Bosnie-Herzégovine: le Conseil de sécurité prolonge d’un an le mandat de l’EUFOR ALTHEA et débat de la situation sans la présence du Haut-Représentant
Après l’adoption à l’unanimité de la résolution 2658 (2022), qui étend d’un an le mandat de la force multinationale de stabilisation EUFOR ALTHEA, le Conseil de sécurité a enchaîné avec son débat semestriel sur la situation en Bosnie-Herzégovine, qui a eu lieu sans la présence du Haut-Représentant chargé d’assurer le suivi de l’Accord relatif à ce pays, M. Christian Schmidt, qui avait pourtant soumis un rapport* centré sur les élections générales du 2 octobre. Si la majorité des membres du Conseil ont salué les efforts poursuivis par M. Schmidt, notamment dans le renforcement du cadre démocratique et constitutionnel de la Bosnie-Herzégovine, la délégation de ce pays s’en est vivement prise aux décisions du Haut-Représentant relatives au processus électoral, lorsqu’il a amendé la loi électorale et la Constitution de l’entité de Bosnie-Herzégovine de la Fédération de Bosnie-Herzégovine pour prévenir la fraude.
La délégation bosnienne a en effet critiqué la formule mathématique et le coefficient utilisés par le Haut-Représentant pour déterminer la participation des groupes ethniques. Des minorités ethniques vivant dans certaines parties du pays ont reçu un coefficient de 0,5 tandis que d’autres citoyens de la même origine ethnique dans la partie sud de la Bosnie-Herzégovine ont eu un coefficient de 1,5 leur conférant plus de droits et de chances dans le processus électoral, a relevé la délégation en y voyant une « forme ultime de discrimination ethnique ». Elle a également accusé le Haut-Représentant d’avoir voulu, en coopération avec la République voisine de la Croatie, assurer la participation illimitée au gouvernement d’un parti politique qui n’est qu’une branche politique de la Croatie.
La Bosnie-Herzégovine a dès lors demandé que le « problème » que pose l’activité de l’actuel Haut-Représentant « par intérim » soit réglé dès que possible. La Fédération de Russie, qui rejette le mandat du Haut-Représentant, a attribué les difficultés actuelles en Bosnie-Herzégovine non pas aux Serbes, mais aux acteurs occidentaux qui, par le truchement du Haut-Représentant, « illégitime », selon elle, tentent de se substituer aux institutions de la société et de l’état de droit. La Russie a en revanche invité à lire le rapport de la Republika Srpska, qui, à son avis, présente correctement les faits.
Pour l’Inde, il convient au contraire que le Bureau du Haut-Représentant travaille avec toutes les parties de manière objective et joue un rôle central dans le renforcement du cadre démocratique et constitutionnel de la Bosnie-Herzégovine. Ce rôle est également essentiel dans la mise en œuvre de la dimension civile des accords de Dayton du 14 décembre 1995, ont renchéri les États-Unis, en faisant valoir que tant que la Bosnie-Herzégovine ne remplira pas les critères pour se passer de tutelle internationale, le Bureau aura toujours son rôle à jouer. Davantage de progrès sont encore nécessaires pour remplir le programme « 5 plus 2 », a ajouté l’Irlande.
Un accent particulier a été mis par l’Albanie sur la contribution du Haut-Représentant, qui a dû adopter un ensemble de décisions rendant possible le financement des élections générales et garantissant les dispositifs de sécurité. M. Schmidt explique en effet, dans le rapport, avoir introduit des modifications à la loi électorale de la Bosnie-Herzégovine le 27 juillet pour la rendre plus conforme aux normes et aux bonnes pratiques internationales et dans le dessein de prévenir la fraude électorale et d’améliorer la transparence des élections.
L’Irlande, l’Inde ou encore la Chine, le Gabon et le Ghana, ont salué le bon déroulement des scrutins et appelé les partis politiques à davantage de dialogue au sujet de la réforme électorale, principal gage de stabilité et de bonne entente entre les représentants des trois peuples constituants. Le Mexique et la France ont toutefois estimé « inacceptable » de voir se reproduire le blocage politique qu’a connu la précédente législature en 2018. La participation des femmes aux processus politiques a d’autre part été systématiquement encouragée par les membres du Conseil.
Les rhétoriques clivantes et les discours de haine ont été au centre du débat, la Norvège, parmi d’autres, exhortant tous les acteurs politiques à condamner les discours de haine et à s’abstenir de les diffuser. Allant plus loin, le Mexique a espéré que le Procureur de la Bosnie-Herzégovine poursuivra les auteurs de tels discours pour éviter une répétition des erreurs du passé. La Croatie a vu dans ces discours « bellicistes » des preuves d’une menace permanente pour la stabilité politique et de l’existence des forces politiques dans le pays qui remettent en question et défient l’Accord de paix de Dayton-Paris.
