe en premier aux autorités nationales et ont rappelé que ce n’est pas le rôle des opérations de paix des Nations Unies de lutter contre le terrorisme. Mais si, comme l’a dit l’Inde, ce sont les solutions locales de l’Afrique, dirigées par les pays africains au fait des problèmes, qui réussissent le mieux, la communauté internationale devrait apporter un soutien financier et logistique durable et adéquat à ces initiatives de sécurité régionale. Ainsi, la France et la Chine ont appelé le Conseil de sécurité à mieux répondre aux besoins de sécurité de l’Afrique par des « financements forts » venant en appui aux multiples initiatives régionales de lutte contre le terrorisme, comme le G5 Sahel, l’Initiative d’Accra, la Force multinationale mixte dirigée contre le groupe terroriste Boko Haram ou encore la Force régionale dans l’est de la République démocratique du Congo. La France a ainsi estimé qu’il est temps pour le Conseil de reprendre, et au plus vite, les discussions visant à mettre en place un financement durable et prévisible des opérations africaines de paix.
C’est qu’aujourd’hui l’Afrique est « lasse » d’entendre des promesses et de ne recueillir que les déceptions, a lancé le Président de la Commission de l’Union africaine, M. Moussa Faki Mahamat, pour qui la solidarité internationale doit comprendre que vaincre le terrorisme en Afrique est nécessaire pour couper ses chances de métastase ailleurs.
L’Union européenne a rappelé qu’elle était présente en Afrique à la fois par des missions civiles qui, au Niger, au Mali, en Somalie, aux frontières en Libye et en République centrafricaine, incluent un mandat antiterroriste, mais aussi par son soutien financier à l’Union africaine –600 millions d’euros- pour l’aider à construire la paix et renforcer la sécurité sur le continent, sans oublier quelque 500 millions d’euros visant à soutenir des projets connexes sur l’ensemble du continent africain, qui renforcent à la fois les autorités locales, les communautés locales et les acteurs de la société civile. Les États-Unis ont, quant à eux, dit attendre de leurs partenaires africains qu’ils leur fassent part de leurs besoins et de leurs priorités, afin de les aider à trouver des solutions locales et pérennes .
La séance n’est pas allée sans une passe d’armes entre Fédération de Russie et occidentaux. La première a imputé la propagation des activités terroristes en Afrique au chaos provoqué par les ingérences étrangères « comme on l’a vu en Libye » ou au pillage des ressources, autrefois par les puissances coloniales, aujourd’hui par les entreprises occidentales. La France et le Royaume-Uni ont répondu en faisant allusion au rôle jugé déstabilisateur du groupe russe Wagner, devenu un moteur de conflit dans les pays où il opère.
MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Déclarations
Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, a lu une déclaration du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, dans laquelle il souligne combien les groupes terroristes et extrémistes violents aggravent l’instabilité et la souffrance humaine et peuvent plonger un pays sortant d’un conflit dans de nouvelles guerres. Les dérèglements climatiques aggravent ces situations, induisant des tensions intercommunautaires et une insécurité alimentaire exploitées par les terroristes et autres groupes criminels, a encore estimé le Secrétaire général, qui a ajouté que les outils numériques de communication répandent la haine et la désinformation plus facilement que jamais ou encore que, dans de nombreux cas, il devient difficile de distinguer terroristes, groupes armés non étatiques et réseaux criminels.
M. Guterres a ensuite noté que la lutte contre le terrorisme en Afrique qui, dans un monde ultra-connecté, ne concerne pas que ce continent. Notant d’abord que la prévention demeure la meilleure réponse au terrorisme, à l’extrémisme violent et autres menaces à la paix et à la sécurité, et que les réponses purement militaires et policières ont non seulement montré leurs limites mais ont été parfois contre-productives, il a plaidé pour des approches transversales à toutes les entités onusiennes s’attaquant aux causes profondes de ces fléaux. À cet égard, après avoir rappelé qu’il ne peut y avoir de développement durable sans paix, il a souligné le lien entre la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
Relevant ensuite les liens complexes entre terrorisme, patriarcat et violence sexiste, le Secrétaire général de l’ONU a estimé que les politiques de lutte contre le terrorisme sont renforcées par la participation accrue et le leadership des femmes et les filles. Pour être efficaces, les politiques antiterroristes, comme toutes les politiques, doivent défendre l’état de droit et respecter le droit international, y compris le droit des droits humains, a encore insisté M. Guterres, dont l’appel à l’action en faveur des droits humains place justement les droits humains au cœur des actions du système des Nations Unies, de l’action humanitaire à la paix et à la sécurité en passant par le développement durable.
D’autre part, comme les défis posés par les groupes terroristes et extrémistes violents ne peuvent être relevés que par des approches adaptées aux contextes locaux, le Secrétaire général appelle la communauté internationale à appuyer pleinement les accords régionaux en vigueur, le Groupe de travail technique ONU-UA sur la prévention de l’extrémisme violent et la lutte contre le terrorisme ayant, par exemple, pour but de renforcer l’action commune des deux Organisations au plan local. Il a rappelé le besoin de « financements forts » pour aider l’Afrique à lutter contre le terrorisme.
