9154e séance - matin
CS/15066

Conseil de sécurité: malgré une situation sécuritaire et humanitaire préoccupante, les délégations saluent les récents développements politiques au Mali

Saisis, ce matin, de la crise au Mali, les membres du Conseil de sécurité ont salué les derniers développements politiques dans le pays, tout en se déclarant préoccupés pour plusieurs d’entre eux de la détérioration des situations sécuritaire et humanitaire dans le pays. 

Venu présenter le dernier rapport en date du Secrétaire général sur la question, son Représentant spécial et Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), M. El-Ghassim Wane, s’est félicité des progrès « notables » réalisés par les autorités de transition, dont la signature début juillet d’un accord entre le Mali et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur le calendrier d’achèvement de la transition; l’adoption d’une loi électorale en juin; et la présentation, le 11 octobre, d’un avant-projet de constitution. 

Depuis août, le processus de paix a, selon le haut fonctionnaire, connu une évolution « encourageante », avec l’adoption de plusieurs décisions « tant attendues », dont l’approbation de l’intégration de jusqu’à 26 000 ex-combattants dans les Forces de défense et de sécurité maliennes et d’autres structures étatiques, conformément aux dispositions de l’Accord d’Alger et aux recommandations des Assises nationales. 

Mais ces développements se déroulent malheureusement dans un contexte sécuritaire et humanitaire « très difficile », en particulier dans le centre du pays et dans la zone des trois frontières: depuis mars, les activités des groupes terroristes ont fortement augmenté dans les régions de Ménaka et de Gao.  Par exemple, des éléments du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) ont perpétré des attaques contre des civils dans les villages de Diallassagou, Dianweli et Dessagou, faisant 130 victimes et provoquant le déplacement de 9 000 personnes. 

Les attaques contre les forces maliennes dans les centres urbains se sont en outre poursuivies.  Le Front de libération du Macina (FLM)a pu revendiquer six attaques coordonnées commises le 21 juillet, dans les régions de Mopti, Douentza, Ségou et Koulikoro, faisant 3 morts et 17 blessés.  Hier encore, a relevé le Secrétaire général adjoint, une attaque a été perpétrée à l’aide d’un engin explosif improvisé contre une patrouille de la MINUSMA à Tessalit, dans la région de Kidal, entraînant la mort de quatre Casques bleus tchadiens. 

Sur le plan humanitaire aussi, la situation n’est pas plus encourageante: le nombre de déplacés internes est passé de 350 000 à plus de 422 000 dans le centre et le nord du pays et plus de 1,8 million de personnes sont confrontées à une grave insécurité alimentaire, un chiffre qui pourrait passer à 2,3 millions d’ici à novembre 2022, a prévenu M. Wane. 

La plupart des délégations, notamment la France, l’Inde ou les A3 (Gabon, Kenya, Ghana), ont salué les « jalons posés », convenant que le Mali est « à la croisée des chemins » et que la priorité reste la lutte contre les groupes terroristes, qui multiplient les attaques visant les Casques bleus de la MINUSMA, la « mission des Nations Unies la plus dangereuse ».  Pour les États-Unis, elles doivent cesser, de même que les campagnes de désinformation à l’encontre de la Mission et les restrictions imposées à ses activités et ses personnels, qui mettent en péril son mandat. 

Pour le Ministre des affaires étrangères du Mali, cependant, personne n’entrave ou ne restreint les activités de la MINUSMA.  Nous cherchons uniquement, a indiqué M. Abdoulaye Diop, à affirmer notre souveraineté sur notre territoire, face à un manque de concertation et de coordination, et surtout face à l’arrivée, « sans base légale », de forces étrangères qui se présentent comme faisant partie de la MINUSMA.  Il a rappelé que son pays demande toujours une réunion spéciale du Conseil de sécurité pour apporter des preuves des nombreuses violations de la souveraineté du Mali et de la « duplicité » et des « actes d’espionnage » de la France.  Le Mali se réserve le droit d’exercer sa légitime défense, a prévenu le Chef de la diplomatie malienne. 

Quoiqu’il en soit, il faut rationaliser le mandat de la MINUSMA, afin de la doter de moyens suffisants pour lui permettre de remplir sa mission, y compris de capacités renforcées de protection des agents du maintien de la paix, a plaidé la Chine.  Les A3 ont également dit attendre des mesures supplémentaires dans le cadre du plan d’adaptation de la force, notamment une augmentation des effectifs militaires de manière à répondre à la dynamique politique et sécuritaire en cours dans le pays. 

Il est, dans ce contexte, regrettable qu’un certain nombre d’États aient décidé de retirer ou de suspendre leur contribution à la Mission, a déploré la Fédération de Russie, laquelle a par ailleurs estimé que la situation se stabilise au Mali, alors même que l’on tente de faire du Sahel un « champ de confrontation géopolitique ». 

Réagissant aux propos du Ministre malien, la France a soutenu qu’elle n’avait jamais violé l’espace aérien du pays hôte de la MINUSMA.  Paris a toujours respecté les dispositions de l’Accord conclu en 2013, lorsqu’elle est intervenue à la demande des autorités maliennes, affirmant avoir toujours fait preuve de « transparence ».  Dès lors, a rétorqué le Ministre malien des affaires étrangères, la France devrait accepter la demande d’une réunion spéciale du Conseil de sécurité pour que le Mali présente les « preuves » à l’appui de ses affirmations. 

