Conseil de sécurité : des voix continuent d’appeler à une coopération plus « innovante » entre l’ONU et l’Union africaine, 20 ans après sa création
Vingt ans après la création de l’Union africaine, et alors que la portée de la coopération entre l’ONU et l’organisation continentale africaine n’a cessé de s’étendre, des voix ont réclamé, ce matin au Conseil de sécurité, que celle-ci soit davantage « innovante », basée sur une « approche locale et adaptée », fondée sur la confiance, le respect mutuel et une communication ouverte.
Il a été demandé, en particulier au Conseil de sécurité de se réformer, en intégrant des États africains en tant que membres permanents, mais aussi de « reconsidérer » sa façon de faire du maintien de la paix en Afrique, d’autant que sa composition et son dispositif de réponse aux conflits en Afrique ne sont plus « adaptés ».
D’abord, s’est réjoui le Secrétaire général de l’ONU M. António Guterres, depuis la signature du Cadre commun Organisation des Nations Unies-Union africaine pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité en 2017, suivi en 2018 du Cadre Union africaine-Organisation des Nations Unies pour la mise en œuvre de l’Agenda 2063 et du Programme de développement durable à l’horizon 2030, l’ONU travaille « main dans la main » avec l’Union africaine dans les « initiatives phares », notamment l’initiative « Faire taire les armes en Afrique », ou dans le cadre de la conformité des opérations de l’Union africaine avec les normes internationales.
L’avantage comparatif de l’étroite coopération ONU-Union africaine a même directement affecté des changements sur le terrain au Soudan, en République centrafricaine, au Darfour ou en Somalie, à tel point que l’Union africaine est devenue « l’acteur de référence » pour la prévention et la résolution des conflits sur le continent, ont relevé les Émirats arabes unis et la France.
Pour autant, alors que l’Union africaine progresse sur tous les fronts, qu’elle assume depuis 2002 une plus grande responsabilité dans le maintien de la paix et de la sécurité en Afrique, que les organisations sous-régionales ont démontré leur capacité à apporter des réponses aux crises qui éclatent sur le continent, l’Afrique, elle, continue d’être une « invitée » dans l’hémicycle du Conseil, ont fait valoir de multiples intervenants. Pire, les crises africaines sont réglées en l’absence des pays africains et leurs États reçoivent des pressions croissantes.
Il est « insoutenable » qu’avec 70% des missions de paix de l’ONU basées en l’Afrique et alors que le continent occupe une grande part dans l’ordre du jour du Conseil, l’Afrique reste le seul continent « exclu » de la catégorie de membre permanent du Conseil, ont déclaré plusieurs intervenants africains. Sa voix n’y est pas entendue à sa juste mesure et cette situation est frustrante, ont prévenu le Gabon, l’Égypte, la Namibie et le Maroc, appelant à une « véritable réforme » du Conseil de sécurité, afin d’y apporter « la parole, l’engagement, et l’action » de l’Union africaine.
Dans ce contexte, il a été estimé qu’en tant que « principe cardinal », la coopération ONU-Union africaine devait davantage intégrer les Africains dans la résolution des problèmes que connaît le continent, selon le principe « des solutions africains aux problèmes africains ». Personne ne connaît mieux l’Afrique que les Africains eux-mêmes, ont rappelé plusieurs orateurs. Ils détiennent l’expérience et les connaissances essentielles pour mieux assurer la paix et la stabilité en Afrique.
Le Conseil doit « avoir foi » dans la sagesse et les capacités des organisations africaines, en approuvant leur leadership. L’ONU doit nommer davantage de représentants spéciaux du Secrétaire général et désigner plus de porte-plumes d’origine africaine. Elle doit également intégrer davantage de pays africains pour fournir des troupes et consulter les pays régionaux et voisins pour assurer l’endiguement des conflits. Elle doit enfin assurer des financements prévisibles, durables et flexibles des opérations de paix de l’Union africaine autorisées par le Conseil de sécurité, ont dit le Brésil, l’Inde, la Chine, le Kenya, les Émirats arabes unis, la Chine et la Norvège, entre autres.
Partageant la même analyse sur le besoin de réforme du Conseil de sécurité, les États-Unis et la Norvège ont reconnu que les institutions doivent en effet évoluer et refléter les réalités géopolitiques d’aujourd’hui. La France, qui s’y dit également favorable, souhaite engager « au plus tôt » des discussions sur la base d’un texte, dès l’ouverture de la prochaine session des négociations intergouvernementales, a assuré son représentant.
Tandis que l’Allemagne se disait en faveur du financement par l’ONU des opérations de paix de l’Union africaine décidées par le Conseil de sécurité, le Japon a plaidé en faveur d’un examen « en profondeur et dans une large perspective » de la question. Peu importe les décisions qui seront prises, il faudra que les États impliqués puissent avoir une liberté d’action, sans subir les ingérences et impositions de l’extérieur, a prévenu de son côté la Fédération de Russie.
Dénonçant pour sa part le « conservatisme » à l’œuvre à l’ONU depuis 1945, le Président de la Commission de l’Union africaine, M. Moussa Faki Mahamat, s’est voulu plus tranchant : l’Afrique a besoin d’autre chose que des « déclarations incantatoires ». Il faut maintenant agir et faire en sorte que des décisions soient prises. Il est à espérer que les voix des « vrais amis » de l’Afrique se feront entendre dans un contexte où le multilatéralisme est en dangereux déclin, a-t-il conclu.