Enfin, M. Guterres a souhaité que le Sommet sur la lutte contre le terrorisme en Afrique, qui se tiendra au Nigéria en 2023, soit l’occasion d’examiner les moyens pour renforcer l’appui des Nations Unies aux efforts de lutte contre le terrorisme dans tout le continent.
M. MOUSSA FAKI MAHAMAT, Président de la Commission de l’Union africaine, a déclaré que, du Mali au Mozambique, de la Somalie au golfe de Guinée, de la Libye à l’Est de la RDC en passant par le bassin du lac Tchad, les thématiques de paix et de la sécurité tourmentent, agitent et mobilisent les esprits et les attentions de l’Afrique. Et, d’observer que même l’Europe, que l’on croyait définitivement immunisée par ses expériences malheureuses et par sa prospérité pérenne, replonge dans une guerre ravageuse, celle entre la Fédération de Russie et l’Ukraine, dont les conséquences risquent de plonger l’humanité dans une nouvelle tragédie planétaire.
Il a noté qu’en Afrique, le terrorisme et le recours de plus en plus fréquent à la violence comme moyens de conquête du pouvoir et de sauvegarde de celui-ci, fragmentent les sociétés et occasionnent, chaque jour, des dizaines de morts et des dégâts physiques et psychologiques importants, avec des conséquences incalculables sur la santé, l’éducation et l’alimentation des populations. En conséquence, le Président de la Commission de l’Union africaine a prié le Conseil de se pencher « avec plus de conviction et de poigne », sur les violences indicibles qui accablent la planète et sur les misères poignantes qu’elles génèrent; avant d’attribuer la naissance et la propagation de ce « monstre de notre temps: le terrorisme » à l’échec de nos systèmes et à la vanité de nos grilles de valeurs.
M. Mahamat s’est ensuite interrogé sur ce qu’il faut faire, constatant que l’Afrique était lasse d’entendre des promesses et de ne recueillir que les déceptions. Face au terrorisme dont on connaît l’ampleur des ravages sur le continent, l’Afrique méritait, elle aussi, de bénéficier de la même prompte sollicitude manifestée par ses partenaires en d’autres lieux et en d’autres circonstances, a lancé M. Mahamat, en énumérant les initiatives prises par le continent pour contrer le phénomène, à commencer par celle d’Accra, mais également la constitution de la Force conjointe du G5 Sahel, celle de la Force mixte multinationale au lac Tchad et, plus récemment, la mise en place d’une force régionale dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).
Le Président de la Commission de l’Union africaine a ensuite mis l’accent sur le besoin impérieux de solidarité et surtout de ressources financières pérennes et de soutien technique et logistique pour soutenir, de façon durable, les efforts de résistance au terrorisme propre à l’Afrique, en prévenant que ces derniers temps étaient apparues des « réponses dangereuses », sous la forme de changements non constitutionnels qui conduisent à des pratiques et à des modèles de gouvernance fortement préjudiciables à la santé des États déjà fragilisés par de nombreux autres facteurs exogènes et endogènes négatifs. M. Mahamat a salué, à cet égard, l’engagement du Président ghanéen Nana Akufo Ado en faveur de la démocratie, manifesté avec éclat par son opposition aux changements anticonstitutionnels lorsqu’il assurait la présidence en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Revenant sur le principe de solidarité, M. Mahamat a rappelé que le « terrorisme n’a pas de patrie » et que sa défaite en Afrique est nécessaire pour couper ses chances de métastase ailleurs. Il a ensuite encouragé à ce que cette solidarité repose sur une nouvelle conception de la conquête de la paix et son maintien en redéfinissant un nouveau modèle plus dynamique, moins bureaucratisé et surtout plus offensif. Estimant que le terrorisme sous toutes ses formes et les trafics illégaux de tout genre sont insaisissables par les modèles anciens, M. Mahamat a insisté sur la nécessité urgente de réviser les mandats des missions onusiennes pour en faire des véritables acteurs dans la lutte contre le terrorisme et autres groupes armés nuisibles.
Mme BENEDIKTA VON SEHERR-THOSS, Directrice générale pour la politique de sécurité et de défense commune et la réaction aux crises, au Service européen pour l’action extérieure de l’Union européenne (UE), a déclaré que les efforts de lutte de l’Union européenne contre le terrorisme en Afrique se traduisent par sa forte présence sur le continent. Plusieurs missions de l’UE fournissent actuellement un soutien militaire et civil aux pays africains, le dernier exemple en date étant la Mission de formation de l’UE déployée, l’année dernière, au Mozambique pour former et soutenir les Forces armées mozambicaines, en vue de protéger les civils et de rétablir la sécurité à Cabo Delgado. De plus, cinq des missions civiles de l’Union européenne en Afrique incluent un mandat antiterroriste: les Missions de renforcement des capacités au Niger, au Mali et en Somalie, la Mission d’assistance aux frontières en Libye et la Mission d’assistance à la réforme du secteur de la sécurité en République centrafricaine. En outre, l’UE continue de soutenir les opérations de paix dirigées par l’Afrique. Elle a par exemple octroyé une aide de 600 millions d’euros à l’Union africaine par le biais de la Facilité européenne pour la paix, son instrument financier visant à prévenir les conflits, à construire la paix et à renforcer la sécurité internationale.