LA SITUATION AU MALI S/2022/731

Déclarations

M. EL-GHASSIM WANE, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), a axé son intervention sur les principaux développements et les efforts déployés depuis juin.  Il a ainsi constaté qu’en matière de transition et de processus de paix, des progrès notables ont été réalisés en ce qui concerne la préparation des élections: un accord a été signé début juillet entre le Mali et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur le calendrier d’achèvement de la Transition.  Un référendum constitutionnel est prévu pour se tenir en mars 2023, après la présentation le 11 octobre dernier de l’avant-projet de constitution au Président de la Transition.  Ce projet met l’accent sur la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption.  Il prévoit la mise en place d’un parlement bicaméral et la reconnaissance des modes alternatifs de résolution des différends.  Cela devrait faciliter la mise en œuvre de l’Accord de paix de 2015.  Son adoption par le Conseil des ministres est prévue vers la fin du mois de novembre.

De plus, depuis l’adoption de la Loi électorale en juin, des mesures ont été prises pour mettre en place l’organe unique de gestion des élections.  Composé de 15 membres, le collège va maintenant procéder à l’opérationnalisation des différentes structures nationales, régionales et locales ainsi que des cellules de coordination des missions diplomatiques et consulaires du Mali à l’étranger.  Le mécanisme de suivi du chronogramme des réformes politiques et électorales, qui implique la partie malienne et les partenaires multilatéraux concernés, est désormais opérationnel tant au niveau technique que politique.  Mais bien que ces progrès soient louables, la réussite de la mise en œuvre du processus électoral dépendra d’une multitude de facteurs, notamment de la disponibilité des ressources financières et logistiques nécessaires et de l’évolution de la situation en matière de sécurité, a dit M. Wane.  Depuis août dernier, le processus de paix a connu une évolution encourageante.  La réunion décisionnelle de haut niveau tant attendue s’est tenue, aboutissant à plusieurs décisions, dont l’approbation de l’intégration de jusqu’à 26 000 ex-combattants dans les Forces de défense et de sécurité maliennes et d’autres structures de l’État.  Des mesures sont prises pour assurer le suivi desdites décisions.  Par ailleurs, les autorités de transition poursuivent un programme plus large de réformes, conformément aux recommandations des Assises nationales de la refondation.

Mais ces développements se déroulent dans le contexte d’une situation sécuritaire, humanitaire et des droits de l’homme très difficile, en particulier dans le centre et dans la zone tri-frontalière entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger.  Depuis mars, les activités des éléments extrémistes affiliés à l’État islamique du Grand Sahara (EIGS) et au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) ont fortement augmenté dans les régions de Ménaka et de Gao.  Ces groupes extrémistes profitent des vides sécuritaires, que les forces maliennes s’efforcent de combler, et se battent pour le contrôle du territoire tout en ciblant ces dernières ainsi que la MINUSMA, a-t-il expliqué, ajoutant que la MINUSMA s’efforce de mieux protéger les civils, en gardant à l’esprit la responsabilité première de l’État à cet égard.

Mais si la lutte contre le terrorisme comporte « nécessairement » un volet militaire et sécuritaire, il est évident qu’aucun résultat durable ne pourra être obtenu si deux conditions fondamentales ne sont pas réunies.  Il faut, a plaidé le Représentant spécial, que ces efforts soient complétés par la restauration de l’autorité de l’État et le rétablissement de la confiance avec les communautés locales.  Il est également impératif que tout soit mis en œuvre pour que les opérations militaires dirigées par le Gouvernement soient menées dans le respect des droits humains et du droit international humanitaire et que les auteurs de violations et d’abus soient tenus pour responsables.

Sur le plan humanitaire, le nombre de déplacés internes ne cesse d’augmenter, a constaté M. Wane: il est passé de 350 000 à plus de 422 000 dans le centre et le nord du pays, tandis que plus de 175 000 réfugiés maliens se trouvaient dans les pays voisins.  En outre, plus de 1,8 million de personnes sont confrontées à une grave insécurité alimentaire.  Ce chiffre pourrait grimper à 2,3 millions d’ici à novembre 2022, a indiqué M. Wane.  Plus de 1,2 million d’enfants de moins de 5 ans sont touchés par la malnutrition aiguë.  En mai dernier, plus de 1 950 écoles au Mali étaient fermées en raison de l’insécurité, affectant plus de 587 000 enfants, principalement dans la région centrale de Mopti.  Les efforts louables des acteurs humanitaires pour répondre à ces besoins sont entravés par le manque de financements adéquats et durables.  Jusqu’à présent, seuls 30% environ des 686 millions de dollars demandés pour 2022 ont été mobilisés, a estimé le Chef de la MINUSCA.

« Le Mali est aujourd’hui à la croisée des chemins », a déclaré M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France), qui s’est félicité que des premiers jalons aient été posés ces derniers mois avec l’accord, en juillet, entre les autorités maliennes et la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur le chronogramme de la transition, en vue du retour à l’ordre constitutionnel et de l’organisation d’élections d’ici à février 2024.  D’autre part, la promulgation de la loi électorale a constitué un point de départ, et un projet de constitution devant être prochainement soumis à référendum a été rédigé.  En outre, en septembre, le Comité de suivi de l’accord s’est réuni pour la première fois, depuis plus d’un an, sous l’impulsion de l’Algérie, a commenté M. de Rivière, jugeant ces efforts essentiels pour aboutir à des résultats concrets et rapides, car la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation et le retour de la démocratie ne peuvent venir que des parties maliennes.

