Haïti: Le Conseil de sécurité adopte un régime de sanctions ciblées visant Jimmy Cherizier et ceux qui menacent la paix, la sécurité ou la stabilité
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité a adopté, ce matin, à l’unanimité de ses membres, la résolution 2653 (2022), par laquelle il crée un régime de sanctions concernant Haïti (interdiction de voyager, gel des avoirs et embargo sur les armes ciblé) ainsi qu’un comité et un groupe d’experts pour en assurer l’application. Un texte qui envoie un message clair que les violences doivent cesser et que la communauté internationale n’abandonne pas le peuple haïtien, ont souligné les délégations.
Le préambule de ce texte rappelle la résolution 2645 (2022) du 15 juillet 2022, qui a prorogé d’un an le mandat du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) et exigé la cessation immédiate de la violence en bande organisée et des activités criminelles. Le Conseil s’était alors déclaré disposé à prendre des mesures appropriées contre quiconque participerait à la violence en bande organisée et à des activités criminelles ou à des atteintes aux droits humains ou appuierait de tels actes ou agirait de manière à compromettre la paix, la stabilité et la sécurité d’Haïti et de la région.
La résolution adoptée aujourd’hui met à exécution cette volonté du Conseil qui constate « la dégradation des crises prolongées qui frappent Haïti sur les plans politique, institutionnel, économique, humanitaire, de la sécurité, des droits humains et de la sécurité alimentaire ». Le texte commence par exiger, une nouvelle fois, la cessation immédiate de la violence, des activités criminelles et des atteintes aux droits humains et par exhorter tous les acteurs politiques à engager de réelles négociations constructives pour sortir de l’impasse politique actuelle afin que puissent se tenir des élections législatives et présidentielle inclusives, libres et régulières, dès que les conditions de sécurité le permettront.
Le Conseil s’adresse ensuite aux États Membres en leur demandant de prendre des « mesures » pour une période initiale d’un an. Ils devront ainsi empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes ou entités visées à l’annexe de la résolution ou désignées par le Comité qu’il crée par la même résolution. Ils devront aussi geler immédiatement tous les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques se trouvant sur leur territoire qui sont en la possession ou sous le contrôle, direct ou indirect, de ces mêmes personnes ou entités. Enfin, les États Membres sont priés d’empêcher la fourniture, la vente ou le transfert directs ou indirects à des personnes ou entités désignées par le Comité, d’armements et de matériels connexes de tous types.
La seule personne figurant en annexe de la résolution est Jimmy Cherizier (alias « Barbecue »), l’un des chefs de bande les plus influents d’Haïti qui dirige une fédération de bandes organisées connue sous le nom de « Famille G9 et alliés ». Il est désigné notamment pour avoir « commis des actes menaçant la paix, la sécurité et la stabilité d’Haïti ».
Les mesures s’appliqueront à d’autres personnes et entités si elles sont désignées par le Comité comme étant responsables ou complices d’activités faisant peser une menace sur la paix, la sécurité ou la stabilité en Haïti, ou parce qu’elles ont pris part, directement ou indirectement, à de telles activités. Le texte enjoint les États Membres de prendre des mesures dans le respect du droit international. Le Secrétaire général est prié quant à lui de procéder, en étroite consultation avec le Groupe d’experts, à une évaluation des progrès au plus tard le 15 septembre 2023.
La résolution, qui, selon les délégations, a pris en compte les points de vue de tous après des négociations fortes, a été saluée comme une preuve que le Conseil de sécurité peut trouver un consensus, même dans des circonstances difficiles et polémiques. Elle envoie un « message clair » aux mauvais acteurs, c’est-à-dire, aux chefs de gangs, à ceux qui les soutiennent et les financent, aux partis politiques haïtiens: la violence doit cesser. La communauté internationale ne restera pas sans rien faire pendant que vous semez le chaos, ont expliqué les États-Unis et le Mexique, porte-plumes du texte adopté. Avec cette résolution qui montre le sérieux du Conseil sur la question d’Haïti, c’est aussi un message envoyé à son peuple: la communauté internationale ne les abandonne pas, a ajouté la Chine.
La résolution a également été qualifiée de « pas important franchi » dans la bonne direction. Il ne fait aucun doute, s’est réjoui le pays concerné, que ces sanctions contribueront à mettre un frein aux activités violentes et meurtrières des groupes armés qui prolifèrent dans le pays. Elles pourront atténuer les souffrances que subit Haïti, a renchéri le Brésil. Il s’agit dès lors, de mettre en œuvre ces mesures, immédiatement et dans la lettre et l’esprit de la résolution, a demandé le Gabon.
Mais, a nuancé le Kenya, le succès dépendra du niveau de coopération de la communauté internationale, en particulier des États de la région, d’autant que le problème du flux des armes illégales aux Caraïbes n’est pas directement lié à Port-au-Prince: d’autres acteurs sont concernés et ne doivent pas être écartés du régime de sanctions ni du mandat du Groupe d’experts, a insisté la Fédération de Russie.