Sur le plan régional, la Serbie a mis en avant le fait que ses relations avec la Bosnie-Herzégovine sont le pilier de la stabilité et de la prospérité régionales. Elle a assuré de sa coopération, de bonne foi, avec les institutions de Sarajevo jusqu’à leur composition complète. Elle a cité, par exemple, l’intérêt porté par la Bosnie-Herzégovine à l’initiative des « Balkans ouverts » qui a déjà obtenu des résultats concrets en matière de libre circulation des personnes et des marchandises. La Serbie a affirmé être dans les mêmes dispositions envers la Republika Srpska et la Fédération de la Bosnie-Herzégovine, en conformité avec les Accords de Dayton dont elle est l’un des garants.
L’Albanie a évoqué le prochain Sommet des Six sur les Balkans occidentaux et de l’Union européenne, qui se tiendra le 6 décembre à Tirana. Certains membres du Conseil ont d’ailleurs appuyé la pleine intégration de la Bosnie-Herzégovine dans la communauté transatlantique ainsi que son adhésion à l’Union européenne. À cet égard, la délégation de l’UE a rappelé que le Conseil européen avait dit être prêt à accorder le statut de pays candidat à la Bosnie-Herzégovine et, à cette fin, invité la Commission à rendre compte sans tarder au Conseil de la mise en œuvre des 14 priorités essentielles énoncées dans son avis.
*S/2022/806
ACCORD DE PAIX RELATIF À LA BOSNIE-HERZEGOVINE
Lettre datée du 25 octobre 2022, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général
Texte du projet de résolution S/20220/809
Le Conseil de sécurité,
Constatant que la situation dans la région de l’ex-Yougoslavie continue de menacer la paix et la sécurité internationales,
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,
1. Autorise les États Membres, agissant par l’intermédiaire de l’Union européenne ou en coopération avec elle, à créer, pour une nouvelle période de douze mois à compter de la date d’adoption de la présente résolution, une force multinationale de stabilisation (EUFOR ALTHEA) succédant juridiquement à la SFOR avec une structure de commandement et de direction des opérations unifiée, qui remplira ses missions liées à la mise en œuvre des dispositions des annexes 1-A et 2 de l’Accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine et de ses annexes (appelés collectivement Accord de paix, S/1995/999, annexe) en coopération avec le quartier général de l’OTAN sur place, conformément aux arrangements qui ont été conclus entre l’OTAN et l’Union européenne et qui lui ont été communiqués par ces deux institutions dans leurs lettres du 19 novembre 2004, par lesquelles elles conviennent que l’EUFOR ALTHEA jouera le rôle principal dans la stabilisation de la paix s’agissant des aspects militaires de l’Accord de paix;
2. Décide de renouveler l’autorisation qu’il a accordée au paragraphe 11 de sa résolution 2183 (2014) pour une nouvelle période de douze mois à compter de la date d’adoption de la présente résolution;
3. Autorise les États Membres à prendre, agissant en vertu des paragraphes 1 et 2 ci-dessus, toutes les mesures nécessaires pour faire appliquer et respecter les annexes 1-A et 2 de l’Accord de paix, et souligne que les parties continuent de répondre à égalité de l’observation des dispositions de ces annexes et qu’elles encourent à égalité les mesures coercitives que l’EUFOR ALTHEA et la présence de l’OTAN pourraient juger nécessaires pour assurer l’application des annexes en question et leur propre protection;
4. Autorise également les États Membres à prendre, à la demande de l’EUFOR ALTHEA ou du quartier général de l’OTAN, toute mesure nécessaire pour défendre l’EUFOR ALTHEA ou la présence de l’OTAN et pour aider ces deux entités à remplir leur mission, et reconnaît à l’une comme à l’autre le droit de prendre toute mesure de protection nécessaire en cas d’attaque ou de menace;
5. Autorise en outre les États Membres, agissant en vertu des paragraphes 1 et 2 ci-dessus et conformément à l’annexe 1-A de l’Accord de paix, à prendre toute mesure nécessaire afin de faire respecter les règles de fond et de procédure organisant la maîtrise de l’espace aérien de la Bosnie-Herzégovine pour l’aviation civile et militaire;
6. Décide de rester saisi de la question
Déclarations
M. THOMAS BYRNE (Irlande) s’est félicité de l’adoption de la résolution renouvelant l’autorisation de la force multinationale de stabilisation (EUFOR ALTHEA), que l’Irlande a présentée. L’Irlande est fière de participer à cette mission, qui continue de jouer un rôle essentiel pour maintenir la paix et la sécurité en Bosnie-Herzégovine et dont la présence est indispensable, a ajouté le représentant.