Le délégué a insisté sur les dangers encourus par la MINUSMA, en raison des groupes terroristes qui étendent leur emprise, a-t-il constaté, appelant le pays à renouer des relations avec ses partenaires de la sous-région pour présenter un front uni devant cette menace transfrontalière.  Aux yeux de M. de Rivière, il serait inacceptable d’exposer les soldats de la paix à de tels risques sans une coopération pleine et entière du pays hôte, dans le respect de son accord de siège et des résolutions 2518 et 2589.  Il a néanmoins constaté certaines entraves aux activités de la MINUSMA, se disant préoccupé par les 20 cas de restrictions aux mouvements terrestres de ses personnels, ainsi que par les 22 cas de restrictions à ses mouvements aériens.  Ce dernier point est particulièrement inquiétant pour la France, car une évacuation héliportée est parfois le seul moyen de sauver un soldat blessé, a rappelé son représentant.  Il s’est également interrogé sur les opérations menées par certaines forces nationales avec l’appui de mercenaires du groupe Wagner.  Le fait qu’elles visent certaines communautés sont extrêmement graves, a-t-il ajouté, en exhortant les autorités maliennes à veiller à ce que les auteurs de ces exactions répondent de leurs actes, et à ce que les enquêtes annoncées aboutissent.  M. de Rivière a aussi appelé à ce que l’examen stratégique de janvier apporte des réponses claires à ces questions et mette toutes les options sur la table.  « Personne ne souhaite voir la MINUSMA quitter le Mali », a-t-il encore déclaré, ajoutant que les sondages montrent que c’est dans les zones les plus éloignées que la Mission est la plus appréciée.  Nous comptons sur l’esprit de responsabilité des autorités de transition pour ne pas précipiter un départ dont les Maliens seraient les premières victimes, a mis en garde en conclusion le représentant.

M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a salué les dernières évolutions positives survenues au Mali, arguant que les mesures prises fournissent une base solide pour le processus de transition et le rétablissement de l’ordre civil à la fin de la période de transition en 2024.  La mise en œuvre de l’Accord sur la paix et la réconciliation de 2015 reste fondamentale pour une paix durable dans le nord du Mali, a-t-il rappelé.  À cet égard, le représentant a salué la réunion de haut niveau qui s’est tenue en août, ainsi que la session du Comité de suivi de l’Accord au début du mois.  En outre, a-t-il dit, l’extension de l’autorité de l’État, notamment civile, et de l’appareil sécuritaire doivent être prioritaires, compte tenu de la détérioration de la situation sur le terrain.  Selon le délégué, le défi du terrorisme au Mali doit être traité en priorité, et avec le même niveau d’urgence que les autres points chauds mondiaux du fléau du terrorisme international.  À cet égard, les opérations de contre-terrorisme menées par les pays de la région doivent être coordonnées pour améliorer leur efficacité globale.  La fréquence des attaques contre les Casques bleus de l’ONU a augmenté, a-t-il constaté, avant de condamner fermement les attaques visant les Casques bleus.  Pour le représentant, le rôle de la MINUSMA reste essentiel pour aider le Mali à parvenir à la stabilité.  Il a encouragé la Mission à accroître ses ressources pour faire face aux insuffisances qui résultent du retrait des forces internationales du Mali.  En conclusion, il a affirmé que les lacunes de longue date sur les plans administratif, constitutionnel et sécuritaire ne peuvent être traitées en l’absence de stabilité politique.

M. DAI BING (Chine) a appelé la communauté internationale et la Mission à épauler le Mali pour établir une stratégie de développement durable.  Il a salué la levée des sanctions de la CEDEAO à l’encontre du Mali, avant de se féliciter des efforts déployés par le Gouvernement dans la lutte contre le terrorisme.  Il a enjoint la communauté internationale à poursuivre son soutien au pays, dans le respect des priorités nationales.  Notant que la lutte contre le terrorisme est une œuvre concertée au niveau régional, le délégué a dit attendre l’évaluation demandée de la situation au Niger.  S’agissant des efforts en matière de respect des droits humains, la MINUSMA doit coopérer pleinement avec le Gouvernement, a-t-il déclaré.  Le représentant a en outre appelé à davantage de communication pour renforcer la confiance entre ces deux parties et à préserver l’Accord sur le statut des forces.  La Chine est en faveur de la rationalisation du mandat de la MINUSMA, qui doit être doté de moyens suffisants pour remplir son mandat, a—il ajouté.  Le représentant a enfin plaidé afin que les capacités de la Mission en matière de protection des agents du maintien de la paix soient renforcées.

Mme MONA JUUL (Norvège) a reconnu les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles opèrent les Casques bleus de la MINUSMA, considérant comme plus en plus inquiétante l’imposition de nouvelles restrictions aux mouvements de personnels, aux vols aériens et à l’accès au territoire, ce qui entrave l’accomplissement du mandat de la Mission.  La représentante s’est également dite préoccupée par la détention de soldats ivoiriens, appelant à ce qu’ils soient remis en liberté de toute urgence.  Elle a déclaré que le mandat de la MINUSMA et l’accord sur le statut des forces « doivent » être pleinement respectés.  La déléguée a donc demandé que le prochain examen du Secrétaire général soit « honnête » avec « toutes les options sur la table », à la suite de quoi des consultations avec les Forces de police et les contributeurs de troupes doivent être menées en vue d’envisager les ajustements nécessaires.