Si les sanctions ont été bien accueillies, certains membres du Conseil ont mis en garde qu’elles ne pourront éradiquer, à elles seules, les problèmes politiques, ni le niveau élevé de violence qui rongent Haïti. Si la résolution ne cible que les gangs, il ne s’agit que d’un volet du travail du Conseil, ont par exemple relevé la Norvège, le Ghana et la Fédération de Russie. Une solution à long terme devra prendre en considération la nécessité d’un processus politique inclusif, du développement socioéconomique, de l’élimination de la pauvreté et des inégalités.
Dans ce contexte, le représentant d’Haïti a redit que la Police nationale d’Haïti ne dispose pas d’une capacité à la hauteur de la menace que font peser les groupes armés. Il a réitéré la requête de son gouvernement pour obtenir une force spécialisée qui viendrait en aide à la police. À cet égard, les États-Unis et le Mexique préparent un autre projet de résolution visant à autoriser une mission d’assistance non onusienne pour contribuer à la sécurité et à l’aide humanitaire, lui ont répondu les États-Unis.
LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI S/2022/747, S/2022/761
Texte du projet de résolution S/2022/765
Le Conseil de sécurité,
Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité d’Haïti,
Rappelant toutes ses résolutions antérieures concernant Haïti, en particulier sa résolution 2645 (2022), dans laquelle il a notamment prorogé d’un an le mandat du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), exigé la cessation immédiate de la violence en bande organisée et des activités criminelles, et s’est déclaré disposé à prendre des mesures appropriées, selon qu’il conviendrait, contre quiconque participerait à la violence en bande organisée et à des activités criminelles ou à des atteintes aux droits humains ou appuierait de tels actes ou agirait de manière à compromettre la paix, la stabilité et la sécurité d’Haïti et de la région,
Notant avec une profonde inquiétude la dégradation des crises prolongées qui frappent Haïti sur les plans politique, institutionnel, économique, humanitaire, de la sécurité, des droits humains et de la sécurité alimentaire et réaffirmant la volonté de la communauté internationale de continuer d’épauler le peuple haïtien,
Sachant que l’exclusion et les inégalités peuvent aggraver la situation concernant Haïti,
Soulignant qu’il incombe en premier lieu au Gouvernement haïtien de s’attaquer aux facteurs persistants d’instabilité et d’inégalité,
Réaffirmant la nécessité de parvenir à un accord urgent sur un cadre pérenne, assorti de délais et communément accepté, en vue d’un processus politique dirigé par les Haïtiens qui permette d’organiser des élections présidentielle et législatives inclusives, libres et régulières qui soient menées en toute transparence, dès que les conditions de sécurité seront réunies et que la préparation logistique le permettra, avec la participation pleine, égale et réelle des femmes et la participation des jeunes, de la société civile et des autres parties prenantes concernées, et rappelant qu’il a prié le Gouvernement haïtien de faire le point sur le processus politique,
Constatant avec une vive préoccupation l’extrême violence en bande organisée et d’autres activités criminelles, notamment les enlèvements, la traite de personnes et le trafic de migrants, les homicides et les violences sexuelles et fondées sur le genre, dont les viols et l’esclavage sexuel, ainsi que l’impunité des auteurs de tels actes, la corruption et le recrutement d’enfants par les bandes organisées, et les conséquences de la situation d’Haïti sur la région,
Craignant que le commerce et le détournement illicites d’armes et de matériels connexes de tous types contribuent à porter atteinte à l’état de droit et au respect des droits humains, et entravent l’acheminement de l’aide humanitaire et aient de nombreuses répercussions sur les plans humanitaire et socioéconomique,
Notant qu’il faut interdire le transfert d’armes de petit calibre, d’armes légères et de munitions aux acteurs non étatiques qui participent à la violence en bande organisée, à des activités criminelles ou à des atteintes aux droits humains en Haïti ou qui appuient de tels actes, et prévenir le commerce et le détournement illicites de telles armes,
Encourageant les États Membres à coopérer entre eux pour prévenir le commerce et le détournement illicites d’armes, notamment en communiquant et en échangeant des informations actualisées en temps utile afin de répertorier les sources et les chaînes d’approvisionnement du trafic illicite et de s’y attaquer,
Sachant qu’il importe de toute urgence de bloquer les flux financiers illicites à destination d’Haïti, qui permettent aux bandes armées d’opérer et menacent de plus en plus la stabilité du pays, notamment en rompant en priorité les liens entre les acteurs politiques et économiques et les bandes,
Se déclarant préoccupé par le fait que la Police nationale d’Haïti n’a pas accès aux ports vitaux, qui sont largement sous le contrôle des bandes organisées, et demandant qu’il soit mis fin à l’occupation illégale des ports et des terminaux pétroliers par ces bandes,
Se félicitant du lancement de programmes techniques par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) visant à aider les autorités nationales à promouvoir le contrôle des frontières et des ports, à repérer les flux financiers illicites, à collaborer à travers la frontière pour combattre la criminalité transnationale, la corruption et le trafic de drogues et d’armes, notamment au moyen du Programme de contrôle des conteneurs mené par l’ONUDC et l’Organisation mondiale des douanes en Haïti et des programmes de gestion des frontières, et saluant la feuille de route régionale de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) visant à lutter contre le trafic des armes à feu,