COOPÉRATION ENTRE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES ET LES ORGANISATIONS RÉGIONALES ET SOUS-RÉGIONALES AUX FINS DU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES: UNION AFRICAINE
Déclarations
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général des Nations Unies, s’est félicité du vingtième anniversaire de l’Union africaine, rappelant qu’en 2002, les dirigeants africains se sont engagés à œuvrer ensemble afin de prévenir les conflits et promouvoir la paix, le développement, les droits humains et l’état de droit. Il a cité, parmi les initiatives phares de l’Union africaine, l’Agenda 2063, l’Accord continental de libre-échange et l’initiative « Faire taire les armes en Afrique », autant d’exemples autour desquels l’ONU et l’Union africaine ont développé un partenariat unique, ancré dans les principes de complémentarité, de respect et de prise en charge africaine jusqu’à devenir une pierre angulaire du multilatéralisme.
Le Secrétaire général a rappelé que son rapport annuel présentait les derniers développements de cette coopération, parmi lesquels le lancement conjoint avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et le G5 Sahel, de l’évaluation indépendante pilotée par Issofou Mahamadou afin d’améliorer l’action globale menée en matière de sécurité, de gouvernance et de développement à travers le Sahel. Il a également évoqué des initiatives communes avec la CEDEAO pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel au Burkina Faso, en Guinée et au Mali; un engagement soutenu de l’ONU en faveur d’un règlement négocié du conflit en Éthiopie, dans le cadre d’un processus de l’Union africaine; une coopération étroite au Soudan et en Somalie avec l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD); un appui continu au processus de transition au Tchad, en collaboration avec l’Union africaine; et des campagnes conjointes de collecte d’armes à Madagascar, au Niger et en Ouganda.
Le Secrétaire général a toutefois estimé que les défis qui persistent ne pourront être relevés que par une « approche locale et adaptée », ainsi qu’une « grande détermination » de la communauté internationale, y compris au sein du Conseil. Le recours à la force est trop souvent considéré comme « la seule méthode » de résolution des différends, a-t-il regretté, en observant que les changements inconstitutionnels de gouvernement se multipliaient. Il a dénoncé l’expansion de Daech et des affiliés d’Al-Qaida au Sahel, et les conflits prolongés dans la Corne de l’Afrique, en Éthiopie, dans l’est de la République démocratique du Congo, au Mali, au Soudan et en Libye, qui entrainent des situations humanitaires désastreuses et plongent les populations dans le désespoir. Il a également relevé une aggravation des violences contre les femmes, et notamment les défenseuses des droits humains, et une hausse de la désinformation et des discours de haine utilisés souvent comme armes de guerre.
M. Guterres a rappelé que les Nations Unies et l’Union africaine avaient travaillé main dans la main sur le cadre de conformité des opérations de l’Union africaine, afin de s’assurer qu’elles respectent les normes internationales de droits humains et humanitaires dans des missions de paix. Dans le même temps, il a appelé le Conseil de sécurité à garantir un financement prévisible des opérations de l’Union africaine qu’il a lui-même autorisées. Un rapport d’étape conjoint sur cette question est en préparation et sera remis en avril 2023, a annoncé le Secrétaire général. M. Guterres a appelé de ses vœux une architecture innovante, qui appuie les opérations de paix africaines de manière efficace et pérenne. À nous de la mettre en place, a-t-il ajouté.
Notant que nous sommes au bord du précipice climatique, M. Guterres a prévenu que, pour les Africains il ne s’agit pas d’une menace lointaine mais bien d’une réalité quotidienne et ce, alors que l’Afrique contribue à peine aux émissions de gaz à effet de serre. Le Secrétaire général y a vu une situation typique d’injustice morale et économique et a évoqué le risque de famine dans la corne de l’Afrique après quatre saisons consécutives sans pluie. De même, a-t-il fait observer, au Sahel, la sécheresse et la dégradation des terres exacerbent les tensions entre paysans et éleveurs et, à l’autre bout du continent, les communautés d’Afrique australe sont aux prises avec des ouragans et des inondations. Dans ce contexte, il a salué les États, régions et municipalités africaines qui prennent des mesures audacieuses pour combattre le changement climatique, en dépit d’importants défis. Le Secrétaire général a ensuite évoqué les attentes que suscite la COP 27 qui se tiendra le mois prochain en Égypte.
Le Secrétaire général a également rappelé la nécessité d’un apport massif de ressources en faveur de la réalisation des objectifs de développement durable et a souhaité « un mécanisme mondial efficace de réduction de la dette extérieure », avant d’exhorter le Conseil de sécurité à fournir un appui sans faille aux efforts de paix de l’Union africaine.
M. MOUSSA FAKI MAHAMAT, Président de la Commission de l’Union africaine, a déclaré que la coopération entre l’Union africaine et l’ONU était encadrée par des textes de « très grande qualité technique ». De ce fait les dysfonctionnements en la matière ne viennent pas de là, mais d’un « conservatisme » présent aux Nations Unies depuis 1945. Avec plus d’un milliard d’habitants, 70% des missions des Nations Unies accueillies sur son sol et une part importante dans l’ordre du jour du Conseil de sécurité, l’Afrique reste pourtant le seul continent exclu de la catégorie de membre permanent du Conseil de sécurité, a-t-il déploré. L’Afrique a pourtant gagné en talents, en ambitions. Combien de milliards de dollars dépensent-on chaque année pour les missions de paix? Et pour quels résultats? s’est interrogé M. Mahamat.
Selon M. Mahamat, l’Afrique a besoin d’autre chose que des « déclarations incantatoires ». Il faut maintenant agir et faire en sorte que des décisions soient prises. Il faut que les missions de paix soient investies de la mission immuable de la promotion de la paix et financées en conséquence. Les affaires de la paix en Afrique sont complexes. Il est à espérer que les voix des vrais amis de l’Afrique se feront entendre dans un contexte où le multilatéralisme est en dangereux déclin, a conclu le Président de la Commission de l’Union africaine.