La représentante a estimé, d’un autre côté, que lorsque l’armée malienne a décidé de prendre le pouvoir, elle a aussi pris d’énormes responsabilités, parmi lesquelles le fait de garantir la sécurité et la protection de la population civile.  Pour elle, les principaux responsables de violations sont les groupes terroristes et armés, mais elle a exprimé son inquiétude devant les allégations de violations et abus commis par les Forces armées maliennes et par le groupe Wagner.  La Norvège a donc appelé toutes les parties à mettre en œuvre les conclusions du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés.  Elle a ensuite appelé le Gouvernement à se pencher sur le nombre croissant de cas de violences sexuelles liées au conflit.  Sur une note positive, la Norvège a salué l’accord avec la CEDEAO sur un calendrier de transition, l’adoption de la nouvelle loi électorale et la nomination d’une commission électorale, avant de déclarer qu’il est de la responsabilité des autorités maliennes de contribuer à la pleine mise en œuvre de l’Accord de paix et réconciliation au Mali.

Mme CÁIT MORAN (Irlande) a estimé que des réformes politiques et institutionnelles sont nécessaires pour résoudre les défis considérables au Mali.  Les progrès à long terme ne peuvent légitimement se poursuivre que par un gouvernement dirigé par des civils et démocratiquement élu.  De ce fait, la transition politique doit être véritablement inclusive, a-t-elle recommandé, en précisant qu’il faut impliquer la société civile, y compris les femmes et les jeunes.  La représentante a donc exhorté les autorités maliennes à poursuivre leur dialogue avec la CEDEAO et la MINUSMA, et à veiller au respect du calendrier électoral.  À cet égard, elle a salué les efforts visant à opérationnaliser la Haute Autorité pour la gestion des élections.  Cet organe doit être indépendant et inclusif pour garantir la crédibilité des élections qui doivent être achevées d’ici à février 2024, a-t-elle souligné.  La représentante a aussi misé sur la mise en œuvre vitale de l’Accord de paix et salué les engagements pris lors de la récente réunion décisionnelle de haut niveau.

Sur un autre plan, Mme Moran a jugé préoccupantes les violations imputées aux Forces de défense et de sécurité maliennes, qui représentent plus d’un quart des incidents mentionnés dans le rapport de la MINUSMA sur les droits de l’homme.  Les allégations persistantes sur les activités du groupe Wagner au Mali sont également profondément troublantes, pour la déléguée qui a aussi jugé inexcusables les restrictions imposées aux opérations de la MINUSMA, en particulier à ses mandats de protection des civils et des droits humains.  L’Irlande appelle donc les autorités de transition à coopérer avec la MINUSMA et à garantir la liberté de mouvement.  Enfin, elle a estimé que l’examen en cours de la MINUSMA est une opportunité de progrès, mais seulement s’il pose les questions difficiles.  Elle a prôné de mettre l’accent sur l’évaluation de la relation entre la Mission et le pays hôte, en produisant des options globales pour l’avenir de la Mission.  Cependant, quelle que soit l’option stratégique retenue, une solution durable aux problèmes auxquels le Mali est confronté ne pourra être trouvée qu’en réparant le contrat social, a-t-elle conclu, en réclamant l’adhésion des autorités maliennes et leur engagement positif auprès de la communauté internationale et du système des Nations Unies.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a appelé à ce que les attaques meurtrières contre la MINUSMA, comme celle perpétrée hier cessent, et que des actions concrètes soient entreprises pour garantir la liberté de circulation de ses personnels à travers le Mali.  Très souvent, a-t-elle remarqué, il s’agit d’empêcher la Mission de s’acquitter de missions essentielles comme la protection des civils.  Le personnel de l’ONU travaille avec courage dans cette Mission, « la plus dangereuse des Nations Unies », pour protéger les civils, prévenir et atténuer les conflits.  Toute mesure visant à empêcher la MINUSMA de riposter revient à jouer avec le feu, a déclaré Mme Thomas-Greenfield.

La déléguée américaine a en outre fermement condamné la hausse de la désinformation à l’encontre de la Mission, qui met en péril son mandat, plus important que jamais.  Elle s’est aussi dit effarée par les violations des droits humains « en partenariat avec le groupe Wagner » par les Forces maliennes.  « Wagner ne garantira pas la paix au Mali, seulement l’exploitation et l’instabilité », a formulé la déléguée, avant de reprocher au groupe Wagner de saper la mise en œuvre de l’accord de paix.  L’oratrice a également exhorté les autorités maliennes à redoubler d’efforts pour restaurer la présence de l’État dans le centre du pays et à mettre en œuvre la stratégie de stabilisation du centre.

Les difficultés sont indubitables, mais la déléguée a décelé des évolutions positives et encourageantes.  Les autorités de transition ont progressé sur la voie de la démocratie et de l’ordre, avec un projet constitutionnel en cours d’élaboration.  La déléguée a appelé à surmonter les dissensions politiques internes et à se préparer pour des élections législatives, présidentielles, ainsi qu’à la tenue du referendum constitutionnel.  Saluant la présence accrue de femmes au sein de Comité de surveillance de la mise en œuvre de l’accord, les États-Unis ont salué les groupes armés signataires de l’Accord d’Alger et la reprise d’activités de l’organe chargé de la mise en œuvre de l’Accord, après un an d’interruption.  Mme Thomas-Greenfield a cependant été effarée d’apprendre que les Forces armées maliennes ont repris les affrontements avec les groupes armés signataires, avec des conséquences lourdes pour la région.