Pourtant, malgré ces efforts pour tenir à distance la menace des groupes extrémistes, nous nous sommes tous rendus compte que cela n’a pas suffi, a poursuivi Mme Seherr-Thoss. Il faut faire plus et coopérer davantage si nous voulons réussir à long terme dans un contexte où la résilience face à l’extrémisme violent et au terrorisme est une question de sécurité mais également une question politique. Nous ne pouvons pas éradiquer l’extrémisme violent par la force seule, il faut également de la prévention, a-t-elle insisté. Elle a estimé que les efforts de l’Union européenne pour prévenir et combattre l’extrémisme violent, qu’il s’agisse de lutter contre l’extrémisme des jeunes au Kenya ou les conflits intercommunautaires au Nigéria, ont donné des résultats concrets. L’UE fournit environ 500 millions d’euros pour soutenir des projets connexes sur l’ensemble du continent africain, qui renforcent à la fois les autorités locales, les communautés locales et les acteurs de la société civile, a-t-elle rappelé.
Par ailleurs, la prévention de l’extrémisme violent et le renforcement de la résilience nécessitent non seulement une approche pan-sociétale, mais également une bonne gouvernance si l’on veut vraiment s’attaquer aux idéologies et aux forces motrices derrière l’extrémisme violent, a indiqué Mme Seheer-Thoss. Cela signifie le respect de l’état de droit, des droits humains et des principes de la démocratie et du droit international. Cette question politique relève avant tout de la responsabilité des dirigeants nationaux, mais nécessite aussi l’attention continue et, parfois, l’action du Conseil de sécurité.
Mme COMFORT ERO, Présidente d’International Crisis Group (ICG), organisation de prévention des conflits axée depuis longue date sur l’Afrique a fait savoir que l’ICG avait publié des analyses sur les missions africaines de stabilisation et de lutte contre le terrorisme, y compris sur la Force régional du G5 Sahel et de la Force multinationale mixte dans le bassin du lac Tchad. L’ICG a aussi publié, il y a un an, un document sur la mission de stabilisation de l’UA en Somalie qui reflétait les débats du Conseil à l’époque. Elle a expliqué que l’importance accordée à ces missions était dictée par trois raisons. D’abord, les conflits impliquant des groupes armés non étatiques, notamment les groupes jihadistes, constitueront un facteur d’instabilité en Afrique et pour longtemps. Ensuite, des missions robustes sous la houlette des Africains sont bien positionnées pour contrer ces menaces mais qu’elles ne sauraient réussir sans des ressources adéquates et fiables. Et, que l’on veuille ou pas, a-t-elle affirmé, le mécanisme de l’ONU est le meilleur moyen de fournir des ressources à ces missions.
La troisième raison, qui risque de paraître provocante dans le contexte du débat de ce jour, est que l’ICG est d’avis que ces missions de stabilisation ne sont pas en mesure, à elles seules, de parer à la menace posée par les groupes armés non étatiques, en mettant en avant le rôle de l’utilisation de la force contre les jihadistes. Pour Mme Ero, les opérations militaires sont une composante cruciale au sein de missions solides de stabilisation et de lutte contre le terrorisme de tels groupes. Il n’en reste pas moins que ces opérations doivent être subordonnées à une stratégie politique, et s’inscrire dans une série de réponses plus larges, notamment des projets fournissant des services de base et une meilleure gouvernance aux populations dans des zones d’influence des groupes armés non étatiques où, a-t-elle rappelé, ces groupes fournissent parfois des services et peuvent être populaires. Il faut regagner les cœurs des populations sous emprise des groupes armés, a-t-elle insisté.
La Présidente de l’ICG a ensuite indiqué que, même si cela semble tabou, et malgré les difficultés à s’y résoudre, la stratégie politique devrait envisager d’amorcer un dialogue avec des groupes armés non étatiques afin de résoudre à la fois les problèmes d’ordre politique et humanitaire.
Prenant l’exemple du Mali, elle a argué que les forces de maintien de la paix n’étaient ni conçues ni équipées pour se battre dans de longues campagnes antiterroristes, comme ce fut le cas à Gao et Kidal. Elle a attribué cette situation au fait que de telles opérations ne faisaient pas « formellement » partie des mandats des Casques bleus. Elle a, par contre, relevé les succès enregistrés par la Force de l’UA en Somalie dans sa bataille contre le groupe jihadiste des Chabab, ce qui, avec le temps, a permis un processus électoral en Somalie.
Mme Ero a donc estimé que le moment est venu pour les secrétariats de l’ONU et de l’UA d’engager des efforts conjoints pour trouver des solutions aux questions de financement. Elle a en outre vivement recommandé aux membres du Conseil, et au Conseil de la paix et la sécurité de l’UA, de fournir les efforts politiques nécessaires pour se mettre d’accord sur les termes de financement et d’opération futurs.
M. NANA ADDO DANKWA AKUFO-ADDO, Président du Ghana, a considéré que le terrorisme ne pourra être vaincu qu’à travers des efforts collectifs. Il a estimé que ce n’est qu’ainsi qu’il sera par exemple possible de mettre un terme à la détérioration de la situation sécuritaire au Sahel –dont la population d’environ trois cents millions d’habitants « a subi le plus grand nombre d’attaques terroristes enregistrées entre janvier et juin de cette année »- et en Afrique de l’Ouest, où des actions urgentes fondées sur des efforts concertés sont requises pour défaire l’emprise des terroristes et apporter progrès, prospérité et développement aux peuples de ces régions. Il est important que nous tirions parti du rôle de l’Union africaine et de ses commissions économiques dans la constitution d’une force robuste et dotée de ressources suffisantes pour affronter les terroristes et autres groupes armés, a ensuite déclaré le Président ghanéen, qui a appelé le Conseil de sécurité à œuvrer à l’unification des initiatives régionales.