Conscient du rôle important que jouent les pays voisins, ainsi que les organisations régionales et sous-régionales telles que la CARICOM et d’autres partenaires internationaux,
Se déclarant profondément préoccupé par les activités criminelles déstabilisantes que continuent de mener les bandes armées en Haïti et par le transfert persistant d’armes de petit calibre, d’armes légères et de munitions à des acteurs participant à la violence en bande organisée ou la soutenant,
Condamnant les attaques et les enlèvements visant le personnel des Nations Unies, ainsi que les violences perpétrées contre des locaux diplomatiques et le pillage de matériel humanitaire, et rappelant que c’est à l’État hôte au premier chef qu’il appartient d’assurer la sûreté et de la sécurité du personnel et des biens des Nations Unies,
Demandant à tous les acteurs en Haïti d’interdire expressément toutes violations des droits humains et atteintes à ces droits, et soulignant qu’il est nécessaire que tous les acteurs garantissent un accès immédiat, sûr et sans entrave aux organisations humanitaires,
Soulignant que les mesures imposées par la présente résolution n’ont pas pour objet d’avoir des conséquences humanitaires négatives pour la population civile d’Haïti,
Considérant qu’il faut s’assurer que des procédures équitables et claires sont en place pour radier des listes relatives aux sanctions des personnes, des groupes, des entreprises et des entités visées dans la présente résolution, et exprimant son intention d’envisager d’habiliter le Médiateur à recevoir ces demandes de radiation,
Affirmant que la situation en Haïti continue de menacer la paix et la sécurité internationales dans la région,
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,
1. Exige la cessation immédiate de la violence, des activités criminelles et des atteintes aux droits humains, qui compromettent la paix, la stabilité et la sécurité d’Haïti et de la région, notamment les enlèvements, les violences sexuelles et fondées sur le genre, la traite des personnes et le trafic de migrants, ainsi que les homicides, les exécutions extrajudiciaires et le recrutement d’enfants par les groupes armés et les réseaux criminels;
2. Exhorte tous les acteurs politiques à engager de réelles négociations constructives pour sortir de l’impasse politique actuelle afin que puissent se tenir des élections législatives et présidentielle inclusives, libres et régulières, dès que les conditions de sécurité le permettront;
Interdiction de voyager
3. Décide que tous les États Membres doivent, pour une période initiale d’un an à compter de l’adoption de la présente résolution, prendre les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes désignées par le Comité créé au paragraphe 19 ci-dessous, étant entendu que rien dans les dispositions du présent paragraphe n’oblige un État à refuser l’entrée sur son territoire à ses propres nationaux;
4. Note qu’il est possible qu’une personne désignée ait plusieurs nationalités ou passeports, se déclare préoccupé par le fait que, dans cette éventualité, les déplacements entre les deux États concernés risquent de porter atteinte aux objectifs visés par l’interdiction de voyager imposée au paragraphe 3 et prie le Groupe d’experts créé en application du paragraphe 21 de la présente résolution (ci-après « le Groupe d’experts ») de signaler au Comité de tels déplacements;
5. Décide que les mesures imposées par le paragraphe 3 ci-dessus ne s’appliquent pas dans les cas suivants:
a) lorsque le Comité établit que tel ou tel voyage se justifie par des raisons humanitaires, y compris un devoir religieux;
b) lorsque l’entrée ou le passage en transit est nécessaire aux fins d’une procédure judiciaire; et
c) lorsque le Comité conclut que telle ou telle dérogation favoriserait la réalisation des objectifs de paix et de stabilité en Haïti;
Gel des avoirs
6. Décide que tous les États Membres doivent, pour une période initiale d’un an à compter de la date de l’adoption de la présente résolution, geler immédiatement tous les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques se trouvant sur leur territoire qui sont en la possession ou sous le contrôle, direct ou indirect, des personnes ou entités visées à l’annexe de la présente résolution ou désignées par le Comité ou de toute personne ou entité agissant pour leur compte ou sur leurs instructions, ou de toute entité en leur possession ou sous leur contrôle, et décide également que tous les États Membres doivent veiller à ce que ni ces fonds, ni d’autres fonds, avoirs financiers ou ressources économiques ne soient mis à la disposition, directement ou indirectement, de ces personnes ou entités par leurs ressortissants ou par des personnes établies sur leur territoire;
7. Décide que les mesures visées au paragraphe 6 ci-dessus ne s’appliquent pas aux fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques dont les États Membres concernés auront déterminé:
a) qu’ils sont nécessaires pour régler des dépenses ordinaires – denrées alimentaires, loyers, mensualités de prêts hypothécaires, médicaments, soins médicaux, impôts, primes d’assurance, factures de services collectifs de distribution – ou pour régler ou rembourser des dépenses engagées dans le cadre de la prestation de services juridiques, notamment des honoraires, conformément à la législation nationale, ou des frais ou commissions liés au maintien en dépôt de fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques gelés, conformément à la législation nationale, après que l’État Membre concerné a informé le Comité de son intention d’autoriser, dans les cas où cela serait justifié, l’accès à ces fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques et en l’absence de décision contraire du Comité dans les cinq jours ouvrables suivant cette notification;