M. MICHAËL MOUSSA ADAMO, Ministre des affaires étrangères du Gabon, a rappelé que l’Afrique occupe plus de la moitié de l’agenda du Conseil de sécurité. Depuis la signature du Cadre commun Organisation des Nations Unies-Union africaine pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité en 2017, suivi en 2018 du Cadre Union africaine-Organisation des Nations Unies pour la mise en œuvre de l’Agenda 2063 et du Programme de développement durable à l’horizon 2030, la portée de la coopération entre l’ONU et l’Union africaine n’a cessé de s’étendre, a-t-il relevé. Le Ministre a rappelé que l’initiative des chefs d’États africains « Faire taire les armes en Afrique » et le Plan directeur de Lusaka avaient reçu le soutien des Nations Unies. Les opérations de maintien de la paix hybrides telles que l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD), qui a pris fin en 2020, ou celle menée sous l’égide de l’Union africaine avec l’appui des Nations Unies en Somalie (AMISOM, devenue ATMIS), sont des exemples notables qui illustrent parfaitement l’intérêt et le dynamisme de ce partenariat. Toutefois, le terrorisme, les groupes armés, les changements climatiques, la prédation des ressources naturelles et les clivages identitaires imposent de renforcer le partenariat entre l’Union africaine et l’ONU.
M. Adamo a estimé que l’Afrique aspire à faire prévaloir ses solutions en matière de paix et de sécurité. L’un des principaux leviers est que l’Afrique occupe sa juste place au sein du Conseil de sécurité. « Il est insoutenable de voir l’Afrique sur la table du Conseil sans l’entendre à sa juste mesure autour de cette table de manière permanente et ce, en dépit de sa légitime revendication exprimée par le consensus d’Ezulwini et la Déclaration de Syrte », a-t-il souligné.
Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a déclaré qu’alors que nous commémorons le vingtième anniversaire de l’Union africaine, le moment est bien choisi pour faire fond sur la coopération avec les Nations Unies. À cet égard, elle a appelé à reconnaître les facteurs qui constituent des défis communs tels que les changements climatiques et ses effets comme la sécheresse. Elle a appuyé le cadre commun ONU-Union africaine pour le renforcement de la paix, mécanisme essentiel pour la prévention des conflits. Elle a salué le leadership des pays africains qui œuvrent à la cessation des conflits dans plusieurs régions du continent. « Nous devons tout faire, tout ce qui est en notre pouvoir », a-t-elle répété, pour renforcer ces activités, notamment celles liées à la protection des enfants en temps de conflit.
La représentante a rappelé que cette coopération avait conduit à la création de la Mission de l’Union africaine en Somalie. Elle a mis l’accent, d’autre part, sur la protection et le plaidoyer en faveur des droits de l’homme dans toutes les missions de l’Union africaine déployées sur l’ensemble du continent, en promouvant les directives sur les droits de l’homme. D’autres mécanismes de contrôle détaillés dans les résolutions du Conseil de sécurité sont autant d’initiatives importantes dans ce domaine, a-t-elle estimé.
Les défis dans la région du Sahel restent graves, y compris l’expansion de l’extrémisme violent, qui a mené à un déplacement massif des populations, a rappelé Mme Thomas-Greenfield. Pour la représentante, les institutions doivent évoluer aux fins de refléter le monde d’aujourd’hui, et doivent pour ce faire bénéficier de financements adéquats. Elle a, en conclusion, appuyé l’augmentation du nombre de membres permanents au sein du Conseil de sécurité, se prononçant en faveur de sièges pour que toutes les régions, y compris africaines et latinoaméricaines, soient représentées.
Mme LANA NUSSEIBEH (Émirats arabes unis), a déclaré qu’alors que nous célébrons le vingtième anniversaire de l’Union africaine, il est « clairement nécessaire » de réfléchir à la manière de renforcer encore sa collaboration réussie avec l’ONU. Si l’on se penche sur des exemples récents, les initiatives sur lesquelles les deux organisations ont étroitement collaboré ont directement affecté le changement sur le terrain, a-t-elle fait valoir. Elle a cité en exemple le « Mécanisme trilatéral » au Soudan, qui a apporté un avantage comparatif pour faciliter les pourparlers entre les acteurs soudanais. En République centrafricaine, l’ONU a utilisé son unité d’appui à la médiation afin de faciliter un accord de paix global pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration durables des groupes armés. En Somalie, l’engagement soutenu de l’ONU et de l’UA a facilité la transition de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) vers la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS).
Cela dit, comme pour tout bon partenariat, la coopération entre l’Union africaine et l’ONU doit être fondée sur la confiance, le respect mutuel et une communication ouverte, a fait valoir Mme Nusseibeh. Pour le Conseil, cela signifie « avoir foi » dans la sagesse et les capacités des organisations africaines, en approuvant leur leadership, et en particulier leurs efforts pour résoudre les conflits africains. Mais il est aussi nécessaire de garantir des ressources prévisibles, durables et flexibles pour les opérations dirigées par l’Union africaine autorisées par le Conseil de sécurité. Le Conseil doit s’efforcer de parvenir à un consensus sur cette importante question.
M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a déclaré que le sommet entre l’Union européenne et l’Union africaine des 17 et 18 février derniers avait réaffirmé le souhait conjoint d’un partenariat renouvelé. À ce titre, il a rappelé que l’Union européenne restait le premier contributeur au budget de l’Union africaine. Il a souligné que l’Union africaine était devenue l’acteur de référence pour la prévention et la résolution des conflits sur le continent, comme lors du sommet de Malabo, en mai 2022, qui a marqué l’opposition des chefs d’État du continent aux changements inconstitutionnels de gouvernements. Rappelant notamment le rôle joué par l’Union africaine en faveur d’un règlement du conflit dans le nord de l’Éthiopie ou pour surmonter la crise politique au Soudan, le représentant a réitéré son appel en faveur de la possibilité de mobiliser des ressources pérennes et durables en soutien aux opérations africaines de paix, y compris sur la base de contributions obligatoires des Nations Unies.