M. JOÃO GENESIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a déploré de recevoir, une fois de plus, des informations inquiétantes sur les violations des droits humains et du droit international humanitaire perpétrées par des membres des Forces armées maliennes et des combattants étrangers.  Il a instamment demandé aux autorités maliennes d’enquêter.  Très préoccupé par les opérations terroristes à Gao, Ménaka et dans le territoire frontalier avec le Burkina Faso et le Niger, ainsi que par les informations faisant état de morts civils et de projections de déplacement de milliers de familles, le représentant s’est aussi dit consterné par l’attaque du 7 août à Tessit, ainsi que par les événements du 6 septembre à Talataye.  Il a souligné l’importance d’améliorer les communications entre soldats et populations locales, afin d’assurer le soutien des opérations militaires et de diminuer les pertes parmi les civils.  Il a également estimé vital que les autorités maliennes s’abstiennent de restreindre la liberté de mouvement des Casques bleus et la rotation des contingents de la MINUSMA.

Au lendemain de l’attaque perpétrée hier contre la MINUSMA près de Tessalit, le représentant a estimé que le Conseil et les responsables de la mission devaient faire de leur mieux pour minimiser les risques sécuritaires.  Il a condamné les campagnes de désinformation menaçant la sécurité des Casques bleus et compliquant le mandat de la Mission, rappelant à cet égard que les personnes et entités impliquées dans de telles attaques ou violant des droits de la personne peuvent faire l’objet de sanctions multilatérales.  Au sujet de la transition politique au Mali, M. Filho a pris acte de la date de mars 2024 comme « point d’atterrissage » de la transition, gageant que cette perspective encouragerait les autorités de transition à faire des progrès concrets.  Dans ce contexte, le soutien de la CEDEAO, partenaire essentiel du Mali concernant la transition politique, pourrait être vital pour progresser vers un accord de paix.

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a déclaré que la persistance de la violence au Mali n’est qu’un aspect des défis et facteurs sécuritaires et humanitaires, qui exigent une solution rapide.  Elle a recommandé de faire fond sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation de 2015.  Elle a constaté que les autorités maliennes ont adopté une stratégie de stabilisation dans le Centre et ont conclu des accords avec des groupes armés afin d’intégrer 26 000 anciens combattants dans l’armée malienne.  Elle a en conséquence encouragé à la coopération régionale arguant qu’elle permet de faire face aux menaces transfrontières des groupes terroristes qui cherchent à propager l’insécurité dans toute la région du Sahel.  Le rôle de la région reste essentiel, mais la communauté a la responsabilité d’agir dans le cadre de plusieurs initiatives, notamment le processus d’Accra, a-t-elle ajouté.  À la lumière des attaques contre les Casques bleus, en particulier celle perpétrée hier, elle a encouragé à plus de protection pour ceux-ci, en particulier contre les engins explosifs.  Les difficultés en termes de sécurité restent source de préoccupation, a-t-elle conclu, en appelant la communauté internationale à tenir compte de l’impact des défis économiques et humanitaires.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), prenant la parole au nom de son pays, du Gabon et du Kenya, réunis au sein des A3, a salué les évolutions positives survenues au Mali ces derniers mois, notamment l’accord signé entre le Mali et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur le calendrier transitoire des élections qui se tiendront en mars 2024.  Les A3 saluent également l’adoption et la promulgation de la loi électorale, ainsi que l’élaboration d’une nouvelle constitution.  Ils jugent essentiel de soutenir ces processus, car ils contribueront à consolider les acquis obtenus jusqu’à présent et à accélérer les progrès vers la réalisation de l’Accord de paix de 2015, a dit le délégué.

S’agissant de la situation sécuritaire, il s’est félicité des mesures prises pour combler les lacunes grâce à une présence militaire accrue dans certaines parties du pays.  Il a toutefois estimé que des mesures supplémentaires doivent être prises dans le cadre du plan d’adaptation des forces, notamment une augmentation des troupes de manière à répondre à la dynamique politique et sécuritaire actuelle dans le pays.  Les A3 attendent avec impatience le résultat de l’évaluation conjointe qui tirerait parti des meilleurs éléments de la Force conjointe du G5 Sahel, de l’Initiative d’Accra, du Processus de Nouakchott et de la Force opérationnelle multinationale conjointe, pour répondre avec fermeté à l’incidence croissante du terrorisme au Sahel, y compris au Mali, a dit le délégué.

Le représentant a indiqué que pour les A3, la présence continue de la MINUSMA est un important facteur de stabilisation au Mali.  Mais pour rendre sa présence plus efficace dans le règlement de la situation au Mali, des mesures urgentes doivent être prises pour relever la myriade de défis auxquels la Mission est confrontée, notamment les campagnes de désinformation à son encontre, les restrictions aux déplacements, y compris les restrictions aériennes, qui affectent la capacité de réponse de la Mission aux alertes précoces.  Le délégué a estimé que la Mission pourrait bénéficier d’un soutien plus important en matière de contribution de troupes, de renforcement des capacités en matière de mesures antiterroristes et de fourniture d’une logistique adéquate, y compris des moyens de transport aérien.  Les A3 jugent en outre important que les autorités maliennes adhèrent à l’accord sur le statut des forces auquel elles se sont engagées.