b) qu’ils sont nécessaires pour régler des dépenses extraordinaires, à condition que le ou les États Membres concernés en aient avisé le Comité et que celui-ci ait donné son accord;
c) qu’ils font l’objet d’un privilège ou d’une décision judiciaire, administrative ou arbitrale, auquel cas ils peuvent être utilisés à cette fin, à condition que le privilège ou la décision soient antérieurs à la date de la présente résolution, que le créancier privilégié ou le bénéficiaire de la décision judiciaire, administrative ou arbitrale ne soit pas une personne ou une entité désignée par le Comité et que le privilège ou la décision judiciaire, administrative ou arbitrale aient été portés à la connaissance du Comité par l’État ou les États Membres concernés;
8. Décide que les États Membres pourront autoriser le versement, aux comptes gelés en vertu des dispositions du paragraphe 6 ci-dessus, des intérêts et autres rémunérations revenant à ces comptes ou des paiements dus au titre de marchés, d’accords ou d’obligations souscrits avant la date à laquelle ces comptes ont été assujettis aux dispositions de la présente résolution, étant entendu que ces intérêts, rémunérations et paiements resteront assujettis auxdites dispositions et resteront gelés;
9. Décide que les mesures visées au paragraphe 6 ci-dessus n’interdisent à aucune personne ou entité désignée d’effectuer des paiements au titre d’un contrat passé avant son inscription sur la liste, dès lors que les États concernés se sont assurés que le paiement n’est pas reçu directement ou indirectement par une personne ou entité visée au paragraphe 6 ci-dessus et qu’ils ont signifié au Comité avec un préavis de 10 jours leur intention d’effectuer ou de recevoir de tels paiements ou d’autoriser, selon qu’il conviendrait, le déblocage à cette fin de fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques;
10. Décide également, sans préjudice des programmes d’aide humanitaire menés ailleurs, que les mesures imposées au paragraphe 6 de la présente résolution ne s’appliquent pas aux fonds, autres avoirs financiers ou ressources économiques nécessaires à l’acheminement en temps voulu, par l’Organisation des Nations Unies, les institutions spécialisées ou programmes des Nations Unies, les organisations humanitaires dotées du statut d’observateur auprès de l’Assemblée générale qui fournissent une aide humanitaire et leurs partenaires d’exécution, y compris les organisations non gouvernementales bénéficiant d’un financement bilatéral ou multilatéral qui participent au Plan d’aide humanitaire pour Haïti mis en place par les Nations Unies, de l’aide humanitaire dont Haïti a besoin d’urgence ou à l’appui d’autres activités visant à répondre aux besoins essentiels des personnes en Haïti;
Embargo sur les armes ciblé
11. Décide que, pour une période d’un an à compter de l’adoption de la présente résolution, tous les États Membres devront prendre immédiatement les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente ou le transfert directs ou indirects à des personnes ou entités désignées par le Comité, ou à leur profit, à partir de leur territoire ou à travers leur territoire ou par leurs ressortissants, ou au moyen de navires ou d’aéronefs battant leur pavillon, d’armements et de matériels connexes de tous types, y compris les armes et les munitions, les véhicules et les matériels militaires, les équipements paramilitaires et les pièces détachées correspondantes, ainsi que toute assistance technique ou formation et toute aide financière ou autre en rapport avec les activités militaires ou la fourniture, l’entretien ou l’utilisation de tous armements et matériels connexes, y compris la mise à disposition de mercenaires armés venant ou non de leur territoire;
12. Encourage les États Membres à veiller à ce que des mesures adéquates de marquage et d’enregistrement soient en place et permettent de garantir la traçabilité des armes, en particulier des armes légères et de petit calibre, conformément aux instruments régionaux et internationaux auxquels ils sont parties, et à réfléchir aux meilleurs moyens d’aider les pays voisins, s’il y a lieu et à la demande de ces pays, à prévenir et détecter tout trafic ou détournement en violation des mesures imposées au paragraphe 11 de la présente résolution;
13. Demande à tous les États Membres, en particulier aux États de la région, agissant conformément à leur jurisprudence et leur législation internes et au droit international, de faire inspecter sur leur territoire, y compris dans les ports maritimes et aéroports, tous les chargements à destination d’Haïti, si les États concernés disposent d’informations leur donnant des motifs raisonnables de penser que ces chargements contiennent des articles dont la fourniture, la vente ou le transfert sont interdits par le paragraphe 11 de la résolution, afin de garantir une stricte application de ces dispositions;
14. Encourage la coopération régionale terrestre, aérienne et maritime, selon les besoins, visant à repérer et à prévenir les violations des mesures imposées au paragraphe 11 de la présente résolution, et à les signaler en temps voulu au Comité créé en application des dispositions du paragraphe 19 plus bas;
Critères de désignation
15. Réaffirme que les mesures édictées au paragraphe 3 s’appliquent à toutes les personnes, et celles édictées aux paragraphes 6 et 11 à toutes les personnes et entités, que le Comité créé en application du paragraphe 19 de la présente résolution aura désignées comme étant responsables ou complices d’activités faisant peser une menace sur la paix, la sécurité ou la stabilité en Haïti, ou comme ayant pris part, directement ou indirectement, à de telles activités;