Par ailleurs, si beaucoup reste à faire, l’Irlande voit aujourd’hui l’avenir de la Bosnie-Herzégovine dans l’Union européenne et la soutient comme État souverain, uni et multi-ethnique. Le représentant l’a toutefois encouragée à mener les réformes essentielles nécessaires et s’est dit préoccupé par la rhétorique clivante et négative utilisée, notamment à l’approche des élections, lesquelles ont néanmoins eu lieu de manière sûre et pacifique le mois dernier. M. Byrne a appelé toutes les parties à mettre un terme à de tels discours, qui ne font qu’accroître les divisions et éloignent les perspectives de réconciliation. En outre, les menaces et les actions unilatérales qui servent à renforcer les tensions ethniques et à diviser ou affaiblir davantage l’État ne peuvent être tolérées. Les représentants élus, en collaboration avec les dirigeants nationaux, doivent coopérer pour répondre aux besoins de tous leurs citoyens, a invité le représentant.
M. Byrne a également encouragé à faire davantage de progrès pour remplir le programme 5+2, qui reste la seule méthode prescrite pour que le Bureau du Haut-Représentant puisse achever sa mission et confier la pleine responsabilité de ses propres affaires aux institutions publiques et au peuple de Bosnie-Herzégovine. Rappelant que des progrès sont nécessaires en ce qui concerne la réforme du cadre électoral pour répondre aux normes européennes et garantir que tous les citoyens puissent exercer leurs droits politiques, le représentant a regretté que les dirigeants politiques de Bosnie-Herzégovine n’aient pas été en mesure de trouver une solution viable et mutuellement acceptable. Toutefois, grâce au dialogue et à une véritable volonté politique de s’attaquer sérieusement aux problèmes auxquels le pays est confronté, il s’est dit convaincu que l’héritage du passé ne dictera pas son avenir et que la Bosnie-Herzégovine sera en mesure de réaliser pleinement son potentiel en tant qu’État inclusif, sûr et prospère, au sein de la famille européenne des nations.
M. ENRIQUE JAVIER OCHOA MARTÍNEZ (Mexique) a pris bonne note de la tenue des élections du 2 octobre en Bosnie-Herzégovine, et jugé essentiel de pleinement mettre en œuvre la décision des électeurs, car le blocage politique depuis 2018 est inacceptable. Des mesures restent à prendre pour constituer les corps législatifs et judiciaires, a-t-il estimé, en se prononçant également en faveur de la pleine participation des femmes à la vie politique du pays.
Le représentant a vu un autre motif de préoccupation dans le fait que la Republika Srpska tente de prendre des prérogatives qui ne sont pas les siennes et alimente la rhétorique ethnique. Il a déploré la glorification des criminels de guerre et les discours de haine, qui doivent cesser. Il a espéré dans ce contexte que le procureur de la Bosnie-Herzégovine poursuivra les auteurs de tels discours pour éviter une répétition des erreurs du passé. Enfin, le Mexique estime que la situation n’est pas propice à la fermeture du bureau du Haut-Représentant.
Mme TRINE SKARBOEVIK HEIMERBACK (Norvège) a dit appuyer la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine en tant qu’État unique, comprenant deux entités ainsi que le district de Brcko. La Norvège salue le déroulement pacifique des élections générales du 2 octobre dernier. Les représentants élus ont désormais la responsabilité de répondre aux aspirations du peuple à un pays européen pacifique, réformateur et prospère. Pourtant, a poursuivi la représentante, cela ne sera possible que si les autorités de Bosnie-Herzégovine travaillent ensemble de manière constructive et dans le meilleur intérêt de tous les habitants du pays. Et dans ce contexte, la Norvège encourage les acteurs politiques à rechercher le dialogue et à contribuer à trouver des solutions communes et durables. Elle salue également la décision de la Commission européenne de recommander le statut de candidat à la Bosnie-Herzégovine.
Mme Heimerback a dit constater que la Bosnie-Herzégovine est toujours confrontée à de sérieux défis. Il reste un travail considérable à accomplir avant que l’Accord-cadre général pour la paix ne soit pleinement mis en œuvre.