Le représentant a enfin exprimé l’inquiétude des A3 quant au maintien en détention des 46 soldats ivoiriens arrêtés au Mali depuis juillet, et qui, « nous dit-on », ont été déployés en appui à un contingent de la MINUSMA.  Alors que les A3 saluent l’engagement des autorités maliennes à résoudre le défi, ils appellent à une accélération de la résolution du dossier, a conclu le représentant.

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a estimé que la situation au Mali se stabilise, comme indiquée dans le rapport du Secrétaire général.  Elle a noté que le processus de réforme de l’État a été accéléré et que la mise en œuvre des dispositions de l’Accord de paix d’Alger a bénéficié d’une forte impulsion, grâce à un dialogue social, politique, et une participation active des autorités de transition et des factions signataires.  Le 11 octobre, une commission spéciale a envoyé un nouveau projet de constitution au Chef de l’État pour approbation, a-t-elle aussi relevé.  La représentante a ajouté que le Mali continue de mener une bataille dure et difficile contre le terrorisme.  En raison du retrait non provoqué des Forces françaises et européennes du Mali, des groupes terroristes ont considérablement augmenté leurs activités, a-t-elle rappelé, tout en reconnaissant que, malgré des difficultés, les Forces armées maliennes démontrent leurs capacités à lutter.  Elle a déclaré que la Russie fournit à l’armée malienne une assistance complète, notamment dans le combat et la formation de soldats.

En parallèle, la représentante a félicité la MINUSMA pour son aide à l’armée malienne dans l’évacuation de blessés et la reconstruction d’infrastructures essentielles.  Louant le dialogue mené avec le Gouvernement de transition sur la question de la rotation des contingents de la Mission, la déléguée russe a été d’avis que les autorités maliennes doivent être tenues au courant des mouvements de Casques bleus.  Elle a par ailleurs regretté qu’un certain nombre de pays aient décidé de retirer ou de suspendre leur participation à la Mission.

L’oratrice a poursuivi en s’inquiétant des tentatives de transformer le Sahel en un « champ de confrontation géopolitique », évoquant des conflits internes au sein des membres du G5 Sahel et accusant Paris de les avoir provoqués.  Elle a estimé que cela avait contraint le Mali à se retirer du Groupe, compromettant les activités futures du G5 Sahel.  Ces crises artificielles, pour elle, « fomentées de l’extérieur », sont la preuve pour la Russie que le « néocolonialisme occidental » tente de maintenir son emprise sur le continent.  Autre signe selon elle, la réaction négative de l’Occident quant au renforcement de la coopération russo-malienne.  La déléguée a parlé d’« approches paternalistes » et des « deux poids, deux mesures » à ce sujet.

Elle a ensuite ironisé au sujet de « prétendus mercenaires russes », dont l’existence est un mensonge, selon elle, répandu par des pays qui, depuis des décennies, envoient des mercenaires en Afrique pour renverser des régimes indésirables et contrôler les ressources naturelles.  Elle a aussi qualifié les violations des droits humains au Mali d’« insinuations douteuses », tout en soutenant l’engagement des autorités maliennes à enquêter sur le sujet.  Contrairement à l’Occident, la Russie ne cherche pas à s’immiscer dans la politique du Mali, a martelé la représentante, faisant valoir que son pays offre plutôt son aide sans conditions.  Les relations russo-maliennes reposent sur de nombreuses années de coopération bilatérale sur un pied d’égalité et autour d’un objectif commun: la lutte contre le terrorisme, a-t-elle expliqué.

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a indiqué que les décès récents des Casques bleus montre une fois de plus la nécessité de renforcer les mesures de prévention du trafic d’armes et des articles destinés à la fabrication d’explosifs, afin qu’elles ne tombent pas entre les mains de groupes extrémistes opérant au Mali et au Sahel.  Il a exhorté les autorités à se concentrer sur des réformes qui garantissent l’organisation d’élections dans les délais prévus, et contribuent au déploiement de l’autorité de l’État sur tout le territoire.  En outre, le délégué a indiqué que la transition doit s’accompagner de mesures concrètes pour mettre en œuvre l’Accord de paix.  Il a aussi jugé urgent d’avancer dans le programme de désarmement, démobilisation et réintégration.  Le délégué a dit espérer que l’évaluation stratégique de la Mission fournirait des éléments solides et pertinents pour repenser le mandat et les objectifs de la MINUSMA.  C’est pourquoi il a estimé que les décisions prises quant à l’avenir de la MINUSMA doivent également tenir compte du contexte régional.  Enfin, pour parvenir à une paix durable au Mali, le représentant a jugé nécessaire de s’attaquer aux causes structurelles des conflits.  Dans cette logique, il a appelé à améliorer la gouvernance et à lutter contre les inégalités, tout en rendant justice aux victimes du conflit.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) s’est inquiétée de la situation humanitaire et sécuritaire au Mali, rappelant que les récentes attaques dans les régions de Menaka et Gao, au nord du pays, perpétrées par des groupes armés et terroristes, avaient fait des centaines de morts et déplacé des dizaines de milliers de civils.  La représentante a exhorté les autorités maliennes au renforcement de la coopération transfrontières pour rétablir l’autorité étatique sur l’ensemble du territoire.  Elle a condamné le recours aux mercenaires et insisté sur la nécessité de faire rendre des comptes à tous les auteurs de violations.  L’Albanie a salué l’accord avec la CEDEAO sur le calendrier de transition pour retourner à l’ordre constitutionnel d’ici à février 2024, et l’adoption de la nouvelle loi électorale tout en mettant l’accent sur la représentation et l’inclusion des groupes de la société civile, des femmes et des jeunes.