16. Décide que les actes décrits au paragraphe 15 ci-dessus peuvent comprendre, sans s’y limiter:
a) Le fait de prendre part, directement ou indirectement, à des activités criminelles et à des actes de violence impliquant des groupes armés et des réseaux criminels qui encouragent la violence, notamment le recrutement forcé d’enfants par ces groupes et réseaux, les enlèvements, la traite des personnes et le trafic de migrants ainsi que les homicides et la violence sexuelle et fondée sur le genre, ou de soutenir ces activités;
b) Le fait de soutenir le trafic et le détournement d’armements et de matériels connexes ou les flux financiers illicites qui y sont liés;
c) Le fait d’agir pour le compte d’une personne ou entité se livrant aux activités visées aux alinéas a) et b) ci-dessus, ou en son nom ou sur ses instructions, ou de lui fournir toute autre forme d’appui ou de financement, notamment en utilisant directement ou indirectement le produit de la criminalité organisée, dont la production et le commerce illicites de stupéfiants et de leurs précurseurs en provenance d’Haïti ou en transit dans le pays, la traite d’êtres humains et le trafic de migrants en provenance d’Haïti, ou la contrebande et le trafic d’armes à destination ou en provenance d’Haïti;
d) Le fait d’agir en violation de l’embargo sur les armes imposé au paragraphe 11 de la présente résolution, ou de fournir, vendre ou transférer directement ou indirectement à des groupes armés ou à des réseaux criminels opérant en Haïti des armes ou du matériel connexe, ou des conseils techniques, une formation ou une assistance, y compris un financement ou une assistance financière, en lien avec les activités violentes de groupes armés ou de réseaux criminels en Haïti, ou d’en être les destinataires;
e) Le fait de préparer, donner l’ordre de commettre ou commettre en Haïti des actes contraires au droit international des droits de l’homme ou au droit international humanitaire ou constituant des atteintes aux droits humains ou des violations de ces droits, notamment des exécutions extrajudiciaires, y compris de femmes et d’enfants, des actes de violence, des enlèvements, des disparations forcées ou des enlèvements contre rançon;
f) Le fait de préparer, de donner l’ordre de commettre ou de commettre en Haïti des actes de violence sexuelle ou fondée sur le genre, y compris le viol et l’esclavage sexuel;
g) Le fait de faire obstacle à l’acheminement de l’aide humanitaire destinée à Haïti, à l’accès à cette aide ou à sa distribution dans le pays;
17. Enjoint aux États Membres de faire en sorte que toutes les mesures prises pour appliquer la présente résolution soient conformes aux obligations que leur impose le droit international, y compris le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme et le droit international des réfugiés, selon qu’il convient;
18. Décide que les personnes visées à l’annexe de la présente résolution seront soumises aux mesures imposées aux paragraphes 3, 6 et 11 plus haut;
Comité des sanctions
19. Décide de créer, conformément à l’article 28 de son règlement intérieur provisoire, un comité du Conseil de sécurité composé de tous ses membres (ci-après « le Comité »), qui s’acquittera des tâches suivantes:
a) Suivre l’application des mesures prévues aux paragraphes 3, 6 et 11 plus haut en vue de renforcer, de faciliter et d’améliorer leur mise en œuvre par les États Membres, et examiner les demande de dérogation aux mesures imposées par les paragraphes 5 et 7 de la présente résolution et se prononcer à leur sujet;
b) Chercher à obtenir des informations concernant les personnes et entités qui se livreraient aux actes décrits aux paragraphe 15 et 16 plus haut et les passer en revue;
c) Désigner les personnes et entités visées par les mesures imposées aux paragraphes 3, 6 et 11 plus haut;
d) Arrêter et promulguer les directives qui pourraient être nécessaires pour faciliter la mise en œuvre des mesures imposées ci-dessus;
e) Lui adresser dans un délai de 60 jours un rapport sur ses travaux, accompagné de ses observations et recommandations, en particulier sur les moyens de renforcer l’efficacité des mesures imposées par les paragraphes 3, 6 et 11 de la présente résolution, puis lui faire rapport chaque année;
f) Favoriser le dialogue entre le Comité et les États Membres intéressés, en particulier ceux de la région, notamment en invitant leurs représentants à le rencontrer afin d’examiner la question de l’application des mesures;
g) Solliciter de tous les États toutes informations qu’il jugerait utiles concernant les actions que ceux-ci ont engagées pour appliquer les mesures de façon effective;
h) Examiner les informations faisant état de violations ou du non-respect des mesures imposées aux paragraphes 3, 6 et 11 et y donner la suite qui convient;
20. Charge le Comité de coopérer avec les autres comités des sanctions du Conseil de sécurité;
Présentation de rapports
21. Prie le Secrétaire général de créer, en consultation avec le Comité et pour une période initiale de treize mois, un groupe composé de 4 experts (le « Groupe d’experts »), qui sera placé sous l’autorité du Comité, et de prendre les dispositions voulues sur le plan financier et en matière de sécurité pour épauler le Groupe dans ses activités, et décide que le Groupe sera chargé des tâches suivantes:
a) Aider le Comité à s’acquitter de son mandat, défini dans la présente résolution, notamment en lui fournissant à tout moment des informations pouvant servir à désigner éventuellement par la suite des personnes et entités qui se livreraient aux activités décrites aux paragraphes 15 et 16 plus haut;