M. Akufo-Addo a également souligné l’importance d’une coopération accrue entre l’ONU, l’Union africaine et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), afin notamment que soit abordée de front la question du financement adéquat, prévisible et durable des opérations de lutte contre le terrorisme conduites par les organisations régionales et sous-régionales. L’Union africaine, a-t-il ajouté, a démontré son engagement et sa capacité à gérer efficacement ces financements et à respecter les normes requises en matière de droits humains dans le cadre de telles opérations, et ce Conseil et la communauté internationale au sens large doivent intensifier leur rôle à ces niveaux.
C’est encore au Conseil de sécurité et à la communauté internationale que le Président du Ghana a demandé de s’attaquer aux causes sous-jacentes de l’instabilité, cela en renforçant la résilience dans les régions sujettes aux conflits, en particulier dans les domaines de la promotion des valeurs démocratiques, du développement et des services publics. « L’appui international doit se concentrer sur la promotion d’une gouvernance inclusive et sur le renforcement de l’autorité de l’État dans plusieurs parties de nos territoires pour répondre aux attentes de nos populations majoritairement jeunes et parfois vulnérables aux messages de haine des extrémistes », a-t-il conclu.
M. HERMAN IMMONGAULT, Ministre délégué auprès du Ministre des affaires étrangères du Gabon, a constaté que l’Afrique est devenue un des principaux fronts du terrorisme, qui n’épargne aucune région: du Sahel au bassin du lac Tchad, en passant par le nord-est du Nigéria, l’est de la République démocratique du Congo, le nord du Mozambique ou la Somalie, la recrudescence des actes terroristes sème partout destructions, pertes en vies humaines, déplacements massifs de populations et misère. L’exploitation illégale des ressources naturelles, le trafic de drogues, la traite d’êtres humains et les enlèvements contre rançons se révèlent comme les principales sources de financement des groupes terroristes.
Dans ce contexte, si la réponse de la communauté internationale n’est pas plus déterminée et urgente, la menace ira grandissante, a averti M. Immongault. Elle compromettra davantage la paix et la sécurité en Afrique. Elle amenuisera les efforts visant à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Elle ne laissera aucune chance pour la construction de cette « Afrique que nous voulons », a-t-il prévenu.
Consciente de l’ampleur du risque et du péril, l’Afrique s’est résolument engagée à multiplier des initiatives régionales de lutte antiterroriste, a poursuivi le Ministre, qui a cité le G5 Sahel, l’Initiative d’Accra, la Force multinationale mixte dirigée contre le groupe terroriste Boko Haram ou encore, plus récemment, la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS), venue remplacer la Mission d’observation militaire de l’Union africaine en Somalie (AMISOM). Ces efforts méritent d’être soutenus par la communauté internationale, par des moyens financiers, logistiques et matériels adéquats, a estimé le Ministre, qui a aussi plaidé pour que la communauté internationale doit aussi agir de manière décisive pour assécher les sources de financement des groupes terroristes.
M. Immongault a également estimé que l’approche consistant à mettre en évidence le lien entre la paix, la gouvernance et le développement semble la plus appropriée pour briser le cycle des transitions politiques abruptes et de l’insécurité cyclique. Nous devons adapter notre réponse avec cohérence, car la fragmentation des réponses alimente les intérêts des groupes terroristes, qui exploitent les failles systémiques pour fermenter le terreau de la violence, a-t-il estimé. Le Conseil doit redoubler d’efforts, accroître ses moyens d’action et appuyer avec hardiesse les initiatives et opérations africaines de soutien à la paix; le front contre le terrorisme doit être uni et l’engagement de tous, total et en tous lieux, a-t-il conclu.
SHEIKH SHAKHBOOT NAHYAN AL NAHYAN, Ministre d’État des Émirats arabes unis, a souligné que l’Initiative d’Accra est la pierre angulaire de lutte contre le terrorisme dans la région. D’après l’index mondial du terrorisme, ce dernier a augmenté ses activités, particulièrement en Afrique subsaharienne, ce qui empêche l’accès de la population aux prestations de base, tandis que les communautés locales et les jeunes ne peuvent même plus rêver d’aspirer à cet objectif. C’est là que les organisations régionales et sous-régionales interviennent en tant que chevilles ouvrières de cette lutte dans les différentes régions.
Le Ministre a renvoyé à la création du comité ministériel de l’Union africaine sur la lutte contre le terrorisme et invité à l’élaboration de politiques fortes pour confronter cette menace. Évoquant également le projet de création d’un groupe spécial censé rassembler les données pour apporter des solutions contre ce fléau, il a invité à réunir tous les outils dont dispose la communauté internationale et envisager des approches qui apportent des solutions sur la durée, mais surtout éliminer toutes les causes qui facilitent le recrutement et le financement des activités des groupes terroristes.