La Norvège exhorte donc les autorités à rester engagées dans le processus de transition démocratique et est prête à soutenir et à contribuer aux réformes nécessaires. Dans le même temps, a poursuivi, la représentante, nous restons préoccupées par la polarisation de la rhétorique ethnique qui prévaut dans le pays. Pour cette raison, la Norvège appelle tous les acteurs politiques à condamner les discours de haine, à s’abstenir de les diffuser et à renforcer les protections juridiques, dans le but de construire une paix durable et un environnement politique inclusif en Bosnie-Herzégovine.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France), a appelé l’ensemble des représentants politiques bosniens nouvellement élus à coopérer dans un esprit constructif afin d’assurer la formation rapide et sans entrave des nouvelles autorités législatives et exécutives à tous les niveaux de gouvernement. Pour la France, voir se reproduire le blocage politique qu’a connue la précédente législature serait inacceptable. Les autorités de Bosnie-Herzégovine doivent prendre leurs responsabilités et trouver la voie du dialogue et du compromis afin de permettre le bon fonctionnement des institutions de leur pays et répondre aux besoins concrets de leurs concitoyens qui les ont portés au pouvoir, a affirmé la représentante.
Mme Broadhurst Estival a appelé les autorités de Bosnie-Herzégovine à s’engager résolument sur le chemin des réformes afin e faciliter le rapprochement avec l’Europe, avant de regretter les progrès trop limités réalisés l’an passé. Elle a notamment appelé à mettre en œuvre l’accord politique conclu le 12 juin à Bruxelles par les représentants politiques de Bosnie-Herzégovine, sous l’égide du Président du Conseil européen, et qui fixent 14 des priorités essentielles en faveur de la démocratie et de l’Etat de droit. Pour la France, la récente recommandation de la Commission européenne d’accorder à la Bosnie-Herzégovine le statut de candidat à l’Union européenne doit inciter les dirigeants du pays à accélérer les réformes nécessaires. La France, a rappelé la représentante, soutient pleinement la perspective européenne du pays.
Pour la France, la présence internationale en Bosnie-Herzégovine prévue par les Accords de Dayton/Paris reste « absolument nécessaire » à la stabilité du pays et de la région. Mme Broadhurst Estival a rappelé que le volet militaire des accords est assuré, pour le compte de la communauté internationale, principalement par l’Union européenne depuis 2004 avec l’opération EUFOR ALTHEA. La France se félicite du renouvellement de son mandat. Quant au volet civil, la France soutient le mandat du Haut-Représentant. Elle rappelle que le bureau de celui-ci n’a pas vocation à perdurer au-delà de ce qui est nécessaire, à savoir la réalisation de « l’agenda 5+2 ».
La représentante a replacé la situation en Bosnie-Herzégovine dans le contexte de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine, qui « ébranle l’Europe » et s’est dite préoccupée par l’exacerbation des tensions et divisions communautaires dans le pays. Elle a jugé intolérable que certains dirigeants appellent à la sécession ou remettent en cause le principe d’une société multiple, ouverte et inclusive, et réaffirmé le « ferme attachement » de la France à l’unité et à l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine. Elle a également demandé justice pour toutes les victimes du conflit, ainsi que des réparations et des garanties de non-répétition, jugeant notamment que le processus de justice transitionnelle était le seul moyen d’arriver à l’objectif ultime de réconciliation et la seule base solide pour l’avenir du pays. La France condamne de la manière la plus ferme la glorification des criminels de guerre condamnés par la justice, ainsi que la négation du génocide, toutes deux incompatibles avec les valeurs de l’Union européenne.
M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) s’est félicité du renouvellement de l’EUFOR ALTHEA, qui constitue un message positif. Les États-Unis, a-t-il assuré, restent attachés à l’objectif d’une Bosnie-Herzégovine prospère et démocratique, pleinement intégrée dans la communauté transatlantique, et à ce qu’elle puisse prétendre à l’intégration dans l’Union européenne. Le représentant s’est dit très préoccupé par les allégations de fraudes électorales, dont les auteurs doivent rendre compte. Par ailleurs, les dirigeants de tous les partis doivent faire tout leur possible afin de mettre en place dans les meilleurs délais un gouvernement qui puisse remédier aux problèmes d’ordre géopolitique. S’agissant du Bureau du Haut-Représentant, le délégué a estimé qu’il joue un rôle essentiel dans la mise en œuvre de la dimension civile des accords de Dayton. Tant que la Bosnie-Herzégovine ne remplira pas les critères pour ne plus être sous tutelle internationale, le Bureau aura toujours son rôle à jouer, a souligné le représentant. Il s’est dit prêt à soutenir la Bosnie-Herzégovine alors qu’elle s’apprête à mettre en route un train de réformes politiques et sociales.
Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) s’est alarmée de la détérioration de la situation en Bosnie-Herzégovine, qu’elle a attribuée à une ingérence étrangère, laquelle compromet l’exercice par les peuples constituants de leurs droits fondamentaux. Elle a expliqué que ce ne sont pas les Serbes les fautifs, mais bien les acteurs occidentaux qui, par le truchement du Haut-Représentant, « illégitime », tentent de se substituer aux institutions de la société et de l’état de droit. La déléguée russe a aussi noté que des sanctions unilatérales sont encore adoptées pour exercer un chantage sur des pays donnés. Face à cela, elle a mis l’accent sur la nécessité de laisser les peuples constituants prendre leurs propres décisions. L’ingérence dans les lois et les institutions compromet toute chance de démocratie et de règlement des différends, a-t-elle encore déclaré, exhortant à mettre fin à « cette approche coloniale et néocoloniale appliquée par le Haut-Représentant ». La déléguée a dit qu’elle ne commentera pas le soi-disant rapport du Haut-Représentant. Elle a plutôt invité les membres du Conseil à prendre connaissance du rapport de la Republika Srspka, qui, à son avis, présente correctement les faits.
Concernant la résolution adoptée sur le mandat de l’EUFOR ALTHEA, elle a dit avoir beaucoup de préoccupations, notamment sur la question de l’intervention de forces européennes dans les affaires intérieures de certains pays. La clef du règlement de la situation en Bosnie-Herzégovine réside dans le dialogue international inclusif, sur la base des dispositions des accords de Dayton, a-t-elle conclu.
M. FERIT HOXHA (Albanie) a déclaré soutenir pleinement la mission EUFOR ALTHEA, qui est une composante clef de la stabilité et du bon fonctionnement du pays. Il a salué la contribution du Haut-Représentant, qui a adopté une série de décisions, rendu possible le financement des élections générales et garanti des dispositifs de sécurité. Nous encourageons tous les acteurs politiques de Bosnie-Herzégovine à coopérer et à mettre en place des organes gouvernementaux à tous les niveaux, a-t-il dit. Il a encouragé les parties à rester engagées dans le dialogue pour préserver la stabilité dans les Balkans occidentaux. Le représentant s’est également dit satisfait de la recommandation faite par la Commission de l’Union européenne visant à accorder le statut de pays candidat à la Bosnie-Herzégovine, y voyant un « moment historique ». Dans ce contexte, nous attendons avec intérêt le prochain Sommet des Six des Balkans occidentaux et de l’Union européenne, qui se tiendra à Tirana, en Albanie, le 6 décembre.
Relevant néanmoins des difficultés restantes, il a dit être préoccupé par l’attitude du dirigeant de l’Alliance des sociaux-démocrates indépendants, Milorad Dodik, qui, selon le délégué, n’hésite pas à diffuser ses idées séparatistes et négationnistes, mettant en cause la nécessaire réconciliation du pays avec son destin européen. Pour comprendre la source d’inspiration de cet individu qui menace les intérêts de son propre pays, nul besoin de chercher loin, a dit le représentant, appelant à examiner ses destinations de voyage en avion avant chaque processus électoral, lorsqu’il cherche des « instructions fraîches ». Le délégué a constaté que les peuples de la région se rapprochent et que c’est la seule perspective que nous devons soutenir. Ils ne devraient jamais être mis en position de choisir entre les identités ethniques et nationales, a-t-il dit.
M. GENG SHUANG (Chine) a évoqué le bon déroulement des élections générales en octobre, ce qui montre la capacité et la détermination du peuple de Bosnie-Herzégovine à vivre en harmonie. La situation politique est ainsi entrée dans une nouvelle phase et le représentant a espéré que les partis trouveront des compromis pour promouvoir les intérêts du pays. Toutefois, il s’est dit très préoccupé par les controverses et par ceux qui ne respectent pas toujours la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine. La Chine s’est toujours opposée aux sanctions unilatérales non décidées par le Conseil de sécurité, qui constituent une ingérence dans les affaires du pays, et demande de s’en abstenir, a rappelé le délégué. Il a appelé la communauté internationale à soutenir davantage la Bosnie-Herzégovine et à lui apporter davantage d’assistance, s’inquiétant notamment du départ du pays de nombreux jeunes. Il a appuyé tous les efforts propices à la paix et à la stabilité en Bosnie-Herzégovine. Il a espéré que la force EUFOR ALTHEA continuera à jouer un rôle positif.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a mis l’accent sur la rhétorique clivante qui a marqué les élections générales et exhorté les acteurs politiques de la Bosnie-Herzégovine à recourir au dialogue sur la base d’une représentation sur un pied d’égalité dans les institutions étatiques. Les Accords de Dayton offrent une feuille de route équilibrée, en s’appuyant sur la résolution de toutes les divergences par tous, a-t-il souligné. La mise en œuvre par tous des décisions de la Cour constitutionnelle est impérative, a-t-il insisté. Il a recommandé des efforts supplémentaires pour améliorer le vivre ensemble. Les blocages sur la préparation du budget 2023 doivent être levés, a encore appelé le représentant, qui a attiré l’attention sur le départ inquiétant des jeunes du pays. En conclusion, il a appelé les autorités politiques de la Bosnie-Herzégovine à faire preuve d’engagement dans un esprit de consensus pour engager le pays sur la voie de la stabilité et d’une représentation authentique.