b) Réunir, examiner et analyser toutes informations provenant des États, des organismes des Nations Unies compétents, d’organisations régionales et d’autres parties intéressées concernant l’application des mesures édictées dans la présente résolution, en particulier celles qui portent sur la source ou les itinéraires du trafic d’armes en Haïti ou des faits entravant la transition politique;
c) Lui présenter, après concertation avec le Comité, un rapport d’activité le 15 mars 2023 au plus tard, un rapport final le 15 septembre 2023 au plus tard, et lui adresser d’autres rapports périodiques dans l’intervalle;
d) Aider le Comité à préciser et à actualiser les informations concernant la liste des personnes et entités visées par les mesures imposées aux paragraphes 3, 6 et 11 de la présente résolution, notamment en fournissant des renseignements concernant leur identité et d’autres renseignements pouvant servir à établir le résumé des motifs présidant à leur inscription sur la liste, qui est mis à la disposition du public;
22. Charge le Groupe d’experts de coopérer avec le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, la Communauté des Caraïbes et les autres groupes d’experts qu’il a créés pour épauler ses comités des sanctions, selon qu’il convient;
23. Demande instamment à toutes les parties et à tous les États Membres, ainsi qu’aux organisations internationales, régionales et sous-régionales, de coopérer avec le Groupe d’experts, et prie instamment tous les États Membres concernés de garantir la sécurité des membres du Groupe d’experts et de leur donner libre accès, notamment aux personnes, documents et lieux pertinents pour l’exécution de leur mandat;
24. Note que la procédure de sélection des experts devrait favoriser la nomination des personnes les mieux qualifiées pour exercer les fonctions décrites ci-dessus, compte dûment tenu de l’importance de la représentation régionale et de l’égalité des sexes dans le processus de recrutement;
Réexamen de la situation
25. Affirme qu’il suivra en permanence la situation en Haïti et se tiendra prêt à examiner l’opportunité des mesures énoncées dans la présente résolution, y compris de leur renforcement, de leur modification, de leur suspension ou de leur levée, à la lumière des progrès accomplis par rapport aux principaux objectifs suivants:
a) Une fois mises en place les capacités requises dans les domaines judiciaire et de l’état de droit permettant de lutter contre les groupes armés et les activités criminelles
b) Réduction progressive des niveaux de la violence commise par les groupes armés et les réseaux criminels, y compris les homicides volontaires, les enlèvements et les cas de violence sexuelle et fondée sur le genre, mesurée annuellement, à compter de la période initiale de 12 mois suivant l’adoption de la présente résolution;
c) Progrès dans la réalisation des objectifs 2, 3 et 4 et des cibles connexes, tels que décrits dans le rapport du Secrétaire général du 13 juin 2022 (S/2022/481);
d) Réduction progressive du nombre d’affaires de trafic et de détournement d’armes ainsi que des flux financiers illicites qui en découlent, notamment en augmentant le nombre et le volume de saisies d’armes, mesurée annuellement, à compter de la période initiale de 12 mois suivant l’adoption de la présente résolution;
26. Prie le Secrétaire général à cet égard, en étroite consultation avec le Groupe d’experts, de procéder, au plus tard le 15 septembre 2023, à une évaluation des progrès accomplis concernant les principaux objectifs établis au paragraphe ci-dessus;
27. Invite l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime à collaborer avec le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti et le Groupe d’experts, selon qu’il convient, et de présenter au Comité des recommandations visant à mettre fin aux flux financiers illicites et au trafic ainsi qu’au détournement de matériel d’armement en Haïti;
28. Décide de rester activement saisi de la question.
Annexe
Jimmy Cherizier (alias « Barbecue ») a commis des actes menaçant la paix, la sécurité et la stabilité d’Haïti et a planifié, dirigé ou commis des actes qui constituent des atteintes graves aux droits humains.
Jimmy Cherizier est l’un des chefs de bande les plus influents d’Haïti et dirige une fédération de bandes organisées connue sous le nom de « Famille G9 et alliés ».
Alors qu’il était agent de la Police nationale d’Haïti, Jimmy Cherizier a planifié et participé à l’attaque meurtrière, lancée en novembre 2018, contre des civils dans un quartier de Port-au-Prince appelé La Saline. Au moins 71 personnes ont été tuées, plus de 400 maisons détruites et au moins sept femmes violées par des bandes armées. En 2018 et 2019, Jimmy Cherizier a dirigé des groupes armés qui ont lancé des attaques coordonnées et brutales dans des quartiers de Port-au-Prince. En mai 2020, Jimmy Cherizier a dirigé des bandes organisées armées qui ont attaqué pendant cinq jours plusieurs quartiers de Port-au-Prince, tuant des civils et incendiant des maisons. Depuis le 11 octobre 2022, Jimmy Cherizier et le G9, sa fédération de bandes organisées armées, bloquent totalement la libre circulation du carburant à partir du terminal pétrolier de Varreux, le plus grand d’Haïti. Les actes de Jimmy Cherizier ont directement contribué à la paralysie économique et à la crise humanitaire en Haïti.
Déclarations après adoption
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a voulu, conjointement avec le Mexique, en tant que coporte-plumes de cette résolution, remercier les membres du Conseil pour l’examen et l’adoption de ce texte. Après des négociations fortes, et malgré un laps de temps très bref, elle s’est félicitée de l’adoption à l’unanimité de la résolution et du fait qu’elle intègre les points de vue de toutes les délégations, y compris la sienne.