Dans ce contexte, le Ministre a rappelé l’importance de travailler main dans la main avec les chefs religieux dans les différentes régions, puisque les groupes terroristes et extrémistes détournent les principes et textes religieux. Ce n’est plus un impératif moral mais sécuritaire, a-t-il affirmé. Le Conseil doit tenir compte des particularités de Daech et d’Al-Qaida dans les approches qu’il envisage car ces groupes prétendent parler au nom de la religion et il est impératif de rejeter leurs revendications, à savoir qu’ils s’expriment et agissent au nom de l’Islam, a-t-il conclu.
Mme LIZ SHERWOOD-RANDALL, assistante du Président pour la sécurité intérieure des États-Unis, a noté combien l’Afrique et son pays peuvent affronter ensemble le terrorisme, une menace qui a évolué et n’a cessé de se diversifier sur le plan idéologique pour diffuser ses métastases partout dans le monde. Des groupes terroristes occupent à présent des pans entiers du territoire de l’Afrique, privant la population de leurs moyens de subsistance et les enfants de leur accès à l’école, a-t-elle ajouté. La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) est, aujourd’hui, une des missions les plus dangereuses dans le monde et, au Mozambique, Daech a mis la main sur des localités entières, tandis que des ressortissants étrangers perdent régulièrement la vie en Afrique, tués par des terroristes. Notant que 95% de l’augmentation des actes terroristes ces 10 dernières années se concentrent au Sahel et en Somalie, Mme Sherwood-Randall a estimé que cette évolution, « qui touche directement et indirectement tout le monde », exige une réponse concertée de la communauté internationale.
Mme Sherwood-Randall a ensuite rappelé les axes de la lutte contre le terrorisme des États-Unis en Afrique, axes qui concernent la gouvernance, le développement et la diplomatie. Sur ces points, elle a souligné l’accent mis par son pays dans le renforcement de ses liens avec les partenaires africains, afin que ces derniers s’approprient les réponses aux défis du terrorisme et défassent par leurs propres moyens les forces motrices de ce fléau. Il faut éviter que le terrorisme fasse main basse sur la jeunesse, a également insisté Mme Sherwood-Randall, qui a indiqué que les États-Unis aident l’Afrique à devenir prospère tout en renforçant ses systèmes judiciaires. Nos professionnels, nos force militaires comptent sur nos partenaires locaux pour comprendre la problématique du terrorisme en Afrique sous tous ses aspects et dans toute sa complexité, a-t-elle expliqué, répétant que les États-Unis attendent de leurs partenaires africains qu’ils leur fassent part de leurs besoins et de leurs priorités « afin que nous puissions les aider à trouver des solutions locales et pérennes ». Les États-Unis continueront de travailler au renforcement de la portée des comités des sanctions du Conseil de sécurité et à mieux coordonner son aide sécuritaire à l’Afrique, a-t-elle enfin assuré.
M. MICHAEL KAPKIAI KIBOINO (Kenya) a déclaré qu’alors que la lutte militaire contre les groupes terroristes vacille ou ne progresse que partiellement, les mesures politiques et économiques essentielles pour combattre le terrorisme n’avancent pas avec l’urgence et la fermeté requises. On ne fait pas assez pour répondre aux griefs enracinés et croissants d’exclusion politique et économique sur la base de l’identité ethnique et religieuse, a affirmé le représentant. La fourniture équitable de services de base ne suit pas le rythme de la demande, car les ressources financières des gouvernements diminuent à la suite du choc de la pandémie de COVID-19 et du déclin économique mondial, a-t-il dit.
Le représentant a également estimé que le maintien de la paix de l’ONU n’est pas assez innovant pour lutter contre les groupes terroristes qui menacent la paix et la sécurité internationales. Pour cette raison, il a demandé au Conseil de tirer les leçons des situations en Somalie et au Mozambique, pays où, selon lui, les succès de la lutte contre le terrorisme offrent un exemple et un modèle de la manière dont la communauté internationale peut remporter une victoire durable.
Pour y parvenir, le Conseil de sécurité doit soutenir les gouvernements, comme il le fait en Somalie, où il a mandaté et déployé des forces africaines robustes rassemblées par l’Union africaine et les communautés régionales, a plaidé le représentant. Le Conseil doit aussi renforcer davantage les capacités régionales et nationales pour les actions militaires contre ces groupes, notamment en opérationnalisant le bureau régional de Nairobi du Bureau de lutte contre le terrorisme (BLT). Le Conseil de sécurité doit également être plus engagé dans le démantèlement des réseaux terroristes en Afrique, notamment en les incluant dans une liste appropriée dans le régime de sanctions créée par la résolution 1267 (1999).
Parallèlement, les États impliqués doivent s’efforcer d’entreprendre des efforts juridiques et politiques ambitieux pour augmenter l’inclusivité sur la base de l’identité religieuse, régionale et ethnique, afin de lutter contre les fragilités et les revendications militarisées. À cette fin, il doit y avoir une action coordonnée entre les pays, en particulier dans les programmes de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) des groupes armés, y compris les combattants étrangers et terroristes de retour, a conclu le représentant.