Regrettant que la mise en œuvre de l’Accord d’Alger ait été mise de côté, elle a insisté sur le fait que celui-ci reste le cadre optimal pour remédier aux causes profondes et résoudre le conflit au nord du Mali.  Elle a appelé à renouveler l’engagement en faveur de l’Accord pour répondre à l’insécurité croissante et aux causes structurelles de l’instabilité.  La déléguée a salué l’évaluation stratégique en cours du Secrétaire général sur la Mission, espérant que celle-ci apportera une vision claire sur la manière dont la MINUSMA pourrait mieux s’adapter aux défis actuels et opérer plus efficacement sur le terrain.

La représentante a également condamné la poursuite de la détention des soldats ivoiriens dépêchés pour épauler la MINUSMA, exhortant les autorités à parvenir à un consensus avec la CEDEAO en vue de leur libération. 

La situation reste complexe et précaire au Mali, et ce, malgré quelques jalons positifs, a-t-elle souligné, encourageant les parties prenantes à persévérer.  Elle a également recommandé que les opérations militaires soient complétées par une réponse multidimensionnelle contre l’insécurité, mais aussi pour le rétablissement des services de base, de l’état de droit et de la protection des droits de l’homme, sans lesquels il ne sera pas possible de parvenir à une paix et sécurité durables.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a rappelé les progrès accomplis depuis la réunion tenue en juin par le Conseil: un accord conclu sur la transition, des sanctions levées et quelques jalons posés en vue de l’organisation d’élections, ainsi que la première réunion, depuis un an, de la commission de suivi de l’accord de paix.  Dans ce contexte, le Royaume-Uni a encouragé à garantir des processus inclusifs, pour les femmes et les jeunes en particulier, tout en promouvant le dialogue.  Il a fait remarquer que les groupes affiliés à Al-Qaida et à l’EIIL étendent leur contrôle sur le territoire et s’attaquent aux communautés et aux bases militaires, pendant que les cas de violences sexuelles liées au conflit ont augmenté de 40%.  Parallèlement, il a souligné qu’en août dernier, l’Expert indépendant sur les droits de l’homme au Mali a rapporté des violations commises par les forces maliennes conjointement avec « du personnel militaire étranger » décrit comme russe et ajouté que la présence du groupe Wagner ne peut plus être ignorée ou niée.  Partant, le Royaume-Uni exige une reddition de comptes de tous les auteurs de violations et abus des droits humains, a dit le délégué.  À ce sujet, il a aussi exigé que la MINUSMA bénéficie d’un accès sans entrave aux fins de diligenter une enquête indépendante, en se disant profondément préoccupé par la déclaration, en juin, des autorités indiquant qu’elles ne comptaient pas garantir la liberté de la Mission pour ce faire.

En conséquence, il a exhorté ces mêmes autorités à travailler main dans la main avec la Mission, à lever les restrictions et à faciliter le travail vital des Casques bleus.  La prochaine évaluation de la MINUSMA devra répondre à certaines questions fondamentales, a prévenu le délégué du Royaume-Uni, notamment sur celle de savoir de quelle façon celle-ci pourrait maintenir une présence viable au Mali.  L’examen devrait présenter des options crédibles reflétant les réalités sur le terrain, a-t-il souhaité.

M. ABDOULAYE DIOP, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Mali, a déclaré que le Conseil de sécurité se réunit au moment ou un attentat lâche a coûté la vie à quatre soldats tchadiens et blessé plusieurs autres.  Cet acte barbare ne fait que renforcer la détermination de son pays à lutter contre le terrorisme et cette insécurité qui frappe le pays depuis plus d’une décennie, a-t-il dit, avant de présenter ses condoléances aux familles des décédés et ses prompts rétablissements aux blessés.

Abordant le rapport, il a dit que les commentaires de son pays ont été envoyés au Secrétaire général.  Mais le rapport aurait gagné en objectivité s’il avait informé le Conseil sur les efforts déployés par le Mali afin de sécuriser le pays et protéger les civils.  Il est également déplorable que le rapport ne fasse pas mention de la lettre en date du 15 août 2022, dans laquelle le Mali demande une réunion spéciale du Conseil de sécurité, afin de discuter des agressions que subit son pays de la part de la France, qui survole régulièrement, de manière illégale et sans autorisation, l’espace aérien malien.  Ces actes sont non seulement une violation de la Charte, mais aussi de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Mali.  Ils ne doivent pas rester sans réponse, a-t-il dit.

C’est à cette fin, a-t-il poursuivi, que le Mali demande à nouveau la tenue de cette réunion spéciale afin de fournir au Conseil de sécurité, les preuves de la « duplicité » de la « traîtrise » et des « actes d’espionnage » et des échanges d’informations à des forces néfastes au Mali.  En tout état de cause, le Gouvernement du Mali se réserve le droit de recourir à la légitime défense, si la France continue de violer son espace aérien, son intégrité territoriale et la souveraineté du Mali, conformément à l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, a-t-il mis en garde.