Elle a souligné que le texte invite à prendre des mesures contre des acteurs criminels, dont des membres de gangs et leurs soutiens financiers, ainsi que leurs dirigeants, qui ont contribué à la crise humanitaire causant tant de souffrances. Nous envoyons un message clair aux mauvais acteurs, a-t-elle expliqué: la communauté internationales ne restera pas sans rien faire pendant que vous semez le chaos parmi le peuple haïtien. Les sanctions sont les plus efficaces quand elles sont ciblées sur des acteurs mauvais et quand elles permettent à l’aide humanitaire d’atteindre la population, a fait remarquer la représentante en se félicitant que la résolution adoptée, aujourd’hui, atteigne ces deux objectifs. Elle a aussi salué les mesures claires, mesurables et bien définies qui ont été prévues pour l’examen et le suivi des sanctions.
C’est un pas important qui a été franchi pour aider le peuple haïtien et un message très clair à l’endroit de ceux qui ont pris le pays en otage, a fait observer la représentante, tout en prévenant que cette résolution n’est qu’une première étape. Il nous reste beaucoup de travail, a-t-elle dit, en appelant à aider à restaurer la sécurité et à alléger les souffrances en fournissant une aide humanitaire au peuple haïtien. Les États-Unis et le Mexique préparent un autre projet de résolution visant à autoriser une mission d’assistance non onusienne pour contribuer à la sécurité et à l’aide humanitaire, pour répondre à ces deux objectifs, a indiqué Mme Thomas-Greenfield. C’est non seulement une demande du pays mais aussi une des options que le Secrétaire général a soumises au Conseil, a-t-elle précisé.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a remercié les membres du Conseil pour leur participation au processus de consultation et leurs observations constructives qui ont permis de rédiger le texte adopté. « Cela prouve l’unité du Conseil sur une question difficile et polémique. » Le Conseil, a dit le délégué, a envoyé un message très clair: la violence doit cesser et il importe de mettre en place un embargo sur les armes. Le trafic d’armes représente pour beaucoup de pays un fléau contre lequel il convient de lutter avec fermeté. De même, la résolution signale clairement que le Conseil continuera à agir contre ceux qui protègent, soutiennent et financent les bandes organisées. En conclusion, le délégué a insisté sur la nécessité de favoriser l’avènement d’un gouvernement démocratique en Haïti.
M. GENG SHUANG (Chine) a rappelé que son pays avait été le premier à demander un régime de sanctions à l’encontre des chefs de gangs qui sévissent en Haïti, compte tenu de la situation sur le terrain. Il a espéré que la résolution leur enverra un message très clair, non seulement à eux, mais aussi aux acteurs politiques, afin qu’ils cessent d’être les complices de ces gangs et répondent aux besoins et intérêts du peuple haïtien. La résolution est aussi un message envoyé à ce peuple, pour qu’il comprenne que la communauté internationale ne les abandonne pas, a fait valoir le délégué. Il a également remercié les auteurs de la résolution pour avoir tenu compte des avis d’autres délégations.
Mme MONA JUUL (Norvège) a noté que la situation alarmante en Haïti exige une réponse de la communauté internationale. Le régime de sanctions mis en place permettra de limiter la capacité des acteurs criminels et des gangs à poursuivre leurs activités illégales et leurs violences, y compris les violences sexistes et sexuelles, ainsi que les autres violations des droits humains, s’est-elle félicitée. Elle a également salué l’inclusion d’une exception humanitaire robuste, la mise en place de procédures claires et justes, ainsi que le rôle de l’Ombudsman.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a appuyé la résolution introduisant des sanctions à l’encontre des bandes criminelles. Elle a admis qu’il n’a pas été facile de s’accorder sur le texte adopté mais constaté que les auteurs ont changé d’attitude et pris en considération les préoccupations de la Russie liées à une « hâte excessive », et à l’imposition de « dates butoirs artificielles ». Le consensus a montré que, même dans les circonstances difficiles actuelles, le Conseil peut s’entendre grâce au dialogue et au sens de la responsabilité. Le représentant a ajouté que la Russie souhaitait que les États-Unis et le Mexique tiennent davantage compte des opinions des acteurs régionaux, qui subissent également la pression des groupes terroristes autant qu’Haïti. « Les États-Unis n’appartiennent pas à une « liste blanche » à cet égard. »
Malgré l’appui apporté au document par la Russie, le délégué a dit ne pas être convaincu que les mesures internationales seront tout à fait adéquates pour régler la situation et les problèmes politiques dans le pays. Une solution à long terme devra prendre en considération la nécessité d’un processus politique inclusif, du développement socioéconomique, de l’élimination de la pauvreté et des inégalités. Le délégué a, de plus, constaté que le problème du flux des armes illégales aux Caraïbes n’est pas directement lié à Port-au-Prince: d’autres acteurs sont concernés et ne doivent pas être écartés du régime de sanctions ni du mandat du Groupe d’experts, a-t-il recommandé. Il convient donc, à son avis, de favoriser la réforme institutionnelle sans influence de l’étranger. Les sanctions du Conseil ne sont pas une punition mais le reflet d’une position ferme de la communauté internationale, a-t-il commenté. À terme, il conviendra de réviser, d’alléger ou de lever les mesures de restriction internationales, a conclu le délégué.