M. O GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a dit comprendre que certains membres du Conseil auraient préféré un texte plus « renforcé ». Mais quoi qu’il en soit, il a salué la résolution adoptée aujourd’hui qui est un message de soutien au peuple de Bosnie-Herzégovine. Il a aussi estimé que la présence de la force EUFOR ALTHEA reste primordiale si l’on veut parvenir à la paix dans ce contexte où des discours de haine ethniques continuent de se faire entendre dans le pays, mettant à mal la paix et la réconciliation.
Pour M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde), toutes les parties doivent s’engager dans un dialogue dans un esprit de compréhension mutuelle et de coopération. Le délégué a salué, à cet égard, la tenue réussie d’élections générales en recommandant que tous les partis et leurs dirigeants qui ont remporté un mandat travailleront ensemble de manière constructive et progressive. Il a estimé que les initiatives contre la corruption, pour une gouvernance effective et efficace, ainsi que des politiques non-discriminatoires et la stabilité de l’état de droit, ouvriront la voie au développement économique et encourageront le commerce. Le représentant a encouragé à soutenir tous les efforts en faveur de la coopération, du développement et de la paix et à éviter toute rhétorique de division. À cet égard, il est important que le Bureau du Haut-Représentant travaille avec toutes les parties de manière objective, en jouant un rôle central dans le renforcement du cadre démocratique et constitutionnel de la Bosnie-Herzégovine. Plus généralement, le délégué a dit soutenir les initiatives et solutions constructives, y compris celles de l’UE, en faveur de l’efficacité, de l’intégration et de la stabilité, pour le renforcement de la démocratie et de la paix dans la région. Elle salue également le renouvellement du mandat de la mission EUFOR ALTHEA.
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a espéré qu’à l’issue des élections générales du 2 octobre, la Bosnie-Herzégovine continuera à avancer sur le chemin de la stabilité et du développement de son peuple, ce qui passe par la consolidation des progrès enregistrés récemment en dépit des tensions que connaît le continent. Dans le même esprit, il a salué la décision du renouvellement du mandat de l’EUFOR ALTHEA. Il a souligné l’importance de la lutte contre les discours de haine pour l’édification de sociétés diverses, et a fait part, à cet égard, de l’expérience de sa région qui a énormément souffert des conséquences des discours de haine. Il a aussi appuyé une participation pleine, égalitaire et véritable des femmes dans les processus institutionnels, compte tenu des obstacles auxquels elles se heurtent. Le représentant a ajouté que cette participation des femmes accroît les chances de réussite, car elle permet d’élargir le spectre de la représentativité à toutes les composantes de la société. Le Conseil doit soutenir les processus de réconciliation, ce qui ne manquera pas d’avoir un impact positif non seulement sur la Bosnie-Herzégovine, mais aussi sur toute la région, a espéré le délégué.
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a noté que la Bosnie-Herzégovine a beaucoup avancé, mais que la paix reste précaire. C’est pour cela que la présence de la force EUFOR ALTHEA reste cruciale, a avancé la déléguée. Il est en outre clair que les décisions prises par le Haut-Représentant ont été difficiles à prendre, mais selon elle, elles avaient pour fonction d’améliorer la gouvernance pour que toute la Bosnie-Herzégovine en tire profit. La représentante a assuré appuyer la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine. Elle a aussi appelé les parties à avancer dans l’intérêt de toute la population dans le cadre du programme « 5 plus 2 » et pour l’avenir euro-atlantique de la Bosnie-Herzégovine.