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a d’abord salué l’efficacité de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), « aujourd’hui ATMIS », dont l’aide à l’ensemble des pays de la Corne de l’Afrique a contribué à l’affaiblissement des capacités des Chabab. De même, la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe au Mozambique a obtenu des résultats concrets dans la lutte contre le terrorisme à Cabo Delgado, a-t-il ajouté, estimant en outre que l’Initiative d’Accra peut contribuer davantage à contenir les retombées du terrorisme en provenance du Sahel et que la Force conjointe du G5 Sahel saura surmonter ses défis actuels.
Sur le Sahel encore, le représentant a regretté l’augmentation « effroyable » du nombre d’actes terroristes dans la région et leur expansion vers les côtes ouest africaines, l’instabilité politique actuelle dans cette vaste zone risquant d’accélérer cette expansion. Dans ce contexte, il a appelé la communauté internationale à renforcer son soutien aux initiatives régionales de lutte contre le terrorisme.
Rappelant que la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies fournit aux États les orientations les plus complètes dans ce domaine, le représentant a souligné que ce document reconnaît l’importance de la coopération avec les organisations régionales et sous-régionales, laquelle « doit être centrée sur le renforcement des capacités ». La coopération technique, y compris la coopération Sud-Sud, pourrait aussi être un outil important pour renforcer les capacités institutionnelles de lutte contre le terrorisme, a-t-il également souligné.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a déclaré que, face à l’urgence de repenser les approches de la lutte contre le terrorisme, il conviendrait d’intégrer les enseignements tirés de ce qui a, d’ores et déjà, été accompli. Il a souligné que le déploiement des opérations militaires antiterroristes dans des régions comme le Sahel, le bassin du lac Tchad et la Corne de l’Afrique montrent clairement l’importance de ces efforts pour contrecarrer les avancées des groupes extrémistes. Par souci de plus d’efficacité, ces opérations devraient avoir des objectifs stratégiques réalistes, plus précis et réalisables, et ce, dans des périodes plus courtes, a-t-il conseillé.
Le représentant a constaté que l’analyse du Conseil des situations régionales en Afrique révèle que les forces de lutte contre le terrorisme se prolongent et s’élargissent, perdant ainsi en efficacité et risquant même de générer des réactions contraires à leurs objectifs premiers, ce qui conduit à une « fatigue » tant des donateurs que de l’opinion publique des pays où elles opèrent. Le représentant a aussi constaté la concentration des ressources dans la composante de sécurité, en Afrique occidentale et au Sahel par exemple, au détriment de l’administration civile chargée des prestations de services de base à la population. Il a préconisé au contraire d’inscrire les efforts militaires dans une large stratégie politique qui privilégierait la lutte contre les inégalités, l’exclusion, la discrimination et la corruption, ainsi que la protection des civils, afin de transformer les conditions qui font le terreau de l’émergence du terrorisme. Parallèlement, le représentant a appelé au renforcement de l’architecture de consolidation de la paix, mais également à empêcher l’accès des terroristes aux armes légères et de petit calibre, conformément à la résolution 2616 (2022) du Conseil.
Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a appelé à une réponse forte, efficace et cohérente reflétant l’engagement collectif de la communauté internationale à vaincre le fléau du terrorisme, en Afrique comme ailleurs. À cet égard, nous devons faire preuve d’une volonté politique forte pour aider les pays africains à faire face à la menace terroriste, a-t-elle dit.
La représentante a ensuite développé plusieurs points importants aux yeux de son pays, notamment l’accès facile aux technologies nouvelles et émergentes, davantage exploitées par des groupes terroristes en Afrique pour diffuser leur propagande, transférer des fonds et lever des fonds. Nous espérons, a-t-elle dit, que la Déclaration de Delhi sur la lutte contre l’utilisation des technologies nouvelles et émergentes à des fins terroristes, adoptée par le Comité contre le terrorisme, ouvrira la voie à la formulation d’un cadre normatif à l’ONU pour faire face à cette menace.
La déléguée a également évoqué l’influence idéologique de Daech et d’Al-Qaida sur leurs affiliés en Afrique, ainsi que leurs tentatives d’influencer les efforts de réconciliation nationale dans les pays qui tentent d’établir des institutions démocratiques, en se présentant comme des acteurs politiques viables. Les terroristes ne sont pas attachés au régime démocratique et n’ont pas foi dans les valeurs démocratiques, a-t-elle mis en garde, s’opposant fermement à toute mesure permettant de les inclure dans des processus de réconciliation nationale. Ce qu’il faut, c’est une politique de tolérance zéro à l’égard du terrorisme, a-t-elle insisté, rejetant toute sélectivité et toute distinction entre « bons » et « mauvais » terroristes en fonction des intérêts politiques. Tous doivent être traités à la même aune et combattus sans aucune exception.
Le Conseil de sécurité doit en outre reconnaître et soutenir le rôle moteur de l’Afrique pour résoudre les problèmes africains par des solutions africaines, a plaidé la représentante. Les initiatives de sécurité régionale, telles que la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS), la Force multinationale mixte dans la région du lac Tchad ou encore le G5 Sahel, ont prouvé leur résilience pour faire face efficacement à la menace terroriste, a-t-elle estimé. Ce sont les solutions locales de l’Afrique, dirigées par les pays africains qui comprennent le mieux leurs problèmes. La communauté internationale devrait apporter un soutien financier et logistique durable et adéquat à ces initiatives de sécurité régionale, a notamment plaidé la représentante.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a estimé que la cause de la propagation des activités terroristes en Afrique était à chercher du côté des ingérences étrangères dans les affaires intérieures des pays du continent qui provoquent le chaos et peuvent même parfois conduire à la destruction des États, « comme on l’a vu en Libye ». Selon lui, c’est cela qui profite au développement et à l’essor des groupes terroristes en Afrique.