Sur la question des droits humains, le Ministre a assuré que son pays respecte ses obligations internationales en la matière, y compris dans le cadre de ses opérations de lutte contre le terrorisme.  Les cas de manquements à ses obligations font et on fait l’objet d’enquêtes et de poursuites judiciaires.  Pour cette raison, le Mali reste fermement opposé à la politisation de la question des droits humains pour exercer des pressions ou faire du chantage à son encontre.  C’est dans cette logique que le Gouvernement malien, qui a toujours coopéré avec les instances du Conseil de sécurité, envisage, comme il en a informé le Conseil, de revoir sa coopération avec le Groupe d’experts sur le Mali, créé en vertu de la résolution 2375 (2017), qui outrepasse son mandat.

M. Diop a également déclaré que, contrairement à ce qui est raconté, il n’y a aucunement d’entraves ou restrictions aux activités de la MINUSMA.  Le Mali cherche uniquement à affirmer sa souveraineté sur son territoire, face à un manque de concertation et de coordination, et surtout face à l’arrivée, sans base légale, de forces étrangères qui se présentaient comme étant de la MINUSMA.  À ce titre, il est déplorable que le rapport omette de signaler la lettre du 22 juin 2022, dans laquelle la MINUSMA elle-même affirme que les 46 soldats ivoiriens arrêtés ne font pas partie de ses effectifs et qu’il n’y a aucun lien entre eux et la Mission.  Le 12 juillet, le porte-parole de la MINUSMA l’a rappelé, a insisté le Ministre, appelant les membres du Conseil de sécurité à ne pas faire d’amalgames dans ce dossier.  Il faut éviter tout parti-pris.  Il faut au contraire viser une démarche constructive afin de trouver une solution diplomatique sur ce dossier, a dit M. Diop.

Concluant, le Ministre des affaires étrangères malien a affirmé que le Mali avait pris la décision de prendre son destin en main.  Le peuple malien soutient pleinement la transition en cours.  Celle-ci doit prendre fin en mars 2024, par le transfert pacifique du pouvoir après des élections ouvertes et crédibles.  Pour y parvenir, le Mali entend travailler avec tous ses partenaires, a doublement insisté le Ministre.

Reprenant la parole en fin de séance, M. DE RIVIÈRE (France) a tenu à rétablir la vérité sur les déclarations mensongères et diffamatoires telles que contenues dans la lettre transmise par le Mali le 15 août et répétées ce matin par le Ministre des affaires étrangères de ce pays.  Il a rappelé que le redéploiement des troupes de l’opération Barkhane s’est achevé le 15 août.  Le communiqué de la Présidence française a été alors transmis aux membres du Conseil.  Cette manœuvre de redéploiement avait été décidée le 17 février dernier à la suite d’une consultation avec l’ensemble des partenaires engagés dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.  Elle reposait sur le constat que les conditions politiques et opérationnelles n’étaient plus réunies pour rester engagée au Mali.

M. de Rivière a poursuivi en disant que la France en avait rendu compte devant le Conseil et a toujours fait preuve de transparence devant la communauté internationale depuis le début de son intervention militaire au Mali, qui reposait sur une demande des autorités maliennes.  Dans ce contexte, il a regretté profondément les accusations graves et infondées portées contre la France de manière répétée par les autorités maliennes.  Il a rappelé que son pays s’est engagé pendant neuf ans aux côtés du Mali, à la demande de ce pays pour combattre les groupes armés terroristes et que 59 soldats ont payé le prix de leur vie dans ce combat.  La France n’a jamais violé l’espace aérien malien, a-t-il encore affirmé, en contestant formellement la contestation du cadre juridique bilatéral.  Il a précisé que la France se conforme aux prescriptions de l’accord conclu par un échange de lettres en 2013, malgré la dénonciation unilatérale et injustifié de cet accord par le Mali le 2 mai dernier.  Le délégué a assuré que la France restera engagée dans le golfe de Guinée, du lac Tchad aux côtés des États responsables qui font le choix de la lutte contre le terrorisme, du respect de la stabilité et de la coexistence entre les communautés.  Il a aussi souligné que son pays poursuivra le combat contre le terrorisme en coopération avec l’ensemble de ses partenaires, ainsi qu’il continuera à soutenir les populations civiles, qui sont les premières victimes du terrorisme.

Le Ministre malien des affaires étrangères, M. DIOP, a repris la parole pour répondre aux déclarations faites par le représentant de la France.  Il a estimé que la prise de parole de la France pour répondre aux accusations du Mali nécessite la tenue d’une séance dédiée du Conseil de sécurité afin que les preuves soient présentées.  Il a dit espérer que la France, qui a commencé à répondre aux préoccupations du Mali, donnera son accord pour une telle séance.  Le Mali, a-t-il dit, estime que les accusations portées à l’endroit de la France sont « des actes et déclarations assez graves qui mettent en jeu la crédibilité et la responsabilité de l’État du Mali ».  Le Ministre a souhaité que la France soit désormais porteuse de cette demande de réunion spéciale du Conseil de sécurité, afin que le Mali apporte à la face du monde les éléments de preuve de ses affirmations.

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.