M. De Rivière a souligné la nécessité d’agir pour réformer le Conseil de sécurité, pour que l’Afrique y soit mieux représentée, y compris parmi ses membres permanents. Il a souhaité engager au plus tôt des discussions sur la base d’un texte, dès l’ouverture de la prochaine session des négociations intergouvernementales, et a appelé tous ceux qui souhaitent faire aboutir la réforme à soutenir le principe d’une négociation sur la base d’un texte.
Par ailleurs, le représentant a dénoncé la propagande et les manipulations de l’information et estimé qu’« il est aisé de créer des usines à trolls déversant des torrents de haine ». À cet égard, la France continuera d’agir avec les États et la société civile pour renforcer l’accès à une information libre, plurielle et fiable. Il a en outre estimé que le groupe Wagner ne soutient pas des États, mais le maintien au pouvoir de certains en échange d’une mainmise sur les ressources naturelles. La présence de Wagner s’accompagne d’un recul systématique de la démocratie, de la fragilisation de la souveraineté de l’État hôte et de violations massives des droits humains, a-t-il conclu.
Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a mis l’accent sur les défis multidimensionnels auxquels l’Afrique fait face, questions qui concernent tous les pays, d’où la nécessité d’y réagir de concert. Elle s’est félicitée du vingtième anniversaire de l’Union africaine, estimant que l’ONU devrait être à la fois le « socle et le moteur » des efforts conjoints. Ainsi, il convient de préserver l’élan donné en termes de partenariat tant au Siège que sur le terrain, a-t-elle estimé. Elle a salué l’appel de l’UA en faveur de l’établissement d’un groupe indépendant sur la sécurité et le développement au Sahel. Des progrès ont été consentis pour gérer les situations humanitaires dans cette région mais il faudrait déployer davantage d’efforts, a-t-elle déclaré, en exhortant à la prise de nouveaux engagements en vue de la prévention de l’insécurité alimentaire. Il est plus que jamais nécessaire d’adopter une stratégie concrète et durable, en se concentrant également sur les causes profondes des crises, a-t-elle souligné.
M. MARTIN KIMANI (Kenya) a relevé que ce débat, qui a lieu à la veille du septième séminaire conjoint informel et de la seizième Réunion consultative conjointe annuelle entre le Conseil de sécurité de l’ONU et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, offrait une « excellente occasion » d’envisager la réalisation d’un partenariat stratégique axé sur la réalisation de la paix, de la sécurité et du développement, dont l’Afrique a « cruellement besoin ».
Pour sa part, le Conseil de sécurité doit assumer la « responsabilité principale » du maintien de la paix et de la sécurité en Afrique, conformément à la Charte des Nations Unies, et y accorder la même priorité que les situations dans d’autres parties du monde, a plaidé le représentant. Il est « inconcevable », a-t-il dit, que les missions de soutien à la paix dirigées par l’Union africaine -telles que l’ATMIS et la Force conjointe du G5 Sahel- soient contraintes « en permanence » de plaider pour un financement adéquat, prévisible et durable, alors que ces opérations sont essentiellement menées au nom des Nations Unies.
Le Conseil devrait en outre « reconsidérer » sa façon de maintenir la paix en Afrique. Le Kenya suggère une coopération plus approfondie avec l’Union africaine d’une manière qui intégrerait davantage de pays africains pour fournir des troupes: ils comprennent mieux les environnements opérationnels et ont un plus grand intérêt dans la paix et la stabilité de leurs régions. Les pays régionaux et voisins doivent toujours être consultés pour assurer l’endiguement des conflits, en particulier lorsque des organisations insurgées et terroristes sont impliquées, a dit le représentant.
M. DAI BING (Chine) a constaté que le partenariat entre l’UA et l’ONU s’est renforcé ces dernières années. Préoccupé par la multiplication des défis en Afrique, il a appelé l’UA et l’ONU à renforcer leur coopération. Il s’est dit favorable à la nomination de davantage de représentants spéciaux du Secrétaire général venant d’Afrique, ainsi qu’à la désignation de plus de porte-plumes d’origine africaine. Il nous faut trouver le moyen de renforcer les capacités de l’Afrique dans le domaine de la gouvernance, de la sécurité, de l’état de droit et du développement durable, a-t-il ajouté. L’ONU et l’UA doivent faire de la coopération un des piliers de leur renforcement des capacités.
Poursuivant, le représentant a appelé les membres du Conseil de sécurité à œuvrer de concert pour fournir une assistance concrète en matière de renforcement des capacités, relevant que le manque de financement entrave les capacités de maintien de la paix de l’UA. Quant au financement ordinaire proposé par le Secrétaire général, c’est une idée qui mérite d’être examinée au sein du Conseil de sécurité, a-t-il estimé. Le délégué a appelé les pays développés à honorer leurs obligations financières et de transfert de technologies et à ne pas réduire leurs investissements en Afrique en dépit des difficultés. Il a aussi exhorté à ne pas s’ingérer dans les affaires africaines et à ne pas demander aux pays africains de choisir un camp.
Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a affirmé que la coopération entre l’ONU et les organisations régionales est « un principe cardinal » de la paix et de la sécurité internationales, énoncé dans le Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, laquelle fournit un cadre de travail entre le Conseil et les organisations régionales. Notant que plus de la moitié des questions examinées par le Conseil et environ 70% des résolutions adoptées au titre du Chapitre VII concernent l’Afrique, la représentante a également souligné que la coopération avait encore été renforcée du fait que la paix et la sécurité constituent un pilier important de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
La représentante a cependant insisté sur le fait que personne mieux que les Africains, n’est à même de comprendre l’Afrique, rappelant que les solutions « extérieures » proposées aux problèmes africains sans implication africaine n’avaient pas servi les intérêts des peuples africains. Partant, une coopération avec les organisations et mécanismes sous-régionaux devrait constituer une partie intégrante de la coopération de la Communauté d’Afrique de l’Est, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et l’Union africaine.