Le représentant a jugé nécessaire de se concentrer sur le tarissement des sources de financement qui alimentent tant les activités terroristes que celles des organisations criminelles organisées. Avant, c’étaient les États coloniaux qui volaient l’Afrique, maintenant ce sont les grands groupes financiers occidentaux, a-t-il ensuite affirmé, appelant par ailleurs l’ONU à prendre des décisions opérationnelles pour combattre plus efficacement le trafic d’armes et les violations des embargos sur celles-ci instaurés par le Conseil de sécurité.
Faire respecter les obligations du Conseil qui incombent aux États suppose toutefois de renoncer au deux poids deux mesure, a souligné le représentant, pour qui une véritable résistance au terrorisme en Afrique exige une coordination accrue des efforts régionaux, nationaux et internationaux dans ce domaine. Il a par ailleurs rappelé que les États peuvent demander une aide technique, notamment du Bureau de lutte contre le terrorisme des Nations Unies, s’ils rencontrent des difficultés dans la mise en œuvre des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, aide qui ne devrait pas être octroyée « à la chaîne » mais tenir au contraire dûment compte des spécificités et besoins de chaque pays demandeur.
Le représentant a conclu son intervention en soulignant que les pays africains ont le droit de choisir avec qui et dans quelles conditions ils veulent diversifier la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme.
Mme MONA JUUL (Norvège) a déclaré que, le terrorisme en Afrique étant également une menace mondiale, la lutte contre ce fléau exige un soutien international. La représentante a cependant souligné que la responsabilité première de cette lutte incombe aux autorités nationales. De leur côté, les missions onusiennes ne sont pas en mesure d’effectuer des activités antiterroristes en raison, entre autres, des limites géographiques de leurs mandats respectifs et du risque que les Casques bleus, neutres, deviennent trop impliqués dans des conflits locaux. Elle a mis l’accent sur la complémentarité entre les opérations de maintien de la paix et les missions politiques spéciales, d’une part, et les efforts nationaux et régionaux, de l’autre.
Les missions onusiennes peuvent en effet travailler aux côtés des opérations de lutte contre le terrorisme en matière de stabilité, de protection des civils et par le biais de la coordination de « bons offices », a estimé la représentante, ajoutant que les missions sont aussi à même d’aider au renforcement des capacités de gouvernance, de prestations des services et de protection des droits humains. Mme Juul a aussi souligné que les efforts nationaux pourraient être renforcés par une coopération étroite avec la société civile et les partenaires multilatéraux. Les consultations avec les organisations féminines et la participation des femmes dans la stratégie politique de lutte contre le terrorisme sont aussi des composantes clefs, a-t-elle ajouté. Elle a enfin réitéré le soutien de la Norvège à la mise sur pied d’un bureau d’appui de l’ONU à la Force conjointe du G5 Sahel.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a constaté qu’en dépit de tous les efforts déployés ces 20 dernières années, le terrorisme reste une menace à la paix et la sécurité internationales. L’Afrique a été très exposée à ses conséquences et les groupes terroristes tirent parti des fragilités d’ordre politique, économique et sécuritaire, a estimé le représentant, qui a incité à une riposte collective et coordonnée ainsi qu’à l’apport de ressources substantielles pour résoudre les facteurs favorisant le terrorisme. Il a prévenu que la force, à elle seule, n’est pas forcément productive et a proposé de faire tout ce qu’il faut pour promouvoir la cohésion sociale et les valeurs pour contrecarrer les discours des terroristes qui misent sur le sentiment d’humiliation. Le représentant a cité l’absence de respect des droits humains, la pauvreté et la discrimination comme principales sources du terrorisme, et a encouragé à trouver les moyens de faire cesser l’incitation au terrorisme et à la radicalisation en ligne. Les politiques et initiatives de l’Union africaine sont pertinentes et devraient devenir des modèles dans le monde entier, a-t-il encore estimé.
M. ZHANG JUN (Chine) a mis l’accent sur le fait que le Conseil de sécurité doit mieux répondre aux besoins de sécurité de l’Afrique, notamment en débloquant des ressources pérennes destinées à permettre aux pays du continent de mieux lutter contre le terrorisme. Le secteur de la sécurité dans des pays comme le Mali, le Burkina Faso ou le Nigéria est à l’avant-garde mais ces pays partenaires ont toujours besoin d’un soutien financier et logistique pour pérenniser leurs actions, a ajouté le représentant. Il a par ailleurs appelé à la levée de sanctions contre le Soudan et la RDC, qui actuellement empêchent les autorités de ces pays de combattre pleinement le terrorisme qui continue de miner leur développement et de causer des souffrances à leurs populations.