M. MICHAEL KIBOINO (Kenya) a fait savoir que son pays soutient les progrès en matière de réformes pour mettre en œuvre le programme 5+2 et en vue de l’intégration de la Bosnie-Herzégovine à l’Union européenne. Il a encouragé les autorités nationales à travailler ensemble pour une pleine mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix en Bosnie-Herzégovine et pour créer une société inclusive pour tous ses citoyens. Le représentant les a priées de s’abstenir de toute action susceptible de diviser la population, selon des critères ethniques ou religieux. La collaboration entre les parties est indispensable pour créer un environnement favorable au retour des réfugiés et des personnes déplacées, notamment en mettant un terme à la rhétorique de division et la glorification des criminels de guerre, a poursuivi M. Kiboino. Enfin, le représentant a salué le rôle de la force EUFOR ALTHEA dans le maintien de la paix et de la sécurité de la région et le fait que l’OSCE soutienne les efforts déployés pour que la Bosnie-Herzégovine aspire à un meilleur avenir.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a vivement appuyé la force EUFOR ALTHEA qui s’acquitte pleinement de son mandat, comme elle l’a fait au cours des 18 dernières années. Il a estimé qu’une résolution portant sur le fond serait utile. Il a regretté que le Haut-Représentant n’ait pu participer à cette séance en raison d’une absence de consensus sur son mandat et il a salué celui-ci pour son rapport axé sur les élections du 2 octobre. Le représentant a souligné que la mise en œuvre des accords de paix repose sur le bon fonctionnement des institutions étatiques. Il a félicité le Bureau du Haut-Représentant pour avoir encouragé la constitution d’un gouvernement dans les meilleurs délais. Face à l’impasse politique actuelle, il a demandé à tous les partis politiques de veiller à l’application de tous les aspects des accords de paix, en commençant par s’abstenir de toute rhétorique et discours de haine, et à encourager à la coexistence pacifique. Il a regretté que les femmes ne participent pas à la vie politique et a mis l’accent sur la nécessité de leur participation.
M. SVEN ALKALAJ (Bosnie-Herzégovine) a salué l’adoption à l’unanimité de la résolution prorogeant le mandat de l’opération EUFOR ALTHEA, dans un contexte où la situation en Bosnie-Herzégovine est stable et sûre depuis longtemps et sachant que les autorités sont prêtes à assumer leurs responsabilités. Il a ensuite, dans un long plaidoyer, critiqué les décisions prises par le Haut-Représentant, notamment celle prise dans le but d’améliorer l’intégrité et la transparence du processus électoral, lorsqu’il a amendé la loi électorale et la Constitution de l’entité de Bosnie-Herzégovine de la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Or, faisant ainsi, le Haut-Représentant a trompé tous les électeurs de Bosnie-Herzégovine, car ils auraient certainement voté différemment s’ils avaient été familiarisés avec les nouvelles règles électorales, a analysé M. Alkalaj.
Le représentant a rappelé que la Constitution de Bosnie-Herzégovine ne fait pas partie du volet civil de l’Accord de Dayton. Cela signifie qu’elle ne peut être interprétée par le Haut-Représentant, en a-t-il déduit, arguant que ce devoir revient à la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine. Il a critiqué l’imposition par le Haut-Représentant de tels changements à la loi électorale, qui détermine la participation des groupes ethniques par le biais d’une formule mathématique et d’un coefficient: il en résulte que des minorités ethniques vivant dans certaines parties du pays ont un coefficient de 0,5 tandis que d’autres citoyens de la même origine ethnique dans la partie sud de la Bosnie-Herzégovine ont un coefficient de 1,5 leur conférant plus de droits et de chances dans le processus électoral. C’est la forme ultime de discrimination ethnique, interdite par la Convention des Nations Unies relative aux droits civils et politiques et la Convention européenne des droits de l’homme, a martelé le représentant.
Toujours selon lui, le Haut-Représentant n’a en outre respecté aucun arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans lequel l’existence d’une discrimination systémique a été établie. À titre d’exemple, a-t-il poursuivi, en tant que Juif de Bosnie-Herzégovine, dans ce nouveau système électoral imposé, je n’aurai pas les mêmes droits, opportunités ou chances de participer de manière adéquate au processus électoral. Il est évident que quelqu’un essaie de créer un environnement fondé sur le principe « égal mais séparé », qui repose sur la discrimination raciale et ethnique, et qui a été rejeté il y a des décennies, tout comme l’apartheid, mais que malheureusement, par ses interventions, le Haut-Représentant tente d’imposer, a dénoncé M. Alkalaj. C’est absolument inacceptable, a-t-il estimé.
M. Alkalaj a également accusé le Haut-Représentant d’avoir voulu, une fois de plus par ses interventions, en coopération avec la République voisine de la Croatie, assurer la participation illimitée au gouvernement d’un parti politique, qui est une branche politique de la Croatie voisine. Il a ainsi consciemment maintenu le quota ethnique de 1991, qui correspond mieux aux souhaits de la Croatie, a expliqué M. Alkalaj. Pour le représentant, cela a pour conséquence qu’il ne sera jamais possible de formaliser les résultats du nettoyage ethnique en Bosnie-Herzégovine conformément aux jugements de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye.