L’Inde appuie le renforcement de la coopération entre l’ONU et l’Union africaine, et insiste pour que les activités de celles-ci se complètent, sans piétiner le mandat de l’une et de l’autre. Rappelant qu’au Sahel, dans la région du lac Tchad, en Somalie et ailleurs, les forces de sécurité étaient aux prises avec les organisations terroristes, la représentante a estimé que les différentes initiatives et missions de paix africaines avaient besoin de davantage d’encouragement et de soutien de la part de la communauté internationale. Elle a appuyé l’appel du Secrétaire général pour un financement constant de ces opérations de paix, y compris par des contributions mises en recouvrement.
Dans le même temps, l’aide publique au développement devrait être augmentée pour favoriser la réalisation des objectifs de développement durable, tandis que les missions de la paix devraient avoir des stratégies de sortie réfléchies, a poursuivi la représentante. L’Inde a constamment appelé à une réforme urgente du Conseil de sécurité. Elle contribue également aux missions et opérations de paix en fournissant des contingents à 22 missions en Afrique. La représentante a rappelé que la coopération Sud-Sud, notamment avec le continent, demeurait une des priorités majeures de son pays.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a souligné la « nécessité » d’approfondir les consultations entre l’ONU et l’Union africaine, de manière « proactive », en particulier qu’elles incluent, par exemple, des dispositions de soutien pour le plan de travail 2021-2025 sur le renforcement de la Force africaine prépositionnée qui doit bientôt être soumis au Comité technique spécialisé de l’Union africaine sur la défense, la sécurité et la sécurité. Le Ghana encourage aussi la poursuite des évaluations conjointes sur les questions de paix et de sécurité sur le continent. Il demande aussi que soient résolues les préoccupations concernant la prévisibilité, la durabilité et la flexibilité du financement de l’Union africaine.
Le représentant a ensuite estimé qu’à l’heure où l’Union africaine procède à la mise en œuvre de la Déclaration de Malabo, et à la lumière de l’augmentation du nombre d’attaques terroristes dans de nombreuses régions du continent, l’ONU doit être un partenaire. Il a en outre jugé « important » que la coopération ONU-Union africaine s’attaque aux causes profondes de l’instabilité sur le continent tout en traitant l’impact des changements climatiques, de la pandémie de COVID-19 et autres situations géopolitiques aggravantes.
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a mis l’accent sur le lien intrinsèque entre la sécurité et le développement en Afrique, soulignant que l’Agenda 2063 est un rapport pionnier sur « l’Afrique que nous voulons », avec la participation de la diaspora. Il a jugé essentiel que l’ONU et l’UA adoptent des approches intégrées et complètes pour répondre aux dimensions économique, politique et sociale des pays africains touchés par un conflit, ajoutant que la Commission de consolidation de la paix est bien placée pour créer des cycles durables de paix et de développement. Il a constaté que dans leurs efforts visant à une paix durable, les nations africaines touchées par des conflits font face à des situations complexes. De là, la nécessité de rechercher des solutions idoines et au cas par cas, a-t-il expliqué. Il a ensuite salué la manière dont le Cadre commun Organisation des Nations Unies-Union africaine pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité renforce la coordination entre les deux organisations ainsi que le multilatéralisme.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a déclaré que, contrairement aux Nations Unies, les organisation régionales et sous-régionales agissaient bien plus « énergiquement », car elles connaissent mieux que d’autres les particularités de leurs régions et sont les premières bénéficiaires de la paix. Vingt ans après sa création, l’Union africaine dispose de mécanismes appropriés de résolution des conflits, de prévention et de médiation, en complément des mécanismes internationaux. Mais malheureusement, certaines de leurs initiatives de médiation ont été sabotées, notamment en Libye, avec pour conséquences la situation que nous connaissons aujourd’hui, a dit le représentant.
M. Nebenzia a ensuite jugé que la situation reste « problématique » aujourd’hui en Afrique, notamment en termes de terrorisme. Il ne sert à rien de chercher à régler les symptômes si l’on ne cherche pas les causes, qui sont, en Afrique, liées au passé colonialiste et à l’imposition de mesures venues de l’extérieur, a-t-il estimé. Il s’agit ici de répondre au « chantage politique » que subissent les pays africains, parmi lesquels les mesures coercitives unilatérales, les embargos et les injonctions des politiques libérales des institutions de Bretton Woods. Beaucoup de pays en Afrique n’ont pas de liberté politique en ce qui concerne leurs affaires intérieures, y compris dans le domaine de la sécurité, a affirmé le représentant.
M. Nebenzia a ensuite déclaré que les Africains ont « raison » de poser des questions sur le financement des opérations de l’Union africaine autorisées par le Conseil de sécurité. Mais peu importe les décisions qui seront prises, il faudra que les États impliqués puissent avoir une liberté d’action, sans subir les ingérences et impositions de l’extérieur, a-t-il réclamé.
M. FERGAL MYTHEN (Irlande) a constaté qu’un engagement plus profond entre l’ONU et l’Union africaine (UA) permet des développements positifs face aux défis de paix et de sécurité auxquels l’Afrique est confrontée. Ainsi, au Soudan, un mécanisme trilatéral entre l’ONU, l’UA et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) a été créé pour faciliter une solution à la crise sécuritaire en cours. Au Sahel, les Nations Unies et l’UA procèdent à une évaluation conjointe pour renforcer la coordination internationale, et les deux organisations travaillent de manière rapprochée pour trouver une issue négociée au conflit en Éthiopie.