Le représentant a ensuite souligné que la Chine reste prête à réfléchir avec l’ONU aux moyens de revitaliser la lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel, sachant que des opérations militaires ne suffiront pas à y éradiquer ce fléau. Sur ce point, la Chine privilégie les approches visant le développement durable de l’Afrique et la compréhension de ses besoins, l’objectif étant de s’attaquer aux forces motrices du terrorisme. Le représentant a assuré que son pays aide et continuera d’aider l’Afrique en matière économique, comme en témoigne la suppression, depuis le 1er septembre 2022 de droits de douane sur 98% des produits importés de 16 pays parmi les moins avancés, dont 9 pays africains. Il a ajouté que la Chine appuie également les pays africains qui en font la demande dans la prévention et la répression de l’extrémisme violent, et qu’elle apporte à ces derniers un appui technique à leurs professionnels du secteur de la sécurité.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a insisté sur deux « nécessités urgentes »: le soutien substantiel aux initiatives africaines et le rejet absolu des dérives qui peuvent être commises au nom de la lutte contre le terrorisme. Selon la représentante, le Conseil de sécurité doit renforcer son soutien aux initiatives africaines, en particulier parce qu’elles se heurtent à un manque structurel de financements et d’équipements. L’Union européenne, premier partenaire de la sécurité de l’Afrique, contribue à plus de 90% du budget de l’Union africaine dédié aux opérations de paix. Mais cela n’est pas suffisant. Nous devons mettre à contribution la communauté internationale dans son ensemble, a affirmé la représentante, pour qui il est temps de mettre en place un financement durable et prévisible des opérations africaines de paix. La France recommande au Conseil de sécurité de reprendre, au plus vite, les discussions à ce sujet.
La déléguée a également observé que la menace terroriste représentée par Al-Qaida et Daech ne faiblit pas en Afrique et touche même désormais les franges septentrionales des États côtiers du golfe de Guinée. Face à une menace brutale et aveugle, le piège serait d’avoir recours à une réponse tout aussi brutale et aveugle, a-t-elle estimé. C’est l’approche que proposent certaines sociétés militaires privées, dont l’action contre le terrorisme est totalement contre-productive: leurs exactions, mais aussi le pillage des ressources naturelles ne font qu’entretenir une spirale dangereuse de violences, en montant les communautés les unes contre les autres. Or, ce qu’il faut, c’est rendre les sociétés plus résilientes et agir sur les facteurs socioéconomiques de l’insécurité, par la réponse aux changements climatiques, l’éducation, l’appui aux organisations de la société civile qui œuvrent pour la participation des jeunes et des femmes et la défense des droits humains, a conclu la représentante.
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a d’abord fait valoir la corrélation indéniable entre climat, paix et sécurité en Afrique et dans le monde, ajoutant que la situation au Sahel ainsi que la stabilité de la région exigeaient une réponse systémique. Les efforts régionaux visant à pallier la situation sécuritaire, y compris par le biais de l’Initiative d’Accra, sont indispensables, mais il faudrait également veiller à consolider une stabilité sur le long terme à travers des initiatives humanitaires et de développement. Dans ce cadre, des communautés résilientes sont les meilleures défenses contre les moteurs du conflit, a estimé la représentante. Le Royaume-Uni œuvre ainsi de concert avec ses partenaires pour limiter la propagation de la violence, notamment du terrorisme qui a un impact dévastateur. La représentante a également fait état des efforts menés pour lutter contre la désinformation en travaillant avec des journalistes locaux pour promouvoir des voix modérées et remédier aux divisions ethniques.
La représentante a invité à ne pas ignorer le rôle déstabilisateur joué par le groupe Wagner dans la région, où il est devenu un moteur de conflit qui exploite les ressources naturelles dans les pays où il opère. Elle a mis en exergue, d’autre part, le respect des droits humains dans les campagnes de lutte contre le terrorisme, ce qui requiert une coopération avec la société civile, laquelle est en mesure de contrer la radicalisation et de renforcer la résilience. La représentante a aussi jugé impératif que les pays qui accueillent des opérations de paix de l’ONU se gardent d’entraver la mise en œuvre des mandats dictés par le Conseil, notamment dans le suivi des questions liées aux droits humains.
M. FERGAL MYTHEN (Irlande) a rappelé que, l’année dernière, l’Afrique a représenté, à elle seule, près de la moitié de tous les décès liés au terrorisme dans le monde. Pour le représentant, la clef pour lutter contre la menace terroriste en Afrique consiste à s’attaquer aux moteurs sous-jacents du terrorisme et de l’extrémisme violent. Nous savons que les communautés touchées par les conflits, la pauvreté, les inégalités, une gouvernance défaillante et des atteintes aux droits humains sont plus vulnérables à la radicalisation et au recrutement, a-t-il poursuivi.
Après avoir noté que les pressions sur les communautés locales sont aggravées par les crises alimentaire et climatique, lesquelles profitent aux organisations terroristes, le représentant a déclaré que les efforts antiterroristes « trop militarisés peuvent être inefficaces, voire contre-productifs à long terme ». C’est pourquoi, il a jugé que les réponses internationales doivent aller au-delà des seules mesures de sécurité. Les efforts du Conseil doivent donc tendre à s’attaquer aux moteurs du terrorisme et de l’extrémisme violent « d’une manière plus holistique, dans le cadre d’une approche unifiée ». Nous devons travailler en étroite collaboration avec l’Union africaine, les organisations sous-régionales africaines et les États membres africains à cette fin, a conclu le représentant.