M. FERGAL MYTHEN (Irlande) a salué l’adoption de cette résolution qui crée un nouveau régime de sanctions, le premier depuis 2017. S’il a toutefois reconnu que ce régime ne pourra pas, à lui seul, résoudre les problèmes que rencontre le peuple haïtien, le délégué a souligné que le Conseil a montré son sérieux sur la question d’Haïti.
M. MARTIN KIMANI (Kenya) a estimé que cette résolution est l’une des mesures les plus concrètes adoptée par le Conseil de sécurité ces derniers temps et la première véritable mesure visant à résoudre la crise en Haïti. Il s’est félicité de la mise en place de critères pour mesurer l’efficacité du régime de sanctions afin de l’ajuster en fonction de l’amélioration de la situation. Le succès de la mise en œuvre de cette résolution dépendra du niveau de coopération de la communauté internationale, en particulier des États de la région, a-t-il affirmé, soulignant en particulier l’importance du partage d’informations. Le renforcement des institutions reste essentiel, selon le représentant. À ce titre, il a soutenu les efforts de la CARICOM et a rappelé la nécessité d’une solution contrôlée et dirigée par Haïti.
Mme LANA ZAKI NUSSEIBEIH (Émirats arabes unis) a réitéré l’appui de son pays aux efforts tendant à lutter contre la criminalité organisée en imposant des sanctions. L’embargo sur les armes est important pour endiguer le trafic d’armes, a-t-elle dit. Évoquant les pénuries d’eau et d’électricité qui ont des effets dévastateurs sur la population, la déléguée s’est réjouie que la proposition de son pays à ce sujet ait été intégrée dans le projet de résolution. Elle a salué les efforts des organisations régionales, notamment de la Communauté des Caraïbes (CARICOM). En conclusion, elle a toutefois encouragé à l’établissement de « seuils clairs et réalisables » pour la levée des sanctions au moment opportun, appelant toutes les parties en Haïti à trouver des compromis pour résoudre les différends politiques.
M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a déclaré que cette résolution pourra atténuer les souffrances que subit Haïti, d’autant plus que le régime de sanctions ainsi créé comporte des « exceptions humanitaires ». Cette pratique devrait, selon lui, être plus étendue au Conseil de sécurité. Le Brésil aurait toutefois souhaité un processus de négociation « interactif et transparent » afin d’approfondir d’autres questions, a ajouté le représentant.
Mme CAROLYN ABENA ANIMA OPPONG-NTIRI (Ghana) a espéré que la résolution permettra de faire face aux difficultés en Haïti et d’indiquer aux auteurs de crimes et de violences « qu’ils devront rendre des comptes ». Si ce régime de sanctions cible les gangs, il ne s’agit toutefois que d’un volet du travail du Conseil, a-t-elle noté. L’adoption de seuils pour évaluer l’utilité et la proportionnalité des sanctions est souhaitable, a estimé la représentante, de même que les mesures permettant d’éviter toute retombée humanitaire négative sur la population. Elle a rappelé que le Conseil ne doit « en aucun cas » exacerber les difficultés de la population. Enfin, elle a souligné que la mise en œuvre de la résolution nécessite l’appui et la coopération de toutes les États Membres, en particulier les acteurs de la région.
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a fait part de sa profonde préoccupation pour la situation de la population haïtienne et pour les souffrances qu’elle endure. Elle s’est félicitée de l’esprit constructif qui a présidé aux discussions autour du projet de résolution, formant le vœu que le Conseil de sécurité poursuive dans cette voie.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) s’est réjoui que cette résolution ait été adoptée à l’unanimité. Il a expliqué avoir voté en faveur de ce texte parce qu’il est de « notre responsabilité de mettre le peuple haïtien à l’abri du chaos », évoquant les espoirs assombris de ce peuple à cause de l’insécurité et de la détresse. Ce texte vise notamment à neutraliser les gangs et à assécher leurs financement et approvisionnement, ainsi qu’à protéger la population civile et activer une riposte contre le choléra, a-t-il noté. Espérons que le texte adopté sera mis en œuvre immédiatement dans la lettre et l’esprit, a-t-il dit, en soulignant que le Conseil de sécurité a envoyé le message fort que « nous sommes du côté du peuple haïtien ». Le délégué a conclu en rappelant son attachement à la souveraineté et à l’intégrité du pays.
M. ANTONIO RODRIGUE (Haïti) a salué l’adoption de la résolution dont les mesures sont basées sur des critères bien définis. Il ne fait aucun doute que ces sanctions contribueront à mettre un frein aux activités violentes et meurtrières des groupes armés qui prolifèrent dans le pays, s’est-il réjoui. Il a également estimé que s’il s’agit d’un pas dans la bonne direction, il faut continuer sur cette lancée pour un résultat durable. En effet, les sanctions, à elles seules, ne pourront éradiquer ce niveau de violence élevé qui ronge Haïti, selon le représentant qui a fait remarquer que la police haïtienne ne dispose pas d’une capacité à la hauteur de la menace que font peser les groupes armés. Dans ce contexte, le représentant a plaidé pour que la requête de son gouvernement visant à obtenir « un appui robuste », sous la forme d’une force spécialisée qui viendrait en aide à la Police nationale d’Haïti, fasse l’objet d’une considération attentive de la part des membres du Conseil de sécurité.