Après avoir appelé l’ONU à continuer à renforcer les capacités de l’UA pour tenter de résoudre certains des problèmes les plus graves de l’Afrique, le représentant a plaidé pour une plus grande collaboration afin de relever les défis mondiaux qui ont un impact sur la paix et la sécurité en Afrique, notamment les crises alimentaire, énergétique et financière qui ont été exacerbées par la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Ces crises imbriquées signifient qu’il faut agir de toute urgence pour fournir aux pays touchés une aide humanitaire immédiate et aborder la question de l’allégement de la dette, a-t-il souligné.
En outre, le Conseil de sécurité doit soutenir les efforts visant à renforcer le rôle central de l’UA pour promouvoir la bonne gouvernance. La récente vague de coups d’État à travers le continent, y compris au Burkina Faso, démontre la nécessité de mieux soutenir les mouvements civiques à travers l’Afrique, dont la pleine protection de la liberté d’expression et de réunion, des élections transparentes et la promotion de l’état de droit. Le représentant a également reconnu la nécessité d’un financement prévisible et durable pour les opérations de paix autorisées par l’ONU et dirigées par l’UA.
M. JUAN GÓMEZ ROBLEDO VERDUZCO (Mexique) a loué les efforts de médiation de l’Union africaine, mettant notamment en exergue le travail actuel visant à promouvoir le dialogue entre le Gouvernement de l’Éthiopie et le Front populaire de libération du Tigré. Il a également salué l’appui de l’UA aux efforts de réconciliation nationale en Libye, notant que la stabilité de ce pays est fondamentale pour la sécurité du Sahel. Le représentant s’est félicité des mesures prises pour promouvoir le programme sur les femmes, la paix et la sécurité sur le continent, dont la formation du réseau des femmes leaders africaines. Il a ensuite appelé à persévérer dans la stratégie « Faire taire les armes », soulignant que la résolution 2616 (2021) établissait des lignes d’action que le Conseil de sécurité pourrait faciliter en vue de renforcer la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre en Afrique.
Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a déclaré que la coordination entre l’UA, l’ONU et d’autres partenaires internationaux est essentielle pour trouver des solutions politiques aux conflits. Elle s’est félicitée des pourparlers prévus et facilités par l’UA concernant le nord de l’Éthiopie et a exhorté le Gouvernement éthiopien et le Front populaire de libération du Tigré à s’engager dans ce processus. Elle a salué la coopération entre les Nations Unies, l’Union africaine et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) pour faciliter une solution politique au Soudan à la suite du coup d’État militaire d’octobre dernier. Prenant l’exemple de la Somalie, la représentante a indiqué que la Mission de transition de l’UA en Somalie (ATMIS) démontre la valeur de la coopération entre l’ONU et l’UA.
En outre, la déléguée a estimé que le partenariat ONU-UA est important pour relever les défis transrégionaux à la stabilité, tels que l’insécurité alimentaire qui touche au moins 130 millions de personnes en Afrique. Elle a ensuite salué les efforts de l’UA concernant les enfants et les conflits armés. Le partenariat UA-ONU est important pour progresser sur ces questions, a-t-elle indiqué.
Mme MONA JUUL (Norvège) a déclaré que l’objectif commun de l’Union africaine et des Nations Unies était de prévenir, d’atténuer et de résoudre les conflits. La combinaison de la connaissance de la situation de l’UA avec les mandats, les outils et les capacités techniques de l’ONU améliore la résolution des conflits et la médiation, a-t-elle ajouté, estimant toutefois qu’il fallait faire davantage, citant le mécanisme trilatéral au Soudan, dans lequel elle a vu un exemple de partenariat efficace entre les envoyés de l’ONU, les représentants de l’UA et les organisations sous-régionales, qui pourrait être développé ailleurs. La représentante a en outre salué le travail continu de l’Union africaine pour renforcer la mise en œuvre du programme femmes, paix et sécurité.
Depuis 2002, l’Union africaine a assumé une plus grande responsabilité dans le maintien de la paix et de la sécurité en Afrique, notamment par le biais d’opérations de soutien de la paix, a rappelé la déléguée, qui a aussi noté que la capacité et la volonté croissantes de l’Union africaine de monter des missions de contre-terrorisme et d’imposition de la paix dans une dynamique de conflit qui évolue rapidement. « L’Union africaine a progressé sur plusieurs fronts. Elle a pris des mesures importantes pour faire en sorte que le Fonds pour la paix soit désormais opérationnel », a souligné la représentante. Celle-ci a également salué la progression de l’Union africaine dans le projet de cadre de conformité avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, grâce à l’élaboration d’un code de conduite, au développement de processus disciplinaires et au début de leur mise en œuvre dans les missions existantes. La Norvège voit dans la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie et la Force conjointe du G5 Sahel des exemples où les cadres de conformité « sont testés et mis en œuvre » et elle soutient ces efforts.
La représentante a par ailleurs réaffirmé l’appui de son pays à l’appel du Secrétaire général en faveur d’un bureau de soutien des Nations Unies pour la Force conjointe du G5 Sahel. Le Conseil ne doit pas hésiter à engager des discussions sérieuses sur un financement prévisible, durable et flexible, y compris pour les missions régionales et celles dirigées par l’Union africaine, a-t-elle ajouté.
Rappelant que les pays africains « détiennent l’expérience et les connaissances essentielles » pour mieux assurer la paix et la stabilité en Afrique, la représentante a répété que la coopération avec l’Afrique était « primordiale » pour traiter les questions de sécurité sur le continent. C’est pourquoi, a-t-elle ajouté, « le Conseil de sécurité doit également refléter les réalités géopolitiques d’aujourd’hui » et c’est pourquoi la Norvège soutient les efforts visant à élargir le Conseil et à augmenter le nombre de sièges permanents et non permanents pour l’Afrique.