Pour toutes ces raisons, a-t-il dit, il est plus qu’évident que le rôle de l’actuel Haut-Représentant est devenu déstabilisant et biaisé en faveur de l’un des pays voisins, ainsi que de certains de ses mentors internationaux, mais au détriment de l’État de Bosnie-et-Herzégovine et de ses citoyens. S’il a continué d’appuyer l’institution du Haut-Représentant, conformément au mandat énoncé dans l’Accord de paix de Dayton, il a dit que l’activité de l’actuel Haut-Représentant « par intérim » est devenue un problème qui doit être réglé dès que possible.
M. SILVIO GONZATO, de l’Union européenne, a salué la tenue d’élections générales en Bosnie-Herzégovine le 2 octobre, et a appelé l’ensemble des acteurs politiques à assumer leur entière responsabilité et coopérer pour mettre rapidement en place des législatures et des gouvernements opérationnels au niveau de l’État, des entités et des cantons, afin de se concentrer sur les réformes dans la perspective de l’intégration européenne.
Il s’est aussi félicité de l’accord politique conclu le 12 juin 2022 à Bruxelles par les dirigeants de Bosnie-Herzégovine, et les a invités à le mettre rapidement en œuvre et à achever d’urgence la réforme constitutionnelle et électorale, pour permettre au pays de progresser résolument sur sa trajectoire européenne. En juin, le Conseil européen a souligné être prêt à accorder le statut de pays candidat à la Bosnie-Herzégovine et, à cette fin, a invité la Commission à rendre compte sans tarder au Conseil de la mise en œuvre des 14 priorités essentielles énoncées dans son avis, a-t-il rappelé.
M. NEMANJA STEVANOVIC (Serbie) a émis le vœu que le processus des élections du 2 octobre sera finalisé sans plus tarder et que les nouvelles institutions étatiques, à tous les niveaux, assumeront leurs responsabilités, dans l’intérêt de tous les citoyens. Pour la Serbie, les relations entre celle-ci et la Bosnie-Herzégovine sont les piliers de la stabilité et de la prospérité régionales, a-t-il ajouté, se disant prêt à contribuer de bonne foi au dialogue et à la coopération avec les institutions de Sarajevo jusqu’à leur composition complète. Il a assuré de sa même disposition dans les relations bilatérales avec la Republika Srpska et la Fédération de la Bosnie-Herzégovine, en conformité avec l’Accord de Dayton dont la Serbie est l’un des garants.
Bien que la Serbie soit favorable à davantage de progrès dans l’application de cet Accord de paix, le représentant a appelé à ne pas négliger ce qui déjà été accompli, en termes de renforcement de la confiance, et de reconnaissance des victimes, quelle que soit leur origine. Le Gouvernement serbe a toujours mis en avant le rôle clef du dialogue entre les deux entités et les trois peuples constituants, a indiqué le représentant, qui a souligné que le droit de chaque État de créer des politiques étrangères et de sécurité s’applique également à la Bosnie-Herzégovine. Le représentant s’est par ailleurs réjoui de voir la Bosnie-Herzégovine s’intéresser à l’initiative des « Balkans ouverts », qui a déjà obtenu des résultats concrets en matière de libre circulation des personnes et des marchandises. Il a espéré que les nouveaux représentants élus de la Bosnie-Herzégovine poseront des jalons supplémentaires pour la coopération dans ce cadre.
Le représentant a également dit soutenir le travail du Haut Représentant, qui selon lui, a fortement contribué en tant que facteur stabilisateur pendant une période délicate pour le pays. Il a soutenu notamment ses efforts pour protéger la stabilité démocratique et le bon fonctionnement des institutions de la Bosnie-Herzégovine, estimant qu’il mérite notre plein soutien, et non des critiques et des accusations. Il appartient maintenant aux dirigeants politiques de Bosnie-Herzégovine de saisir cette occasion et de poursuivre les travaux sur la réforme constitutionnelle et électorale, a invité le délégué, en espérant que cette réforme permette d’éliminer toutes les formes de discrimination dans le processus électoral en garantissant l’égalité de tous les peuples constitutifs, par leur représentation légitime dans les institutions à tous les niveaux, ainsi que les droits de tous les citoyens, y compris leur droit de se présenter aux élections.
En tant que pays ami et voisin, la Croatie se félicite de l’octroi du statut de candidat à l’Union européenne à la Bosnie-Herzégovine et a assuré qu’elle continuera de lui apporter un soutien sans équivoque pour surmonter, avec succès, ses défis politiques et économiques et progresser vers l’Union européenne. C’est dans cette perspective que la grande majorité des citoyens de Bosnie-Herzégovine quelle que soit leur nationalité ou leur appartenance ethnique, souhaitent leur avenir, a estimé le représentant.