M. OSAMA MAHMOUD ABDELKHALEK MAHMOUD (Égypte) a mis l’accent sur le renforcement du partenariat entre l’ONU et l’UA, d’autant que la polarisation « extrême » entre les grandes puissances, la crise énergétique, la rareté croissante de l’approvisionnement en eau, et autres phénomènes récents, sont porteurs de risques. Notant que la relation entre les deux organisations est clairement énoncée au Chapitre VIII de la Charte, il a appelé à traduire engagements et obligations dans les faits, en proposant que les opérations de la paix africaines puissent bénéficier des contributions mises en recouvrement. Il faut prendre des mesures urgentes pour remettre sur les rails le Programme 2030 et l’Agenda 2063, a-t-il ajouté.
Poursuivant, le représentant a constaté que malgré le fait que l’Afrique soit la moins responsable des émissions de gaz à effet de serre, elle subit de plein fouet leurs méfaits comme la sécheresse, les inondations, et le risque d’insécurité alimentaire. Il a mis l’accent sur la responsabilité particulière des deux organisations en matière d’assistance technique et de renforcement des capacités, les invitant par ailleurs à effectuer un travail conjoint de diplomatie préventive. Les États africains sont frustrés par la situation actuelle qui fait qu’ils subissent des pressions croissantes, ce qui les détourne de leurs priorités pressantes, a-t-il ajouté. Il a appelé à une « véritable réforme » du Conseil de sécurité, qui devrait octroyer à chacun la place qui lui échoit sur la scène internationale.
M. KIMIHIRO ISHIKANE (Japon) a estimé qu’au cours des deux dernières décennies, l’Union africaine avait réalisé de grands progrès dans ses efforts pour promouvoir la paix et le développement en Afrique, en collaboration avec les organisations sous-régionales, et en défendant des valeurs et des principes fondamentaux tels que la gouvernance démocratique, l’ordre constitutionnel, les droits de l’homme et l’état de droit. Ceci ne lui a pas pour autant épargné les nouvelles crises mondiales de sécurité humaine. C’est pourquoi il est important que les Nations Unies et les organisations régionales, en particulier l’Union africaine, renforcent leur coopération pour s’attaquer aux causes profondes et aux moteurs de la crise, a déclaré le représentant, qui a appelé à tirer le meilleur parti des avantages comparatifs de chaque organisation. Il a souhaité que la prochaine consultation annuelle entre le Conseil de sécurité et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine serve de plateforme pour exploiter davantage ce vaste potentiel de coopération. M. ISHIKANE a ensuite souligné trois aspects.
Le représentant a d’abord souhaité « un leadership et une appropriation forts ». De ce fait, le soutien international doit se concentrer sur la création et le renforcement des institutions et des capacités humaines à tous les niveaux, a-t-il expliqué. Il a rappelé que le Japon avait annoncé l’investissement de 30 milliards de dollars sur trois ans lors de la récente Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD 8). « Le Japon aspire à être un partenaire qui grandit avec l’Afrique », a-t-il ajouté.
M. ISHIKANE a ensuite préconisé une approche holistique basée sur les liens entre l’humanitaire, la paix et le développement afin de créer des synergies. Il a notamment appelé le système de Nations Unies à mieux intégrer le travail de ses propres entités et à renforcer la coopération avec les institutions financières internationales, le secteur privé et la société civile. Il a rappelé le rôle que peuvent jouer en ce sens la Commission de consolidation de la paix et le Fonds de consolidation de la paix. Enfin, le représentant a appelé à examiner « en profondeur dans une large perspective » les questions liées aux diverses options de financement et d’assistance aux opérations de soutien de la paix menées par des organisations régionales telles que l’UA. Le Japon, a-t-il rappelé, contribue au Fonds pour la paix de l’Union africaine depuis 1996.
M. ISHIKANE a également rappelé l’urgence d’une réforme du système des Nations Unies, et en particulier du Conseil de sécurité, pour en accroître la légitimité et l’efficacité grâce à une « représentation géopolitique plus équilibrée, y compris de l’Afrique ». Le représentant a rappelé le soutien de son pays à la position africaine commune inscrite dans le consensus d’Ezulwini et la Déclaration de Syrte.
Mme MATHU JOYINI (Afrique du Sud), notant que le développement, la paix et la sécurité sont intimement liés, a déclaré que le développement « continuera à nous échapper » tant que la paix et la sécurité ne seront pas garanties. En venant à la coopération entre l’ONU et l’UA, elle a estimé que l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) demeure un modèle à suivre, se félicitant en outre des succès significatifs que connaît la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (ATMIS) grâce à l’appui de l’ONU.
La représentante a ensuite souligné que des processus électoraux libres, transparents et crédibles exigent la prévention de la violence sur le continent, s’inquiétant du « recul » démocratique observé dans plusieurs pays africains. Elle a appelé l’ONU et l’UA à se réformer respectivement, conseillant en outre au Conseil de doter les missions de fonds durables et prévisibles à travers les contributions de recouvrement de l’ONU. Elle a également appelé à garantir la participation de toutes les composantes de la société, y compris les femmes et les jeunes, pour atteindre l’objectif de faire taire les armes. Elle a par ailleurs déploré que la composition actuelle du Conseil de sécurité ne reflète pas le visage du monde actuel, ce qui sape le sens même du partenariat ONU-AU.
M. CHEIKH NIANG (Sénégal) a estimé que le dispositif international de réponse aux conflits en Afrique n’est plus adapté, du fait notamment de la nature des conflits, qui sont plus souvent intraétatiques qu’interétatiques, de la pluralité des acteurs impliqués, de la diversification des moyens de violence et de l’émergence de menaces sécuritaires asymétriques comme le terrorisme et de la criminalité organisée. Ces facteurs ont bouleversé les approches qui ont jadis présidé à l’apparition du maintien de la paix, a estimé le représentant.
L’Union africaine et les organisations sous-régionales africaines ont su démontrer leur détermination et leur capacité à apporter les premières réponses aux crises qui éclatent sur le continent africain, a estimé M. Niang. Toutefois, leur action a été souvent limitée par des contraintes « de nature diverse », parmi lesquelles le représentant a cité « la lancinante question du financement ». Il a jugé préoccupant que cette question soit toujours d’actualité alors que l’Union africaine assume de plus en plus de responsabilités en la matière. Le Sénégal appelle donc une fois de plus à la mise en place de mécanismes de financement prévisibles, durables et flexibles des opérations de soutien à la paix de l’Union africaine autorisées par le Conseil de sécurité au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
Le représentant a rappelé que l’Union africaine avait « posé un jalon important » en vue d’un règlement de la problématique du financement prévisible en portant à 25% sa propre contribution au coût de ses opérations de soutien à la paix. Le Sénégal demande aussi au Conseil de soutenir la proposition de création d’un bureau d’appui spécialisé des Nations Unies en soutien à la Force conjointe du G5 Sahel financé au moyen de contributions onusiennes obligatoires.
Pour M. Niang, les progrès dans la mise en œuvre du Cadre commun ONU-Union africaine sont appréciables en matière de médiation et d’assistance technique électorale, mais doivent encore être approfondis en ce qui concerne la consolidation de la paix et la reconstruction postconflit. Il a cité à cet égard divers aspects relevant de la consolidation de la paix, un point qui, avec la prévention des conflits, est justement une des questions qui fait le plus large consensus au sein de la communauté internationale, « même si le plus souvent ce consensus est plus théoriquement formulé que pratiquement exercé ». La volonté de l’Union africaine de jouer un rôle de premier plan dans ces domaines « doit trouver un répondant dans cette salle du Conseil », a insisté le représentant, qui a rappelé que, bonne connaisseuse des réalités politiques et culturelles africaines, l’Union africaine était « mieux outillée pour agir plus efficacement » en matière d’alerte rapide et de la prévention.
En conclusion, M. Niang a jugé essentiel que les membres africains du Conseil jouent « un rôle plus significatif ».
M. NEVILLE GERTZE (Namibie) a déclaré que le partenariat UA-ONU a été bénéfique à bien des égards, citant notamment l’alignement des priorités de développement. Malgré cela, le continent continue de faire face à une pléthore de défis et de menaces omniprésentes telles que le terrorisme, le crime organisé, l’extrémisme violent, l’insécurité alimentaire et des défis énergétiques et climatiques prononcés. Pour y faire face, il a appelé à déployer des efforts concertés et coordonnés pour mettre à profit le partenariat UA-ONU.
Il s’est inquiété des conséquences dévastatrices des armes légères et de petit calibre, se félicitant de leadership dont a fait preuve l’Afrique en élaborant la Déclaration de Bamako sur la position africaine commune sur la prolifération, la circulation et le trafic illicites des armes légères, précurseur de Programme d’action relatif aux armes légères de l’ONU. Alors qu’il ne reste que sept ans avant l’échéance du programme « Faire taire les armes » sur le continent, il a appelé à élaborer un partenariat sur un pied d’égalité, en tenant dûment compte de la valeur des voix africaines. Le représentant a ensuite regretté que l’Afrique, qui n’occupe pas de siège permanent au Conseil de sécurité, demeure une invitée dans l’hémicycle alors qu’elle représente 17% de la population mondiale. Relevant en outre que l’ordre du jour du Conseil continue d’être dominé par les questions africaines, il a estimé que des partenariats plus solides entre l’UA et l’ONU permettront de renforcer l’inclusivité et la prise de décision.
M. MICHAEL ALEXANDER GEISLER (Allemagne) a constaté que depuis sa création il y a 20 ans, l’Union africaine est rapidement devenue un acteur central et indispensable pour la prévention et la résolution de conflits en Afrique. Il a indiqué que depuis 2006, en appui aux « solutions africaines aux problèmes africains », le Gouvernement allemand a contribué́ au développement institutionnel, à la gouvernance et à de multiples initiatives de l’UA s’élevant à plus de 700 millions d’euros. Le représentant a estimé que les nombreux défis actuels en Afrique, notamment l’instabilité́ politique et l’insécurité, causées par la menace terroriste, la prolifération et répétition de coups d’États, la crise alimentaire mondiale, et souvent renforcées par les changements climatiques, nécessitent une réponse résolue et pluridimensionnelle, avec l’Union africaine en chef de file et un soutien fort et fiable des Nations Unies. Faisant part de son appui aux discussions sur le financement des missions africaines, il a dit être prêt à discuter concrètement la mise en place d’un mécanisme qui permettrait une division des tâches et des coûts juste et efficace entre les deux organisations.
M. OMAR HILALE (Maroc) a relevé que les idéaux de la Charte des Nations Unies galvanisent le partenariat ONU-UA et a appelé à développer l’action africaine collective, en vue de la paix, de la sécurité et de la prospérité. Il a indiqué que depuis son retour dans l’Union africaine en 2017, le Maroc œuvre à promouvoir le partenariat entre les deux organisations, rappelant en outre que son pays assure actuellement la présidence du Conseil de paix et de sécurité de l’UA.
Le représentant a ensuite demandé que les pays africains soient représentés au sein du Conseil de sécurité afin d’y apporter « la parole, l’engagement, et l’action de l’UA », déplorant que les crises africaines soient réglées en l’absence des pays africains. En outre, le délégué a appelé à un financement des opérations de maintien de la paix à travers le budget ordinaire de l’ONU. Il a salué la mise en place du Cadre commun Organisation des Nations Unies-Union africaine pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité, le jugeant plus important que jamais alors que l’Afrique fait face à de très nombreuses crises, dont le réchauffement climatique, les effets de pandémie, et les conflits.